Les Palestiniens devraient-ils quitter leur terre et émigrer dans la Dâr ul-islâm ? - La Palestine est-elle Dâru Islâm, ou bien Dâru Harb ?

Question :

J'ai entendu dire qu'il y a une fatwa demandant aux Palestiniens d'émigrer de leur terre pour se rendre dans les pays musulmans voisins, comme à l'époque du Prophète (alaihi-s-salam) il était demandé aux musulmans vivant à la Mecque de quitter celle-ci pour se rendre dans la Dâr ul-islâm à Médine. Est-ce vrai ? Si oui, qu'en pensez-vous ?

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Réponse :

Les musulmans qui vivaient jusqu'à présent dans la région nommée Palestine doivent-ils en émigrer parce qu'elle est occupée par des forces non-musulmanes ? Cette interrogation revient en fait à demander si l'occupation de cette terre par ces forces en fait une "Dâr ul-harb" ou plutôt "Dâr ul-khawf", ou bien non...

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Un premier avis (fatwa)
: "La Palestine occupée est effectivement une terre dont les musulmans doivent émigrer".

Soit cet avis se fonde sur le fait qu'un musulman a systématiquement le devoir d'émigrer de la Dâr ul-kufr vers la Dâr ul-islâm, et donc à plus forte raison lorsque, dans la première, il subit une persécution, de même qu'une invitation au péché qui ne se trouve pas dans la seconde.

Soit cet avis se fonde sur le fait que par rapport aux musulmans y vivant, la Palestine est devenue une Dâr ul-khawf : un nombre conséquent de Palestiniens (suffisamment conséquent pour qu'on ne puisse pas dire que cela est exceptionnel ou rare) y sont persécutés, abattus (tirs de fusil ou missiles), voient leur maison être rasée. Et les tirs sont volontaires, destinés à faire fuir ces habitants.

Après avoir cité des hadîths où le Prophète (sur lui soit la paix) a dit d'émigrer de la terre non-musulmane pour s'installer dans la terre musulmane (nous en avons cité quelques-uns, avec leur commentaire, dans un autre article), Cheikh Albânî a écrit des lignes allant explicitement dans le sens de ce Premier avis à propos de la Palestine (cf. Silsilat ul-ahâdîth is-sahîha, 6/849-850).

Il s'en prend vivement à "أولئك الخطباء والكتاب والدكاترة" "ces orateurs, écrivains et docteurs*" (…) qui "أمروا الفلسطينيين بالبقاء في أرضهم وحرموا عليهم الهجرة منها، وهم يعلمون أن في ذلك فساد دينهم ودنياهم، وهلاك رجالهم وفضيحة نسائهم، وانحراف فتيانهم وفتياتهم، كما تواترت الأخبار بذلك عنهم بسبب تجبر اليهود عليهم، وكبسهم لدورهم والنساء في فروشهن، إلى غير ذلك من المآسي والمخازي" "ont ordonné aux Palestiniens de demeurer dans leur terre et leur ont interdit d'en émigrer, alors qu'ils savent qu'il y a en cela le fassâd de leur dîn et de leur dunyâ, la mort de leurs hommes, l'avilissement de leurs femmes, la déviance de leurs jeunes hommes et jeunes femmes, conformément aux nouvelles qui parviennent en grand nombre à leur sujet, à cause de la tyrannie de ces juifs (Israéliens) à leur égard, des descentes qu'ils font dans leur maison alors que les femmes sont dans les lits, et autres tragédies et humiliations (…)" (Ibid. p. 855). L'article défini (lâm) que Cheikh Albânî emploie ici devant le nom "al-Yahûd" est un lâm li-l-'ahd (il s'agit plus précisément encore d'un lâm de "العهد الذهني") : cela est courant en langue arabe, et n'a pas de portée universelle.

Cheikh Albânî argumente en citant les versets bien connus, qui font obligation au musulman d'émigrer de la terre où ils n'ont pas la liberté de pratiquer ouvertement leur religion : "إِنَّ الَّذِينَ تَوَفَّاهُمُ الْمَلآئِكَةُ ظَالِمِي أَنْفُسِهِمْ قَالُواْ فِيمَ كُنتُمْ قَالُواْ كُنَّا مُسْتَضْعَفِينَ فِي الأَرْضِ قَالْوَاْ أَلَمْ تَكُنْ أَرْضُ اللّهِ وَاسِعَةً فَتُهَاجِرُواْ فِيهَا فَأُوْلَئِكَ مَأْوَاهُمْ جَهَنَّمُ وَسَاءتْ مَصِيرًا. إِلاَّ الْمُسْتَضْعَفِينَ مِنَ الرِّجَالِ وَالنِّسَاء وَالْوِلْدَانِ لاَ يَسْتَطِيعُونَ حِيلَةً وَلاَ يَهْتَدُونَ سَبِيلاً، فَأُوْلَئِكَ عَسَى اللّهُ أَن يَعْفُوَ عَنْهُمْ وَكَانَ اللّهُ عَفُوًّا غَفُورًا" (Coran 4/97-99).

Al-Albânî cite également le célèbre échange ayant eu lieu entre Salmân et Abu-d-Dardâ' ; il écrit :
"Salmân al-Fârissî (radhiyallâhu 'anh) a d'ailleurs exprimé cette réalité lorsque Abu-d-Dardâ' lui a écrit : "Viens dans la terre sanctifiée !".
Salmân lui répondit alors :
"إنَّ الأرض لا تُقَدِّسُ أحدا، وإنما يُقَدِّسُ الإنسانَ عملُه
" : "La [= une] terre ne sanctifie personne. Ce n'est que l'action de l'homme qui le sanctifie" (Mu'attâ Mâlik 2/235 [n° 1500])"" (Silsilat ul-ahâdîth is-sahîha, 6/850). La "terre sanctifiée" dont parlait Abu-d-Dardâ' est celle de Shâm, car Salmân se trouvait pour sa part en Irak, où il était nâ'ïb de Omar ibn ul-Khattâb (radhiyallâhu 'anhum) (MF 27/144).

Al-Albânî écrit donc que l'important pour le choix du musulman en matière de terre est l'identité des habitants de celle-ci, et non ses murs ("al-'ibratu fi-l-bilâd innamâ hiya bi-s-sukkân, wa layssa bi-l-hîtân").

(* En Silsilat ul-ahâdîth is-sahîha, 7/652-653, on apprend que alors que al-Albânî avait déjà émis de façon orale cette fatwa demandant aux Palestiniens d'émigrer de leur terre, c'est en fait un orateur qui s'était déchaîné contre lui lors d'un discours public, le traitant de plusieurs noms. Ceci explique peut-être la dureté avec laquelle al-Albânî s'en prend à lui dans le passage reproduit ci-dessus.)

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Un second avis (fatwa) : "Les Palestiniens doivent faire tout ce qui est en leur possible pour demeurer sur leur terre".

Répondant à des accusations portées par la secte des Ahbâch lui ayant reproché d'avoir fait les éloges de al-Albânî, Cheikh Qaradhâwî écrit :
"Et je témoigne que Cheikh Albânî est sans aucun doute un grand muhaddith. En témoigne sa production abondante dans la vérification des textes de la Sunna et dans le fait de distinguer ce qui en est authentique de ce qui ne l'est pas. Il a fait à ce sujet des efforts estimables (…), même si parfois j'ai des avis divergents du sien à propos de son application d'authentification à cause de la quantité de voies (turuq), et à propos du fait que parfois il n'accorde pas une grande attention au contenu [des hadîths autant qu'à leurs chaînes de transmission].
Cela dit, j'ai des avis divergents de ceux de Cheikh Albânî à propos de plusieurs de ses déductions dans le fiqh ("istinbâtâtihi-l-fiq'hiyya"), et j'exprime ces divergences. Particulièrement par rapport à ses avis isolés ("mâ yanfaridu bih"), et là où il a un penchant zahirite.
Et c'est pourquoi je n'ai pas été d'accord avec son avis interdisant aux femmes le port d'un bijou en or lorsqu'il est rond (…). J'ai également exprimé mon désaccord avec sa fatwa rendant obligatoire aux habitants de la Cisjordanie et de Gaza d'émigrer de (cette) "Dâr ul-harb" ou "Dâr ul-kufr" vers la Dâr ul-islâm. Ce serait le plus grand service qui puisse être rendu à Israël : vider le pays de ses habitants"
(Fatâwâ mu'âssira, 3/703-704).

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Réponse aux deux arguments sur lesquels le premier avis repose :

Premièrement) Si on retient le second avis, comment comprendre que lorsque Abu-d-Dardâ écrivit à Salmân : "Viens dans la terre sanctifiée", celui-ci lui répondit : "Une terre ne sanctifie personne" ? Cette réponse de Salmân ne montre-t-elle pas, conformément à ce que dit le premier avis, que le fait de continuer à résider dans une terre particulièrement sacrée n'apporte rien au musulman, et donc à plus forte raison s'il y est persécuté en tant que musulman ?

En fait cette réponse de Salmân ("Une terre ne sanctifie personne") signifie que l'homme ne doit pas se suffire de constater et de clamer que la terre où il habite est particulièrement sacrée : le fait de résider dans une telle terre est certes ta'abbudî (de niveau "recommandé", des hadîths existent sur le sujet), mais en tant que moyen élémentaire (juz'î) ayant un objectif : c'est que cela est plus à même de rendre possible l'accomplissement d'actions particulièrement pieuses (le caractère sanctifié de cette terre devant lui en faciliter la réalisation), car "ce n'est que l'action de l'homme qui le sanctifie". Il ne s'agit donc pas pour le musulman de choisir d'habiter dans une terre sanctifiée sans mettre en oeuvre ce pourquoi cela a été recommandé.

La réponse de Salmân fait, de plus, allusion au fait que lorsqu'il est dit qu'il est mieux pour le musulman de résider par exemple à Shâm qu'en Irak, cela concerne le cas où il n'y a pas de maslaha shar'iyya particulière à ce qu'il habite ailleurs : sinon, ce qui est mieux pour lui est d'habiter en cet ailleurs. Dans le cas de Salmân, la maslaha demandant à ce qu'il réside en Irak était qu'il y était nâ'ïb de Omar, comme nous l'avons vu. Une autre maslaha shar'iyya consiste en le fait que, dans une autre terre, le musulman peut faire des actions de plus d'importance que celles qu'il peut faire dans la terre sanctifiée (cliquez ici).

(Un de nos articles est entièrement consacré au commentaire de cette réponse de Salmân.)

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Deuxièmement) Et que répondre au parallèle que le premier avis fait avec le précédent de l'émigration du Prophète et de ses Compagnons de la Mecque, et ce dans la mesure où, même si celle-ci est terre sacrée et aimée de Dieu, ils ont dû en émigrer vu qu'ils n'y étaient pas en sécurité en tant que musulmans (Ibn Hajar a écrit qu'au début, cette émigration était du type "quitter une Dâr ul-khawf pour une Dâr ul-amn" : Fat'h ul-bârî 1/21) ? Si eux ont dû émigrer de la Mecque, les Palestiniens ne devraient-ils pas émigrer à plus forte raison de Jérusalem et ses alentours ?

La réponse des tenants du seconds avis est qu'il y a une grande différence entre le cas du Prophète et de ses Compagnons à la Mecque et celui des Palestiniens en Palestine aujourd'hui, et cette différence empêche l'analogie (fâriq yamna' ul-qiyâs) entre les deux :
La Mecque, dont le Prophète (sur lui soit la paix) et ses Compagnons ont émigré pour se rendre à Médine, était alors une "Dâr ul-kufr" ;
alors que la Palestine continue de bénéficier de la dénomination "Dâr ul-islâm".

Car, certes, une fois devenue "Dâr ul-islâm", un pays, une terre, ne demeure pas forcément "Dâr ul-islâm" pour toujours. Ibn Taymiyya écrit ainsi : "فإن كون الأرض "دار كفر" أو "دار إسلام أو إيمان" أو "دار سلم" أو "حرب" أو "دار طاعة" أو "معصية" أو "دار المؤمنين" أو "الفاسقين": أوصاف عارضة، لا لازمة. فقد تنتقل من وصف إلى وصف كما ينتقل الرجل بنفسه من الكفر إلى الإيمان والعلم وكذلك بالعكس" : "Le fait qu'une terre soit "Dâru kufr ou "Dâru islâm" ou "îmân", ou "Dâru silm" ou "harb", ou Dâru tâ'ah" ou "ma'ssiya", ou "Dâr ul-mu'minîn" ou "al-fâssiqîn" : sont des qualificatifs accidentels ('âridha), non nécessairement inhérents (lâzima) : (la terre) quitte parfois un qualificatif pour un autre. (Cela) comme un homme quitte le kufr pour l'îmân et le 'ilm ; ou l'inverse" (MF 27/45).

Cependant, la Palestine continue, elle, d'être Dâr ul-islâm, malgré l'invasion, l'occupation et la colonisation...

Nous avons déjà vu plus haut les versets 4/97-99 ("إِنَّ الَّذِينَ تَوَفَّاهُمُ الْمَلآئِكَةُ ظَالِمِي أَنْفُسِهِمْ قَالُواْ فِيمَ كُنتُمْ قَالُواْ كُنَّا مُسْتَضْعَفِينَ فِي الأَرْضِ قَالْوَاْ أَلَمْ تَكُنْ أَرْضُ اللّهِ وَاسِعَةً فَتُهَاجِرُواْ فِيهَا فَأُوْلَئِكَ مَأْوَاهُمْ جَهَنَّمُ وَسَاءتْ مَصِيرًا. إِلاَّ الْمُسْتَضْعَفِينَ مِنَ الرِّجَالِ وَالنِّسَاء وَالْوِلْدَانِ لاَ يَسْتَطِيعُونَ حِيلَةً وَلاَ يَهْتَدُونَ سَبِيلاً، فَأُوْلَئِكَ عَسَى اللّهُ أَن يَعْفُوَ عَنْهُمْ وَكَانَ اللّهُ عَفُوًّا غَفُورًا"), qui font obligation aux musulmans d'émigrer de la terre où ils sont persécutés à cause de l'islam, ou bien où ils n'ont pas la liberté de pratiquer ouvertement leur religion, et que al-Albânî a cités pour étayer son avis. Ayant cité lui aussi ces versets, al-Qaradhâwî précise :
"Il faut savoir que ces versets concernent les musulmans qui habitent dans la Dâr ul-kufr. Ils ne concernent pas les musulmans que des non-musulmans attaquent dans la Dâr ul-islâm. Ces musulmans là ont le devoir de rester dans leur terre, d'endurer (sab'r) l'oppression et de ne pas vider pour eux (cette partie de) la Dâr ul-islâm de sorte qu'ils [= les envahisseurs] aient le contrôle d'elle et s'y installent plus fortement encore".
Al-Qaradhâwî cite ensuite un contre-exemple du passé, où l'agresseur a pu chasser les musulmans de la terre (ou les convertir de force à sa religion). Puis il cite quelques exemples d'aujourd'hui, et notamment "les Palestiniens", que Israël "voudrait" chasser de leur terre.
Il dit ensuite, parlant des musulmans vivant dans les pays occupés qu'il a cités : "Il ne leur est pas permis de laisser la terre pour eux [= les envahisseurs]. Car, même si ce sont des non-musulmans qui y font le hukm, elle constitue une partie de la Dâr ul-islâm tant qu'elle reste liée [géographiquement] avec le reste de la Dâr ul-islâm, conformément à l'avis de Abû Hanîfac'est cet avis qui est juste" (Malâmih ul-mujtama' il-islâmî alladhî nanshuduh, p. 121, note de bas de page).

Selon Abû Hanîfa, en effet, certes, une Dâr ul-kufr ne devient Dâr ul-islâm [cas A] que si les lois qui y sont élaborées et appliquées sont islamiques (c'est-à-dire conformes aux principes islamiques, cliquez ici). Par contre, une fois devenue Dâr ul-islâm, une terre ne devient Dâr ul-kufr [cas B] que si 3 conditions sont réunies :
– que les lois y étant élaborées et appliquées ne soient pas islamiques ;
– que les musulmans n'y soient pas en sécurité de par l'ancienne garantie ;
– enfin que ce pays soit relié géographiquement à la Dâr ul-kufr déjà existante.
(Il faut savoir que si dans certains textes hanafites, il y a la dénomination "Dâr ul-harb", cela signifie "Dâr ul-kufr", puisque, selon Abû Hanîfa, il n'existe que deux Dâr : "Dâr ul-islâm" et "Dâr ul-harb".)

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Voici ces 3 conditions correspondant à l'avis de Abû Hanîfa
:

"لا خلاف بين أصحابنا في أن دار الكفر تصير دار إسلام بظهور أحكام الإسلام فيها.

واختلفوا في دار الإسلام، إنها بماذا تصير دار الكفر؟
قال أبو حنيفة: إنها لا تصير دار الكفر إلا بثلاث شرائط،
أحدها: ظهور أحكام الكفر فيها؛
والثاني: أن تكون متاخمة لدار الكفر؛
والثالث: أن لا يبقى فيها مسلم ولا ذمي آمنا بالأمان الأول، وهو أمان المسلمين.
وقال أبو يوسف ومحمد رحمهما الله: إنها تصير دار الكفر بظهور أحكام الكفر فيها"

(Badâ'ï' us-sanâ'ï' 9/519 dans l'édition que je possède).

Dans un autre ouvrage hanafite, on lit ces 3 conditions formulées en les termes suivants :

"بإجراء أحكام أهل الشرك؛
وباتصالها بدار الحرب؛
وبأن لا يبقى فيها مسلم أو ذمي آمنا بالأمان الأول) على نفسه"

(Ad-Durr ul-mukhtâr 6/288).

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Que signifie le passage : "أن لا يبقى فيها مسلم ولا ذمي آمنا بالأمان الأول، وهو أمان المسلمين" ?

–--- D'après Mannâ' al-Qattân, cela désigne le fait que "la peur prend la place de la sécurité [qui régnait auparavant]" : "ay anna-l-khawfa yahullu mahall al-amn" (Iqâmat ul-muslim fî baladin ghayri islâmî, Mannâ' al-Qattân, p. 6).

–--- D'après Khâlid Saïfullâh, cela désigne le fait que, pour être en sécurité, le contrat social conclu auparavant entre l'autorité musulmane et le public de ce pays ne sert plus à rien. Pour être maintenant en sécurité, il faut reconnaître le nouveau pouvoir et donc établir un nouveau contrat social ("mussalmânôn kô ma'mûn rehné ké lié na'ï shahriyyat aur amân kî dharûrat hô" : Islâm aur jadîd ma'âshî massâ'ïl, Khâlid Saifullâh, p. 65).

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Et que signifie "أن تكون متاخمة لدار الكفر" ?

–--- L'interprétation qui en est faite en général est : "أن يكون جزء منها متاخمًا لدار الكفر" ;

En effet, voici ce qu'on lit dans Radd ul-muhtâr : "(قوله وباتصالها بدار الحرب) بأن لا يتخلل بينهما بلدة من بلاد الإسلام: هندية ط" (Radd ul-muhtâr, 6/288). Ceci signifie que si ce pays qui était Dâr ul-islâm mais que des forces non-musulmanes ont réussi à envahir et où elles règnent, possède ne serait-ce qu'un bout de frontière commune avec ce qui constituait déjà une Dâr ul-kufr, à ce moment là la 3ème condition est remplie pour que ce pays cesse d'être Dâr ul-islâm et devienne Dâr ul-kufr. Dès lors, s'il remplit les deux autres conditions et, de plus, n'est plus enclavé par la Dâr ul-islâm mais possède ne serait-ce qu'un bout de frontière commune avec la Dâr ul-kufr, il devient Dâr ul-kufr.
Cela revient à dire que, tant que ce pays qui était Dâr ul-islam et qui est maintenant envahi et occupé, constitue une enclave au milieu d'autres territoires de la Dâr ul-islâm, alors, même s'il remplit les deux autres conditions (zuhûru ahkâm il-kufr, et 'adamu baqâ'ï muslim wa lâ dhimmî âminan bi-l-amân il-awwal), il reste Dâr ul-islâm.

–--- Al-Qaradhâwî a, lui, de ce propos de Abû Hanîfa une interprétation différente : "أن تكون كلها متاخمة لدار الكفر، بحيث لا يبقى جزء منها متاخمًا لدار الإسلام" (c'est ce qui ressort de son propos dans Malâmih ul-mujtama' il-islâmî, p. 121, note de bas de page). Ceci signifie que ce pays qui était Dâr ul-islâm mais que des forces non-musulmanes ont réussi à envahir et où elles règnent, possède uniquement des frontières communes avec la Dâr ul-kufr (et donc n'a plus aucune frontière commune avec la Dâr ul-islâm), à ce moment là la 3ème condition est remplie pour que ce pays cesse d'être Dâr ul-islâm et devienne Dâr ul-kufr.
Cela revient à dire que si ce pays qui était Dâr ul-islâm mais que des forces non-musulmanes ont réussi à envahir et où elles règnent, possède ne serait-ce qu'un bout de frontière commune avec le reste de la Dâr ul-islâm, il reste Dâr ul-islâm. Le résultat est l'exact inverse de la première interprétation.

Selon des ulémas de l'école hanafite, la mer compte aussi comme Dâr ul-kufr par rapport à ce point (Radd ul-muhtâr 6/288, 267).
Peut-être que ces ulémas veulent parler là d'une mer bordant des territoires "Dâr ul-kufr" et non pas des territoires "Dâr ul-islâm"…
Ceci explique que l'Andalousie ait cessé d'être Dâr ul-islâm (après l'avoir été) : après l'achèvement de la Reconquista, elle n'a plus été reliée géographiquement avec le reste de la Dâr ul-islâm, et la mer Méditerranée n'était pas une "mer musulmane".

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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