Est-il autorisé d'avoir recours aux services d'un djinn ? (هل يجوز استخدام الجنّ؟) - Réponse selon les recherches de Ibn Taymiyya et de Ibn ul-Uthaymîn

Question :

Ceux qui "travaillent" avec des djinns (je veux dire par là : qui ont recours aux services d'un ou de djinn(s) pour réaliser certaines choses), est-ce qu'ils font du shirk akbar ?

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Réponse :

Cela dépend des cas.
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Dans certains cas, le recours aux services d'un djinn est effectivement du shirk akbar, vu la nature du pacte existant entre la personne et le djinn.
--- Dans d'autres cas, cela n'est pas du shirk akbar : cela peut alors être malgré tout interdit, et cela peut être autorisé (jâ'ïz).

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I) Deux versets coraniques relatifs au sujet :

Dans un verset du Coran, Dieu relate qu'un groupe de djinns, après avoir entendu le Prophète réciter un passage du Coran, prirent conscience d'un certain nombre de choses ; parmi tout ce qu'ils dirent alors figure ceci : "وَأَنَّهُ كَانَ رِجَالٌ مِّنَ الْإِنسِ يَعُوذُونَ بِرِجَالٍ مِّنَ الْجِنِّ فَزَادُوهُمْ رَهَقًا" : "Il y avait des individus parmi les humains qui cherchaient la protection d'individus parmi les djinns, cela les augmenta alors en rahaq" (Coran 72/6) (d'après l'un des commentaires, "rahaq" veut dire ici "kufr", ou "rébellion" ; les pronoms "ils" et "les" – dans "ils les augmentèrent" – désignent, de façon croisée, soit "ces humains" soit "ces djinns" : les deux combinaisons sont possibles : cf. Tafsîr ul-Qurtubî). Ce verset fait allusion au fait que, avant la venue de l'islam, des Arabes, frappés par la sécheresse, envoyaient l'un d'eux chercher un lieu où il y avait de l'eau et de l'herbe ; ayant trouvé pareil lieu, ils prenaient soin, avant de s'y installer, de s'adresser aux djinns du lieu en ces termes : "Nous recherchons la protection du seigneur de ce oued contre le fait qu'une calamité nous atteigne" : "وقال آخرون: كان أهل الجاهلية إذا قحطوا بعثوا رائدهم؛ فإذا وجد مكانا فيه كلأ وماء، رجع إلى أهله فيناديهم؛ فإذا انتهوا إلى تلك الأرض، نادوا: "نعوذ برب هذا الوادي من أن يصيبنا آفة" - يعنون الجن -؛ فإن لم يفزعهم أحد، نزلوا؛ وربما تفزعهم الجن، فيهربون" (Tafsîr ur-Râzî).
Ceci semble montrer qu'il est strictement interdit de demander quoi que ce soit à un djinn.

Pourtant, dans d'autres passages, Dieu relate à propos du prophète Salomon (sur lui soit la paix) :
--- "وَلِسُلَيْمَانَ الرِّيحَ غُدُوُّهَا شَهْرٌ وَرَوَاحُهَا شَهْرٌ وَأَسَلْنَا لَهُ عَيْنَ الْقِطْرِ وَمِنَ الْجِنِّ مَن يَعْمَلُ بَيْنَ يَدَيْهِ بِإِذْنِ رَبِّهِ وَمَن يَزِغْ مِنْهُمْ عَنْ أَمْرِنَا نُذِقْهُ مِنْ عَذَابِ السَّعِيرِ يَعْمَلُونَ لَهُ مَا يَشَاء مِن مَّحَارِيبَ وَتَمَاثِيلَ وَجِفَانٍ كَالْجَوَابِ وَقُدُورٍ رَّاسِيَاتٍ رَّاسِيَاتٍ اعْمَلُوا آلَ دَاوُودَ شُكْرًا وَقَلِيلٌ مِّنْ عِبَادِيَ الشَّكُورُ فَلَمَّا قَضَيْنَا عَلَيْهِ الْمَوْتَ مَا دَلَّهُمْ عَلَى مَوْتِهِ إِلَّا دَابَّةُ الْأَرْضِ تَأْكُلُ مِنسَأَتَهُ فَلَمَّا خَرَّ تَبَيَّنَتِ الْجِنُّ أَن لَّوْ كَانُوا يَعْلَمُونَ الْغَيْبَ مَا لَبِثُوا فِي الْعَذَابِ الْمُهِينِ" : "Et parmi les djinns il y en a qui travaillaient sous ses ordres, par la permission de son Seigneur. Et celui d'entre eux qui déviait de Notre ordre, Nous lui faisions goûter du châtiment du brasier. Ils fabriquaient pour lui ce qu'il voulait : sanctuaires, statues, plateaux comme des bassins, et marmites ancrées" (Coran 34/12-13) (fabriquer ce genre de sculptures et les garder chez soi n'était pas interdit d'après la Loi mosaïque : cheela.org ; cheela.org).
--- "وَلَقَدْ فَتَنَّا سُلَيْمَانَ وَأَلْقَيْنَا عَلَى كُرْسِيِّهِ جَسَدًا ثُمَّ أَنَابَ قَالَ رَبِّ اغْفِرْ لِي وَهَبْ لِي مُلْكًا لَّا يَنبَغِي لِأَحَدٍ مِّنْ بَعْدِي إِنَّكَ أَنتَ الْوَهَّابُ فَسَخَّرْنَا لَهُ الرِّيحَ تَجْرِي بِأَمْرِهِ رُخَاء حَيْثُ أَصَابَ وَالشَّيَاطِينَ كُلَّ بَنَّاء وَغَوَّاصٍ وَآخَرِينَ مُقَرَّنِينَ فِي الْأَصْفَادِ هَذَا عَطَاؤُنَا فَامْنُنْ أَوْ أَمْسِكْ بِغَيْرِ حِسَابٍ وَإِنَّ لَهُ عِندَنَا لَزُلْفَى وَحُسْنَ مَآبٍ" (Coran 38/34-40).
--- "وَلِسُلَيْمَانَ الرِّيحَ عَاصِفَةً تَجْرِي بِأَمْرِهِ إِلَى الْأَرْضِ الَّتِي بَارَكْنَا فِيهَا وَكُنَّا بِكُلِّ شَيْءٍ عَالِمِينَ وَمِنَ الشَّيَاطِينِ مَن يَغُوصُونَ لَهُ وَيَعْمَلُونَ عَمَلًا دُونَ ذَلِكَ وَكُنَّا لَهُمْ حَافِظِينَ" (Coran 21/81-82).
Et Dieu rappelle que, bien évidemment, "Salomon n'a pas fait de kufr" (Coran 2/102).
Certes, l'assujettissement d'un grand nombre de djinns constituait une spécificité miraculeuse accordée à Salomon (nous y reviendrons plus bas).
Mais ce récit montre clairement que le fait d'avoir recours à des services de djinns ne constitue pas systématiquement du kufr, puisque aucun prophète de Dieu n'a fait du kufr.

Cependant, certes, la question est posée de savoir si avoir recours aux services d'un djinn est autorisée, ou bien si cette autorisation ne vaut pas pour nous, disciples du prophète Muhammad (que Dieu le bénisse et le salue).

En fait, lorsqu'un récit figure dans le Coran ou la Sunna et qu'aucun texte du Coran ou de la Sunna ne vient dire que dans la Shar' de Muhammad c'est une règle différente qui a cours, la règle que communique le récit vaut pour nous aussi (d'après l'avis de la majorité des hanafites et des malikites, ainsi que l'avis retenu par le plupart des hanbalites).
Alors, certes, le Coran relate que le prophète Jacob a accompli une prosternation (de respect) devant son fils Joseph. Cependant, pour le musulman une telle prosternation est strictement interdite, car ayant été déclarée telle dans la Shar' de Muhammad (dans des hadîths plus précisément), et toute prosternation a valeur de culte.

Or, disent certains musulmans, justement, le prophète Muhammad a dit avoir refusé  d'emprisonner un djinn, par égard pour l'invocation faite à Dieu par Salomon (rapporté par al-Bukhârî et Muslim, nous allons voir ce récit en détail plus bas). Même si le fait d'avoir recours à des djinns est relaté dans le Coran au sujet de Salomon, cela est donc, d'après ces musulmans, abrogé dans la Shar' de Muhammad, tout comme la prosternation de simple respect.

Qu'en est-il réellement ? Est-il autorisé d'avoir recours aux services d'un djinn ? Ou l'autorisation en a-t-elle été abrogée par ce hadîth du Prophète ?

Ibn ul-Uthaymîn expose ainsi le principe général :
"وخدمة الجن للإنس ليست محرمة على كل حال، بل هي على حسب الحال"
:

"Le service qu'un djinn rend à l'homme n'est pas interdit systématiquement : cela dépend de la situation" (Al-Qawl ul-mufîd, p. 533).

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II) Distinguer les différents cas de figure existant lorsqu'un humain demande une assistance à un djinn et/ou lorsqu'un djinn apporte son assistance à un humain :

soit la demande que l'humain fait au djinn est une demande qu'un adorateur adresse à celui qu'il adore, et l'assistance que le djinn lui accorde est celle d'un être adoré qui exauce (istijâba) la demande de celui qui lui rend un culte ;

soit la demande que l'humain lui adresse est une demande qu'un être servi adresse à son serviteur (ou qu'un égal adresse à son ami égal), et l'assistance ('awn) que le djinn lui rend est celle qu'un serviteur fait pour celui qu'il sert (ou celle qu'un ami fait pour son égal).

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1) Soit la demande que l'humain fait au djinn est une demande qu'un adorateur adresse à celui qu'il adore, et l'assistance que le djinn lui accorde est celle d'un être adoré qui exauce (istijâba) la demande de celui qui lui rend un culte :

Cela constitue du shirk akbar.

Ce cas de shirk akbar a été évoqué par Ibn Taymiyya ainsi : "ومما يتقرب به إلى الجن: الذبائح. فإن من الناس من يذبح للجن. وهو من الشرك الذي حرمه الله ورسوله. وروي أنه نهى عن ذبائح الجن" (Majmû' ul-fatâwâ, 19/52).

La relation établie entre l'humain et le djinn constitue de l'adoration ('ibâda) de ce dernier (donc du shirk akbar) quand :
soit l'humain fait le sacrifice d'un animal au nom du djinn, pour s'attirer les bonnes grâces de celui-ci (il faut ici mentionner que certains djinns vont jusqu'à demander le sacrifice d'un humain de la famille : si la personne accepte le pacte, le djinn tue ensuite le proche désigné, lequel meurt d'une façon inexplicable pour les humains ; parfois certaines personnes offrent au djinn le bébé que leur compagne attend : le djinn tue alors l'enfant encore dans le ventre de sa maman ; tout cela existe à l'île de La Réunion) ;
soit l'humain se prosterne devant une statue représentant ce djinn (ou une pierre spécifique le symbolisant) ;
soit l'humain lui adresse une demande de type "invocation" ("du'a") (cliquez ici) ;
soit l'humain fait vis-à-vis du djinn un autre des mazinnât ush-shirk il-akbar (cliquez ici).

La demande de protection à laquelle le verset 72/6 (voir plus haut) fait allusion relève du du'â. En effet, ce ne peut être qu'à Dieu qu'on demande la protection contre une calamité (du genre d'une sécheresse, ou d'une crue, ou d'une tornade, ou de l'attaque d'ennemis, etc.). Ce genre de demande, adressée à des djinns, constituait du shirk akbar de la part de ces humains.

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2) Soit la demande que l'humain lui adresse est une demande qu'un être servi adresse à son serviteur (ou qu'un égal adresse à son ami égal), et l'assistance ('awn) que le djinn lui rend est celle qu'un serviteur fait pour celui qu'il sert (ou celle qu'un ami fait pour son égal) :

Ce n'est alors pas du shirk akbar.

Les djinns servant Salomon lui étaient assujettis (donc étaient ses serviteurs).
Pareillement, le djinn en relation avec la dame à Médine (nous verrons le récit plus bas) était soit un serviteur soit un ami.

Pour autant, si ce genre de demande n'est pas du shirk, il n'en devient pas systématiquement autorisé d'avoir recours aux services d'un djinn dans tout cas de figure "2" : il existe, dans ce cas "2", plusieurs cas de figure, certains étant autorisés, d'autres déconseillés, d'autres encore catégoriquement interdits.

En fait tout tourne autour des deux critères suivants…

--- Premièrement) Pour quelle raison ce djinn apporte-t-il son assistance à cet humain qui ne lui rend pas de culte ?

Il y a ici 4 possibilités :
2.1) soit parce que, de l'assistance qu'il apporte à cet humain, ce djinn retire une contrepartie d'ordre temporel qui est interdite (comme le fait que cet humain fasse du shirk vis-à-vis d'un autre que ce djinn, mais cela réjouit quand même ce djinn, ou encore comme le fait d'avoir des relations intimes avec cet humain) ("والأغرب من ذلك أنهم ربما يخدمون الإنس لأمر محرم من زنا أو لواط، لأن الجنية قد تستمتع بالإنسي بالعشق والتلذذ بالاتصال به، أو بالعكس. وهذا أمر معلوم مشهود، حتى ربما كان الجني الذي في الإنسان ينطق بذلك، كما يعلم من الذين يقرؤون على المصابين بالجن" : Al-Qawl ul-mufîd, p. 533 ; voir aussi MF 13/83) ;
2.2) soit parce que ce djinn retire de l'assistance qu'il apporte une contrepartie d'ordre temporel qui est en soi autorisée (comme le fait qu'on lui enseigne quelque chose) ("فالجني يخدم الإنس في أمور لمصلحة الإنس؛ وقد يكون للجن فيها مصلحة" : Al-Qawl ul-mufîd, p. 533) ;
2.3) soit parce que le djinn aide cet humain de son plein gré, pour la cause de Dieu, sans attendre aucune contrepartie d'ordre temporel ("فالجني يخدم الإنس في أمور لمصلحة الإنس؛ وقد يكون للجن فيها مصلحة؛ وقد لا يكون له فيها مصلحة، بل لأنه يحبه في الله ولله. ولا شك أن من الجن مؤمنين يحبون المؤمنين من الإنس لأنه يجمعهم الإيمان بالله" : Al-Qawl ul-mufîd, p. 533) ;
2.4) soit parce que ce djinn est assujetti à cet humain, et le sert donc parce qu'il y est forcé ; c'était le cas de djinns assujettis à Salomon (nous allons fournir les références plus bas).

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--- Deuxièmement) En quoi consiste l'assistance que ce djinn apporte à cet humain qui ne l'adore pas mais lui commande ou lui demande d'égal à égal ?

Il y a ici 3 possibilités (exposés par Ibn Taymiyya et repris par Ibn ul-'Uthaymîn) :
2.A) soit l'assistance que le djinn apporte à l'humain est de lui faire obtenir quelque chose d'ordre temporel qui est interdit (comme apporter à cet humain de l'argent dérobé à un autre humain ; ou comme causer du tort à un autre humain, pour qui le premier humain éprouve une inimité injustifiée) ;
2.B) soit l'assistance que le djinn apporte à l'humain est de lui faire obtenir quelque chose d'ordre temporel qui est autorisé (comme lui apporter des biens matériels lui appartenant, ou lui indiquer le lieu où se trouve des biens matériels n'appartenant à personne et étant mubâh, ou repousser qui lui fait du tort : MF 13/87 ; ou encore soigner, par intervention directe sur l'intérieur physique du malade, certaines affections physiques ou psychosomatiques). Relevait de ce cas 2.2 : ce que les djinns assujettis à Salomon faisaient pour lui ;
2.C) soit l'assistance que le djinn apporte à l'humain est d'ordre religieux, et il s'agit de quelque chose que Dieu a rendue recommandée ou obligatoire (comme le fait d'aider cet humain à faire parvenir le message de l'islam, en communiquant celui-ci à d'autres djinns).
Voici l'écrit de Ibn ul-Uthaymîn :
"وقد ذكر شيخ الإسلام ابن تيمية رحمه الله أن استخدام الإنس للجن له ثلاث حالات:
الحال الأولى: أن يستخدمهم في طاعة الله، كأن يكون له نائبا في تبليغ الشرع. فمثلا: إذا كان له صاحب من الجن مؤمن يأخذ عنه العلم، ويتلقى منه. وهذا شيء ثبت أن الجن قد يتعلمون من الإنس، فيستخدمه في تبليغ الشرع لنظرائه من الجن، أو في المعونة على أمور مطلوبة شرعا. فهذا لا بأس به، بل إنه قد يكون أمرا محمودا أو مطلوبا، وهو من الدعوة إلى الله عزوجل. والجن حضروا النبي صلى الله عليه وسلم وقرأ عليهم القرآن، وولوا إلى قومهم منذرين. والجن فيهم الصلحاء والعباد والزهاد والعلماء، لأن المنذر لا بد أن يكون عالما بما ينذر، عابدا مطيعا لله سبحانه في الإنذار.
الحال الثانية: أن يستخدمهم في أمور مباحة، مثل أن يطلب منهم العون على أمر من الأمور المباحة. قال: فهذا جائز بشرط أن تكون الوسيلة مباحة؛ فإن كانت محرمة، صار حراما، كما لو كان الجني لا يساعده في أموره إلا إذا ذبح له أو سجد له أو ما أشبه ذلك. ثم ذكر ما ورد "أن عمر تأخر ذات مرة في سفره، فاشتغل فكر أبي موسى، فقالوا له: إن امرأة من أهل المدينة لها صاحب من الجن، فلو أمرتها أن ترسل صاحبها للبحث عن عمر، ففعل، فذهب الجني، ثم رجع، فقال: إن أمير المؤمنين ليس به بأس، وهو يسم إبل الصدقة في المكان الفلاني"؛ فهذا استخدام في أمر مباح.
الحال الثالثة: أن يستخدمهم في أمور محرمة، كنهب أموال الناس وترويعهم، وما أشبه ذلك. فهذا محرم، ثم إن كانت الوسيلة شركا صار شركا، وإن كانت وسيلته غير شرك صار معصية، كما لو كان هذا الجني الفاسق يألف هذا الإنسي الفاسق ويتعاون معه على الإثم والعدوان؛ فهذا يكون إثما وعدوانا، ولا يصل إلى حد الشرك"
(Al-Qawl ul-mufîd, pp. 545-546).

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--- En croisant ces deux catégories de possibilités, on obtient 12 cas de figure théoriques.

Je dis bien "théoriques", car certains de ces cas sont impossibles eu égard au fait que l'une des deux catégories y entre en contradiction avec l'autre. Ainsi en est-il du cas 2.3.A : l'assistance que ce djinn apporte à cet humain est l'obtention d'un bénéfice temporel interdit, comme dérober l'argent appartenant à autrui, ou avoir des relations intimes (2.A) ; et ce djinn apporterait cette assistance de son plein gré, pour Dieu, et sans contrepartie d'ordre temporel aucune (2.3) ? Cela est bien évidemment impossible, car qui aime quelqu'un d'autre pour l'amour de Dieu ne peut lui apporter une assistance qui consiste à désobéir à Dieu).

Mis à part cela, voici ce que l'on peut dire de ces différents cas de figure...

Tous les cas contenant le "2.1" sont interdits (que ce soit le cas 2.1.A, 2.1.B, 2.1.C), car consistant à offrir au djinn une contrepartie qui est interdite.

De même, tous les cas contenant le "2.A" sont eux aussi interdits (que ce soit le cas 2.1.A, 2.2.A, 2.3.A ou 2.4.A), car consistant en le fait de retirer du djinn une assistance interdite.

6 cas sont ainsi d'ores et déjà éliminés... Il est à noter que ces cas sont interdits même si cela ne va pas jusqu'au shirk. Ibn ul-'Uthaymîn écrit ainsi : "الحال الثالثة: أن يستخدمهم في أمور محرمة، كنهب أموال الناس وترويعهم، وما أشبه ذلك. فهذا محرم. ثم إن كانت الوسيلة شركا صار شركا؛ وإن كانت وسيلته غير شرك صار معصية، كما لو كان هذا الجني الفاسق يألف هذا الإنسي الفاسق ويتعاون معه على الإثم والعدوان: فهذا يكون إثما وعدوانا ولا يصل إلى حد الشرك" (Al-Qawl ul-mufîd, p. 546).

Restent donc 6 autres cas...

– Pour ce qui est du cas 2.3.C, c'est ce qui s'est produit avec le prophète Muhammad (sur lui soit la paix) : des djinns ont transmis à d'autres djinns le message qu'il a apporté (2.C), et ces djinns l'ont fait sans contrepartie temporelle aucune (2.3). Comme nous l'avons dit au tout début, un groupe des djinns ayant entendu sa récitation du Coran devinrent musulmans et retournèrent auprès des leurs leur prêcher ; ceci est relaté dans le Coran (46/29-32, et 72/8-10). Cela est donc non seulement autorisé mais même souhaitable, voire nécessaire globalement.

Et que dire des 5 cas restants ?

Que dire du cas "2.B" – le djinn apporte une assistance d'ordre temporelle qui n'est pas en soi interdite – : est-il ainsi autorisé de prendre d'un djinn une assistance temporelle (non-interdite en soi) ?
Il y a ici 3 possibilités théoriques, selon les motivations qui poussent ce djinn à apporter cette assistance à cet humain ; en effet, le djinn apporte cette assistance :
parce que cet humain lui donne en contrepartie quelque chose qui n'est pas interdit (2.2.B) ;
– par recherche d'une récompense auprès de Dieu, récompense qu'il espère obtenir en apportant son aide à un humain qu'il aime pour Dieu (2.3.B) ;
parce qu'il est assujetti à cet humain (2.4.B).

– Et que dire du cas "2.4" – le djinn apporte son assistance (qui n'est pas interdite) parce qu'il est assujetti à cet humain – : est-il ainsi autorisé d'assujettir un djinn, donc de le mettre à son service contre son gré ?
Il y a ici 2 possibilités théoriques, selon la nature de l'assistance que ce djinn apporte à cet humain ; en effet, le djinn ainsi assujetti :
apporte à cet humain une assistance d'ordre temporelle qui n'est pas en soi interdite (2.4.B) ;
apporte à cet humain une assistance d'ordre religieux (2.4.C).

Nous allons aborder ces deux questions ci-après... Mais d'abord il nous faut parler d'un événement survenu avec le prophète Muhammad et dans lequel il a fait allusion à son frère le prophète Salomon (sur eux soit la paix)...

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III) Quand un djinn attaqua le prophète Muhammad (sur lui soit la paix) :

Deux événements se sont déroulés dans la vie de Salomon qui l'ont amené à demander à Dieu de pouvoir exercer un règne particulier. L'un concerne son passage en revue de chevaux, l'autre son souhait d'avoir de nombreux fils pouvant servir dans le chemin de Dieu (voir Coran 38/31-34 : la nature de la seconde épreuve fait néanmoins l'objet d'avis divergents).
Ayant été éprouvé par ces deux événements, il invoqua Dieu en ces termes : "Seigneur, pardonne-moi, et accorde-moi un royaume qui ne conviendra à personne après moi ; Tu es Celui qui accorde." Juste après nous avoir relaté cette invocation, Dieu nous dit : "Nous lui assujettîmes alors le vent qui, par Son ordre, soufflait modérément là où il le voulait ; de même que les djinns ("shayâtîn"), constructeurs et plongeurs de toutes sortes ; et d'autres, entravés dans des chaînes" (Coran 38/36-38) (ces "âkharîna muqarranîna fi-l-asfâd" seraient "probablement", dit Cheikh Thânwî, ceux qui refusaient de faire les services demandés, ou y faisaient preuve de manquements : Bayân ul-qur'ân 10/9 ; et il s'agissait, d'après Cheikh Thânwî, de djinns kâfir : c'est apparemment ce que désigne le mot "shayâtîn" ayant été employé dans le Coran).

Dans d'autres passages du Coran, Dieu décrit la même réalité : "Et à Salomon (Nous avons assujetti) le vent, qui, impétueux, se déplaçait sur la terre que Nous avons bénie. Et Nous sommes de toute chose Savant. Et parmi les djinns ("shayâtîn") il y en a qui plongeaient pour lui, et faisaient des choses autres. Et Nous étions Surveillant d'eux" (Coran 21/81-82).

"Et à Salomon (Nous avons assujetti) le vent, dont le parcours du matin équivaut au parcours d'un mois [de marche]. Et Nous avions fait couler pour lui la source de cuivre. Et parmi les djinns il y en a qui travaillaient sous ses ordres, par la permission de son Seigneur. Et celui d'entre eux qui déviait de Notre ordre, Nous lui faisions goûter du châtiment du brasier. Ils fabriquaient pour lui ce qu'il voulait : sanctuaires, statues, plateaux comme des bassins, et marmites ancrées" (Coran 34/12-13). "Dévier de Notre ordre" ici mentionné concerne :
soit l'ordre d'apporter foi en l'unicité de Dieu et en le caractère véridique du messager du moment ; la menace du châtiment du brasier concerne alors l'au-delà ; le verset signifie que bien qu'ils fassent les travaux auxquels ils étaient obligés, s'ils restaient kâfir dans l'au-delà c'est le brasier qui les attend ;
soit l'ordre de devoir servir Salomon (Bayân ul-qur'ân 9/5) ; la menace du châtiment du brasier décrit alors, si on retient que c'étaient des djinns kâfir qui lui avaient été assujettis, une punition temporelle.

C'est bien parce que ces djinns y étaient assujettis que lorsqu'ils ont su, longtemps après, que le prophète Salomon était mort appuyé sur sa canne, qu'ils se dirent que s'ils connaissaient l'invisible, ils ne seraient pas restés dans le supplice humiliant (Coran 34/14), c'est-à-dire cette servitude.

Ceci relève donc de cette "royauté qui ne conviendra à personne après" Salomon.

Or, à son époque, le prophète Muhammad (sur lui soit la paix) raconta un matin à ses disciples ce qui lui était arrivé durant la nuit. Il dit : "Un djinn redoutable s'en est pris à moi hier soir, afin d'interrompre ma prière. Dieu me donna la dessus sur lui. J'ai alors eu l'intention de l'attacher à l'un des poteaux de la mosquée, de sorte que chacun de vous, ce matin, le voie. Puis je me suis souvenu de la parole de mon frère Salomon : "Seigneur [...] accorde-moi un royaume qui ne conviendra à personne après moi" ; je l'ai alors renvoyé humilié" (al-Bukhârî 449 etc., Muslim 541).

Certains musulmans ont vu dans ce verset évoquant l'acceptation, par Dieu, de la demande faite par Salomon d'obtenir un royaume que personne n'aurait après lui, une impossibilité – d'ordre takwînî – quant au fait de pouvoir réaliser l'assujettissement (tas'khîr) d'un djinn.

Or cela ne contredit pas le verset sur le plan takwînî : ce qui a été donné à Salomon et n'a été donné à personne après lui, c'est l'assujettissement d'une part d'une impressionnante quantité de djinns (et non d'un seul ou de quelques-uns), et aussi, d'autre part, du vent, comme le montre explicitement le passage coranique (Coran 38/36-38) ; même les oiseaux lui étaient assujettis (cf. Coran 27/17). Par ailleurs, ces djinns lui ont été assujettis sans qu'il n'ait rien à entreprendre (Kitâb un-nubuwwât, pp. 318, 398). Assujettir un djinn, et ce par le biais d'une action autorisée, ne contredit donc pas, d'un point de vue takwînî, cette spécificité que Dieu a accordée à Salomon.

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D'autres musulmans se sont dit que le fait que le Prophète a récité le verset évoquant la demande de Salomon, cela signifie qu'il voulait dire qu'emprisonner un djinn relève des prérogatives accordées par Dieu à Salomon et qu'il lui était, à lui le prophète Muhammad, interdit de le faire. Ces musulmans ont alors déduit de cela :
– soit une interdiction, dans la Shar' de Muhammad, de prendre un service de type "2.B" avec un djinn (même si c'est sans l'avoir assujetti) ;
– soit une interdiction, dans la Shar' de Muhammad, de réaliser le cas "2.4", c'est-à-dire d'assujettir un djinn (même si ce n'est pas pour prendre un service de lui, istikhdâm).

Mais qu'en est-il réellement ?

Déjà ce qu'on peut dire au premier abord c'est que si le Prophète a repoussé et terrassé le djinn venu l'attaquer, c'est parce que cela relève du fait de repousser l'agresseur (daf' us-sâ'ïl) (MF 19/51), ce qui est légal de façon universelle (cliquez ici et ici). C'est l'emprisonner par la suite que le Prophète a évité, par égard aux prérogatives de Salomon (MF 13/89).

Serait-il donc interdit dans la Shar' de Muhammad d'assujettir un djinn sans l'employer pour des travaux temporels (car ce que le prophète Muhammad aurait pu faire mais n'a pas fait aurait consisté seulement en le fait d'assujettir le djinn agresseur, sans forcément l'employer pour des travaux personnels) ?
Et serait-il interdit dans la Shar' de Muhammad d'employer un djinn pour des travaux temporels, même s'il n'est pas assujetti (et fait ces travaux en échange d'une contrepartie d'ordre temporel non-interdite, ou le fait par espoir de récompenses dans l'au-delà) ?
C'est ce que nous allons voir dans les deux points qui suivent...

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IV) Est-il autorisé pour un disciple du prophète Muhammad de prendre d'un djinn une assistance d'ordre temporelle qui n'est pas en soi interdite (cas 2.B) ?

Nous l'avons vu, la relation du prophète-roi Salomon avec des djinns relevait du cas 2.4.B (les djinns lui apportaient une assistance d'ordre purement temporel, et ils lui étaient assujettis).

Ibn Taymiyya fait allusion au célèbre hadîth où le prophète Muhammad (sur lui soit la paix) relate avoir eu le choix entre le fait de devenir un "prophète-roi" ou un "serviteur-messager" puis avoir choisi le second. Puis Ibn Taymiyya écrit que c'est la raison pour laquelle le prophète Muhammad n'a jamais eu recours aux services d'un djinn pour obtenir d'eux des avantages d'ordre temporel (2.B). En effet, et nous l'avons déjà vu plus haut, des djinns ne l'ont "servi" que dans la mesure où ils ont transmis le message qu'il a apporté à d'autres djinns (2.C), et ils l'ont fait sans contrepartie temporelle aucune (2.3) : c'était donc le cas 2.3.C qui concernait le prophète Muhammad, à la différence du prophète-roi Salomon, qui, lui, pratiquait le cas 2.4.B...

Cependant, pour les membres de la Umma du prophète Muhammad, est-il interdit d'avoir recours aux services d'un djinn dans le cadre "2.B" ?

Non, cela n'est pas interdit – même si cela n'est pas non plus ce qu'il y a de mieux.

Ibn Taymiyya écrit ainsi : "Ceux qui font istikhdâm des djinns dans les mubâhât, (cela) ressemble à la istikhdâm de Salomon. (...) Le Prophète (...) n'a donc pas fait istikhdâm des djinns du tout, mais il les a invités à la foi, a récité devant eux le Coran, leur a fait parvenir le message, et a fait bay'a, comme il l'a fait avec les humains. Ce qui a été accordé au Prophète est plus auguste que ce qui a été accordé à Salomon : il a eu recours au service de djinns et d'humains pour l'adoration de Dieu Seul et pour leur réussite dans ce monde et dans l'autre, pour l'obtention de la Face de Dieu et la recherche de Son Contentement, et pas pour un intérêt dont il aurait profité ; il a donné préférence au fait d'être un serviteur-messager sur le fait d'être un prophète-roi. David, Salomon et Joseph sont des prophètes-rois. Et Abraham, Moïse, Jésus et Muhammad sont des messagers-serviteurs ; cela est plus méritoire (…)" (MF 13/89).

Ibn Taymiyya a d'ailleurs cité le récit selon lequel, une fois, alors que lui et d'autres Compagnons cherchaient partout le calife Omar ibn ul-Khattâb en vain, Abû Mûssâ al-ash'arî finit par demander à une dame de Médine qui avait un qarîn djinn d'envoyer celui-ci rechercher où le calife se trouvait. La dame obtint alors du djinn l'information que Omar se trouvait à tel endroit, occupé à marquer les chameaux donnés en aumône (Majmû' ul-fatâwâ 19/63) (voir aussi Al-Qawl ul-mufîd, Ibn ul-'Uthaymîn, pp. 534, 546).

Chacun sait que Mu'âwiya a teinté le califat de royauté, et que le califat 'alâ minhâj in-nubuwwa a pris alors fin (cliquez ici). Cependant, un avis sur le sujet – celui de Abû Ya'lâ – est que le fait pour le calife de ne pas être roi est recommandé et non pas obligatoire (MF 35/25-27). D'autres avis existent (MF 35/25-27). D'après l'avis de Abû Ya'lâ, être un calife-roi – à condition que l'on reste dans la justice vis-à-vis des membres de la société – est donc moins méritoire, moins bien, que le fait d'être un calife sur le modèle du mode de vie simple du Prophète.

Ceci ressemble à la parole du Prophète : "Je ne mange pas en étant appuyé, je ne mange que comme mange l'esclave ('abd)". Il n'est pas interdit de manger en s'appuyant sur quelque chose ; mais le Prophète (sur lui soit la paix) a choisi ce qui était plus proche de la stature d'un serviteur que de celle d'un maître, et ce dans le droit fil de son choix d'être un "serviteur-messager" plutôt qu'un "prophète-roi". D'ailleurs, une version du hadîth en question, relatée par Aïcha, se lit ainsi : "Le Prophète a dit : "Un ange est venu à moi (...) et a dit : "Ton seigneur te salue et dit : "Si tu le veux, (tu seras) un prophète-esclave, et si tu le veux, (tu seras) un prophète-roi."" J'ai alors regardé Gabriel. Il m'a fait signe d'être humble." Aïcha dit : "Le Messager de Dieu, après cela, ne mangeait plus en étant appuyé ; il disait : "Je mange comme mange l'esclave, et je m'assieds comme s'asseoit l'esclave"" (rapporté par al-Baghawî dans Shar'h us-sunna : cf. Mishkât ul-massâbîh, n° 5835-5836).

Quelque chose qui semble voisin : Omar ibn ul-Khattâb, voyant l'extrême sobriété régnant dans la pièce où le Prophète s'était retiré quand ses épouses l'avaient trop pressé quant au matériel, lui dit : "Chosroès et César [= le Basileus] sont dans les fruits et les ruisseaux, et toi tu es le messager de Dieu et Son élu, et voilà ce que tu possèdes". Entendant cela, le Prophète se redressa et lui dit : "Dans cette [façon de voir], toi, ô fils de al-Khattâb ? N'es-tu pas satisfait que nous ayons l'au-delà et eux ce monde ?" (Muslim 1479, etc.).
Cela ne veut pas dire que si un musulman fait sciemment des efforts pour chercher à obtenir l'aisance matérielle dans ce monde, il n'aura rien dans l'au-delà.
Cela veut dire que le Prophète voulait se contenter de ce qu'il pouvait avoir facilement ici-bas (et ne pas se préoccuper d'obtenir ce qui n'est pas en soi recommandé et est superflu, min fudhûl-mubâh) pour avoir plus là-bas (par le fait de pouvoir libérer de l'énergie et du temps et les consacrer à autre chose que l'enrichissement). Maintenant si un musulman fait des efforts pour acquérir l'aisance matérielle licite (hors cas de nécessité – dharûriyyât et hâjiyyât), il ne fait rien d'interdit : simplement le mieux (awlâ) est de se contenter du minimum nécessaire, et ce afin, comme nous l'avons dit, de pouvoir libérer de l'énergie et du temps et les consacrer à autre chose que l'enrichissement (cliquez ici pour en savoir plus).

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V) Et est-il autorisé d'assujettir un djinn pour qu'il apporte son assistance (cas 2.4),(que ce soit une assistance d'ordre temporel et non-interdite - 2.4.B - , ou une assistance d'ordre religieux - 2.4.C -) ?

Ce qui est certain c'est que le fait pour un humain d'assujettir un djinn par le biais de la prononciation de litanies relevant du shirk (consistant par exemple en des invocations adressées à des chefs djinns pour qu'ils obligent un de leurs semblables leur étant soumis à servir cet humain) est bien entendu interdit. Ce n'est donc pas de cela que nous parlons ici, mais de tout ce qui peut conduire à l'assujettissement d'un djinn sans recours à du shirk.

Ibn Taymiyya écrit en substance que ce que Salomon a fait vis-à-vis des djinns qui étaient à son service contre leur gré, c'était "mithlu istikh'dâm il-assîr il-kâfir" (Kitâb un-nubuwwât, p. 318). On en déduit qu'assujettir un djinn pour qu'ensuite il soit au service de la personne cela est comparable au fait de l'emprisonner. Les règles relatives à cela s'appliquent donc à ce cas aussi.

Pourquoi le Prophète a-t-il refusé d'emprisonner le djinn qu'il avait terrassé ? En fait la raison de son refus, il l'a clairement exposée, il nous suffit de la lire : dans un premier temps il avait eu l'intention de l'emprisonner, mais ensuite c'est par égard pour la demande adressée par Salomon à Dieu d'obtenir un royaume qui ne conviendrait à personne après lui qu'il l'a relâché et renvoyé, humilié ;  il a dit : "J'ai alors eu l'intention de l'attacher à l'un des poteaux de la mosquée, de sorte que chacun de vous, ce matin, le voie. Puis je me suis souvenu de la parole de mon frère Salomon : "Seigneur [...] accorde-moi un royaume qui ne conviendra à personne après moi" ; je l'ai alors renvoyé humilié". Il ne semble pas y avoir ici abrogation de la part du Prophète d'une action relatée à propos d'un prophète antérieur, ni institution, pour ses disciples, d'une voie d'action distincte de celle de ce prophète antérieur, mais simple égard (ri'âya) pour la globalité (itlâq) de la demande (du'â) de ce prophète antérieur.

Le fait est que même si le prophète Muhammad l'avait emprisonné, cela n'aurait pas réellement contredit le souhait du prophète Salomon, puisque, comme nous l'avons vu, Salomon avait assujetti une grande quantité de djinns, et ce sans aucune action de sa part, à quoi s'ajoutait le service du vent et d'oiseaux. Alors que dans le cas du prophète Muhammad il ne se serait agi que d'un seul djinn, et encore il avait dû le terrasser parce qu'il était venu l'agresser.

De plus, Salomon employait (istikhdâm) ces djinns assujettis, pour des travaux temporels. Alors que le prophète Muhammad aurait seulement emprisonné le djinn qu'il avait terrassé, sans forcément l'employer pour des travaux temporels.

Mais en fait, c'est même dans cet élément partiel, et dans la forme, que le prophète Muhammad a préféré ne pas contredire le souhait de Salomon que personne n'ait la même chose que lui. Cheikh Thânwî écrit : "واما ما ورد في الحديث، فلا ينافي ذلك، لأنه أراد كمال رعاية دعوته حيث راعى صورته الإطلاقية. فافهم" (Bayân ul-qur'ân, 10/9).

On ne peut donc pas dire que même si le Coran relate que le prophète Salomon en a bénéficié, le fait d'assujettir un djinn ou de prendre des services avec un djinn (pas forcément assujetti) a été abrogé dans la Shar' de Muhammad.

Maintenant, cela veut-il dire qu'assujettir des djinns soit quelque chose de bien, de souhaitable ?

At-Thânwî a écrit ceci : "L'existence des djinns est chose certaine. Et ils peuvent être assujettis (mussakhkhar). Mais les assujettir [c'est-à-dire : les rendre tâbi*] n'est pas autorisé, car cela revient à, sans nécessité shar'î, faire un effet, par la force, sur le cœur d'autrui ; ce qui n'est pas autorisé" (Ashraf ul-'amaliyyât, p. 123 ; la phrases entre les crochets est du compilateur lui-même). Cette dernière phrase de at-Thânwî montre que dans la seconde phrase, "peuvent être assujettis" désigne la "possibilité" et non pas la "permission".

Cependant, at-Thânwî lui-même a écrit ailleurs ceci : "Une fois, pendant la période d'études, j'ai demandé à Mawlânâ Ya'qûb : "Hazrat, y a-t-il une opération par laquelle des djinns deviennent assujettis (tâbi') ?" Il m'a répondu : "Cela existe, mais dis-moi, tu es né pour devenir serviteur ou bien maître ?" Cheikh Thânwî poursuit en disant que depuis lors il a une sorte de répulsion pour les opérations permettant l'assujettissement de djinns (Ibid., p. 46).

Apparemment :
--- sa première réponse concerne les cas de figure dans lesquels l'emprisonnement n'est pas autorisé,
--- et la réponse qu'il a relatée de son professeur est relative aux cas dans lesquels cela est autorisé ; par exemple, si un djinn est agresseur et qu'il est nécessaire de l'emprisonner pour le faire cesser ses agissements, cela devient autorisé.

Ou bien :
--- sa première réponse date d'une période ultérieure,
--- et la réponse qu'il a relaté de son professeur était ce qu'il croyait auparavant.
Je ne sais pas (لا أدري).

(En tous cas, on note que, même à propos des cas où selon lui il est autorisé d'assujettir un djinn – et ce pour qu'il rende des services –, le professeur de Cheikh Thânwî lui a dit que cela relevait plus de la stature d'un maître. Cette posture semble être dans le droit prolongement de celle du Prophète (sur lui soit la paix) ne voulant pas ressembler, fût-ce partiellement, à un roi (voir le point précédent). Cela est certes autorisé, mais cela convient plus à la stature (shân) d'un homme servi (makhdûm) que celle d'un homme serviteur. Apparemment cet autre écrit signifie, comme nous l'avons vu au point précédent, que employer un djinn assujetti pour des travaux temporels est permis en soi (jâ'ïz), mais moins bien (ghayr awlâ), car contraire à al-kamâl ul-mustahabb fi-l-'abdiyya.)

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VI) Est-il autorisé de demander à un djinn (qu'il soit assujetti – donc le 2.4 – ou ne soit pas assujetti – donc le cas 2.3 ou 2.2 –) de rechercher où se trouve telle chose qu'on a égarée, ou de rechercher où se trouve telle personne ?

Il y a un hadîth qui dit : "حدثنا موسى بن إسماعيل، حدثنا حماد ح وحدثنا مسدد، حدثنا يحيى، عن حماد بن سلمة، عن حكيم الأثرم، عن أبي تميمة، عن أبي هريرة، أن رسول الله صلى الله عليه وسلم قال: "من أتى كاهنا" / قال موسى في حديثه "فصدقه بما يقول"، ثم اتفقا "أو أتى امرأة" / قال مسدد "امرأته حائضا أو أتى امرأة" / قال مسدد "امرأته في دبرها، فقد برئ مما أنزل على محمد" : "Celui qui se rend auprès d'un kâhin puis le croit dans ce qu'il dit, ou vient à sa femme pendant sa période menstruelle, ou vient à sa femme par son anus, celui-là a désavoué ce qui a été révélé à Muhammad – que Dieu l'élève et le salue" (Abû Dâoûd, 3904, également cité dans Al-Qawl ul-mufîd, p. 536).

Que signifie le terme "kâhin" ?
Le kâhin (plur. kuhhân) est le devin ; ce nom est dérivé de kahâna, qui signifie "divination", c'est-à-dire "prédire les choses de l'avenir". A l'unanimité pratiquer la divination et avoir recours aux services d'un devin sont strictement interdits. Les kuhhân ont recours aux services des djinns, comme le dit l'autre hadîth très connu (celui où on lit "yuqarqiru fî udhuni waliyyihî").

Il y a un autre hadîth où on lit :  : "عن بعض أزواج النبي صلى الله عليه وسلم عن النبي صلى الله عليه وسلم قال: "من أتى عرافا فسأله عن شيء، لم تقبل له صلاة أربعين ليلة" (Muslim, 2230) / "عن بعض أزواج النبي صلى الله عليه وسلم، عن النبي صلى الله عليه وسلم قال: "من أتى عرافا فصدقه بما يقول، لم تقبل له صلاة أربعين يوما"(Ahmad, 16638) : "Celui qui se rend auprès d'un 'arrâf, le questionne au sujet de quelque chose puis le croit dans ce qu'il dit, celui-là Dieu n'acceptera aucune de ses prières pendant quarante jours" (Muslim / Ahmad).

Un autre hadîth encore dit : "عن أبي هريرة، والحسن، عن النبي صلى الله عليه وسلم قال: "من أتى كاهنا أو عرافا، فصدقه بما يقول، فقد كفر بما أنزل على محمد""Celui qui se rend auprès d'un kâhin ou d'un 'arrâf puis le croit dans ce qu'il dit, celui-là a renié ce qui a été révélé à Muhammad – que Dieu le bénisse et le protège" (Ahmad, 9536).

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Et que signifie le terme "'arrâf" ?
Il est dérivé de "'irâfa" ;
certains ulémas disent que la 'irâfa consiste à trouver, par des moyens non physiques, où se trouve la chose perdue ou chose semblable ;
d'autres ulémas disent qu'il s'agit de trouver, par des moyens non physiques, ce que la personne pense en son for et d'en donner l'information ("ikhbâr 'ammâ fi-dh-dhamîr") ;
d'autres encore disent que 'irâfa signifie en fait la même chose que kahâna, c'est-à-dire prédire l'avenir (ces trois interprétations sont visibles in Al-Qawl ul-mufîd, p. 544).

La première de ces trois interprétations entraîne qu'il est interdit, pour répondre à la question en cours, d'avoir recours aux services d'un djinn pour rechercher un objet égaré ou une personne portée disparue ou dont on aimerait avoir les nouvelles pour se rassurer. Ceux qui sont de cet avis peuvent faire valoir que dans le troisième hadîth suscité, on voit "kâhin" et "'arrâf" mentionnés de façon séparée et articulés par "aw" (li-t-tanwî'), ce qui montre que ce sont deux choses distinctes : aller consulter l'un, ou aller consulter l'autre, tous deux sont interdits. Cette interprétation, la première donc, est apparemment ce qui ressort du propos de al-Baghawî sur le sujet.

Cependant, nuance Ibn ul-'Uthaymîn, "ce point ne fait pas l'unanimité entre les gens du 'ilm" (Al-Qawl ul-mufîd, p. 544). Et, en effet, ceux qui sont d'avis que rechercher où se trouve la chose perdue par le biais d'un djinn (sans que cela tombe dans l'un des cas de figure interdits cités plus haut), cela est autorisé, eux pensent que c'est la troisième interprétation qui est la bonne : 'irâfa veut dire selon eux la même chose que kahâna. Cet avis se marie avec l'interprétation selon laquelle le "aw", dans le troisième hadîth susmentionné, désigne l'hésitation d'un des transmetteurs (shakk ur-râwî) à propos du mot ayant été employé, et non le fait qu'il s'agit de deux choses distinctes.

Nous avons déjà cité plus haut le récit mentionné par Ibn Taymiyya et selon lequel, une fois, alors que lui et d'autres Compagnons cherchaient partout le calife Omar ibn ul-Khattâb en vain, Abû Mûssâ al-Ash'arî finit par demander à une dame de Médine qui avait un qarîn djinn d'envoyer celui-ci rechercher où le calife se trouvait ; la dame obtint alors du djinn l'information que Omar se trouvait à tel endroit, occupé à marquer les chameaux donnés en aumône (Majmû' ul-fatâwâ 19/63, voir aussi Al-Qawl ul-mufîd, Ibn ul-'Uthaymîn, pp. 534, 546).

Ibn ul-'Uthaymîn écrit encore : "والكاهن: هو الذي يخبر عن المغيبات في المستقبل. وقد التبس على بعض طلبة العلم، فظنوا أنه كل من يخبر عن الغيب ولو فيما مضى، فهو كاهن. لكن ما مضى مما يقع في الأرض ليس غيبا مطلقا، بل هو غيب نسبي؛ مثل ما يقع في المسجد يعد غيبا بالنسبة لمن في الشارع، وليس غيبا بالنسبة لمن في المسجد. وقد يتصل الإنسان بجني، فيخبره عما حدث في الأرض ولو كان بعيدا؛ فيستخدم الجن، لكن ليس على وجه محرم؛ فلا يسمى كاهنا، لأن الكاهن: من يخبر عن المغيبات في المستقبل؛ وقيل: الذي يخبر عما في الضمير. وهو نوع من الكهانة في الواقع إذا لم يستند إلى فراسة ثاقبة؛ أما إذا كان يخبر عما في الضمير استنادا إلى فراسة، فإنه ليس من الكهانة في شيء، لأن بعض الناس قد يفهم ما في الإنسان اعتمادا على أسارير وجهه ولمحاته، وإن كان لا يعلمه على وجه التفصيل، لكن يعلمه على سبيل الإجمال.
فمن يخبر عما وقع في الأرض، ليس من الكهان، ولكن ينظر في حاله: فإذا كان غير موثوق في دينه، فإننا لا نصدقه، لأن الله تعالى يقول: {يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُوا إِنْ جَاءَكُمْ فَاسِقٌ بِنَبَأٍ فَتَبَيَّنُوا}؛ وإن كان موثوقا في دينه، ونعلم أنه لا يتوصل إلى ذلك بمحرم من شرك أو غيره، فإننا لا ندخله في الكهان الذين يحرم الرجوع إلى قولهم. ومن يخبر بأشياء وقعت في مكان ولم يطلع عليها أحد دون أن يكون موجودا فيه، فلا يسمى كاهنا، لأنه لم يخبر عن مغيب مستقبل؛ يمكن أن يكون عنده جني يخبره؛ والجني قد يخدم بني آدم بغير المحرم: إما محبة لله عزوجل، أو لعلم يحصله منه، أو لغير ذلك من الأغراض المباحة" (Al-Qawl ul-mufîd, pp. 305-306).

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VII) Est-il autorisé d'avoir recours aux services d'un djinn pour défaire un sort dont un humain est atteint, ou pour exorciser un humain possédé par un autre djinn ?

Défaire un sort se dit : "nushra".
Exorciser un possédé se dit : "ib'râ' ul-masrû' wa daf' ul-jinni 'anh".

Il est certes rapporté du Prophète (sur lui soit la paix) que, questionné au sujet de la nushra, il a répondu : "Cela relève de l'action du Diable" (rapporté par Abû Dâoûd, 3868). De même, al-Hassan al-Basrî disait : "C'est un magicien qui défait le sort".

Cependant, le Prophète parlait là de la nushra qui consiste à faire des invocations à un djinn satanique pour qu'il enlève le sort sur la personne envoûtée. Ibn ul-Qayyim écrit : "La nushra est d'enlever la magie de la personne envoûtée. Elle est de deux types. Il y a le fait d'enlever la magie par quelque chose de semblable [= par une autre magie] ; c'est cela qui consiste en "l'action du Diable", et c'est à cela qu'on rapporte le propos de al-Hassan ; le nâshir et le muntashir se rapprochent du démon [= djinn satanique ayant pris possession de cet homme] par ce que celui-ci aime, et celui-ci annule alors l'action qu'il faisait sur l'envoûté. Le second (type) est la nushra par la ruqya, les ta'awwudhât, les médicaments et les invocations autorisées : cette (nushra-là) est autorisée" (cité dans Kitâb ut-Tawhîd, Chapitre "Mâ jâ'a fi-n-nushra"). Dans le premier type de nushra, le sort est défait par une action de shirk, soit que le djinn envoyé par le sort pour faire du tort à la personne demande au guérisseur-mushrik de faire telle action de shirk s'il veut que cesse le tort qu'il fait à cette personne ; soit encore que le guérisseur-mushrik, que la personne atteinte a consulté, demande au djinn auquel lui il rend un culte de combattre le djinn envoyé par autrui pour faire du tort à cette personne (une fois cela réalisé, d'ailleurs, souvent le djinn lié à ce guérisseur fait un nouveau tort à la personne, mais de moindre envergure, afin qu'elle soit contrainte à revenir sans cesse auprès du guérisseur et que lui obtienne de nouvelles expressions de shirk).

Acquérir un rapprochement spirituel de soumission avec un djinn, cela constitue du shirk akbar et relève du cas 1 cité en début d'article. Même si cela est fait en vue de se soigner, cela reste donc strictement interdit.
Ibn Taymiyya a écrit : "Les (ulémas) musulmans ont certes eu des avis divergents à propos du fait de se soigner par les choses interdites comme la bête morte et le porc [cliquez ici], mais ils n'ont pas eu d'avis divergents à propos du fait qu'il n'est en aucun cas autorisé de se soigner par des propos de kufr et de shirk : cela est interdit en toute situation. Ceci n'est pas comparable à (l'autorisation de) prononcer [un propos de shirk ou de kufr] sous la contrainte [exercée par une personne qui menace] [cliquez ici], car cela n'est autorisé que lorsque le coeur reste serein dans la foi ; tandis que le fait de le prononcer (comme remède) ne peut agir que lorsqu'il a pris place dans le coeur de celui qui le prononce, car s'il le prononce alors que son coeur est serein dans la foi, cela n'a pas d'effet" (Majmû' ul-fatâwâ 19/61).

Cependant, comme nous l'avons vu plus haut :
- primo il existe des cas où le recours aux services d'un djinn se fait sans shirk (2.4, quand le djinn est assujetti ; ou 2.2, quand le djinn sert l'homme en contrepartie d'une récompense temporelle autorisée ; ou 2.3, quand le djinn sert l'homme par espoir de récompense auprès de Dieu) ;
- secundo il existe des cas relevant du 2.B qui consistent en des services autorisés que l'homme peut prendre d'un djinn ("comme le fait qu'il apporte à l'homme des biens matériels appartenant à celui-ci, ou qu'il lui indique le lieu où se trouve des biens matériels n'appartenant à personne et étant mubâh, ou qu'il repousse celui qui lui fait du tort, et chose semblable" : a écrit Ibn Taymiyya in Majmû' ul-fatâwâ, 13/87).
Ce qui est certain c'est que le Prophète (sur lui soit la paix) a certes repoussé un djinn qui avait pris possession d'un enfant (Ibn Taymiyya a cité les références, et a dit que ce genre de soins relève des meilleures actions des prophètes et des pieux, notamment du prophète Muhammad et de Jésus : MF 19/56-57), mais n'a jamais fait cette action en ayant recours aux services d'un autre djinn (nous l'avons vu plus haut, il n'avait jamais recours aux services d'un djinn, même pour d'autres activités).
Cependant, même si le Prophète ne l'a pas fait, cela relève non pas de la catégorie "actions purement cultuelles" (où il ne faut rien faire que le Prophète n'a pas fait), mais de la catégorie "soins prodigués à autrui" (où c'est le principe de permission originelle qui s'applique). Il y a une différence entre l'action qui relève de la seconde et l'action qui relève de la première de ces catégories : c'est pourquoi celui qui pratique la ruqya en récitant le Coran peut toucher un salaire pour cette ruqya, alors que celui qui fait une psalmodie du Coran devant autrui ne peut pas toucher de salaire pour cela (cliquez ici).
La question qui se pose ici est donc : Est-ce qu'il serait autorisé d'avoir recours aux services d'un djinn pour repousser d'un humain le djinn qui en a pris possession (et, si nécessaire, pour ensuite enfermer ce djinn agresseur), ou pour défaire d'un humain un sort jeté par une tierce personne, et ce dans la mesure où le service que ce djinn rend alors consisterait à faire quelque chose d'autorisé (2.B), inclus dans l'action "le fait que ce djinn repousse de l'homme celui qui lui fait du tort" décrite comme étant "autorisée" par Ibn Taymiyya, et uniquement dans l'un de ces cas de figure 2.2, 2.3 ou 2.4, qui expriment des types de relation autorisées avec des djinns ? Est-ce que cela relève de la nushra autorisée plus haut évoquée ?
- D'après les ulémas hanafites deobandî : oui ;
- D'après les ulémas hanbalites saoudiens dont j'ai connaissance des avis : non.

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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