Les règles (أحكام) qui orientent la vie du croyant sont de plusieurs niveaux

Les règles (ahkâm) qui sont extraites des textes des sources sont de plusieurs niveaux, qu'il est important d'arriver à distinguer l'un de l'autre.

Niveau 5) Il existe des règles (ahkâm) qui concernent les éléments (ajzâ') composant une action donnée ('amal). Ces règles, nous les appellerons ici "de niveau extrêmement détaillé" (tafsîlî li-l-ghâya).

Un premier exemple : l'action de manger est composée de plusieurs éléments (ajzâ') : il y a le choix des aliments que l'on consomme (licites ou non), la façon de s'asseoir (le dos appuyé sur quelque chose ou non), le moyen par lequel on porte l'aliment à sa bouche (par la main droite ou par la main gauche), etc. : certains de ces éléments sont 'âdî, d'autres sont ta'abbudî.
Un autre exemple : la prière rituelle (salât) est composée de plusieurs éléments, qui sont tous ta'abbudî : adopter telle et telle postures corporelles, et prononcer telle formule pendant telle posture, etc...

C'est ce niveau qui est pris en considération quand on se demande si un élément constitutif d'une action instituée (mashrû'), on peut le remplacer par un autre élément, lui étant équivalent (cliquez ici, ici et ici pour lire des articles en relation avec ce point).

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Niveau 4) Il existe aussi, dans les textes, des règles qui concernent un niveau plus général que le précédent : le statut de l'action (al-'amal) elle-même. Nous les désignerons ici comme étant les règles "de niveau détaillé" (tafsîlî).

Ainsi, la prière rituelle est une action instituée (mashrû' fî nafsihî). Le jeûne de la nourriture, de la boisson et des relations intimes est également une action instituée (mashrû'). Par contre, le jeûne de la parole n'est pas une action instituée (ghayr mashrû').

Pour les actions temporelles (dunyawî), c'est la question de leur caractère licite (halâl) ou au contraire illicite (harâm) qui se pose ici : manger de la nourriture est licite, avoir des relations intimes entre deux personnes mariées est licite, etc.

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– Niveau 3) Ensuite il existe des règles qui sont plus générales encore que le niveau précédent : ce sont celles qui concernent l'objectif (maqsûd) qui est visé par l'action détaillée ('amal du niveau précédent). Cet objectif constitue une action également, puisqu'il s'agit de chercher à le réaliser, mais cette action est d'un"un niveau plus général" (kullî) que le précédent.

Ainsi, la prière rituelle – comme les autres actions des 'ibâdât – sont des actions de niveau détaillé. Par leur moyen, il est requis de créer et d'augmenter dans son cœur le lien spirituel avec Dieu, ce qui constitue leur objectif. Cet objectif constitue donc une obligation de niveau plus général, à atteindre par le moyen des actions détaillées.
Le fait de manger est aussi obligatoire ; et cela a pour objectif que l'homme ne soit pas sous-alimenté (tout en se préservant du gaspillage et de l'égoïsme). Par leur moyen, il est requis de ne pas rester volontairement sous-alimenté. Cependant, contrairement à ce qu'il a fait pour la prière rituelle, ici l'islam n'a pas enseigné combien de fois par jour il faut manger, lesquels de tous les aliments licites il faut préférer manger. Il a, au contraire, laissé latitude à l'homme à ce sujet. Il s'agit seulement de ne pas rester sous-alimenté : ceci est aussi une règle "de niveau plus général".

Il est à noter qu'il peut exister différents degrés dans le caractère général (kullî) et le caractère détaillé (tafsîlî) d'une norme (hukm) : si à un extrême, se trouve un hukm qui est purement général et à un autre extrême un hukm purement détaillé, entre les deux le caractère général ou détaillé est relatif : on trouve ainsi des hukm qui sont détaillés selon certains hukm, et généraux selon d'autres (nous l'avons montré dans l'article traitant de cela).

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– Niveau 2) Il existe aussi, dans les textes, et par rapport à certaines actions, des quantités de celles-ci qui sont obligatoires.

Ainsi, si l'accomplissement de la prière rituelle est possible à tout moment de la journée, il est trois moments qui font exception (car il est alors interdit d'accomplir une prière rituelle facultative), et il est cinq autres moments (ou plutôt cinq autres plages horaires) où la prière rituelle est obligatoire : il s'agit du minimum requis.
De même, jeûner est possible toute l'année (exception faite des  cinq jours spécifiés), mais jeûner pendant le mois de ramadan est obligatoire : il s'agit du minimum requis dans l'année.

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Niveau 1) Enfin, il existe des règles qui régissent la place de chaque action dans l'ensemble des activités de la personne, et dans l'ensemble des activités de la société.
Ces règles orientent l'homme pour que, de deux actions qui sont toutes deux nécessaires, il sache laquelle est essentielle et laquelle, bien qu'aussi obligatoire, ne doit pas prendre dans son mental ou dans son temps une part aussi importante que la première. Quelle place donne-t-on ainsi, dans ses valeurs et dans sa vie – donc en terme mental et en terme de temps concret –, à la prière, et quelle place donne-t-on aux repas ?

Ce genre de règles traite donc de la place que l'on donne à l'action dans sa vie ou dans l'ensemble de la société (juz'iyyan, ou kulliyyân ?). Lire notre article : Une action qui est en soi purement autorisée (mubâh) peut revêtir un autre caractère (hukm) si l'accompagne une intention particulière (isti'âna), ou si elle devient généralisée (kulliyyan).

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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