فقه المآلات : Le musulman a devant lui la possibilité de pratiquer telle Action de Bien. Cependant, par rapport à la situation dans laquelle il se trouve dans le Réel (الواقع), la pratique de cette Action de Bien est susceptible d'entraîner (في المآل) un Problème (Mafsada). Que devra alors faire ce musulman : pratiquer l'Action, sans autre considération ? ou bien considérer la nature et le degré de cette Mafsada, ainsi que la probabilité de son entraînement ? "التعارض بين العملين، والموازنة بينهما، والترجيح ؛ الاستصلاح" - Partie 2/3

----- Dans les cas cités dans le premier article sur le sujet, il y avait évaluation entre l'avantage (Maslaha) et l'inconvénient (Mafsada) que présente chacun de deux actes qui s'opposent, et qui sont distincts et tous deux présents à l'instant T : il s'agissait de procéder à cette évaluation pour choisir auquel des deux avoir recours (الموازنة بين عملين حاليين تعارضا، لترجيح أكبر الحسنتين أو المصلحتين، أو لترجيح أخف السيئتين أو المفسدتين، أو لترجيح ما مصلحته أكبر من ترك مفسدة الآخر أو ما مفسدته أخف من ترك مصلحة الآخر). Il y avait également évaluation entre le bien d'un acte de bien et le bien d'un autre acte de bien, qui sont en concurrence et tous deux présents à l'instant T.

----- Dans le présent article, nous allons parler des cas où il y a évaluation entre d'une part la Maslaha d'un acte de bien, et d'autre part la Mafsada que cet acte de bien est susceptible d'entraîner sur le court ou sur le moyen terme (في المآل), parce qu'il en est la dharî'a, ce qui amène à se demander si on ne ferait pas mieux de ne pas pratiquer le premier acte de bien (الموازنة بين مصلحة حسنة ومفسدة سيئة غير حالية ولكن تفضي إليها الحسنة الأولى في المآل؛ أو الموازنة بين مفسدة سيئة ومصلحة حسنة غير حالية ولكن تفضي إليها السيئة الأولى في المآل؛). Il peut également y avoir évaluation entre un acte permis (mubâh), et un autre acte mubâh, ce second étant susceptible d'entraîner une Maslaha, parce qu'il en est la dharî'a, ce qui amène à se demander si on ne ferait pas mieux de délaisser le premier acte et d'opter pour le second.

Lorsque la situation est telle (on doit choisir entre d'une part une action, et d'autre part une action qui ne renferme pas en soi la Maslaha ou la Mafsada (layssa fi-l-hâl) mais est susceptible de l'entraîner (yufdhî ilayhi fi-l-ma'âl), alors, en sus des 3 considérations déjà citées dans le premier article, il y a, ici, comme critère supplémentaire : la prise en considération de la probabilité de l'entraînement de la Maslaha ou de la Mafsada par l'action.

Il y a donc ici 4 critères :

1) vérifier si l'entraînement, par la seconde action, de la Maslaha ou de la Mafsada est quelque chose de :
- certain : yaqînî ?
- quasi-certain : maznûn bi zannin aghlab ?
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fort probable : maznûn bi zannin ghâlib ?
- probable : maznûn bi zannin mujarrad ?
- possible à 50% : mustawi-l-ihtimâlayn ?
- rare : nâdir ?

Selon ash-Shâtibî, c'est la probabilité que l'acte en question a de conduire à l'autre acte qui est à prendre en compte :
a) soit il est certain (ou quasi-certain) que le premier acte conduira au second ("yakûnû ifdhâ'uhû ila-l-'amal qat'iyyan") ; ceci correspond aux degrés de yaqîn et de zann aghlab ;
b) soit il est très probable qu'il y conduira ("yakûnû ifdhâ'uhû ila-l-'amal ghâliban") ; ceci correspond au degré de zann ghâlib ;
c) soit il est probable qu'il y conduira ("yakûnû ifdhâ'uhû ila-l-'amal kathîran lâ ghâliban wa lâ nâdiran") ; ceci correspond aux degrés de zann mujarrad, de zann dha'îf et de shakk ;
d) soit il est rare qu'il y conduise ("yakûnû ifdhâ'uhû ila-l-'amal nâdiran") (cf. Ussûl ul-fiqh il-islâmî 2/914-915 : le passage originel de ash-Shâtibî se trouve in Al-Muwâfaqât, 1/628-629) ; ceci correspond aux degrés de wahm.


Ce dont l'entraînement est "rare" n'est pas pris en considération.


Quant à ce dont l'entraînement est "seulement probable", cela est pris en considération d'après les écoles malikite et hanbalite, mais pas d'après les écoles hanafite et shafi'ite.

C'est ce dont l'entraînement est "très probable", "quasi-certain" ou "certain" qui est pris en considération.

Lire : Ce qui conduit à un acte interdit /obligatoire, est-il lui aussi interdit /obligatoire ? (سَدُّ الذريعة و فَتْحُ الذريعة).

2) considérer la classification verticale des niveaux des 2 Hassana ou des 2 Sayyi'a ou de la Hassana et la Sayyi'a en concurrence ;
2') considérer les niveaux de Maslaha ou de Mafsada des 2 actions en présence : s'agit-il d'une Maslaha / Mafsada de niveau : dharûrî ? hâjî ? tahsînî ?

3) considérer la classification horizontale (de l'important au plus important) des différents Maqsads auxquels les Maslaha et/ou Mafsada en présence se rattachent.

4) considérer que : Réaliser ce que l'islam demande de réaliser a priorité sur se préserver de ce dont l'islam requiert de se préserver.

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V) Voici quelques cas paraissant relever de cettte Evaluation par considération du degré d'entraînement de la Maslaha ou de la Mafsada sur le court terme, et, pour certains, sur le moyen terme :

La pratique de la Muwâzana, ici, implique une connaissance pointue des Textes ainsi que du Réel - les hommes, leurs coutumes, les sciences (médecine), etc. -, mariée à une Vision claire des Objectifs et/ou des Enjeux...

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--- Un cas de choix entre deux actions permises (mubâh), pour choisir celle des deux qui est susceptible d'entraîner une Maslaha sur le court et le moyen termes :
Une fois installé à Médine (Jâmi' Ma'mar ibn Râshid : riwâya mursala ; également citée in FB 10/443), le Prophète se mit à se laisser les cheveux sans raie, comme le faisaient les juifs de là-bas. Puis, plus tard, il se mit à se faire une raie dans la chevelure" : "فسدل النبى صلى الله عليه وسلم ناصيته. ثم فرق بعد" (al-Bukhârî, 5573, Muslim, 2336).
Se faire ou ne pas se faire de raie dans la chevelure sont deux actes purement 'âdî, mubâh. Pourquoi le Prophète fit-il ainsi ? Al-Qurtubî dit qu'il avait comme objectif de gagner les cœurs des juifs de Médine (FB 10/445).
Quant à ce "plus tard", il se produisit d'après Ibn Hajar à la faveur de la Conquête de La Mecque.

En fait, faire comme des non-musulmans dans un grand nombre d'éléments 'âdî (ce qui conduit à leur muwâfaqa dans l'apparence générale - al-had'y uz-zâhir), cela comporte à la fois une Maslaha shar'iyya et une Mafsada shar'iyya :
- une Mafsada shar'iyya dans la mesure où cela peut conduire (dharî'a) à leur muwâfaqa dans des actions ta'abbudî, des mœurs, voire des croyances (nous avons cité cette réalité dans l'article général traitant de cela) ;
- et une Maslaha shar'iyya dans la mesure où cela peut conduire (dharî'a) à l'évitement de certaines expressions d'hostilité de leur part, et au fait de gagner leur cœur à l'islam, ce dernier n'étant pas (ou plus) perçu comme exogène au pays.
Il s'agit donc de faire la Muwâzana entre cette Maslaha et cette Mafsada, selon le lieu et la situation dans lesquels le musulman vit.

Sans que ce soit en ce qui le concerne dans un grand nombre d'éléments 'âdî, le Prophète (sur lui soit la paix) fit une Muwâzana au sujet d'un élément ou de quelques éléments 'âdî...
----- Venant de s'installer à Médine : devait-il continuer à faire dans ce ou ces élément(s) comme les Mecquois ? ou bien était-il souhaitable pour lui de faire dans ce ou ces élément(s) comme les Juifs de Médine, car cela était susceptible de lui faire gagner leur cœur ? Il choisit la seconde option.
----- Plus tard, après la conquête de La Mecque : devait-il continuer à faire dans ce ou ces élément(s) comme les Juifs de Médine ? ou bien était-il mieux, maintenant, de faire dans ce ou ces élément(s) comme les Mecquois, car c'étaient ces derniers qui avaient maintenant majoritairement accepté son message, alors que, majoritairement, les Juifs de Médine ne l'avaient pas fait, et il n'y avait donc plus de Maslaha à continuer à faire comme eux ? Il choisit la seconde option. "عن ابن عباس رضى الله عنهما قال: كان النبى صلى الله عليه وسلم يحب موافقة أهل الكتاب فيما لم يؤمر فيه. وكان أهل الكتاب يسدلون أشعارهم؛ وكان المشركون يفرقون رءوسهم. فسدل النبى صلى الله عليه وسلم ناصيته. ثم فرق بعد" (al-Bukhârî, 5573, Muslim, 2336).
----- De même, lors de son califat, Omar ibn ul-Khattâb pensa à ce que devaient faire les musulmans arabes, installés en Azerbaïdjan en tant que conquérants : devaient-ils conserver l'apparence vestimentaire des Arabes ? ou bien devaient-ils maintenant adopter l'apparence vestimentaire de l'Azerbaïdjan ? Omar ibn ul-Khattâb retint pour eux la première option : "اتزروا وارتدوا وانتعلوا، وألقوا الخفاف وألقوا السراويلات، وعليكم بثياب أبيكم إسماعيل، وإياكم والتنعم وزي الأعاجم، وعليكم بالشمس فإنها حمام العرب، وتمعددوا، واخشوشنوا، واخلولقوا، واقطعوا الركب ، وانزوا على الخيل نزوا، وارموا الأغراض" : "Portez le pagne, la houppelande et les sandales ; délaissez les chaussettes en cuir et les pantalons : choisissez les vêtements de votre ancêtre Ismaël. Préservez-vous du luxe et de la tenue vestimentaire des non-arabes. Restez au soleil, c'est le hammam des Arabes. Gardez la culture de Ma'add [ancêtre des Quraysh]. Endurcissez-vous. Soyez prêts. Coupez les étriers [= montez à cheval sans étriers] et sautez à cheval. Entraînez-vous au tir à l'arc en visant des cibles" (Abû 'Awâna : voir Al-Furûssiya, p. 120). Omar ibn ul-Khattâb avait dit aussi : "لا تعلموا رطانة الأعاجم..." : "N'apprenez pas le parler des non-arabes" (al-Bayhaqî : As-Sunan al-kub'râ) [il voulait dire : "Ne prenez pas l'habitude de parler une langue non-arabe au point que celle-ci prenne le dessus sur votre pratique de l'arabe"]. Cette autre recommandation ne s'adresse de même qu'aux musulmans arabes, et pas aux musulmans non-arabes.

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--- Le Coran autorise explicitement le mariage d'un musulman avec une juive ou une chrétienne (Coran 5/5). Mais Omar ibn ul-Khattâb a écrit à Hudhayfa et à Talh'a, qui avaient conclu pareil mariage, de divorcer de leur épouse non-musulmane. Il précisa qu'il savait bien que cela n'est pas interdit. En fait il pensa (d'après l'une des 3 interprétations sur le sujet) que l'application généralisée de cette autorisation (les musulmans se mariant en grand nombre avec des juives et des chrétiennes) risquait d'entraîner que les musulmanes ne trouveraient, elles, plus de mari.
S'agissait-il de ne considérer que la licité de ce type de mariage (pratiquer ce qui est licite) ? ou bien s'agissait-il de le déconseiller, car cela entraînerait que les musulmanes ne trouveraient, elles, plus de mari (se préserver de la Mafsada que cette action licite entraînerait) ? Omar retint la seconde option.
- "وأما القول الذي روي عن شهر بن حوشب، عن ابن عباس، عن عمر رضي الله عنه: من تفريقه بين طلحة وحذيفة وامرأتيهما اللتين كانتا كتابيتين، فقولٌ لا معنى له - لخلافه ما الأمة مجتمعة على تحليله بكتاب الله تعالى ذكره، وخبر رسوله صلى الله عليه وسلم. وقد روي عن عمر بن الخطاب رضي الله عنه من القول خلاف ذلك، بإسناد هو أصح منه، وهو ما: حدثني به موسى بن عبد الرحمن المسروقي قال، حدثنا محمد بن بشر قال، حدثنا سفيان بن سعيد، عن يزيد بن أبي زياد، عن زيد بن وهب قال، قال عمر: "المسلم يتزوج النصرانية، ولا يتزوج النصراني المسلمة." وإنما ذكره عمر لطلحة وحذيفة رحمة الله عليهم نكاحَ اليهودية والنصرانية، حذارًا من أن يقتدي بهما الناس في ذلك، فيزهدوا في المسلمات، أو لغير ذلك من المعاني، فأمرهما بتخليتهما. كما: حدثنا أبو كريب قال، حدثنا ابن إدريس قال، حدثنا الصلت بن بهرام، عن شقيق قال: تزوج حذيفة يهودية، فكتب إليه عمر:" خلِّ سبيلها"، فكتب إليه:" أتزعُمُ أنها حرامٌ فأخلي سبيلها؟ "، فقال:"لا أزعم أنها حرام، ولكن أخاف أن تعاطوا المومسات منهن"" (Tafsîr ut-Tabarî).
- "وروى الإمام محمد هذا الأثر في كتابه الآثار على النحو الآتي: إن حذيفة تزوج بيهودية بالمدائن، فكتب إليه عمر: أن خلِّ سبيلها، فكتب إليه: أحرام يا أمير المؤمنين؟ فكتب إليه عمر: أعزم عليك ألا تضع كتابي هذا، حتى تخلي سبيلها، فإني أخاف أن يقتدي بك المسلمون فيختارون نساء أهل الذمة لجمالهن، وكنَّ بذلك فتنة لنساء المسلمين" (Al-Fiqh ul-islâmî wa adillatuh, 9/6655).
- Il y a aussi cette version quant au risque que Omar pressentait : "وإني أخشى أن يقول الجاهل: "كافرة قد تزوج صاحب رسول الله صلى الله عليه وسلم!" ويجهل الرخصة التي كانت من الله فيتزوجوا نساء المجوس" (Mussannaf Abd ir-Razzâq).
- Voir As-Siyâssa ash-shari'yya, al-Qaradhâwî, pp. 191-193.

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--- L'autorisation donnée par le Prophète aux femmes de venir à la mosquée pour y accomplir la prière rituelle en congrégation, Aïcha y a réfléchi à la lumière de la dégradation des moeurs constatée dans le nouveau contexte.
- En fait le Prophète (sur lui soit la paix) avait dit : "لا تمنعوا إماء الله مساجد الله" : "N'interdisez pas aux servantes de Dieu les mosquées de Dieu" (al-Bukhârî 858, Muslim 442). ""لا تمنعوا نساءكم المساجد، وبيوتهن خير لهن" : "N'empêchez pas les femmes de [se rendre] dans les mosquées. Et leur domicile est meilleur pour elles" (Abû Dâoûd, n° 567). Leur présence à la mosquée pour la prière en congrégation est en soi jâ'ïz, et le Prophète a dit aux hommes de ne pas les en empêcher (les en empêcher est mak'rûh tanzîhî ou mak'rûh tahrîmî ; cf. Shar'h Muslim 4/161-162 ; les maris peuvent-ils le faire : Fat'h ul-bârî 2/449).
- Mais, plus tard, des années après le décès du Prophète, Aïcha dit : "لو أن رسول الله صلى الله عليه وسلم رأى ما أحدث النساء لمنعهن المسجد كما منعت نساء بني إسرائيل" : "Si le Messager de Dieu (que Dieu le bénisse et le salue) avait vu ce que les femmes se sont mises à faire, il leur aurait interdit de venir (prier en congrégation) à la mosquée" (al-Bukhârî 831, Muslim 445, et ceci est la version de Muslim).
Dans le regard de Aïcha : eu égard au changement dans le Réel, s'agissait-il de continuer à appliquer telle quelle l'autorisation donnée par le Prophète (pratiquer ce qui est autorisé, mashrû') ? ou bien de dire que, par précaution par rapport au contexte (wâqi'), les femmes ne devraient plus se rendre aux mosquées, car le fait qu'elles s'y rendent entraînait un mal supérieur au bienfait de leur venue à la mosquée (se préserver de la Mafsada que cette action licite entraînerait) ? Aïcha proposa (en tant que simple réflexion) la seconde option.
Mais alors que Aïcha s'était contentée d'exprimer une réflexion (Fat'h ul-bârî 2/452), Abû Hanîfa a donné fatwa dans ce sens : il a déclaré déconseillé (mak'rûh) pour toutes les femmes autres que âgées de venir prier à la mosquée (Radd ul-muhtâr 2/307). Quant aux femmes âgées, elles ne devraient selon lui venir prier à la mosquée que les prières pendant lesquelles les hommes aux moeurs dissolues sont occupés chez eux (à manger ou à dormir), soit, pour son époque : seulement les prières de maghrib, de 'ishâ et de fajr, de même que celle des deux Eids (Radd ul-muhtâr 2/307, Al-Hidâya, tome 1, Fat'h ul-qadîr, 1/375-376). Abû Yûssuf et Muhammad ibn ul-Hassan déclarent pour leur part que les femmes âgées peuvent venir prier toutes les prières à la mosquée (Ibid.).
- Lire notre article : Ce qui conduit à un acte interdit /obligatoire, est-il lui aussi interdit /obligatoire ? (سَدُّ الذريعة و فَتْحُ الذريعة).
- Lire aussi : La musulmane accomplira-t-elle ses prières rituelles à la mosquée, ou chez elle ?

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Le prophète Moïse (sur lui soit la paix), devant s'absenter lors de sa montée sur le Mont du Sinaï, nomma son frère, le prophète Aaron (sur lui soit la paix) comme dirigeant du peuple pendant son absence. Il lui enjoignit comme directive de faire la Islâh et ne pas suivre la voie de ceux qui font le mal : "وَقَالَ مُوسَى لأَخِيهِ هَارُونَ اخْلُفْنِي فِي قَوْمِي وَأَصْلِحْ وَلاَ تَتَّبِعْ سَبِيلَ الْمُفْسِدِينَ" (Coran 7/142). Or, pendant que Moïse était allé au rendez-vous avec Dieu, une partie conséquente du peuple, induits en erreur par le Sâmirî, se laissa aller à l'adoration d'un veau d'or fabriqué par celui-ci, croyant que c'était bien là la divinité d'eux-mêmes et également de Moïse, qui avait oublié : "فَأَخْرَجَ لَهُمْ عِجْلًا جَسَدًا لَهُ خُوَارٌ فَقَالُوا هَذَا إِلَهُكُمْ وَإِلَهُ مُوسَى فَنَسِيَ" (Coran 20/88). Aaron essaya bien de les raisonner, mais ils ne voulurent pas l'écouter : "وَلَقَدْ قَالَ لَهُمْ هَارُونُ مِن قَبْلُ يَا قَوْمِ إِنَّمَا فُتِنتُم بِهِ وَإِنَّ رَبَّكُمُ الرَّحْمَنُ فَاتَّبِعُونِي وَأَطِيعُوا أَمْرِي قَالُوا لَن نَّبْرَحَ عَلَيْهِ عَاكِفِينَ حَتَّى يَرْجِعَ إِلَيْنَا مُوسَى" (Coran 20/91). Lorsque Moïse revint, il s'en prit vivement à son frère, lui reprochant de ne pas avoir suivi sa directive, et donc ne pas avoir quitté ces fautifs dès lors qu'il les avait vus persister dans leur idolâtrie malgré ses explications, n'étant pas alors venu le rejoindre. Mais Aaron lui répondit qu'il avait craint qu'il lui reproche d'avoir causé une division (irréversible) au sein du peuple, et avait donc préféré attendre ses directives. "قَالَ يَا هَارُونُ مَا مَنَعَكَ إِذْ رَأَيْتَهُمْ ضَلُّوا أَلَّا تَتَّبِعَنِ أَفَعَصَيْتَ أَمْرِي قَالَ يَا ابْنَ أُمَّ لَا تَأْخُذْ بِلِحْيَتِي وَلَا بِرَأْسِي إِنِّي خَشِيتُ أَن تَقُولَ فَرَّقْتَ بَيْنَ بَنِي إِسْرَائِيلَ وَلَمْ تَرْقُبْ قَوْلِي" (Coran 20/92-94). "وَلَمَّا رَجَعَ مُوسَى إِلَى قَوْمِهِ غَضْبَانَ أَسِفًا قَالَ بِئْسَمَا خَلَفْتُمُونِي مِن بَعْدِيَ أَعَجِلْتُمْ أَمْرَ رَبِّكُمْ؟ وَأَلْقَى الألْوَاحَ وَأَخَذَ بِرَأْسِ أَخِيهِ يَجُرُّهُ إِلَيْهِ. قَالَ ابْنَ أُمَّ إِنَّ الْقَوْمَ اسْتَضْعَفُونِي وَكَادُواْ يَقْتُلُونَنِي فَلاَ تُشْمِتْ بِيَ الأعْدَاء وَلاَ تَجْعَلْنِي مَعَ الْقَوْمِ الظَّالِمِينَ. قَالَ رَبِّ اغْفِرْ لِي وَلأَخِي وَأَدْخِلْنَا فِي رَحْمَتِكَ وَأَنتَ أَرْحَمُ الرَّاحِمِينَ" (Coran 7/150-151).
Aaron (sur lui soit la paix) aurait-il dû quitter les fautifs (car rester avec eux constitue une Mafsada), comme l'avait pensé Moïse d'après son ijtihâd ? ou bien fallait-il qu'il demeure parmi eux (car les quitter aurait divisé le peuple en deux groupes, ce qui aurait constitué une Mafsada plus grande encore) : c'est ce qu'avait pensé Aaron lui-même ?

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--- Alors que le Prophète (sur lui soit la paix) habitait à La Mecque, lorsqu'ils entendaient le Coran être récité à voix haute dans les prières en groupe, des Mecquois n'aimant pas l'islam insultaient alors le texte du Coran, celui qui en était l'auteur ainsi que celui qui l'avait apporté parmi les hommes. Le Prophète devait-il alors continuer à réciter le Coran à voix haute, sans se soucier de rien d'autre (réaliser une action de bien) ? ou bien devait-il réciter à voix plus basse car la récitation à voix haute entraînait ces insultes (se préserver de la Mafsada que l'action de bien entraînait) ? Ce fut la seconde option qui fut retenue : le Prophète se mit à réciter à voix suffisamment haute pour que les autres fidèles entendent sa récitation lors de la prière, mais à voix pas trop haute de sorte que ces islamophobes puissent entendre, afin d'éviter qu'ils insultent le Coran.
Ibn Abbâs (que Dieu l'agrée) relate que c'est cela que signifie le verset suivant, révélé pour l'occasion : "ولا تجهر بصلاتك ولا تخافت بها وابتغ بين ذلك سبيلا" : "Et ne fais pas à voix haute ta (récitation lors de la) prière, et ne la fais pas non plus à voix complètement basse : recherche une voix médiane" (Coran 17/110). "عن ابن عباس رضي الله عنهما، في قوله تعالى: {ولا تجهر بصلاتك ولا تخافت بها} قال: " نزلت ورسول الله صلى الله عليه وسلم مختف بمكة: كان إذا صلى بأصحابه رفع صوته بالقرآن، فإذا سمعه المشركون سبوا القرآن ومن أنزله ومن جاء به، فقال الله تعالى لنبيه صلى الله عليه وسلم: {ولا تجهر بصلاتك} أي بقراءتك، فيسمع المشركون فيسبوا القرآن {ولا تخافت بها} عن أصحابك فلا تسمعهم، {وابتغ بين ذلك سبيلا" (al-Bukhârî, Muslim).

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--- Pour celui qui a faim alors que l'heure de l'accomplissement de la prière est arrivé, s'agit-il d'accomplir la prière immédiatement et en congrégation (réaliser une Hassana) ? ou bien de commencer par éloigner ce qui est de nature à causer un manque de concentration dans la prière (se préserver de la Mafsada que cette action de bien entraînait).
Le Prophète (sur lui soit la paix) a enseigné la seconde option : manger, et ensuite prier. Il a dit : "Lorsque le dîner est servi et que la prière commence, commencez par le dîner" : "عن عائشة عن النبي صلى الله عليه وسلم أنه قال: "إذا وضع العشاء وأقيمت الصلاة، فابدءوا بالعشاء" (al-Bukhârî 640, 641, Muslim 558, 557 ; voir aussi at-Tirmidhî 353, 354). "Lorsque le dîner de l'un de vous est servi, et que la iqâma de la prière est donnée, commencez par le dîner ; et que (l'un d'entre vous) ne se presse pas jusqu'à avoir terminé" : "عن ابن عمر، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "إذا وضع عشاء أحدكم وأقيمت الصلاة، فابدءوا بالعشاء، ولا يعجل حتى يفرغ منه". وكان ابن عمر يوضع له الطعام، وتقام الصلاة؛ فلا يأتيها حتى يفرغ، وإنه ليسمع قراءة الإمام" (al-Bukhârî, 642, Muslim, 559). "Lorsque l'un de vous est en train de manger, qu'il ne se presse pas jusqu'à avoir (mangé) à la quantité de son besoin, même si la iqâma de la prière est donnée" : "وقال زهير، ووهب بن عثمان، عن موسى بن عقبة، عن نافع، عن ابن عمر، قال: قال النبي صلى الله عليه وسلم: "إذا كان أحدكم على الطعام، فلا يعجل حتى يقضي حاجته منه، وإن أقيمت الصلاة" (al-Bukhârî ta'lîqan). "Pas de prière en présence de la nourriture, ni lorsqu'on éprouve l'un des deux besoins" : "عن عائشة رضي الله عنها قالت: "إني سمعت رسول الله صلى الله عليه وسلم يقول: "لا صلاة بحضرة الطعام، ولا هو يدافعه الأخبثان" (Muslim 560 ; Abû Dâoûd 89). Al-Bukhârî a écrit comme titre (tarjama) : "Lorsque le repas est servi et que la prière (en groupe) commence : Ibn Omar commençait par le dîner. Et Abu-d-Dardâ' a dit : "Cela relève de l'intelligence de l'homme qu'il s'occupe de ce qu'il doit faire, afin qu'il puisse se tourner vers la prière le cœur libre"" : "باب: إذا حضر الطعام وأقيمت الصلاة. وكان ابن عمر يبدأ بالعشاء. وقال أبو الدرداء: "من فقه المرء إقباله على حاجته، حتى يقبل على صلاته وقلبه فارغ" (Sahîh ul-Bukhârî, Kitâb ul-Jamâ'a wa-l-Imâma, bâb 14). Trois points sont ici à noter. Le premier est que pour ce qui est de la nourriture, certains ulémas disent que cela n'est pas inconditionnel mais est conditionné au cas où on a faim, car c'est dans ce cas précisément que la présence de nourriture attire l'attention de la personne et l'empêche de se concentrer sur autre chose (FB 2/208). Le second est que Abu-d-Dardâ' parlait là des cas où un imprévu est survenu, ou des cas exceptionnels, comme le jeûneur qui rompt son jeûne surérogatoire et a très faim (c'était dans ce cas que Ibn Omar restait assis à manger même en entendant la récitation de l'imam : FB 2/209) ; car sinon il faut prendre ses dispositions à l'avance pour éviter de manquer la prière en congrégation. Le troisième point est que c'est seulement lorsqu'il y a une possibilité par rapport à l'horaire légale de la prière obligatoire qu'on peut se consacrer à la nourriture lorsqu'on a faim ou à tout autre besoin qui est de nature à nous empêcher de nous concentrer sur la prière ; sinon, si cet horaire risque de se terminer [ou de devenir mak'rûh tahrîmî] il faut donner préférence à l'accomplissement de la prière (FB 2/209).

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--- Depuis 50 jours, Ka'b ibn Mâlik et deux autres Compagnons subissaient, à cause d'un grand péché qu'ils avaient sciemment commis, le hajr (personne ne leur parlait). Et ce fut dans le dernier tiers de la nuit que Dieu révéla au Prophète (sur lui soit la paix) qu'Il leur avait accordé Son pardon. Le Prophète se trouvait alors dans l'appartement de son épouse Ummu Salama, à qui il donna la bonne nouvelle. Celle-ci voulut faire porter l'information immédiatement à Ka'b, car elle se souciait de son sort.
Que fallait-il alors faire : fallait-il lui faire porter la bonne nouvelle immédiatement (réaliser une Maslaha) ? ou bien ne pas le faire immédiatement mais attendre quelques heures supplémentaires, car le faire immédiatement aurait entraîné un afflux de gens, ce qui aurait perturbé le sommeil de tout le monde le restant de la nuit (se préserver de la Mafsada que la première action allait entraîner) ? Le Prophète choisit la seconde option. Ce fut donc seulement quelques heures plus tard, après l'accomplissement de la prière obligatoire de l'aube, qu'il fit l'annonce dans la mosquée : "فأنزل الله توبتنا على نبيه صلى الله عليه وسلم حين بقي الثلث الآخر من الليل، ورسول الله صلى الله عليه وسلم عند أم سلمة. وكانت أم سلمة محسنة في شأني معنية في أمري. فقال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "يا أم سلمة تيب على كعب!" قالت: أفلا أرسل إليه فأبشره؟ قال: "إذا يحطمكم الناس فيمنعونكم النوم سائر الليلة." حتى إذا صلى رسول الله صلى الله عليه وسلم صلاة الفجر آذن بتوبة الله علينا" (al-Bukhârî, 4400).

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--- Pour ceux qui sont en voyage et qui n'ont plus de vivres : s'agit-il d'obtenir de la viande à consommer en abattant des montures (réaliser cette Maslaha) ? ou bien de se préserver d'abattre ces animaux car cela entraînerait un manque de montures, d'où un problème évident pour la suite du voyage (se préserver de la Mafsada que la première action allait  entraîner), et, donc, chercher un autre moyen pour se nourrir ?
Lors d'un voyage, les vivres venant à manquer, des Compagnons vinrent demander au Prophète l'autorisation d'abattre des chameaux destinés au transport d'eau. Le Prophète leur donna alors l'autorisation de le faire. Mais quand Omar ibn ul-Khattâb apprit cela, il vint trouver le Prophète et lui dit que les montures étaient le moyen indispensable de locomotion pendant le voyage, et qu'on ne pouvait s'en passer : "Messager de Dieu, demande plutôt que tout le monde apporte les miettes de vivres qui leur restent, et invoque Dieu de les bénir". Le Prophète se rangea alors à l'avis de Omar (rapporté par Muslim, 27, Ahmad). Voici l'une des versions de Muslim : "عن أبي هريرة أو عن أبي سعيد - شك الأعمش - قال: لما كان غزوة تبوك أصاب الناس مجاعة، قالوا: يا رسول الله، لو أذنت لنا فنحرنا نواضحنا، فأكلنا وادهنا. فقال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "افعلوا!" قال: فجاء عمر، فقال: يا رسول الله، إن فعلت قل الظهر، ولكن ادعهم بفضل أزوادهم، ثم ادع الله لهم عليها بالبركة، لعل الله أن يجعل في ذلك" (Muslim, 27).

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--- Un bédouin vint à Médine et questionna le Prophète (sur lui soit la paix) au sujet de l'Immigration [à Médine : Shar'h Muslim]. Le Prophète lui dit : "Attention à toi, l'émigration est chose difficile ! As-tu des chameaux dont tu t'acquittes de la zakât ? - Oui. - Eh bien (continue à) pratiquer en demeurant au-delà des cités, Dieu ne diminuera rien de tes actions" : "عن أبي سعيد الخدري رضي الله عنه، أن أعرابيا سأل رسول الله صلى الله عليه وسلم عن الهجرة، فقال: "ويحك، إن شأنها شديد، فهل لك من إبل تؤدي صدقتها؟" قال: نعم، قال: "فاعمل من وراء البحار، فإن الله لن يترك من عملك شيئا" (B 1384, M 1865). Or le Prophète a par ailleurs lui-même recommandé l'émigration à Médine. Pourquoi a-t-il donc dit ici chose contraire à ce bédouin ("Demeure au-delà des cités qui séparent Médine de ton lieu d'habitation") ? Peut-être parce que, alors même que l'émigration n'était pas obligatoire sur lui, le Prophète craignait pour lui qu'il rompe ensuite son engagement, comme cela s'était produit précédemment avec un autre bédouin : "قال المهلب: كان هذا القول منه (صلى الله عليه وسلم) قبل فتح مكة، لأنه لو كان بعده لقال له: لا هجرة بعد الفتح، ولكنه (صلى الله عليه وسلم) علم أن الأعراب قلما تصبر على المدينة لشدتها ولاوائها ووبائها، ألا ترى قلة صبر الأعرابى الذى استقاله بيعته حين مسته حمى المدينة، فقال للذى سأله عن الهجرة: إذا أديت الزكاة، التى هى أكبر شىء على الأعراب، ثم منحت منها وجبتها يوم ردها من ينتظرها من المساكين، فقد أديت المعروف، من حقوقها فرضا وفضلا، فاعمل من وراء البحار، فهو أقل لفتنتك كما افتتن المستقيل للبيعة؛ لأنه قد شرط عليه ما يخشى من منع العرب الزكاة التى بها افتتنوا بعد النبى (صلى الله عليه وسلم). وقد ذكر البخارى هذا الحديث فى كتاب الهبات فى باب المنحة، فقال فيه: فهل تمنح منها؟ قال: نعم، قال: فهل تحلبها يوم وردها؟ فقال: نعم. وقال بعض العلماء: كانت الهجرة على غير أهل مكة من الرغائب ولم تكن فرضا. والدليل على ذلك قوله (صلى الله عليه وسلم) للذى سأله عن الهجرة: إن شأنها لشديد، فهل لك من إبل؟ ولم يوجب عليه الهجرة. قال أبو عبيد فى كتاب الأموال: كانت الهجرة على أهل الحاضرة، ولم تكن على أهل البادية" (Shar'h Ibn Battâl, bâb zakât il-ibil).
Pour ce bédouin, s'agissait-il d'émigrer à Médine (réalisation d'une action de bien recommandée) ? ou bien de ne pas émigrer à Médine car il y avait risque pour lui que cette bonne action le conduise (eu égard au climat de Médine et aux habitudes des bédouins) à rompre par la suite l'engagement d'installation à Médine (se préserver d'une Mafsada que l'action de bien aurait entraînée) ? Le Prophète lui indiqua la seconde option.

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--- Face aux propos de dénigrement du Prophète (sur lui soit la paix), tenus ouvertement par Abdullâh ibn Ubayy probablement en l'an 9 et surtout par Dhu-l-Khuwayssira en l'an 9 (Fat'h ul-bârî 12/363) ou en l'an 10 (As-Sârim, p. 230), le Prophète (sur lui soit la paix) avait la possibilité de leur infliger une sanction. Et c'est ce que, à chacune de ces deux fois, un Compagnon lui proposa.
Mais a-t-il, alors
fait appliquer la sanction (réaliser une Maslaha, voire une Hassana), sans aucune autre considération ? ou bien a-t-il plutôt dit de ne pas appliquer la sanction car son application entraînerait ensuite certaines conséquences (se préserver de la Mafsada que la première action risquait d'entraîner) ? Il retint à chaque fois la seconde option.
En effet, à ce Compagnon lui demandant de le laisser appliquer la sanction à l'homme, le Prophète répondit à propos de Abdullâh ibn Ubayy : "لا يتحدث الناس أنه كان يقتل أصحابه" : "(Je ne veux) pas que les gens disent que (Muhammad) faisait exécuter ceux qui étaient avec lui !" (al-Bukhârî 3330 etc., Muslim 2584), et à propos de Dhu-l-Khuwayssira : "معاذ الله أن يتحدث الناس أني أقتل أصحابي" : "Dieu me protège du fait que les gens disent que je fais exécuter ceux qui sont avec moi !" (Muslim 1063). Cette phrase signifie : "Je ne veux pas que les gens disent (maintenant ou dans le futur) que, parmi l'ensemble de mes compagnons (au moins en apparence), j'en fais(faisais) exécuter certains dès lors que je n'ai plus (eu) besoin d'eux" ; "ou par intérêt personnel, par antipathie, comme le font certains rois" (As-Sârim : "فإن الناس ينظرون إلى ظاهر الأمر، فيرون واحدا من أصحابه قد قتل؛ فيظن الظان أنه يقتل بعض أصحابه على غرض أو حقد أو نحو ذلك؛ فينفر الناس عن الدخول في الإسلام" : p. 237. "أنه صلى الله عليه وسلم كان يخاف أن يتولد من قتلهم من الفساد أكثر مما في استبقائهم وقد بين ذلك حيث قال: "لا يتحدث الناس أن محمدا يقتل أصحابه" وقال: "إذًا ترعد له آنف كثيرة بيثرب". فإنه لو قتلهم بما يعلمه من كفرهم لأوشك أن يظن الظان أنه إنما قتلهم لأغراض وأحقاد وإنما قصده الاستعانة بهم على الملك كما قال: "أكره أن تقول العرب لما ظفر بأصحابه أقبل يقتلهم" وأن يخاف من يريد الدخول في الإسلام أن يقتل مع إظهاره الإسلام كما قتل غيره" : pp. 357-358).
Un propos voisin fut tenu par le Prophète (sur lui soit la paix) au sujet des 12 Hypocrites qui avaient voulu profiter d'une occasion propice lors du voyage de Tabûk pour l'assassiner (événement auquel la phrase suivante, à l'intérieur du verset Coran 9/74 fait allusion : "وَهَمُّواْ بِمَا لَمْ يَنَالُواْ"). Ayant été mis au courant de leur projet, le Prophète fit échouer leur projet à la dernière minute en envoyant Hudhayfa disperser leurs montures. Puis il les nomma un à un devant Hudhayfa. Ce dernier lui ayant demandé pourquoi il ne les faisait pas exécuter, il répondit : "Je crains que les Arabes disent : "Lorsqu'il eut obtenu la victoire par le moyen de ses Compagnons, il se mit à les faire exécuter"" : "قوله تعالى: {وهموا بما لم ينالوا} يعني: المنافقين من قتل النبي صلى الله عليه وسلم ليلة العقبة في غزوة تبوك. وكانوا اثني عشر رجلا. قال حذيفة: سماهم رسول الله صلى الله عليه وسلم حتى عدهم كلهم. فقلت: "ألا تبعث إليهم فتقتلهم؟" فقال: "أكره أن تقول العرب: "لما ظفر بأصحابه، أقبل يقتلهم". بل يكفيهم لله بالدبيلة." قيل: "يا رسول الله وما الدبيلة؟" قال: "شهاب من جهنم يجعله على نياط فؤاد أحدهم حتى تزهق نفسه." فكان كذلك" (Tafsîr ul-Qurtubî, au sujet de Coran 9/74) (la même relation figure dans Tafsîr ul-Baghawî, mais cette fois en commentaire de Coran 9/65). C'est à cet épisode s'étant déroulé lors du voyage de Tabûk que fait allusion cette narration : "عن أبي الطفيل، قال: كان بين رجل من أهل العقبة وبين حذيفة بعض ما يكون بين الناس، فقال: "أنشدك بالله كم كان أصحاب العقبة؟" قال فقال له القوم: "أخبره إذ سألك." قال: "كنا نخبر أنهم أربعة عشر، فإن كنت منهم فقد كان القوم خمسة عشر. وأشهد بالله أن اثني عشر منهم حرب لله ولرسوله في الحياة الدنيا ويوم يقوم الأشهاد، وعذر ثلاثة، قالوا: "ما سمعنا منادي رسول الله صلى الله عليه وسلم ولا علمنا بما أراد القوم." وقد كان في حرة فمشى فقال: "إن الماء قليل، فلا يسبقني إليه أحد"، فوجد قوما قد سبقوه، فلعنهم يومئذ" (Muslim, 2779).

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--- Aïcha demanda au Prophète (sur lui soit la paix) pourquoi [ayant déjà conquis la Mecque en l'an 8 de l'hégire - 21 années après le début du prophétat - et ayant purifié la Kaaba des idoles que les Quraysh y avaient introduites, il n'allait pas plus loin et] il ne la reconstruisait pas entièrement selon le modèle de Abraham. Le Prophète lui répondit : "Si ce n'était pas récemment que ton peuple était dans le kufr – car je crains que leurs cœurs désapprouvent cela –, je l'aurais fait :
– j'aurais reconstruit la Kaaba selon les fondations de Abraham ;
– j'aurais ramené le niveau de sa porte au sol ;
– et j'aurais rajouté une porte (de sortie)
" (al-Bukhârî 1506-1507-1508, Muslim 1333).
On voit ici le Prophète (sur lui soit la paix), ayant procédé à une évaluation entre une Mafsada et une Maslaha, exposer à Aïcha que cette Mafsada l'emportait sur cette Maslaha, eu égard à la récente acceptation, par les Mecquois, de l'islam. Al-Bukhârî a donc titré sur ce hadîth : "باب من ترك بعض الاختيار، مخافة أن يقصر فهم بعض الناس عنه، فيقعوا في أشد منه" (Al-Jâmi' us-sahîh, kitâb ul-'ilm).
La Maslaha que la réforme de l'édifice de la Kaaba aurait permis de réaliser était que l'édifice aurait alors été totalement fidèle à la longueur que Abraham lui avait donnée, et que tout pèlerin aurait pu entrer dans la Maison de Dieu sans devoir attendre le bon vouloir de la famille gérant celle-ci. Par ailleurs, l'existence d'une porte de sortie aurait permis d'éviter toute bousculade. Reconstruire la Kaaba ainsi était recommandé, mustahabb, dit Ibn Hajar (Fat'h ul-bârî 3/566).
Cependant, il y avait aussi une Mafsada à démolir une partie de l'édifice de la Kaaba pour le reconstruire, et ce par rapport au fait que les Quraysh étaient de trop récente conversion à l'islam pour ne pas s'en émouvoir (Fat'h ul-bârî 1/297).
Face à cette situation du Réel, s'agissait-il de ne considérer que la Maslaha de la réforme de l'édifice de la Kaaba ? ou bien de considérer également la Mafsada que cette réforme aurait entraînée, et de soupeser les deux ? Le Prophète retint la seconde option, et il jugea que la Mafsada que la réforme entraînerait était plus grande que la Maslaha de cette réforme. Il n'entreprit donc rien de son vivant. Par contre, le Prophète laissa la possibilité de faire cette réforme aux musulmans devant venir après lui, quand le risque suscité ne serait plus présent : "Si après moi il paraît [judicieux] à ton peuple de la reconstruire, eh bien viens, que je te montre la partie qui avait été laissée (hors des murs) de la (Kaaba)" ; et il montra à (Aïcha) une partie d'"environ 7 coudées" (Muslim 1333/403) / "6 coudées" (Muslim 1333/401). Ibn Hajar écrit : "وفيه تقديم الأهم فالأهم من دفع المفسدة وجلب المصلحة وأنهما إذا تعارضا بدئ بدفع المفسدة وأن المفسدة إذا أمن وقوعها عاد استحباب عمل المصلحة" (Fat'h ul-bârî 3/566).
Et, effectivement, en l'an 64-65, Abdullâh ibn uz-Zubayr, ayant depuis un moment acquis la souveraineté sur la Mecque (et étant d'ailleurs, pendant une période, devenu calife, régnant sur la majorité des terres d'Islam), et suite au fait qu'il était dans le besoin de restaurer l'édifice de la Kaaba (celui-ci ayant été abîmé), entreprit de réaliser ce qu'il avait entendu Aïcha relater du Prophète. Il mena ainsi à leur terme les trois réformes que le Prophète aurait souhaité pouvoir faire, arguant pour sa part que la situation avait changé depuis l'époque du Prophète (al-Bukhârî, 1509, Muslim, 1333/402, avec Fat'h ul-bârî 3/562-564) : la Mafsada n'était plus présente, rien ne s'opposait donc à réaliser la Maslaha.
Cependant, en l'an 73, quand al-Hajjâj battit Abdullâh ibn uz-Zubayr et conquit la Mecque, il constata que l'apparence de la Kaaba avait été modifiée, et écrivit au calife d'alors pour lui demander ce qu'il devait faire. Le calife omeyyade Abd ul-Malik ibn Marwân lui ordonna de redonner à l'édifice sacré la forme qu'elle avait auparavant (Muslim, 1333/402). En fait ce ne fut que plus tard que le calife apprit que Aïcha avait réellement relaté des paroles du Prophète sur le sujet. Il regretta alors avoir fait démolir ce que Abdullâh ibn uz-Zubayr avait réalisé (Muslim, 1333/403-404).
Plus tard, un calife abbasside voulut réaliser de nouveau les modifications évoquées par le Prophète dans l'édifice de la Kaaba. Mais Mâlik ibn Anas l'en dissuada, arguant une Mafsada l'emportant de nouveau sur la Maslaha : il craignait qu'un calife postérieur, n'étant pas au courant du hadîth, se mette ensuite de nouveau à détruire ce qui aurait été ainsi entrepris, et la Kaaba deviendrait un jeu entre les mains de souverains rivaux ("حكى ابن عبد البر وتبعه عياض وغيره عن الرشيد أو المهدي أو المنصور أنه أراد أن يعيد الكعبة على ما فعله بن الزبير؛ فناشده مالك في ذلك وقال: أخشى أن يصير ملعبة للملوك؛ فتركه" : Fat'h ul-bârî 3/566).

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--- Un jour, pendant son califat, Omar ibn ul-Khattâb remarqua l'absence de Sulaymân ibn Abî Hithma à la prière de l'aube (sub'h) accomplie en congrégation (jamâ'a). Etant allé se renseigner quant à ce qui avait pu lui arriver, il fut informé qu'en fait Sulaymân avait passé la nuit à prier, et le sommeil l'avait terrassé à l'aube, ce qui fait qu'il n'avait pas pu se joindre à la congrégation de la prière de l'aube. Omar dit alors : "Etre présent à la prière de l'aube en congrégation m'est plus cher que faire la prière (surérogatoire) toute la nuit" : "عن أبي بكر بن سليمان بن أبي حثمة؛ أن عمر بن الخطاب فقد سليمان بن أبي حثمة في صلاة الصبح. وأن عمر بن الخطاب غدا إلى السوق. ومسكن سليمان بين المسجد والسوق. فمر على الشفاء، أم سليمان. فقال لها: لم أر سليمان في الصبح. فقالت: إنه بات يصلي، فغلبته عيناه. فقال عمر: لأن أشهد صلاة الصبح في الجماعة أحب إلي من أن أقوم ليلة" (Mu'attâ Mâlik).
Pour celui qui a besoin de nombreuses heures de sommeil (et les besoins différent d'une personne à l'autre), s'agit-il de se réveiller pour accomplir la prière facultative de la nuit (réaliser une Hassana) ? ou bien s'agit-il de s'abstenir de la faire car cela entraînerait une fatigue et un manque de concentration pendant la prière obligatoire de l'aube, voire une incapacité à aller l'accomplir à la mosquée en groupe (se préserver de la Sayyi'a que cette Hassana entraînait chez soi) ? Il va de soi que c'est la seconde option qui est la bonne.

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--- Ash-Shâtibî mentionne un cas quelque peu comparable : un musulman passe ses nuits à accomplir de longues prières surérogatoires et néglige d'avoir des relations intimes avec son épouse, mais ensuite cela entraîne une sorte de frustration chez lui qui le pousse à lorgner sur les autres femmes la journée : "فالحق الذي جاءت به الشريعة هو الجمع بين هذين الأمرين تحت تظر العدل، فيأخذ في الحظوظ ما لم يخل بواجب، ويترك الحظوظ ما لم يؤد الترك إلى محظور، ويبقى في المندوب والمكروه على توازن. فيندب إلى فعل المندوب الذي فيه حظه كالنكاح مثلا، وينهى عن المكروه الذي لا حظ فيه عاجلا كالصلاة في الأوقات المكروهة، وينظر في المندوب الذي لا حظ له فيه، وفي المكروه الذي له فيه حظ -أعني: الحظ العاجل-، فإن كان ترك حظه في المندوب يؤدي لما يكره شرعا أو لترك مندوب هو أعظم أجرا، كان استعماله الحظ وترك المندوب أولى، كترك التمتع بزوجته المؤدي إلى التشوف إلى الأجنبيات، حسبما نبه عليه حديث: "إذا رأى أحدكم امرأة فأعجبته...." (Al-Muwâfaqât 1/449). Il est évident qu'il n'agit pas intelligemment. La connaissance personnelle de ses limites et de sa façon de réagir, de ses besoins et de ses faiblesses, devrait l'amener à réglementer sa vie et ses différentes activités de façon plus rationalisée.

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--- On peut également citer ici le célèbre récit avec Omar ibn Abd il-Azîz, le calife omeyyade du début du IIème siècle de l'hégire : "وفيما يحكى عن عمر بن عبد العزيز أن ابنه عبد الملك قال له: "ما لك لا تنفذ الأمور؟ فوالله ما أبالي لو أن القدور غلت بي وبك في الحق." قال له عمر: "لا تعجل يا بني؛ فإن الله ذم الخمر في القرآن مرتين وحرمها في الثالثة؛ وإنى أخاف أن أحمل الحق على الناس جملة فيدفعوه جملة، ويكون من ذا فتنة"" : Un jour, Omar ibn ul-'Azîz fut ainsi questionné par son fils Abd ul-Malik : "Père, pourquoi n'appliques-tu pas [toutes] les choses ? Je ne me soucie pas que moi et toi ayons à supporter des difficultés à cause de la vérité". Le calife répondit : "Ne te presse pas, mon fils. Car Dieu a, dans le Coran, critiqué 2 fois l'alcool, (puis,) la 3ème fois, l'a interdit. Je crains que si j'applique d'un coup aux gens (tout) ce qui est établi, ils rejettent d'un coup (tout ce qui est établi) ; et que naisse à cause de cela une fitna" (Al-Muwâfaqât, ash-Shâtibî, 1/402). Voyez : l'alcool a été interdit en l'an 8 de l'hégire, et cette interdiction est complète et définitive, applicable pour tout musulman et musulmane quel que soit le lieu qu'il ou elle se trouve. Mais dans le fait de faire respecter sur la scène publique cette interdiction, par l'autorité de la Dâr ul-islâm du début du IIème siècle, Omar ibn Abd il-Azîz a évalué la Maslaha de cette action, et la Mafsada que cette action entraînerait sur l'ensemble de la société musulmane d'alors. Omar a perçu que l'application immédiate ou rapide de cette action aurait entraîné une Mafsada trop grande, d'où une non application immédiate de la totalité de ce qu'on devait faire respecter par la puissance publique. Il y avait d'un côté : réaliser une action de bien. Et de l'autre côté : se préserver de la Mafsada que l'application immédiate de cette action de bien aurait alors entraîné.

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--- La question de se lever lorsque quelqu'un de respectable entre dans la pièce :

----- B.C.b) Se lever pour honorer la personne qui entre dans la pièce dans laquelle on se trouve, à cause de son statut dans la société ou dans cette salle :
------- cela est déconseillé d'après certains ulémas (évoqués in FB 11/60-65). Al-Albânî est de cet avis (Silsilat ul-ahâdîth is-sahîh, 1/696) (en p. 696 on lit un récit avec Ahmad ibn ul-'Adl, qui est lui aussi de cet avis) ;
------- cela est autorisé d'après at-Tabarî, al-Mundhirî, an-Nawawî (FB 11/60-65) et Shâh Waliyyullâh (HB 2/536).

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----- B.D) Se lever pour tel personnage quand on le voit passer [et non plus lorsqu'il entre dans la pièce où l'on se trouve, comme c'était le cas précédemment] :
Cela est contraire à la Sunna Ta'abbudiyya des Compagnons.
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Cependant, si la coutume du lieu est de se lever pour le personnage qui entre (B.C.b), ou pour le personnage qui passe (B.D) et que, si on ne le fait pas, ce personnage va en être froissé, car il ne connaît pas l'avis suscité, que faire :
--- s'agit-il (du moins pour celui qui partage le premier des 2 avis cités plus haut au sujet du cas B.C.b), de se retenir de se lever (se préserver de quelque chose de Mak'rûh), quelles qu'en soient les conséquences ?
--- ou bien s'agit-il pour lui de se préserver de la Mafsada que va entraîner le fait de se préserver de ce qu'il considère "Mak'rûh" ?
Ibn Taymiyya écrit que le plus convenable est alors de se lever, afin d'éviter des malentendus et des tensions ("وإذا كان من عادة الناس إكرام الجائي بالقيام، ولو ترك لاعتقد أن ذلك لترك حقه أو قصد خفضه ولم يعلم العادة الموافقة للسنة، فالأصلح أن يقام له، لأن ذلك أصلح لذات البين وإزالة التباغض والشحناء" : MF 1/375). ("فمن لم يعقد ذلك ولم يعرف أنه العادة وكان في ترك معاملته بما اعتاد من الناس من الاحترام مفسدة راجحة: فإنه يدفع أعظم الفسادين بالتزام أدناهما، كما يجب فعل أعظم الصلاحين بتفويت أدناهما" : MF 1/376). Voir aussi : Fat'h ul-bârî 11/60-65.

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--- Pour un homme qui souffre d'une affection sur une partie intime : s'agit-il de se préserver de découvrir une partie de sa 'awra (se préserver d'un interdit) ? ou bien de s'agit-il de se faire ausculter parce que cela est susceptible d'entraîner le diagnostic de ce dont il souffre et de se voir prescrire les médicaments qui sont susceptibles d'entraîner la guérison (réaliser la Maslaha qui est susceptible d'être atteinte par ce qui contient cet élément interdit) ?
C'est la seconde option qui a été retenue par les ulémas : lorsqu'il y a hâja que le médecin regarde un endroit précis du corps, les mujtahidûn ont déclaré "autorisé, pour le médecin compétent, d'ausculter cet endroit précis, fût-il 'awra" :
"المثال الثاني عشر: ستر العورات والسوآت واجب وهو من أفضل المروآت وأجمل العادات ولا سيما في النساء الأجنبيات، لكنه يجوز للضرورات والحاجات.
أما الحاجات فكنظر (...) الأطباء لحاجة المداواة، (...). وكذلك لو وقف الشاهد على العيب أو الطبيب على الداء فلا يحل له النظر بعد ذلك، لأنه لا حاجة إليه لذلك، لأن ما أحل إلا لضرورة أو حاجة يقدر بقدرها ويزال بزوالها. وأما الضرورات فكقطع السلع المهلكات ومداواة الجراحات المتلفات. ويشترط في النظر إلى السوآت - لقبحها - من شدة الحاجة ما لا يشترط في النظر إلى سائر العورات. وكذلك يشترط في النظر إلى سوأة النساء من الضرورة والحاجة ما لا يشترط في النظر إلى سوأة الرجال، لما في النظر إلى سوآتهن من خوف الافتتان. وكذلك ليس النظر إلى ما قارب الركبتين من الفخذين كالنظر إلى الأليتين"
(Qawâ'ïd ul-ahkâm fî massâlih il-anâm, 2/286-287). Des ulémas ont écrit que, autant que possible, ce devra être quelqu'un du même sexe qui procédera à cette consultation et que ce n'est qu'en cas d'impossibilité que le musulman / la musulmane aura recours aux services d'un médecin du sexe opposé (tout en évitant les situations de solitude) ("(و) اعلم أن ما تقدم من حرمة النظر والمس هو حيث لا حاجة إليهما. وأما عند الحاجة فالنظر والمس (مباحان لفصد وحجامة وعلاج) ولو في فرج، للحاجة الملجئة إلى ذلك، لأن في التحريم حينئذ حرجا. فللرجل مداواة المرأة، وعكسه، وليكن ذلك بحضرة محرم أو زوج أو امرأة ثقة - إن جوزنا خلوة أجنبي بامرأتين، وهو الراجح كما سيأتي في العدد إن شاء الله تعالى -. ويشترط عدم امرأة يمكنها تعاطي ذلك من امرأة، وعكسه، كما صححه في زيادة الروضة. (...) ولو لم نجد لعلاج المرأة إلا كافرة ومسلما، فالظاهر - كما قال الأذرعي - أن الكافرة تقدم، لأن نظرها ومسها أخف من الرجل" : Mughni-l-Muhtâj : ouvrage shafi'ite).

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--- Pour un homme qui souffre d'une affection conséquente et dont le seul remède disponible est en soi harâm : s'agit-il de se préserver d'absorber ce qui est harâm (se préserver d'un interdit) ? ou bien de s'agit-il de pouvoir absorber une telle substance parce que cela est susceptible d'entraîner le diagnostic de ce dont il souffre et de se voir prescrire les médicaments qui sont susceptibles d'entraîner la guérison (réaliser la Maslaha qui est susceptible d'être atteinte par ce qui contient cet élément interdit) ?
Il y a divergence entre les Mujtahidûn sur ce point, à cause de la divergence des hadiths sur le sujet.

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--- Une femme en délai de viduité souffre d'une affection aux yeux : doit-elle se préserver de s'enduire de khôl à cause du caractère embellissant de celui-ci (se préserver d'un interdit, car la Sunna a explicitement interdit à la veuve de se mettre du khôl dans les yeux) ? ou bien doit-elle s'enduire les yeux de khôl à une fin thérapeutique (réaliser la Maslaha qui est susceptible d'être atteinte par ce qui contient cet élément interdit) ?
Ce cas s'était présenté à l'époque du Prophète (sur lui soit la paix) : questionné sur le sujet par la mère de la veuve, il répondit que la veuve ne pouvait pas s'enduire de khôl pendant ce délai : "قالت زينب، وسمعت أم سلمة، تقول: جاءت امرأة إلى رسول الله صلى الله عليه وسلم، فقالت: يا رسول الله، إن ابنتي توفي عنها زوجها، وقد اشتكت عينها، أفتكحلها؟ فقال رسول الله صلى الله عليه وسلم: «لا» مرتين أو ثلاثا، كل ذلك يقول: «لا». ثم قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: «إنما هي أربعة أشهر وعشر، وقد كانت إحداكن في الجاهلية ترمي بالبعرة على رأس الحول" (al-Bukhârî, 5024), "عن زينب بنت أم سلمة، عن أمها، أن امرأة توفي زوجها، فخشوا على عينيها، فأتوا رسول الله صلى الله عليه وسلم فاستأذنوه في الكحل، فقال: "لا تكحل، قد كانت إحداكن تمكث في شر أحلاسها أو شر بيتها، فإذا كان حول فمر كلب رمت ببعرة، فلا حتى تمضي أربعة أشهر وعشر" (al-Bukhârî, 5025) (Muslim, 1488).
----- Ibn Hazm a appréhendé ce hadîth à la lettre : même si la femme risque de perdre la vue, elle ne peut pas se soigner en s'enduisant les yeux de khôl, même si c'est le seul remède disponible et efficace pour son mal (Al-Muhallâ 10/63).
----- La plupart des Mujtahidûn pensent cependant que si la vue de cette veuve est en danger et que son état nécessite de s'enduire de khôl (même celui qui est d'ordinaire utilisé pour s'embellir), il est autorisé de le faire (Zâd ul-ma'âd 5/703). Certains mujtahidûn stipulent comme condition que cela soit alors fait de nuit, et pas de jour (Al-Mughnî 11/123). D'autres ne mettent même pas cette condition, du moment que cela est fait par nécessité et à une fin thérapeutique (Al-Hidâya, 1/407). Quant au hadîth suscité, il doit être compris à la lumière de la fatwa de Ummu Salama, qui relate ce hadîth : si c'est pour se soigner, la veuve peut s'enduire de khol la nuit, a dit Ummu Salama (Zâd ul-ma'âd 5/704, 5/695) ; en fait, peut-être que le Prophète a fait la réponse suscitée parce qu'un remède autre que le ithmid (qui est l'une des substances dont on s'enduit les yeux) était alors disponible, et cet autre remède n'était, lui, pas embellissant : il aura donc interdit l'utilisation du ithmid parce que autre chose était disponible (FB 9/605).

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--- Lors de la conclusion de la paix entre les Musulmans et les Mecquois, à al-Hudaybiya, en l'an 6, on voit le Prophète (sur lui soit la paix) tolérer de nombreuses choses pour parvenir à la Maslaha souhaitée : conclure un traité de paix avec les Quraysh (qu'il avait lui-même suggéré à l'émissaire mecquois Budayl : "فقال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "إنا لم نجئ لقتال أحد، ولكنا جئنا معتمرين. وإن قريشا قد نهكتهم الحرب وأضرت بهم؛ فإن شاءوا، ماددتهم مدة ويخلوا بيني وبين الناس، فإن أظهر، فإن شاءوا أن يدخلوا فيما دخل فيه الناس فعلوا، وإلا فقد جموا؛ وإن هم أبوا، فوالذي نفسي بيده لأقاتلنهم على أمري هذا حتى تنفرد سالفتي، ولينفذن الله أمره" (al-Bukhârî, 2582, avec Fat'h ul-bârî.).
En effet, pour réaliser cette paix qui entraînerait sur le moyen terme (avec la permission de Dieu) de nombreuses autres Maslaha, le Prophète accepta de nombreuses Mafsada immédiates :

----- pas seulement le fait d'effacer la formule "Bismillâh ir-Rahmân ir-Rahîm" du traité de paix, de même que le titre "Messager de Dieu" devant son nom ;

----- mais aussi des clauses très défavorables :
-------- les musulmans ne pourront pas accomplir le petit pèlerinage cette année et devront revenir l'année prochaine à la même date s'ils le veulent ;
-------- le Mecquois musulman qui quittera la Mecque pour émigrer auprès du Prophète à Médine serait retourné à la Mecque, alors que le Médinois qui apostasierait et quitterait Médine pour partir auprès des Mecquois ne serait pas retourné à Médine. Entendant cela, des Compagnons s'exclamèrent : "Messager de Dieu, nous écririons cela ? - Oui. Celui qui nous aura quittés pour partir auprès d'eux, Dieu l'aura éloigné. Et celui qui aura cherché à nous rejoindre, Dieu créera pour lui une porte de sortie" : "عن أنس أن قريشا صالحوا النبي صلى الله عليه وسلم فيهم سهيل بن عمرو، فقال النبي صلى الله عليه وسلم لعلي: "اكتب: "بسم الله الرحمن الرحيم"." قال سهيل: "أما باسم الله، فما ندري ما "بسم الله الرحمن الرحيم"! ولكن اكتب ما نعرف: "باسمك اللهم"." فقال: "اكتب: "من محمد رسول الله"." قالوا: "لو علمنا أنك رسول الله لاتبعناك، ولكن اكتب اسمك واسم أبيك." فقال النبي صلى الله عليه وسلم: "اكتب: "من محمد بن عبد الله"." فاشترطوا على النبي صلى الله عليه وسلم أنّ مَن جاء منكم لم نرده عليكم، ومَن جاءكم منا رددتموه علينا. فقالوا: يا رسول الله، أنكتب هذا؟ قال: "نعم، إنه من ذهب منا إليهم فأبعده الله؛ ومن جاءنا منهم سيجعل الله له فرجا ومخرجا" (Muslim, 1784) ;

-------- plus un fait attristant : alors que le traité n'avait pas encore été signé, Abû Jandal fils de l'émissaire Suhayl (un jeune musulman alors retenu et persécuté à La Mecque) était arrivé jusqu'aux musulmans à al-Hudaybiya (après s'être échappé de chez lui) : il portait encore sur lui des entraves. Suhayl se montra intraitable : soit Abû Jandal était renvoyé à La Mecque, soit il n'y avait pas de traité de paix. Le Prophète essaya de l'adoucir, mais rien n'y fit ; il finit donc pas se résigner ;

-------- ainsi que, comme conséquence de tout cela, la consternation de ses Compagnons : Lorsque le Prophète leur dit : "Allez. Sacrifiez les bêtes et rasez-vous la tête (ici même)", aucun d'entre eux ne bougea tellement ils étaient tous abasourdis par ce qu'ils venaient de vivre [et cela inclut Abû Bakr et 'Alî ibn Abî Tâlib]. Le Prophète répéta son ordre encore 2 fois supplémentaires. Aucune réaction. Ce fut seulement lorsque, suivant en cela le conseil de son épouse Ummu Salama, le Prophète se mit à sacrifier lui-même en silence, que les Compagnons se mirent à faire de même (al-Bukhârî, 2581). Sur le chemin du retour, de très nombreux Compagnons étaient toujours dominés par un sentiment de tristesse et de dépit : "وهم يخالطهم الحزن والكآبة" (Muslim, 1786). Abû Bakr avait pour sa part alors recouvré sa sérénité. Mais Omar ibn ul-Khattâb ne put se retenir de venir interpeller le Prophète : comment avait-il pu conclure un tel traité de paix avec les Mecquois, alors que telle chose et telle chose ? Le Prophète lui répondit : "Ibn al-Khattâb, je suis le Messager de Dieu, et Il ne me fera pas échouer" (al-Bukhârî, 4563, Muslim, 1785).

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Rappel :

Comme nous l'avons relaté dans l'article précédent, Ibn Taymiyya écrit (à la fin de ce qu'il écrit à propos du Amr bi-l-ma'rûf et Nah'y 'an il-munkar précisément, mais qu'il vient de relier au principe plus général de soupeser la Maslaha et la Mafsada dans bien d'autres actions) :
"Cependant, la considération des degrés des Maslaha et des Mafsada se fait selon la balance (mîzân) de la Loi.
Aussi :
tant qu'il y a la possibilité de suivre les textes, on ne doit pas les délaisser [et chercher à établir par soi-même les degrés des maslaha et mafsada] ;
au cas où cela n'est pas possible, on fait l'effort de son opinion pour connaître les cas semblables et les cas ressemblants. Et il y a en fait peu de cas où les textes feront défaut à qui connaît parfaitement et les textes et leur indication des normes"

"وجماع ذلك: داخل في القاعدة العامة فيما إذا تعارضت المصالح والمفاسد والحسنات والسيئات أو تزاحمت؛ فإنه يجب ترجيح الراجح منها فيما إذا ازدحمت المصالح والمفاسد وتعارضت المصالح والمفاسد. فإن الأمر والنهي وإن كان متضمنا لتحصيل مصلحة ودفع مفسدة فينظر في المعارض له فإن كان الذي يفوت من المصالح أو يحصل من المفاسد أكثر لم يكن مأمورا به؛ بل يكون محرما إذا كانت مفسدته أكثر من مصلحته.
لكن اعتبار مقادير المصالح والمفاسد هو بميزان الشريعة! فمتى قدر الإنسان على اتباع النصوص لم يعدل عنها؛ وإلا اجتهد برأيه لمعرفة الأشباه والنظائر؛ وقل أن تعوز النصوص من يكون خبيرا بها وبدلالتها على الأحكام"
(MF 28/129).

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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