Pourquoi le Coran dit-il que Dieu égare des hommes ? Dieu voudrait-il le mal de certains hommes ? - Et l'homme, dispose-t-il, ou pas, d'une réelle faculté de choix (ikhtiyâr) (le fameux libre-arbitre) ?

Objection :

L'une des choses qui m'a le plus choqué dans le Coran, c'est qu'il y est écrit que Dieu égare certaines personnes.
On dirait que le Dieu du Coran veut tromper les hommes, les faisant emprunter des chemins d'égarement.
Le vrai Dieu ne veut que le bien pour toute l'humanité, et pas le mal. Ce sont les énergies du Mal qui égarent certains hommes, et pas Dieu. Par là on comprend que le Coran a été écrit par un homme, et n'est pas la Parole de Dieu.

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Réponse :

Les versets qui disent "Dieu les a égarés" ne signifient pas que Dieu aurait invité certaines personnes à l'égarement, en leur présentant "vrai" ce qu'Il savait être "faux" (puisque vous et moi sommes d'accord sur au moins un point : Dieu sait tout).

C'est le Diable qui leur murmure des fausses promesses, leur promettant la réussite sur ce qui n'est pas le droit chemin.

Ces versets signifient seulement que Dieu a créé l'égarement de telle et telle personnes.

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I) Est-ce que Dieu souhaite que les hommes soient égarés ?

--- Rien ne se passe, bien ou mal, sans que Dieu l'ait créé.

--- Et rien ne se passe, bien ou mal, sans que Dieu l'ait voulu. L'égarement d'une partie des hommes n'a donc eu lieu que parce que, en tant que résultat des suggestions du Diable, de leur acceptation par l'homme et de l'absence de protection de cet homme par Dieu, parce que, donc, Dieu a voulu qu'il se produise. Cependant, cela relève de la Volonté Créatrice (Irâda Takwîniyya) de Dieu.

--- Par contre, ce que Dieu agrée (Ridhâ) de la part de chaque humain, c'est qu'il soit guidé et qu'il fasse le bien.

--- Et, plus encore : de base, ce que Dieu souhaite pour chaque homme, c'est qu'il soit guidé et qu'il fasse le bien.
C'est pourquoi Dieu appelle tous les hommes à cela : "وَاللّهُ يَدْعُو إِلَى دَارِ السَّلاَمِ؛ وَيَهْدِي مَن يَشَاء إِلَى صِرَاطٍ مُّسْتَقِيمٍ" : "Et Dieu invite à la Demeure de la Paix" (Coran 10/25). "وَقَالُواْ إِنَّا كَفَرْنَا بِمَا أُرْسِلْتُم بِهِ وَإِنَّا لَفِي شَكٍّ مِّمَّا تَدْعُونَنَا إِلَيْهِ مُرِيبٍ قَالَتْ رُسُلُهُمْ أَفِي اللّهِ شَكٌّ فَاطِرِ السَّمَاوَاتِ وَالأَرْضِ يَدْعُوكُمْ لِيَغْفِرَ لَكُم مِّن ذُنُوبِكُمْ وَيُؤَخِّرَكُمْ إِلَى أَجَلٍ مُّسَمًّى" : A ceux qui refusaient de croire en le message que Dieu les avait chargés de le leur délivrer, des Messagers dirent : "Est-ce au sujet de Dieu qu'il y a (en vous) un doute, (Lui qui est) le Créateur des cieux et de la Terre ? Il vous appelle afin de vous pardonner vos péchés" (Coran 41/9-10).

Par contre, ce sont les démons qui appellent tous les hommes vers le mal moral. "أَوَلَوْ كَانَ الشَّيْطَانُ يَدْعُوهُمْ إِلَى عَذَابِ السَّعِيرِ" : "Même si le Diable les appelle à (se diriger) vers le châtiment du Brasier ?" (Coran 31/21). "إِنَّ الشَّيْطَانَ لَكُمْ عَدُوٌّ فَاتَّخِذُوهُ عَدُوًّا إِنَّمَا يَدْعُو حِزْبَهُ لِيَكُونُوا مِنْ أَصْحَابِ السَّعِيرِ" : "Le Diable est pour vous un ennemi, prenez-le donc comme un ennemi. Il appelle (ceux qui finiront par être) son groupe afin qu'ils soient les gens du Brasier" (Coran 35/6). "أُوْلَئِكَ يَدْعُونَ إِلَى النَّارِ وَاللّهُ يَدْعُوَ إِلَى الْجَنَّةِ وَالْمَغْفِرَةِ بِإِذْنِهِ" : "Eux appellent au Feu. Et Dieu appelle au Jardin et au Pardon, par Sa Permission" (Coran 2/121).

L'homme qui refuse l'Appel de Dieu et suit celui du Démon :
----- il se peut que Dieu lui accorde malgré tout Son Aide particulière à la Guidance (c'est alors une Faveur de Sa part, Fadhl) : "اللَّهُ يَجْتَبِي إِلَيْهِ مَن يَشَاء وَيَهْدِي إِلَيْهِ مَن يُنِيبُ" : "Dieu attire à Lui qui Il veut, et Il guide vers Lui celui qui revient (vers Lui)" (Coran 42/13) ;
----- il se peut aussi que Dieu crée son égarement (puisque c'est ce que cet homme a chois, et c'est alors Justice de Sa part, 'Adl) : "وَأَمَّا ثَمُودُ فَهَدَيْنَاهُمْ فَاسْتَحَبُّوا الْعَمَى عَلَى الْهُدَى فَأَخَذَتْهُمْ صَاعِقَةُ الْعَذَابِ الْهُونِ بِمَا كَانُوا يَكْسِبُونَ وَنَجَّيْنَا الَّذِينَ آمَنُوا وَكَانُوا يَتَّقُونَ" : "Quant aux Thamûd, Nous les avions invités [au droit chemin, par le biais du prophète Sâlih], (mais) alors ils préférèrent (être dans) l'aveuglement au fait d'être sur le droit chemin [et préférèrent donc suivre l'invitation de Iblîs que Notre invitation]. [Alors Nous les rendîmes égarés, selon le choix qu'ils avaient fait]. Alors la foudre du châtiment de l'avilissement les prit, à cause de ce qu'ils avaient acquis. Et Nous sauvâmes ceux qui avaient apporté foi et qui faisaient (les actes de) piété" (Coran 41/17-18) ;
----- exceptionnellement il arrive, suite à un grand entêtement de la part d'une personne, que Dieu veuille que cette personne demeure égarée. Ainsi, devant l'entêtement d'une grande partie de son peuple, et alors qu'à la fin ils lui dirent de faire venir ce châtiment qu'il disait redouter pour eux, Noé leur répondit que c'était Dieu qui voulait qu'ils soient égarés : Noé a voulu leur dire, ici, que (malgré sa prédication et son souhait à lui qu'ils trouvent la guidance) cette Volonté divine qu'ils demeurent égarés a été l'effet de leur entêtement à eux : "قَالُواْ يَا نُوحُ قَدْ جَادَلْتَنَا فَأَكْثَرْتَ جِدَالَنَا فَأْتَنِا بِمَا تَعِدُنَا إِن كُنتَ مِنَ الصَّادِقِينَ قَالَ إِنَّمَا يَأْتِيكُم بِهِ اللّهُ إِن شَاء وَمَا أَنتُم بِمُعْجِزِينَ وَلاَ يَنفَعُكُمْ نُصْحِي إِنْ أَرَدتُّ أَنْ أَنصَحَ لَكُمْ إِن كَانَ اللّهُ يُرِيدُ أَن يُغْوِيَكُمْ هُوَ رَبُّكُمْ وَإِلَيْهِ تُرْجَعُونَ" (Coran 11/32-34) : "إن كان الله سبحانه وتعالى أراد إضلالكم ودماركم بسبب كفركم وإعراضكم، فلا راد لقضائه‏" (Al-Muntaqâ). (Cela alors même que, auparavant, Noé (sur lui soit la paix) avait dit aux incroyants de son peuple qu'il était dépêché par Dieu, chargé par Lui de leur délivrer Son message, afin qu'Il leur fasse miséricorde : "قَالَ الْمَلأُ مِن قَوْمِهِ إِنَّا لَنَرَاكَ فِي ضَلاَلٍ مُّبِينٍ قَالَ يَا قَوْمِ لَيْسَ بِي ضَلاَلَةٌ وَلَكِنِّي رَسُولٌ مِّن رَّبِّ الْعَالَمِينَ أُبَلِّغُكُمْ رِسَالاَتِ رَبِّي وَأَنصَحُ لَكُمْ وَأَعْلَمُ مِنَ اللّهِ مَا لاَ تَعْلَمُونَ أَوَعَجِبْتُمْ أَن جَاءكُمْ ذِكْرٌ مِّن رَّبِّكُمْ عَلَى رَجُلٍ مِّنكُمْ لِيُنذِرَكُمْ وَلِتَتَّقُواْ وَلَعَلَّكُمْ تُرْحَمُونَ" : Coran 7/60-63.
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Le Diable invite à l'égarement. "Inviter à l'égarement" est le sens du verbe "إضلال" lorsque son sujet est : "le Diable" (نسب الإضلال إليه لعنه الله، من حيث أنه دعا إلى الضلال، فكان سببه القريب).

Dieu n'invite jamais à l'égarement : tout au contraire, Il invite à la droiture. Par contre, en terme de résultat de l'action que le Diable exerce sur un homme précis, de l'absence de protection de la part de Dieu, enfin du choix que l'homme a fait de se laisser séduire par les pensées insufflées à lui par le Diable, Dieu crée l'égarement chez cet homme ; en d'autres termes : Il le rend égaré ; c'est cela, le sens de "إضلال" lorsque son sujet est le nom : "Dieu" (نسب الإضلال إليه تعالى من حيث أنه مسبب الأسباب: خلق ضلال ذلك الرجل، وأراده بإرادته القديمة). Cependant, au contraire, il arrive aussi que Dieu protège l'homme de l'action du Diable et, en terme de résultat de l'action que le Prophète, ou l'Ange, exerce sur cet homme, Il le rende bien-guidé.

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Il ne faut donc pas confondre les choses de ces 2 niveaux :

--- Créer (خلق) le mal, et Avoir Voulu que le mal moral, ainsi que les démons (qui invitent à ce mal) existent, cela par Volonté Créatrice, elle-même motivée par la Sagesse du Résultat (إرادة تكوينية، للحكمة), ce sont les faits de Dieu Seul.

--- Mais inspirer (إلهام) le mal à une personne, Dieu ne le fait jamais : c'est le Diable qui le fait. De même, inviter (دعوة) au mal, Dieu ne le fait jamais ; c'est le Diable qui le fait. Même dépêcher (إرسال) auprès d'humains des démons, qui appellent au mal, Dieu ne le fait pas non plus : le Diable exerce cette fonction suite à son choix personnel (l'annonce faite par Iblîs qu'il ferait ainsi a seulement été suivie de la Permission Globale accordée par Dieu : إذن تكويني). Par ailleurs, ce que Dieu dépêche auprès des humains ce sont des anges, qui appellent ceux-ci au bien. Quant à la phrase : "وَلَكِنْ كَرِهَ اللَّهُ انْبِعَاثَهُمْ فَثَبَّطَهُمْ وَقِيلَ اقْعُدُوا مَعَ الْقَاعِدِينَ" (Coran 9/46), il s'agit soit de ce que les Hypocrites se dirent l'un à l'autre, soit ce que le Prophète (sur lui soit la paix) leur dit sur le ton de la colère : "قوله عز وجل: وقيل، أي: قال بعضهم لبعض: اقعدوا" (Tafsîr ul-Baghawî) ; "وقيل اقعدوا في القائل لهم ثلاثة أقوال: أحدها: أنهم ألهموا ذلك خذلانا لهم. قاله مقاتل. والثاني: أن النبي صلى الله عليه وسلم قاله غضبا عليهم. والثالث: أنه قول بعضهم لبعض، ذكرهما الماوردي" (Zâd ul-massîr).
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--- Par ailleurs, pour tout humain, Dieu veut qu'il soit sur la droiture. Par contre, par rapport à un humain ayant vraiment exagéré dans le mal, Dieu veut parfois qu'il ne trouve plus le chemin droit. Cette question sera détaillée en IV, aux points 7 et 9.

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Par ailleurs :

--- le caractère réellement existant du choix intérieur (الاختيار) de l'homme (et cela vaut aussi pour le djinn) apparaît clairement dans le verset déjà cité, où Dieu dit : "وَأَمَّا ثَمُودُ فَهَدَيْنَاهُمْ فَاسْتَحَبُّوا الْعَمَى عَلَى الْهُدَى فَأَخَذَتْهُمْ صَاعِقَةُ الْعَذَابِ الْهُونِ بِمَا كَانُوا يَكْسِبُونَ وَنَجَّيْنَا الَّذِينَ آمَنُوا وَكَانُوا يَتَّقُونَ" :
"Quant aux Thamûd, Nous les avions invités [hudâ au sens 2, cf. infra] [au droit chemin, par le biais du prophète Sâlih], (mais) alors ils préférèrent (être dans) l'aveuglement au fait d'être sur le droit chemin [hudâ au sens 3] [et préférèrent donc suivre l'invitation de Iblîs que Notre invitation]. [Alors Nous les rendîmes égarés, selon le choix qu'ils avaient fait]. Alors la foudre du châtiment de l'avilissement les prit, à cause de ce qu'ils avaient acquis. Et Nous sauvâmes ceux qui avaient apporté foi et qui faisaient (les actes de) piété" (Coran 41/17-18).

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Il y a ici une différence entre les deux versets suivants :

----- "وَمَا خَلَقْتُ الْجِنَّ وَالْإِنسَ إِلَّا لِيَعْبُدُونِ" : "Et Je n'ai créé les djinns et les humains que pour qu'ils M'adorent" (Coran 51/56) ; c'est là l'objectif pour lequel Dieu les a tous créés (irâda shar'iyya).

----- Or, dans les faits, un nombre conséquent de djinns et d'humains ne Lui rendront pas le culte (pas le culte qu'Il agrée). C'est pour cela qu'Il a aussi dit : "وَلَقَدْ ذَرَأْنَا لِجَهَنَّمَ كَثِيرًا مِّنَ الْجِنِّ وَالإِنسِ" : "Et Nous avons créé pour la Géhenne beaucoup de djinns et d'humains" (Coran 7/179) : "لنفاذ علمه فيهم بأنهم يصيرون إليها بكفرهم بربِّهم" : "à cause de la réalisation de ce que [Dieu] savait à leur sujet : qu'ils y iront par le fait d'avoir mécru en leur Pourvoyeur" (Tafsîr ut-Tabarî) : ce verset exprime que leur admission dans la Géhenne était voulue par Dieu, mais selon la volonté divine existentielle (irâda kawniyya), et suite au choix que ces djinns et humains feront.

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II) "Dieu a égaré Untel" signifie que "Dieu a créé son égarement, et l'a rendu égaré" :

On peut comparer cela à d'autres choses : il y a le fait de faire vivre, de faire mourir, de donner à manger, de faire rire, de faire pleurer, etc.

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1) Le fait d'être en vie sur Terre :

- Tel homme vit ("وَأَوْصَانِي بِالصَّلَاةِ وَالزَّكَاةِ مَا دُمْتُ حَيًّا" : Coran 19/31 ; "وَجَعَلْنَا مِنَ الْمَاء كُلَّ شَيْءٍ حَيٍّ" : Coran 21/30).

- Telle autre personne a été la cause immédiate (sabab mubâshir) du fait que le premier est demeuré vivant :  elle l'a sauvé d'une situation mortelle, ou bien elle lui a laissé la vie sauve alors qu'il était passible de la peine capitale : "مِنْ أَجْلِ ذَٰلِكَ كَتَبْنَا عَلَىٰ بَنِي إِسْرَائِيلَ أَنَّهُ مَن قَتَلَ نَفْسًا بِغَيْرِ نَفْسٍ أَوْ فَسَادٍ فِي الْأَرْضِ فَكَأَنَّمَا قَتَلَ النَّاسَ جَمِيعًا وَمَنْ أَحْيَاهَا فَكَأَنَّمَا أَحْيَا النَّاسَ جَمِيعًا" : "Et celui qui a fait vivre une personne, c'est comme s'il avait fait vivre tous les hommes" (Coran 5/32. "خمسة أقوال: أحدها: استنقذها من هلكة، روي عن ابن مسعود، ومجاهد. قال الحسن: من أحياها من غرق أو حرق أو هلاك. (...) والثاني: ترك قتل النفس المحرمة، رواه ابن أبي طلحة عن ابن عباس، وبه قال مجاهد في رواية. والثالث: أن يعفو أولياء المقتول عن القصاص، قاله الحسن وابن زيد وابن قتيبة" : Zâd ul-massîr).

- Mais à l'échelon absolu, c'est Dieu qui a fait que l'homme est demeuré en vie, même si la cause immédiate (sabab mubâshir) du maintien du premier homme en vie a été le second homme : "أَلَمْ تَرَ إِلَى الَّذِي حَاجَّ إِبْرَاهِيمَ فِي رَبِّهِ أَنْ آتَاهُ اللَّهُ الْمُلْكَ إِذْ قَالَ إِبْرَاهِيمُ رَبِّيَ الَّذِي يُحْيِي وَيُمِيتُ قَالَ أَنَا أُحْيِي وَأُمِيتُ قَالَ إِبْرَاهِيمُ فَإِنَّ اللَّهَ يَأْتِي بِالشَّمْسِ مِنَ الْمَشْرِقِ فَأْتِ بِهَا مِنَ الْمَغْرِبِ فَبُهِتَ الَّذِي كَفَرَ" : "N'as-tu pas vu celui qui a argumenté face à Abraham, au motif que Dieu lui avait accordé la royauté ! Lorsque Abraham lui dit : "Mon Rabb est celui qui fait vivre et fait mourir." Il dit : "Moi je fais vivre et fais mourir." Abraham lui dit : "Eh bien mon Rabb fait venir le soleil de l'est, toi fais-le venir de l'ouest !" Celui qui croyait pas [= ce roi] resta alors ébahi" (Coran 2/258). On voit bien que ce que Abraham a dit ici à ce Roi (apparemment Nemrod) se trouve à un échelon autre que l'échelon précédent, puisque ce que ce Roi a ensuite fait pour prouver à Abraham que c'est lui qui fait vivre et qui fait mourir ne fait que rejoindre l'échelon précédent : à un condamné à mort il a laissé la vie sauve, et un autre il a ordonné qu'il soit mis à mort, ce qui fut fait. Or, constatant que Nemrod n'avait pas compris qu'il parlait de l'échelon supérieur (Nemrod avait repris le terme, mais le comprenant comme se rapportant à l'échelon inférieur), Abraham préféra changer d'argument plutôt que de fournir à ce roi une explication détaillée et approfondie au sujet de ce qu'il voulait dire par "faire vivre et faire mourir". "فإن قيل: لم انتقل إبراهيم إلى حجة أخرى، وعدل عن نصرة الأولى؟ فالجواب: أن إبراهيم رأى من فساد معارضته أمرا يدل على ضعف فهمه؛ فإنه عارض اللفظ بمثله، ونسي اختلاف الفعلين؛ فانتقل إلى حجة أخرى قصدا لقطع المحاج، لا عجزا عن نصرة الأولى" (Zâd ul-massîr). "ومعنى قوله: {ألم تر} أي: بقلبك يا محمد {إلى الذي حاج إبراهيم في ربه} أي: في وجود ربه. وذلك أنه أنكر أن يكون ثم إله غيره كما قال بعده فرعون لملئه: {ما علمت لكم من إله غيري}" (Tafsîr Ibn Kathîr).

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2) Le fait de se nourrir :

- Tel humain se nourrit ("وَلَكِنْ إِذَا دُعِيتُمْ فَادْخُلُوا فَإِذَا طَعِمْتُمْ فَانتَشِرُوا" : Coran 33/53).

- Telle autre personne l'a nourri (car le premier humain est son enfant, ou un pauvre) : c'est-à-dire que cette autre personne a été la cause du fait que le premier humain s'est nourri ("فَكُلُوا مِنْهَا وَأَطْعِمُوا الْبَائِسَ الْفَقِيرَ" : Coran 22/28).

- A l'échelle absolue, cependant, c'est Dieu qui nourrit toute créature, les humains y compris ("فَلْيَعْبُدُوا رَبَّ هَذَا الْبَيْتِ الَّذِي أَطْعَمَهُم مِّن جُوعٍ" : Coran 106/3-4). Mais la cause immédiate (sabab mubâshir) du fait que l'humain sus-évoqué s'est alimenté a été l'action de la seconde personne. C'est ce que certains incroyants de l'époque du Prophète (sur lui soit la paix) n'avaient pas compris : lorsqu'on les exhortait à nourrir les pauvres, ils disaient : "Pourquoi donnerions-nous à manger à des gens qui, si Dieu l'avait voulu, Il leur aurait donné à manger ?" : "وَإِذَا قِيلَ لَهُمْ أَنفِقُوا مِمَّا رَزَقَكُمْ اللَّهُ قَالَ الَّذِينَ كَفَرُوا لِلَّذِينَ آمَنُوا أَنُطْعِمُ مَن لَّوْ يَشَاء اللَّهُ أَطْعَمَهُ" (Coran 36/47).

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3) Le fait d'être guéri d'une affection :

- Après avoir été malade, tel humain a guéri ("عن أبي سعيد أن رجلا أتى النبي صلى الله عليه وسلم فقال: أخي يشتكي بطنه، فقال: "اسقه عسلا". ثم أتى الثانية، فقال: "اسقه عسلا". ثم أتاه الثالثة فقال: "اسقه عسلا". ثم أتاه فقال: قد فعلت؟ فقال: "صدق الله، وكذب بطن أخيك، اسقه عسلا". فسقاه فبرأ" : al-Bukhârî, 5360, Muslim, 2217) (Alî pensait cela au sujet du Prophète (sur lui soit la paix) : "عن عبد الله بن عباس، أن علي بن أبي طالب رضي الله عنه خرج من عند رسول الله صلى الله عليه وسلم في وجعه الذي توفي فيه، فقال الناس: "يا أبا حسن، كيف أصبح رسول الله صلى الله عليه وسلم؟" فقال: "أصبح بحمد الله بارئا". فأخذ بيده عباس بن عبد المطلب فقال له: أنت والله بعد ثلاث عبد العصا" : al-Bukhârî, 4182).

- Tel remède a été la cause immédiate de la guérison du malade : "يَخْرُجُ مِن بُطُونِهَا شَرَابٌ مُّخْتَلِفٌ أَلْوَانُهُ فِيهِ شِفَاء لِلنَّاسِ" (Coran 16/69). "الكمأة من المن، وماؤها شفاء للعين" (al-Bukhârî, 4208, Muslim, 2049). "ما أنزل الله داء إلا أنزل له شفاء" (al-Bukhârî, 5354). "عن خالد بن سعد، قال: خرجنا ومعنا غالب بن أبجر فمرض في الطريق، فقدمنا المدينة وهو مريض، فعاده ابن أبي عتيق، فقال لنا: عليكم بهذه الحبيبة السوداء، فخذوا منها خمسا أو سبعا فاسحقوها، ثم اقطروها في أنفه بقطرات زيت، في هذا الجانب وفي هذا الجانب، فإن عائشة، حدثتني: أنها سمعت النبي صلى الله عليه وسلم يقول: "إن هذه الحبة السوداء شفاء من كل داء، إلا من السام". قلت: وما السام؟ قال: الموت" (al-Bukhârî, 5363 ; voir aussi al-Bukhârî, 5364, Muslim, 2215). "عليكم بهذا العود الهندي، فإن فيه سبعة أشفية: يستعط به من العذرة، ويلد به من ذات الجنب" (al-Bukhârî, 5368, Muslim, 2214). "إن كان في شيء من أدويتكم شفاء، ففي شرطة محجم، أو لذعة بنار، وما أحب أن أكتوي" (al-Bukhârî, 5377, Muslim, 2205).

- Mais à l'échelle absolue, c'est Dieu qui guérit : "وَإِذَا مَرِضْتُ فَـهُوَ يَشْفِينِ" (Coran 26/80). "اللهم رب الناس، مذهب الباس، اشف أنت الشافي، لا شافي إلا أنت، شفاء لا يغادر سقما" (al-Bukhârî, 5410).

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4) Le fait de sourire / rire :

- Tel homme rit ("وَامْرَأَتُهُ قَآئِمَةٌ فَضَحِكَتْ" : Coran 11/71).

- Telle personne a fait rire cet homme en énonçant une plaisanterie devant lui ("ثم أقبل عمر، فاستأذن فأذن له، فوجد النبي صلى الله عليه وسلم جالسا حوله نساؤه واجما ساكتا، قال: فقال: "لأقولن شيئا أضحك النبي صلى الله عليه وسلم." فقال: "يا رسول الله، لو رأيت بنت خارجة، سألتني النفقة، فقمت إليها، فوجأت عنقها." فضحك رسول الله صلى الله عليه وسلم وقال: "هن حولي كما ترى، يسألنني النفقة" : Muslim, 1478).

- A l'échelle absolue, cependant, c'est Dieu qui fait rire ou fait pleurer ("وَأَنَّهُ هُوَ أَضْحَكَ وَأَبْكَى" : Coran 53/43). Mais la cause immédiate (sabab mubâshir) du fait que le premier homme s'est mis à rire a été l'action de la seconde personne.

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5) Le fait pour l'homme d'être bien-guidé, d'être sur le droit chemin :

- Tel homme est sur la bonne voie ("إِنَّ رَبَّكَ هُوَ أَعْلَمُ بِمَن ضَلَّ عَن سَبِيلِهِ وَهُوَ أَعْلَمُ بِمَنِ اهْتَدَى" : Coran 53/30).

- Telle personne a été la cause de la guidance du premier homme ("وَإِنَّكَ لَتَهْدِي إِلَى صِرَاطٍ مُّسْتَقِيمٍ" : Coran 42/52. "وَلَقَدْ آتَيْنَا مُوسَى الْكِتَابَ فَلَا تَكُنْ فِي مِرْيَةٍ مِنْ لِقَائِهِ وَجَعَلْنَاهُ هُدًى لِبَنِي إِسْرَائِيلَ وَجَعَلْنَا مِنْهُمْ أَئِمَّةً يَهْدُونَ بِأَمْرِنَا لَمَّا صَبَرُوا وَكَانُوا بِآيَاتِنَا يُوقِنُونَ" : Coran 32/23-24 ; "وفيهم قولان: أحدهما: أنهم الأنبياء. والثاني: أنهم قوم صالحون سوى الأنبياء" : Zâd ul-massîr).

- Mais à l'échelle absolue, c'est Dieu qui guide ("إِنَّكَ لَا تَهْدِي مَنْ أَحْبَبْتَ وَلَكِنَّ اللَّهَ يَهْدِي مَن يَشَاء" : Coran 28/56). La cause immédiate (sabab mubâshir) de la guidance du premier homme a été l'exhortation de la seconde personne, et cette cause a fait son effet parce que Dieu a voulu que cette personne soit guidée.

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6) Le fait pour l'homme de s'égarer du droit chemin :

- Tel homme s'égare ("إِنَّ رَبَّكَ هُوَ أَعْلَمُ بِمَن ضَلَّ عَن سَبِيلِهِ وَهُوَ أَعْلَمُ بِمَنِ اهْتَدَى" : Coran 53/30).

- Telle personne a été la cause de l'égarement de cet homme ("لِيَحْمِلُواْ أَوْزَارَهُمْ كَامِلَةً يَوْمَ الْقِيَامَةِ وَمِنْ أَوْزَارِ الَّذِينَ يُضِلُّونَهُم بِغَيْرِ عِلْمٍ" : Coran 16/25) ("وَأَضَلَّ فِرْعَوْنُ قَوْمَهُ" : Coran 20/79). A un degré de causalité antérieur encore, c'est le Diable qui est la cause de l'égarement de cette personne ainsi que de l'homme que cette personne a conduit à l'égarement "وَمِنَ النَّاسِ مَن يُجَادِلُ فِي اللَّهِ بِغَيْرِ عِلْمٍ وَيَتَّبِعُ كُلَّ شَيْطَانٍ مَّرِيدٍ كُتِبَ عَلَيْهِ أَنَّهُ مَن تَوَلَّاهُ فَأَنَّهُ يُضِلُّهُ وَيَهْدِيهِ إِلَى عَذَابِ السَّعِيرِ" : Coran 22/3-4).

- Mais, à l'échelle absolue, rien ne se passe sans que Dieu l'ait voulu : il est donc vrai que dire que Dieu a égaré tel homme ("فَمَن يَهْدِي مَنْ أَضَلَّ اللَّهُ" : Coran 30/29) ; cela signifie seulement que Dieu l'a rendu égaré ; cela ne signifie pas que Dieu l'a exhorté à être égaré, ou lui a suggéré des paroles qui l'ont rendu égaré ! Et la cause immédiate (sabab mubâshir) de l'égarement du premier homme a été les suggestions du Diable ou les explications d'hommes eux-mêmes égarés, ainsi que le fait que l'homme en question a choisi (ikhtiyâr) de croire celles-ci.

(Dans le Coran, on trouve le terme "إضلال", mais également celui de "إزاغة" et celui de "إغواء".)

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III) Dieu rend égaré (kufr akbar) celui qui l'a mérité, et pas autre que lui. Et Il est en Colère contre de tels hommes. Cependant, tout en étant en Colère contre eux, Il a aussi de la compassion pour eux, qui se sont ainsi égarés (et s'exposent donc à Son châtiment) :

Après avoir raconté le récit d'une cité qu'Il détruisit parce qu'ils avaient persisté à traiter de menteurs Ses Messagers qu'Il y avait suscités au nombre de 3 à la fois, Dieu dit : "يَا حَسْرَةً عَلَى الْعِبَادِ مَا يَأْتِيهِم مِّن رَّسُولٍ إِلاَّ كَانُوا بِهِ يَسْتَهْزِؤُون" : "O regret pour les serviteurs ! Il ne leur vient pas de messager sans qu'ils se moquent de lui" (Coran 36/30). As-Sa'dî écrit en commentaire, que Dieu dit cela en ayant de la compassion pour ces hommes, Ses serviteurs, ayant persisté et s'étant entêtés à refuser Son Message : "قال اللّه مترحمًا للعباد: {يَا حَسْرَةً عَلَى الْعِبَادِ مَا يَأْتِيهِمْ مِنْ رَسُولٍ إِلَّا كَانُوا بِهِ يَسْتَهْزِئُونَ} أي: ما أعظم شقاءهم، وأطول عناءهم، وأشد جهلهم، حيث كانوا بهذه الصفة القبيحة، التي هي سبب لكل شقاء وعذاب ونكال" (Tafsîr us-Sa'dî).

Dieu dit aussi : "يَا أَيُّهَا الْإِنسَانُ مَا غَرَّكَ بِرَبِّكَ الْكَرِيمِ الَّذِي خَلَقَكَ فَسَوَّاكَ فَعَدَلَكَ فِي أَيِّ صُورَةٍ مَّا شَاء رَكَّبَكَ" : "O humain, qu'est-ce qui t'a trompé au sujet de ton Pourvoyeur, le Généreux, Celui qui t'a créé (...) ?" (Coran 82/6-8).

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Par ailleurs, certes, la Miséricorde particulière de Dieu ne touche que ceux qui ont cru en Lui, cependant, la Miséricorde générale de Dieu touche tout le monde selon un autre aspect :
"قَالَ عَذَابِي أُصِيبُ بِهِ مَنْ أَشَاءُ وَرَحْمَتِي وَسِعَتْ كُلَّ شَيْءٍ فَسَأَكْتُبُهَا لِلَّذِينَ يَتَّقُونَ وَيُؤْتُونَ الزَّكَاةَ وَالَّذِينَ هُمْ بِآيَاتِنَا يُؤْمِنُونَ" : "Et Ma Miséricorde englobe toute chose. Je l'écrirai pour ceux qui se préservent, donnent l'aumône et qui croient en Nos Signes" (Coran 7/156).
As-Sa'dî écrit : "قَالَ الله تعالى: {عَذَابِي أُصِيبُ بِهِ مَنْ أَشَاءُ} ممن كان شقيا، متعرضا لأسبابه. {وَرَحْمَتِي وَسِعَتْ كُلَّ شَيْءٍ} من العالم العلوي والسفلي، البر والفاجر، المؤمن والكافر، فلا مخلوق إلا وقد وصلت إليه رحمة الله وغمره فضله وإحسانه. ولكن الرحمة الخاصة المقتضية لسعادة الدنيا والآخرة ليست لكل أحد، ولهذا قال عنها: {فَسَأَكْتُبُهَا لِلَّذِينَ يَتَّقُونَ}" (Tafsîr us-Sa'dî).
Al-Âlûssî écrit : "ورحمة الله تعالى - وإن وسعت كل شيء ببعض اعتباراتها - إلا أنها خصت المتقين باعتبار آخر كما يشير إليه قوله تعالى: {وَرَحْمَتِي وَسِعَتْ كُلَّ شَيْءٍ فَسَأَكْتُبُها لِلَّذِينَ يَتَّقُونَ}. فهي كمعيته سبحانه الغير المكيفة، ألا تسمع قوله تعالى مرة: {ما يَكُونُ مِنْ نَجْوى ثَلاثَةٍ إِلَّا هُوَ رابِعُهُمْ وَلا خَمْسَةٍ إِلَّا هُوَ سادِسُهُمْ وَلا أَدْنى مِنْ ذلِكَ وَلا أَكْثَرَ إِلَّا هُوَ مَعَهُمْ}، وتارة: {إِنَّ اللَّهَ مَعَ الَّذِينَ اتَّقَوْا وَالَّذِينَ هُمْ مُحْسِنُونَ" (Rûh ul-ma'ânî, tome 1 p. 142).
Ibn ul-Qayyim écrit pour sa part : "فإن قيل: فقد قال سبحانه عقيبها: {فَسَأَكْتُبُهَا لِلَّذِينَ يَتَّقُونَ} إلى آخر الآية يخرج غيرهم منها لخروجهم من الوصف الذي يستحق به. قيل: الرحمة المكتوبة لهؤلاء هي غير الرحمة الواسعة لجميع الخلق بل هي رحمة خاصة خصهم بها دون غيرهم وكتبها لهم دون من سواهم وهم أهل الفلاح الذين لا يعذبون بل هم أهل الرحمة والفوز والنعيم. وذكر الخاص بعد العام استطرادا. وهو كثير في القرآن بل قد يستطرد من الخاص إلى العام كقوله: {هُوَ الَّذِي خَلَقَكُمْ مِنْ نَفْسٍ وَاحِدَةٍ وَجَعَلَ مِنْهَا زَوْجَهَا لِيَسْكُنَ إِلَيْهَا فَلَمَّا تَغَشَّاهَا حَمَلَتْ حَمْلاً خَفِيفاً فَمَرَّتْ بِهِ فَلَمَّا أَثْقَلَتْ دَعَوَا اللَّهَ رَبَّهُمَا لَئِنْ آتَيْتَنَا صَالِحاً لَنَكُونَنَّ مِنَ الشَّاكِرِينَ} فهذا استطراد من ذكر الأبوين إلى ذكر الذرية ومن استطراد قوله: {إِنَّا زَيَّنَّا السَّمَاءَ الدُّنْيَا بِزِينَةٍ الْكَوَاكِبِ وَجَعَلْنَاهَا رُجُوماً لِلشَّيَاطِينِ} فالتي جعلت رجوما ليست هي التي زينت بها السماء ولكن استطرد من ذكر النوع إلى نوع آخر وأعاد ضمير الثاني على الأول لدخولهما تحت جنس واحد. فهكذا قوله: {رَحْمَتِي وَسِعَتْ كُلَّ شَيْءٍ فَسَأَكْتُبُهَا لِلَّذِينَ يَتَّقُونَ} فالمكتوب للذين يتقون نوع خاص من الرحمة الواسعة والمقصود أن الرحمة لا بد أن تسع أهل النار ولا بد أن تنتهي حيث ينتهي العلم كما قالت الملائكة ربنا وسعت كل شيء رحمة وعلما" (Shifâ' ul-'alîl, pp. 649-650).

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IV) Voici le système que Dieu a mis en place pour guider les hommes :

--- Nous l'avions déjà dit plus haut, ce que Dieu agrée (Ridhâ) de la part de, et même ce qu'Il souhaite pour chaque homme, c'est qu'il soit guidé et qu'il fasse le bien.
C'est ce que nous allons voir ci-après.

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1) L'homme est-il naturellement bon, ou naturellement porté au mal ?

- De par sa nature primordiale (Fit'ra), chaque homme est, par essence, naturellement attiré par Dieu, et par le fait de faire le bien. C'est ce qu'exprime ce célèbre hadîth : "كل إنسان تلده أمه على الفطرة" : "Chaque humain, sa mère le met au monde avec (l'état de) Fit'ra" (al-Bukhârî, 1292 etc., Muslim, 2658), ainsi que cet autre hadîth : "وإني خلقت عبادي حنفاء كلهم، وإنهم أتتهم الشياطين فاجتالتهم عن دينهم، وحرمت عليهم ما أحللت لهم، وأمرتهم أن يشركوا بي ما لم أنزل به سلطانا" (Muslim, 2865).

- Cependant, à cause de l'influence d'hommes présents avant lui sur Terre et ayant déjà dévié, à cause également des difficultés de la vie sur Terre, à cause enfin de l'élément (présent en l'homme) sensible aux suggestions du Démon ("عن أنس بن مالك أن رسول الله صلى الله عليه وسلم أتاه جبريل صلى الله عليه وسلم وهو يلعب مع الغلمان، فأخذه فصرعه، فشق عن قلبه، فاستخرج القلب، فاستخرج منه علقة، فقال: هذا حظ الشيطان منك، ثم غسله في طست من ذهب بماء زمزم، ثم لأمه، ثم أعاده في مكانه" : Muslim, 162), l'homme est, par incidence (li 'âridh), naturellement sujet au doute et à faire le mal. C'est ce qui explique cet autre hadîth, qudsî : "يا عبادي كلكم ضال إلا من هديته؛ فاستهدوني أهدكم" : "Dieu a dit : "Chacun de vous est égaré, sauf celui que Je guide. Demandez-moi donc la guidance, je vous guiderai"" (Muslim, 2577). Et cet autre hadîth : "عن عبد الله بن الديلمي، قال: سمعت عبد الله بن عمرو، يقول: سمعت رسول الله صلى الله عليه وسلم يقول: "إن الله عز وجل خلق خلقه في ظلمة، فألقى عليهم من نوره؛ فمن أصابه من ذلك النور اهتدى، ومن أخطأه ضل. فلذلك أقول: جف القلم على علم الله" (at-Tirmidhî, 2642).

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2) Cinq Sens au terme coranique "Hidâya", "guider" :

Le terme coranique "Hidâya" a :

1) le sens de "communiquer le mode de fonctionnement" :
--- "قَالَ فَمَن رَّبُّكُمَا يَا مُوسَى قَالَ رَبُّنَا الَّذِي أَعْطَى كُلَّ شَيْءٍ خَلْقَهُ ثُمَّ هَدَى" : "Notre Pourvoyeur est Celui qui a donné à chaque chose son physique puis l'a guidé" (Coran 20/49-50). Cette guidance est le code de fonctionnement. Et chaque créature suit son code de fonctionnement. Cependant, ces créatures ne peuvent, pour leur part, pas s'affranchir de la voie tracée pour elles.  Cela vaut pour l'homme aussi, dont une partie du fonctionnement est totalement indépendante de sa volonté (le fonctionnement de ses cellules, etc.) : il y a aussi ses instincts naturels.

2) le sens de "faire connaître ce qu'est la voie droite et ce qu'est la voie d'égarement ; le bien et le mal" (le terme "hidâya" est alors synonyme de "ta'rîf") :
--- "وَهَدَيْنَاهُ النَّجْدَيْنِ" : "Et Nous avons montré à l'(homme) les deux voies" (Coran 90/10) ;

3) le sens d'"inviter au bien" (le terme "hidâya" est alors synonyme de "da'wa") :
--- "وَأَمَّا ثَمُودُ فَهَدَيْنَاهُمْ فَاسْتَحَبُّوا الْعَمَى عَلَى الْهُدَى" : "Quant aux Thamûd, Nous les avions guidés [sens 3] [= invité au droit chemin, par le biais du prophète Sâlih], (mais) alors ils préférèrent l'aveuglement à la guidance [sens 4 : "être sur le droit chemin"] [et préférèrent donc suivre l'invitation de Iblîs que Notre invitation]. [Alors Nous les rendîmes égarés, selon le choix qu'ils avaient fait]" (Coran 41/17). "وقال الثوري: دعوناهم {فاستحبوا العمى على الهدى}. أي بصرناهم وبيّنّا لهم ووضَّحنا لهم الحق على لسان نبيّهم صالح عليه الصلاة والسلام، فخالفوه وكذبوه وعقروا ناقة اللّه تعالى التي جعلها آية وعلامة على صدق نبيّهم" (Tafsîr Ibn Kathîr). "وَإِنَّكَ لَتَهْدِي إِلَى صِرَاطٍ مُّسْتَقِيمٍ صِرَاطِ اللَّهِ الَّذِي لَهُ مَا فِي السَّمَاوَاتِ وَمَا فِي الْأَرْضِ" : "Et tu guides vers un chemin droit [= tu invites au droit chemin], le chemin de Dieu, à Qui appartiennent ce qu'il y a dans les cieux et ce qu'il y a sur la Terre" (Coran 42/52-53).

4) le sens de "guider concrètement" (le terme "hidâya" est alors synonyme de "tawfîq", de "i'âna 'ala-l-khayr") :
--- "وَاللّهُ يَدْعُو إِلَى دَارِ السَّلاَمِ؛ وَيَهْدِي مَن يَشَاء إِلَى صِرَاطٍ مُّسْتَقِيمٍ" : "Et Dieu invite ["da'wa", ce qui correspond au sens 3 du terme "hidâya"] à la Demeure de la Paix. Et Il guide ["hidâya" au sens 4] qui Il veut sur un chemin droit" (Coran 10/25). Cette seconde phrase signifie la même chose que la seconde phrase de cet autre verset : "مَن يَشَإِ اللّهُ يُضْلِلْهُ؛ وَمَن يَشَأْ يَجْعَلْهُ عَلَى صِرَاطٍ مُّسْتَقِيمٍ" : "Et celui qu'Il veut, Il le place sur un chemin droit" (Coran 6/39). Il y a aussi ces autres phrases, où Dieu s'adresse au prophète Muhammad (sur lui soit la paix) : "لَّيْسَ عَلَيْكَ هُدَاهُمْ وَلَكِنَّ اللّهَ يَهْدِي مَن يَشَاء" : "Le fait qu'ils soient guidés n'est pas à ta charge ; mais Dieu guide qui Il veut" (Coran 2/272) ; "إِنَّكَ لَا تَهْدِي مَنْ أَحْبَبْتَ وَلَكِنَّ اللَّهَ يَهْدِي مَن يَشَاء وَهُوَ أَعْلَمُ بِالْمُهْتَدِينَ" : "Tu ne guides pas qui tu aimes. Mais Dieu guide qui Il veut" (Coran 28/56) ; "إِن تَحْرِصْ عَلَى هُدَاهُمْ فَإِنَّ اللّهَ لاَ يَهْدِي مَن يُضِلُّ وَمَا لَهُم مِّن نَّاصِرِينَ" : "Si tu désires qu'ils soient guidés, eh bien (sache que) que Dieu ne guide pas qui égare (les autres), et (de telles personnes) n'ont pas d'auxiliaires" (Coran 16/37). Il y a encore cette parole de Noé s'adressant à son peuple : "وَلاَ يَنفَعُكُمْ نُصْحِي إِنْ أَرَدتُّ أَنْ أَنصَحَ لَكُمْ إِن كَانَ اللّهُ يُرِيدُ أَن يُغْوِيَكُمْ هُوَ رَبُّكُمْ وَإِلَيْهِ تُرْجَعُونَ" : "Et mon conseil ne vous apportera pas de profit si je veux vous conseiller, si Dieu veut vous égarer. Il est votre Seigneur, et vers Lui vous serez ramenés" (Coran 11/34).

5) le sens de "conduire, depuis la Plaine du Jugement, jusqu'à la Porte du Paradis" (le terme "hidâya" est alors synonyme de "îssâl") :
--- "إِنَّ الَّذِينَ آمَنُواْ وَعَمِلُواْ الصَّالِحَاتِ يَهْدِيهِمْ رَبُّهُمْ بِإِيمَانِهِمْ تَجْرِي مِن تَحْتِهِمُ الأَنْهَارُ فِي جَنَّاتِ النَّعِيمِ" (Coran 10/9) : "يقول: يرشدهم ربهم بإيمانهم به إلى الجنة" (Tafsîr ut-Tabarî). "وَالَّذِينَ قُتِلُوا فِي سَبِيلِ اللَّهِ فَلَن يُضِلَّ أَعْمَالَهُمْ سَيَهْدِيهِمْ وَيُصْلِحُ بَالَهُمْ وَيُدْخِلُهُمُ الْجَنَّةَ عَرَّفَهَا لَهُمْ" : "Et ceux qui auront été tués dans le chemin de Dieu, Il ne détruira jamais leurs actions : Il les guidera, rendra bon leur état, et les fera entrer dans le Jardin qu'Il leur a fait connaître" (Coran 47/4-6 ; "être tué dans le chemin de Dieu", c'est devenir martyr, ce qui suppose qu'il s'agit d'une cause juste, menée avec justice : cliquez ici et ici ; il ne suffit pas pour un musulman d'invoquer ce genre de verset et ensuite de mener des actes horribles pour être considéré auprès de Dieu comme "mort dans le chemin de Dieu").
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Tous les humains (y compris ceux qui ne croient pas) bénéficient de la Hidâya aux sens 2 et 3.

Ceux qui ne croient pas, c'est uniquement la Hidâya au sens 4 uniquement dont ils ne bénéficient pas.

"Dieu les a égarés" signifie que Dieu, ne leur ayant pas accordé cette Hidâya au sens 4, a créé leur égarement (puisque c'est Lui qui crée tout).

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3) Deux Sens au terme "Il'hâm" / "Wah'y" ("inspirer") :

i) "Ilhâm" / "Wah'y" signifie : "faire connaître" (التعريف) (cela ne constitue pas du كلام, mais un "خلق المعرفة في الضمير") :
--- "وَنَفْسٍ وَمَا سَوَّاهَا فَأَلْهَمَهَا فُجُورَهَا وَتَقْوَاهَا" : "Et par l'âme humaine et Celui qui l'a façonnée, puis lui a inspiré (ce qui constitue) son mal et (ce qui constitue) sa piété" (Coran 91/7-8). L'inspiration (Ilhâm) a ici le sens d'avoir créé en l'âme humaine la connaissance naturelle, Ta'lîm Ijmâlî (ce qui renvoie au sens 2 de Hidâya) : "قوله تعالى: فألهمها أي عرّفها، كذا روى ابن أبي نجيح عن مجاهد: أي عرّفها طريق الفجور والتقوى. وقال ابن عباس وعن مجاهد أيضا: عرّفها الطاعة والمعصية. (...) وقال الفراء: فألهمها قال: عرّفها طريق الخير وطريق الشر، كما قال: وهديناه النجدين" (Tafsîr ul-Qurtubî).
--- "وَأَوْحَى رَبُّكَ إِلَى النَّحْلِ أَنِ اتَّخِذِي مِنَ الْجِبَالِ بُيُوتًا وَمِنَ الشَّجَرِ وَمِمَّا يَعْرِشُونَ ثُمَّ كُلِي مِن كُلِّ الثَّمَرَاتِ فَاسْلُكِي سُبُلَ رَبِّكِ ذُلُلاً" : "Et ton Pourvoyeur a inspiré à l'abeille : (...)" (Coran 16/68-69). L'inspiration faite à l'abeille consiste à avoir créé en elle ce savoir-faire. En fait le terme "Wah'y" en arabe signifie : "faire connaître de façon discrète et rapide" : "الإعلام السريع الخفي". Quelques commentaires : "قوله: {وأوحى ربك إلى النحل} يقال: وحى وأوحى، وهو الإلهام؛ والمراد من الإلهام: أنه تعالى قرر في أنفسها هذه الأعمال العجيبة التي تعجز عنها العقلاء من البشر" (Tafsîr ur-Râzî). "قوله تعالى: وأوحى ربك إلى النحل: قد مضى القول في الوحي وأنه قد يكون بمعنى الإلهام، وهو ما يخلقه الله تعالى في القلب ابتداء من غير سبب ظاهر. وهو من قوله تعالى: "ونفس وما سواها فألهمها فجورها وتقواها." ومن ذلك البهائم وما يخلق الله سبحانه فيها من درك منافعها واجتناب مضارها وتدبير معاشها. وقد أخبر عز وجل بذلك عن الموات فقال: "تحدث أخبارها بأن ربك أوحى لها" (Tafsîr ul-Qurtubî).

ii) "Wah'y" signifie : "insuffler une parole dans le for intérieur" (الخطاب بطريق خفي) (cela constitue du "كلام، سواء كان متلفظًا به أو غير متلفظ به") :
--- "وَمَا كَانَ لِبَشَرٍ أَن يُكَلِّمَهُ اللَّهُ إِلَّا وَحْيًا أَوْ مِن وَرَاء حِجَابٍ أَوْ يُرْسِلَ رَسُولًا فَيُوحِيَ بِإِذْنِهِ مَا يَشَاء إِنَّهُ عَلِيٌّ حَكِيمٌ" :
"Un être humain n'en était pas à ce que Dieu lui parle, excepté :
- par inspiration [faite dans le cœur de cet humain]*,
- ou [par Sa parole audible,] derrière un voile,
- ou bien [par le fait qu']Il envoie un messager [ange] qui révèle par Sa permission ce qu'Il veut [à cet humain]"
(Coran 42/51). * "وحيا": قال مجاهد: نفث ينفث في قلبه فيكون إلهاما"" (Tafsîr ul-Qurtubî).
---"وَإِنَّ الشَّيَاطِينَ لَيُوحُونَ إِلَى أَوْلِيَآئِهِمْ لِيُجَادِلُوكُمْ" : "Et les démons inspirent leurs alliés, afin qu'ils polémiquent avec vous (sur des points du Dîn)" (Coran 6/121). "وَكَذَلِكَ جَعَلْنَا لِكُلِّ نِبِيٍّ عَدُوًّا شَيَاطِينَ الإِنسِ وَالْجِنِّ يُوحِي بَعْضُهُمْ إِلَى بَعْضٍ زُخْرُفَ الْقَوْلِ غُرُورًا" (Coran 6/112-113). "عبارة عما يوسوس به شياطين الجن إلى شياطين الإنس، وسمي وحيا لأنه إنما يكون خفية. وجعل تمويههم زخرفا لتزيينهم إياه، ومنه سمي الذهب زخرفا؛ وكل شي حسن مموه فهو زخرف" (Tafsîr ul-Qurtubî).

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4) Explications plus détaillées :

Niveau a) Dieu a fait connaître à chaque homme, de façon globale, ce qu'est le chemin droit et ce qu'est le chemin d'égarement (ce qui renvoie au sens 2 de Hidâya) (التعريف الضروري) :
Dieu a placé en l'homme la connaissance globale (ijmâlî) (Ilhâm au sens i : التعريف الضروري) de ce qu'est le bien et de ce qu'est le mal moraux : "وَنَفْسٍ وَمَا سَوَّاهَا فَأَلْهَمَهَا فُجُورَهَا وَتَقْوَاهَا" : "Et par l'âme humaine et Celui qui l'a façonnée, puis lui a inspiré (ce qui constitue) son mal et (ce qui constitue) sa piété" (Coran 91/7-8). Ici il s'agit d'avoir créé en l'homme la connaissance naturelle de cela. Seul Dieu fait cela.

Niveau b) Dieu a enseigné à l'homme les fondements de ce qui apporte le Bien-Etre dans la vie temporelle d'ici-bas, ainsi que (par le biais de Ses Messagers) les moyens détaillés pour être dans la Droiture (il se trouve en ce niveau quelque chose du sens 2 et beaucoup du sens 3 de Hidâya) :
--- "اقْرَأْ وَرَبُّكَ الْأَكْرَمُ الَّذِي عَلَّمَ بِالْقَلَمِ عَلَّمَ الْإِنسَانَ مَا لَمْ يَعْلَمْ" (Coran 96/3-5). "وَلاَ يَأْبَ كَاتِبٌ أَنْ يَكْتُبَ كَمَا عَلَّمَهُ اللّهُ فَلْيَكْتُبْ" : "Et que quelqu'un qui sait écrire ne refuse pas d'écrire. Comme Dieu le lui a enseigné, qu'il écrive !" (Coran 2/282). "وَمَا عَلَّمْتُمْ مِنَ الْجَوَارِحِ مُكَلِّبِينَ تُعَلِّمُونَهُنَّ مِمَّا عَلَّمَكُمُ اللَّهُ فَكُلُوا مِمَّا أَمْسَكْنَ عَلَيْكُمْ وَاذْكُرُوا اسْمَ اللَّهِ عَلَيْهِ" : "Et les animaux de chasse auxquels vous avez enseigné, les dressant, vous leur enseignez de ce que Dieu vous a enseigné" (Coran 5/4) ; or, ceci, Dieu l'a enseigné aux hommes en les guidant (hadâ) vers le fait d'utiliser les outils qu'Il leur a donnés.
--- "وَاتَّقُواْ اللّهَ وَيُعَلِّمُكُمُ اللّهُ" : "Préservez-vous du (châtiment de) Dieu. Et Dieu vous enseigne" (Coran 2/282). "الرَّحْمَنُ عَلَّمَ الْقُرْآنَ خَلَقَ الْإِنسَانَ عَلَّمَهُ الْبَيَانَ" : "Le Miséricordieux. Il a enseigné le Coran" (Coran 55/1-4).
Par contre, ce sont les démons qui enseignent à l'homme les moyens détaillés pour faire le mal, ce que l'homme aurait mieux fait de ne pas connaître : "وَمَا كَفَرَ سُلَيْمَانُ وَلَكِنَّ الشَّيْاطِينَ كَفَرُواْ يُعَلِّمُونَ النَّاسَ السِّحْرَ" : "Alors que Salomon n'a pas fait de kufr. Ce sont ces djinns qui ont fait kufr, enseignant aux hommes la magie" (Coran 2/102).

Niveau c) Dieu invite l'ensemble des hommes au Bien (cela renvoie au sens 3 de Hidâya) :
Dieu appelle tous les hommes à accourrir vers le bien moral. Ses prophètes et Messagers ont été chargés par Lui de lancer et de renouveler cet Appel. "وَقَالُواْ إِنَّا كَفَرْنَا بِمَا أُرْسِلْتُم بِهِ وَإِنَّا لَفِي شَكٍّ مِّمَّا تَدْعُونَنَا إِلَيْهِ مُرِيبٍ قَالَتْ رُسُلُهُمْ أَفِي اللّهِ شَكٌّ فَاطِرِ السَّمَاوَاتِ وَالأَرْضِ يَدْعُوكُمْ لِيَغْفِرَ لَكُم مِّن ذُنُوبِكُمْ وَيُؤَخِّرَكُمْ إِلَى أَجَلٍ مُّسَمًّى" : A ceux qui refusaient de croire en le message que Dieu les avait chargés de le leur délivrer, des Messagers dirent : "Est-ce au sujet de Dieu qu'il y a (en vous) un doute, (Lui qui est) le Créateur des cieux et de la Terre ? Il vous appelle afin de vous pardonner vos péchés" (Coran 41/9-10). "أُوْلَئِكَ يَدْعُونَ إِلَى النَّارِ وَاللّهُ يَدْعُوَ إِلَى الْجَنَّةِ وَالْمَغْفِرَةِ بِإِذْنِهِ" : "Eux appellent au Feu. Et Dieu appelle au Jardin et au Pardon, par Sa Permission" (Coran 2/121). "وَاللّهُ يَدْعُو إِلَى دَارِ السَّلاَمِ؛ وَيَهْدِي مَن يَشَاء إِلَى صِرَاطٍ مُّسْتَقِيمٍ" : "Et Dieu invite à la Demeure de la Paix" (Coran 10/25).
Par contre, ce sont les démons qui appellent tous les hommes vers le mal moral. "أَوَلَوْ كَانَ الشَّيْطَانُ يَدْعُوهُمْ إِلَى عَذَابِ السَّعِيرِ" : "Même si le Diable les appelle à (se diriger) vers le châtiment du Brasier ?" (Coran 31/21). "إِنَّ الشَّيْطَانَ لَكُمْ عَدُوٌّ فَاتَّخِذُوهُ عَدُوًّا إِنَّمَا يَدْعُو حِزْبَهُ لِيَكُونُوا مِنْ أَصْحَابِ السَّعِيرِ" : "Le Diable est pour vous un ennemi, prenez-le donc comme un ennemi. Il appelle (ceux qui finiront par être) son groupe afin qu'ils soient les gens du Brasier" (Coran 35/6).

Niveau d) En sus de l'invitation, auprès de chaque homme (croyant ou non-croyant) se trouve un ange qui insuffle du bien dans le for d'un homme (il s'agit du niveau ii de Ilhâm, الخطاب بطريق خفي, et cela renvoie au sens 3 de Hidâya) :
Cela, cet ange le fait sur ordre de Dieu, qui l'a chargé de cela (ursila min-Allâh). Et il s'agit d'un message allant dans le sens de ce que Dieu dit et agrée. Il s'agit d'une forme de Ilhâm (lequel est une forme de Tak'lîm : "ce qui est insufflé dans le for intérieur de l'homme") : il s'agit d'un Ilhâm de ce qui est "bien tashrî'î".
Par contre, ce sont les démons qui font Ilhâm du mal moral (Ilhâm au sens ii) : ils insufflent à la personne des doutes, ainsi que de commettre les actions de mal. Ils insufflent à leurs alliés humains des arguments pour polémiquer avec les croyants sur des points de la vraie foi : "وَإِنَّ الشَّيَاطِينَ لَيُوحُونَ إِلَى أَوْلِيَآئِهِمْ لِيُجَادِلُوكُمْ" (Coran 6/121). Et lorsqu'un démon fait ainsi, cela se passe également, comme toute chose, par la Volonté Créatrice de Dieu (bi irâdat illâh at-takwîniyya) : "وَكَذَلِكَ جَعَلْنَا لِكُلِّ نِبِيٍّ عَدُوًّا شَيَاطِينَ الإِنسِ وَالْجِنِّ يُوحِي بَعْضُهُمْ إِلَى بَعْضٍ زُخْرُفَ الْقَوْلِ غُرُورًا. وَلَوْ شَاء رَبُّكَ مَا فَعَلُوهُ فَذَرْهُمْ وَمَا يَفْتَرُونَ. وَلِتَصْغَى إِلَيْهِ أَفْئِدَةُ الَّذِينَ لاَ يُؤْمِنُونَ بِالآخِرَةِ وَلِيَرْضَوْهُ وَلِيَقْتَرِفُواْ مَا هُم مُّقْتَرِفُونَ" (Coran 6/112-113). Cependant, Dieu ne l'a pas chargé d'aller dire cela à cet homme (layssa ursila min-Allâh, bal ursila min Iblîs). Par ailleurs, c'est un message dont le contenu va à l'encontre de ce que Dieu dit et agrée : "قُلْ إِنَّ اللّهَ لاَ يَأْمُرُ بِالْفَحْشَاء أَتَقُولُونَ عَلَى اللّهِ مَا لاَ تَعْلَمُونَ؟ قُلْ أَمَرَ رَبِّي بِالْقِسْطِ" (Coran 6/28-29).

Niveau e) Dieu, par Fadhl vis-à-vis de tel homme particulier, veut (Irâda Hâditha) de cet homme qu'il se mette sur la droiture (cela correspond au sens 4 de Hidâya : le Tawfîq) :
Le contraire de cette volonté de guider n'est pas la volonté d'égarer, mais l'absence de volonté de guider : les deux sont différents, nous y reviendrons plus bas. "إِنْ هُوَ إِلَّا ذِكْرٌ لِّلْعَالَمِينَ لِمَن شَاء مِنكُمْ أَن يَسْتَقِيمَ وَمَا تَشَاؤُونَ إِلَّا أَن يَشَاء اللَّهُ رَبُّ الْعَالَمِينَ" (Coran 81/27-29). "إِنَّ هَذِهِ تَذْكِرَةٌ فَمَن شَاء اتَّخَذَ إِلَى رَبِّهِ سَبِيلًا وَمَا تَشَاؤُونَ إِلَّا أَن يَشَاء اللَّهُ إِنَّ اللَّهَ كَانَ عَلِيمًا حَكِيمًا يُدْخِلُ مَن يَشَاء فِي رَحْمَتِهِ وَالظَّالِمِينَ أَعَدَّ لَهُمْ عَذَابًا أَلِيمًا" (Coran 76/29-31).
Ce Tawfîq se fait par le fait d'avoir mis cela dans leur cœur : "وَإِذْ أَوْحَيْتُ إِلَى الْحَوارِيِّينَ أَنْ آمِنُوا بِي وَبِرَسُولِي قالُوا آمَنَّا وَاشْهَدْ بِأَنَّنا مُسْلِمُونَ" (Coran 5/111) : d'après l'un des 2 commentaires, il s'agit bien d'avoir mis dans leur cœur : "وفي الوحي إلى الحواريين قولان: أحدهما: أنه بمعنى الإِلهام، قاله الفراء. وقال السدي: قذف في قلوبهم" (Zâd ul-massîr). Dans le cas de ces Compagnons de Jésus, cela peut avoir constitué une parole venant de Dieu, comme cela peut avoir seulement constitué en le fait d'avoir placé cela dans leur cœur (comme dans l'autre verset : "وَأَنزَلَ الَّذِينَ ظَاهَرُوهُم مِّنْ أَهْلِ الْكِتَابِ مِن صَيَاصِيهِمْ وَقَذَفَ فِي قُلُوبِهِمُ الرُّعْبَ" : Coran 33/26).

Niveau f) L'homme choisit (Ikhtiyâr) d'être sur la guidance, ou bien sur l'égarement :
Nous y reviendrons au chapitre suivant.
En tous cas, personne ne l'y contraint :
--- A l'échelon absolu (voir en I, plus haut), Dieu ne contraint personne à être et à faire ainsi ou ainsi (contrairement à ce que les Jahmites disent).
--- A un échelon inférieur non plus, aucune personne qui invite à l'égarement, ni aucun diable, ne contraint l'homme à faire le choix qu'il fait : eux se contentent de l'inviter, de lui présenter l'égarement de façon enjolivée. Le choix est celui de l'individu.

Niveau g) Dieu fait se réaliser soit la guidance (ce qui renvoie au sens 4 de Hidâya), soit l'égarement :
Tout ce que Dieu fait se réaliser, c'est qu'Il l'a voulu (Irâda takwîniyya). Seul Dieu fait cela. Et personne d'autre que Dieu (ni homme, ni ange, ni démon) n'a de prérogative relevant de cet échelon.
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--- Quand il est dit que "Dieu a guidé (hidâya) des hommes", cela relève de la Hidâya au sens 4 : il s'agit du tawfîq ullâh ; par rapport au niveau g, cela signifie que Dieu a rendu ces hommes bien-guidés.

--- Et quand il est dit que "Dieu a égaré des hommes", c'est que Dieu ne leur a pas accordé la hidâya au sens 4 ; et c'est que, par rapport au niveau g, Il a créé l'égarement de ces hommes. Maintenant Il aurait pu, par Faveur (Fadhl), inspirer à ces hommes de se mettre sur la droiture (niveau e), mais Il ne l'a pas fait (cela est عدمي) : cela a été par le fait d'être simplement Juste (par 'Adl de Sa part) : nous le verrons 2 chapitres plus loin.

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5) Quelle est la part du Libre Arbitre de l'homme (Ikhtiyâr ul-insân) par rapport à la Volonté Créatrice (Irâda Takwîniyya) de Dieu ?

--- D'après les Jab'riyya (et les Jahmites sont ainsi), le Libre Arbitre de l'homme n'est qu'une illusion : l'homme est forcé (majbûr) de la part de Dieu : il n'est qu'un outil inerte entre les Mains de Dieu. C'est pourquoi les Jahmites croient que Dieu peut châtier l'homme qui n'a rien fait ; et qu'ils croient que, dans Sa Loi Tashrî'î, les interdits et obligations sont motivés par Sa Pure Décision, sans aucune Raison particulière. En effet, tout cela rejoint la même idée : tout appartient à Dieu, et Il y fait donc ce qu'Il veut, sans qu'il y ait une raison.

--- D'après les Qadariyya (et les Mutazilites sont ainsi), le Libre Arbitre de l'homme est absolu ; la Volonté de Dieu n'a pas d'incidence (ta'thîr) sur lui ;

--- D'après l'orthodoxie Sunnite, les Ahlus-Sunna wa-l-Jamâ'ah, les deux sont existants : le Libre Arbitre de l'homme ; ainsi que la Volonté de Dieu. Maintenant quelle est la part de l'un et de l'autre ? Il y a débat sur ce point :
------ d'après les Acharites, le Libre Arbitre est affirmé mais, à lire ce que la plupart d'entre ces ulémas ont dit, il n'a pas vraiment d'effet (Mawqifu Ibni Taymiyya min al-ashâ'ira, p. 1206) ;
------ d'après les Maturidites, le choix que l'homme fait est autonome par rapport à ce que Dieu veut (Ibid., p. 1202) ; "ويلاحظ أن مذهب الماتريدية هذا قربهم قليلاً من مذهب المعتزلة، كما أن مذهب جمهور الأشاعرة قريب من قول الجهمية. فكلا قولي الأشاعرة والماتريدية متفق على أن الله هو الخالق والعبد كاسب، بمعنى أنه متسبب بعزمه في أن يخلق الله الفعل ويجريه على يديه، لكن اختلفوا في هذا العزم: أمن عمل العبد هو أم من عمل الرب؟ بمعنى: هل العبد هو الذي يوجه إرادة نفسه مختارا في هذا التوجيه؟ أم الله هو الذي يوجه إرادة العبد إلى الشيء أو ضده ولا يملك العبد لذلك نقضا ولا تحويلا؟ قال بالأول الماتريدية، وبالثاني الأشاعرة" (Ibid., p. 1202) ;
------ d'après l'Avis Juste : les deux ont un effet, et la volonté de Dieu (Irâda Hâditha) est concomitante à la volonté humaine. Le caractère réellement existant du choix intérieur (الاختيار) de l'homme apparaît clairement dans ce verset, où Dieu dit : "وَأَمَّا ثَمُودُ فَهَدَيْنَاهُمْ، فَاسْتَحَبُّوا الْعَمَى عَلَى الْهُدَى" : "Quant aux Thamûd, Nous les avions invités [sens 3] [au droit chemin, par le biais du prophète Sâlih], (mais) alors ils préférèrent l'aveuglement à la guidance [au sens 4 : au fait d'être sur le droit chemin]" (Coran 41/17).
On peut résumer cela ainsi : "فالعبد له اختيار ومشيئة حقيقيان، لكن هذا الاختيار وهذه المشيئة لا يقعان إلا بمشيئة الله سبحانه وتعالى".
Cheikh Thânwî écrit : "ارادہ خداوندی خاص اس طریق سے متعلق هوا کہ بنده باختیارِ خود یہ فعل کریگا؛ سو اختیارِ عبد تو اور زیاده موکَّد وثابت الوجود هو گیا؛ یہ نهیں کہ مسلوب ومعدوم هو گیا" (Bayân ul-qur'ân, tome 1 p. 6).
Cependant, il n'est pas possible pour un humain de cerner la part de chacun de ces deux dans le choix que l'homme fait : la part de Volonté de Dieu et la part du Libre-Arbitre de l'homme.
At-Tahâwî a formulé cette incapacité de l'homme, ainsi que de toute créature, à cerner cela, en ces termes : أصل القدر سر الله تعالى في خلقه، لم يطلع على ذلك ملك مقرب ولا نبي مرسل. والتعمق والنظر في ذلك ذريعة الخذلان وسلم الحرمان ودرجة الطغيان. فالحذر كل الحذر من ذلك نظرا وفكرا ووسوسة فإن الله تعالى طوى علم القدر عن أنامه ونهاهم عن مرامه" (Aqîdat ut-Tahâwî, point n° 45).
Ibn Taymiyya écrit : "والمقام الثاني: في تحرير السؤال وجوابه - وهو أن يقال: هل قدرة العبد المخلوقة مؤثرة في وجود فعله؟ فإن كانت مؤثرة لزم الشرك؛ وإلا لزم الجبر. والمقام مقام معروف، وقف فيه خلق من الفاحصين والباحثين والبصراء والمكاشفين وعامتهم فهموا صحيحا. ولكن قل منهم من عبر فصيحا. فنقول: التأثير اسم مشترك؛ قد يراد بالتأثير الانفراد بالابتداع والتوحيد بالاختراع، فإن أريد بتأثير قدرة العبد هذه القدرة، فحاشا لله لم يقله سني وإنما هو المعزو إلى أهل الضلال. وإن أريد بالتأثير نوع معاونة إما في صفة من صفات الفعل أو في وجه من وجوهه كما قاله كثير من متكلمي أهل الإثبات، فهو أيضا باطل بما به بطل التأثير في ذات الفعل؛ إذ لا فرق بين إضافة الانفراد بالتأثير إلى غير الله سبحانه في ذرة أو فيل؛ وهل هو إلا شرك دون شرك، وإن كان قائل هذه المقالة ما نحا إلا نحو الحق. وإن أريد بالتأثير أن خروج الفعل من العدم إلى الوجود كان بتوسط القدرة المحدثة، بمعنى أن القدرة المخلوقة هي سبب وواسطة في خلق الله سبحانه وتعالى الفعل بهذه القدرة (كما خلق النبات بالماء وكما خلق الغيث بالسحاب. وكما خلق جميع المسببات والمخلوقات بوسائط وأسباب)، فهذا حق وهذا شأن جميع الأسباب والمسببات؛ وليس إضافة التأثير بهذا التفسير إلى قدرة العبد شركا وإلا فيكون إثبات جميع الأسباب شركا. وقد قال الحكيم الخبير: {فأنزلنا به الماء فأخرجنا به من كل الثمرات} . {فأنبتنا به حدائق ذات بهجة} وقال تعالى: {قاتلوهم يعذبهم الله بأيديكم} . فبين أنه المعذب، وأن أيدينا أسباب وآلات وأوساط وأدوات في وصول العذاب إليهم. وقال صلى الله عليه وسلم {لا يموتن أحد منكم إلا آذنتموني حتى أصلي عليه فإن الله جاعل بصلاتي عليه بركة ورحمة}: فالله سبحانه هو الذي يجعل الرحمة وذلك إنما يجعله بصلاة نبينا صلى الله عليه وسلم. وعلى هذا التحرير فنقول: خلق الله سبحانه أعمال الأبدان بأعمال القلوب ويكون لأحد الكسبين تأثير في الكسب الآخر بهذا الاعتبار ويكون ذلك الكسب من جملة القدرة المعتبرة في الكسب الثاني؛ فإن القدرة هنا ليست إلا عبارة عما يكون الفعل به لا محالة من قصد وإرادة وسلامة الأعضاء والقوى المخلوقة في الجوارح وغير ذلك؛ ولهذا وجب أن تكون مقارنة للفعل، وامتنع تقديمها على الفعل بالزمان. وأما القدرة التي هي مناط الأمر والنهي فذاك حديث آخر ليس هذا موضعه" (MF 8/389-390).

--- Il y a la Volonté pré-éternelle de Dieu : Irâdatullâh al-Azaliyya (bien évidemment, elle précède l'action de l'homme).
--- Et puis il y a la Volonté divine de l'instant : Irâdat ullâh al-Hâditha : c'est un Acte (Fi'l) de Dieu, et il se produit donc à un moment donné.
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- Quand on dit que Dieu a, depuis toujours, voulu qu'Untel soit guidé et Untel ne le soit pas, on parle de Sa Irâda Azaliyya (1).
- Et quand on dit que Dieu a voulu guider Untel mais n'a pas voulu guider telle Autre personne, on parle de Sa Irâda Hâditha pour le premier (Tawfîq), et de l'absence de cette Irâda ('Adam ut-Tawfîq) pour le second. Par ailleurs, dans le cas du sceau sur le cœur, par exemple, cette Irâda Hâditha fait suite à ce que l'homme a choisi de faire (nous y reviendrons au sous-chapitre 7) (2).
- Et quand on dit qu'aucune action de l'homme ne peut se produire sans la Volonté de Dieu, cette Irâda est également Hâditha (3)..
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----- La Volonté divine de ce 3ème type se produit en même temps que l'action.
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----- Mais qu'en est-il de la Volonté divine du 2nd type ?
-------- At-Tahâwî a écrit : "والاستطاعة التي يجب بها الفعل (من نحو التوفيق الذي لا يجوز أن يوصف المخلوق به) فهي مع الفعل. وأما الاستطاعة من جهة الصحة والوسع والتمكن وسلامة الآلات فهي قبل الفعل وبها يتعلق الخطاب" (
Aqîdat ut-tahâwî, point n° 85).
-------- Ibn ul-Qayyim a cependant
écrit : "فصل: وأما عدم مشيئته سبحانه وإرادته فكما قال تعالى: {أُولَئِكَ الَّذِينَ لَمْ يُرِدِ اللَّهُ أَنْ يُطَهِّرَ قُلُوبَهُمْ} وقال: {وَلَوْ شِئْنَا لآتَيْنَا كُلَّ نَفْسٍ هُدَاهَا} : {وَلَوْ شَاءَ رَبُّكَ لآمَنَ مَنْ فِي الأَرْضِ كُلُّهُمْ جَمِيعا}. وعدم مشيئته للشيء مستلزم لعدم وجوده، كما أن مشيئته تستلزم وجوده؛ فما شاء الله وجب وجوده وما لم يشأ امتنع وجوده. وقد أخبر سبحانه أن العباد لا يشاؤن إلا بعد مشيئته ولا يفعلون شيئا إلا بعد مشيئته فقال: {وَمَا تَشَاءُونَ إِلاَّ أَنْ يَشَاءَ اللَّه} وقال: {وَمَا يَذْكُرُونَ إِلاَّ أَنْ يَشَاءَ اللَّهُ}" (Shifâ' ul-'alîl, p. 277).

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6) Dieu ne suggère jamais le mal dans le for intérieur de l'homme. Et le Démon suggère toujours le mal dans le for intérieur de l'homme :

En effet, et non seulement Dieu ne suggère jamais le mal dans le for intérieur d'un homme, mais Il ne dépêche même pas un démon auprès d'un homme, l'ayant chargé d'insuffler telle parole de mal à celui-ci.

C'est Iblîs qui, par revanche pour le fait qu'il a été chassé et maudit par Dieu pour s'être enorgueilli et avoir refusé l'ordre de Dieu de témoigner à Adam le respect et la reconnaissance de sa supériorité sur eux, c'est donc Iblîs qui, de son propre choix (ikhtiyâr, niveau f), a promis à Dieu qu'il allait égarer les hommes. Quand Iblîs eut fait cette promesse devant Dieu, Dieu lui octroya alors la capacité globale de faire ainsi (idhn takwînî kullî) (lire notre article consacré à la chute d'Iblîs), en même temps qu'Il mit en garde Adam ainsi que sa descendance contre Iblîs, et leur octroya la capacité de se prémunir des suggestions de cet ennemi. Depuis lors, Iblîs et ses légions (junûd) font, de leur propre choix (ikhtiyâr), cet effort de détourner les hommes du droit chemin.

Iblîs reconnaît la Souveraineté Takwînî de Dieu sur toute la création et ne la nie nullement ; ce qu'il fait c'est que, suite à son bannissement et éloignement, par dépit et par rancune, il appelle les humains à s'éloigner de Dieu ; ce faisant, il est en opposition à la Tashrî' de Dieu.
Le Bien est l'action qui est aimée par Dieu et qui rapproche de Lui. Le Mal est l'action qui est détestée par Dieu et qui éloigne de Lui.
L'homme Bon est celui qui est rapproché de Dieu. L'homme Mauvais est celui qui est éloigné de Dieu et proche du Diable.

--- "أَلَمْ أَعْهَدْ إِلَيْكُمْ يَا بَنِي آدَمَ أَن لَّا تَعْبُدُوا الشَّيْطَانَ إِنَّهُ لَكُمْ عَدُوٌّ مُّبِينٌ، وَأَنْ اعْبُدُونِي هَذَا صِرَاطٌ مُّسْتَقِيمٌ. وَلَقَدْ أَضَلَّ مِنكُمْ جِبِلًّا كَثِيرًا أَفَلَمْ تَكُونُوا تَعْقِلُونَ" (Coran 36/60-62).
--- "أُوْلَئِكَ يَدْعُونَ إِلَى النَّارِ. وَاللّهُ يَدْعُوَ إِلَى الْجَنَّةِ وَالْمَغْفِرَةِ بِإِذْنِهِ" : "Eux invitent au Feu. Et Dieu invite au Jardin et au Pardon, par Sa Permission" (Coran 2/121).
--- "الشَّيْطَانُ يَعِدُكُمُ الْفَقْرَ وَيَأْمُرُكُم بِالْفَحْشَاء. وَاللّهُ يَعِدُكُم مَّغْفِرَةً مِّنْهُ وَفَضْلاً وَاللّهُ وَاسِعٌ عَلِيمٌ" (Coran 2/268).
--- "يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُوا لَا تَتَّبِعُوا خُطُوَاتِ الشَّيْطَانِ وَمَن يَتَّبِعْ خُطُوَاتِ الشَّيْطَانِ فَإِنَّهُ يَأْمُرُ بِالْفَحْشَاء وَالْمُنكَرِ. وَلَوْلَا فَضْلُ اللَّهِ عَلَيْكُمْ وَرَحْمَتُهُ مَا زَكَا مِنكُم مِّنْ أَحَدٍ أَبَدًا وَلَكِنَّ اللَّهَ يُزَكِّي مَن يَشَاء وَاللَّهُ سَمِيعٌ عَلِيمٌ" (Coran 24/21).
--- "وَمَن يَتَّخِذِ الشَّيْطَانَ وَلِيًّا مِّن دُونِ اللّهِ فَقَدْ خَسِرَ خُسْرَانًا مُّبِينًا" (Coran 4/119).

Dès lors, oui, ce Ilhâm fait par un diable volontairement (ikhtiyâr, niveau f chez ce diable), à un humain (niveau d pour cet humain, en provenance de ce diable), ce mauvais Ilhâm aussi se produit par la Irâda takwîniyya de Dieu.
Mais si Dieu a rendu cela possible
(Idhn Takwînî), c'est pour mettre les humains à l'épreuve : choisissent-ils (niveau f chez ces humains) de suivre Son Appel à Lui, Dieu, ou bien de suivre l'Appel du Diable ?

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Certes
, un verset se lit ainsi : "أَلَمْ تَرَ أَنَّا أَرْسَلْنَا الشَّيَاطِينَ عَلَى الْكَافِرِينَ تَؤُزُّهُمْ أَزًّا" (Coran 19/83).

Mais il faut savoir que si "arsala" signifie "charger d'une mission / de délivrer un message" lorsqu'employé avec la particule "ilâ" (comme dans le verset : "فَأَرْسَلْنَا إِلَيْهَا رُوحَنَا" : Coran 19/17, "وَمَا كَانَ لِبَشَرٍ أَن يُكَلِّمَهُ اللَّهُ إِلَّا وَحْيًا أَوْ مِن وَرَاء حِجَابٍ أَوْ يُرْسِلَ رَسُولًا فَيُوحِيَ بِإِذْنِهِ مَا يَشَاء" : Coran 42/51), par ailleurs il signifie : "lâcher"  lorsqu'employé avec la particule "'alâ" (comme dans le verset : "وَأَرْسَلْنَا السَّمَاء عَلَيْهِم مِّدْرَارًا" : Coran 6/6).
Et ici, dans le verset 19/83, le terme "arsala" a été employé avec la particule "'alâ", et signifie : "ne pas s'interposer entre ces diables et ces hommes", ou (ce qui n'est pas très différent) : "donner effet aux diables sur ces hommes" ("قوله تعالى: ألم تر أنا أرسلنا الشياطين: قال الزجاج: في معنى هذا الإرسال وجهان: أحدهما: خلينا بين الشياطين وبين الكافرين فلم نعصمهم من القبول منهم. والثاني - وهو المختار-: سلطناهم عليهم وقيضناهم لهم بكفرهم" : Zâd ul-massîr).

Le verbe "sal-la-ta" (سلط) signifie : "donner ascendant sur".
Ici il désigne le fait de "donner effet sur", conformément à ce que disent les versets suivants...

D'une part, parlant de ce que, une fois dans la Géhenne lui ainsi que ceux des humains qui l'auront suivi, Iblîs dira à ceux qui l'auront suivi, Dieu nous informe : "وَقَالَ الشَّيْطَانُ لَمَّا قُضِيَ الأَمْرُ إِنَّ اللّهَ وَعَدَكُمْ وَعْدَ الْحَقِّ وَوَعَدتُّكُمْ فَأَخْلَفْتُكُمْ وَمَا كَانَ لِيَ عَلَيْكُم مِّن سُلْطَانٍ إِلاَّ أَن دَعَوْتُكُمْ فَاسْتَجَبْتُمْ لِي فَلاَ تَلُومُونِي وَلُومُواْ أَنفُسَكُم مَّا أَنَاْ بِمُصْرِخِكُمْ وَمَا أَنتُمْ بِمُصْرِخِيَّ إِنِّي كَفَرْتُ بِمَآ أَشْرَكْتُمُونِ مِن قَبْلُ" : "Et, lorsque le jugement aura été rendu [et que les fautifs seront dans la Géhenne], le Diable dira : "Dieu vous avait promis ce qui est promesse de la vérité, et je vous avais promis et n'ai pas tenu ma promesse. (Mais) je n'avais aucun sultân sur vous ; (je n'ai fait que) vous inviter, et alors vous avez répondu (à mon invitation). Ne me blâmez donc pas, mais blâmez-vous vous-même ! Je n'en suis pas à vous sauver, et vous n'en êtes pas à me sauver (de la Géhenne)"" (Coran 14/22). Ici, le terme "sultân" désigne le pouvoir de contraindre, d'amener quelqu'un à faire quelque chose contre son gré ; le verset veut dire que Iblîs ne peut jamais amener quelqu'un à faire quelque chose contre son gré : il ne fait que suggérer, inviter, et enjoliver le mal : ensuite chacun est libre de répondre à ses invites ou à les repousser, en son âme et conscience.

D'autre part : Dieu nous relate que, lorsque Iblîs se révolta contre Son Impératif lié à Adam, et que, ensuite, il promit faire des efforts pour égarer la descendance de Adam, Dieu lui dit : "Mes serviteurs (proches), tu n'auras aucun sultân sur eux. (Tu n'auras de sultân) que sur celui qui te suivra [= choisira de te suivre] parmi les égarés" : "إِنَّ عِبَادِي لَيْسَ لَكَ عَلَيْهِمْ سُلْطَانٌ إِلاَّ مَنِ اتَّبَعَكَ مِنَ الْغَاوِينَ" (Coran 15/42). Dieu dit également : "فَإِذَا قَرَأْتَ الْقُرْآنَ فَاسْتَعِذْ بِاللّهِ مِنَ الشَّيْطَانِ الرَّجِيمِ إِنَّهُ لَيْسَ لَهُ سُلْطَانٌ عَلَى الَّذِينَ آمَنُواْ وَعَلَى رَبِّهِمْ يَتَوَكَّلُونَ. إِنَّمَا سُلْطَانُهُ عَلَى الَّذِينَ يَتَوَلَّوْنَهُ وَالَّذِينَ هُم بِهِ مُشْرِكُونَ" (Coran 16/99-100). Ici le terme "sultân" désigne le pouvoir d'influencer. Ces versets veulent dire que les suggestions du Diable ont beaucoup plus d'effet sur l'homme qui prend le Diable comme allié que sur celui qui prend Dieu comme allié : le premier homme est familier avec le Diable et sa façon de penser et de présenter les choses, contrairement au second homme.

Le verset suscité, "أَلَمْ تَرَ أَنَّا أَرْسَلْنَا الشَّيَاطِينَ عَلَى الْكَافِرِينَ تَؤُزُّهُمْ أَزًّا" (Coran 19/83), dit en fait la même chose que cet autre verset : "وَمَن يَعْشُ عَن ذِكْرِ الرَّحْمَنِ نُقَيِّضْ لَهُ شَيْطَانًا فَهُوَ لَهُ قَرِينٌ وَإِنَّهُمْ لَيَصُدُّونَهُمْ عَنِ السَّبِيلِ وَيَحْسَبُونَ أَنَّهُم مُّهْتَدُونَ حَتَّى إِذَا جَاءنَا قَالَ يَا لَيْتَ بَيْنِي وَبَيْنَكَ بُعْدَ الْمَشْرِقَيْنِ فَبِئْسَ الْقَرِينُ" : "Et celui qui s'aveugle par rapport au Souvenir du Miséricordieux, Nous lui assujettirons un diable, et alors celui-ci sera son compagnon" (Coran 43/36-38). Et de cet autre encore : "إِنَّا جَعَلْنَا الشَّيَاطِينَ أَوْلِيَاء لِلَّذِينَ لاَ يُؤْمِنُونَ" (Coran 7/27).

Parlant d'Hypocrites (Munâfiq bi nifâq akbar), Dieu dit : "اسْتَحْوَذَ عَلَيْهِمُ الشَّيْطَانُ فَأَنسَاهُمْ ذِكْرَ اللَّهِ" : "Le Diable a pris le dessus sur eux, alors il leur a fait oublier le Souvenir de Dieu" (Coran 58/19).
--- Dans ce dernier verset, c'est l'action du Diable (fi'l ush-shaytân) qui est évoquée.
--- Dans les versets précédents, c'était en tant que résultat de l'action de Dieu (donc de maf'ûl ullâh) que la chose était présentée.

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Cela est comparable au verbe "ba'th" : cela signifie : "faire se lever" ("ثُمَّ بَعَثْنَاكُم مِّن بَعْدِ مَوْتِكُمْ" : Coran 2/56), et, de là : "envoyer", mais c'est parfois au sens de "dépêcher avec une mission" ("هُوَ الَّذِي بَعَثَ فِي الْأُمِّيِّينَ رَسُولًا مِّنْهُمْ" : Coran 62/2, "وَلَقَدْ بَعَثْنَا فِي كُلِّ أُمَّةٍ رَّسُولاً أَنِ اعْبُدُواْ اللّهَ وَاجْتَنِبُواْ الطَّاغُوتَ" : Coran 16/36), et d'autres fois : simplement "susciter", comme dans le verset "فَإِذَا جَاء وَعْدُ أُولاهُمَا بَعَثْنَا عَلَيْكُمْ عِبَادًا لَّنَا أُوْلِي بَأْسٍ شَدِيدٍ" (Coran 17/5) : d'après le commentaire retenu par notamment Ibn Taymiyya, ce verset parle des Polythéistes de Babylone, qui, en - 587, vinrent combattre les Monothéistes et Mu'minûn de leur époque (les fils d'Israël), détruire le Lieu de Culte de Jérusalem qui était dédié à Dieu (Bayt ul-Maqdis), et déporter ces croyants. Il est évident que Dieu n'a pas dépêché ces polythéistes en les ayant chargés de la mission de faire ces actes interdits ; Il a seulement fait naître comme résultat qu'ils se sont levés vers Jérusalem, l'ont détruite et ont déporté ces croyants de l'époque.

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En fait, auprès de chaque personne se trouve un diable, qui fait le travail que Iblîs s'est assigné, lui et ses armées : insuffler à l'homme de douter et de faire l'action du mal (en même temps qu'il se trouve auprès de lui un ange qui lui souffle de faire le bien) :
--- "عن عبد الله بن مسعود، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "ما منكم من أحد إلا وقد وكل به قرينه من الجن وقرينه من الملائكة." قالوا: وإياك يا رسول الله؟ قال: "وإياي، إلا أن الله أعانني عليه، فأسلم، فلا يأمرني إلا بخير" (Muslim, 2814).
--- "عن عبد الله بن مسعود، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "إن للشيطان لمة بابن آدم وللملك لمة. فأما لمة الشيطان فإيعاد بالشر وتكذيب بالحق. وأما لمة الملك فإيعاد بالخير وتصديق بالحق، فمن وجد ذلك فليعلم أنه من الله فليحمد الله. ومن وجد الأخرى فليتعوذ بالله من الشيطان الرجيم." ثم قرأ {الشيطان يعدكم الفقر ويأمركم بالفحشاء}" (at-Tirmidhî, 2988, dha'if d'après al-Albânî).
--- "عن أبي سعيد الخدري، عن النبي صلى الله عليه وسلم، قال: "ما بعث الله من نبي ولا استخلف من خليفة، إلا كانت له بطانتان: بطانة تأمره بالخير وتحضه عليه، وبطانة تأمره بالشر وتحضه عليه؛ فالمعصوم من عصم الله تعالى" (al-Bukhârî, 6773 ; c'est d'après l'une des deux interprétations que la bitâna ici évoquée est un diable).
--- "عن عروة أن عائشة زوج النبي صلى الله عليه وسلم حدثته أن رسول الله صلى الله عليه وسلم خرج من عندها ليلا، قالت: فغرت عليه، فجاء فرأى ما أصنع، فقال: "ما لك؟ يا عائشة أغرت؟" فقلت: "وما لي لا يغار مثلي على مثلك؟" فقال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "أقد جاءك شيطانك؟" قالت: "يا رسول الله أو معي شيطان؟" قال: "نعم." قلت: "ومع كل إنسان؟" قال: "نعم." قلت: "ومعك يا رسول الله؟" قال: "نعم، ولكن ربي أعانني عليه حتى أسلم" (Muslim, 2815).
--- "عن جابر، عن النبي صلى الله عليه وسلم قال: "لا تلجوا على المغيبات، فإن الشيطان يجري من أحدكم مجرى الدم." قلنا: "ومنك؟" قال: "ومني، ولكن الله أعانني عليه فأسلم." هذا حديث غريب من هذا الوجه. وقد تكلم بعضهم في مجالد بن سعيد من قبل حفظه. وسمعت علي بن خشرم يقول: قال سفيان بن عيينة في تفسير قول النبي صلى الله عليه وسلم "ولكن الله أعانني عليه فأسلم": يعني: أسلم أنا منه، قال سفيان: والشيطان لا يسلم"" (at-Tirmidhî, 1772) ; "وكان ابن عيينة يرويه: "فأسلم" بالضم ويقول: "إن الشيطان لا يسلم". لكن قوله في الرواية الأخرى: "فلا يأمرني إلا بخير" دل على أنه لم يبق يأمره بالشر، وهذا إسلامه، وإن كان ذلك كناية عن خضوعه وذلته، لا عن إيمانه بالله. كما يقهر الرجل عدوه الظاهر ويأسره وقد عرف العدو المقهور أن ذلك القاهر يعرف ما يشير به عليه من الشر فلا يقبله بل يعاقبه على ذلك فيحتاج لانقهاره معه إلى أنه لا يشير عليه إلا بخير لذلته وعجزه لا لصلاحه ودينه" (MF 17/523).
--- "عن أنس بن مالك أن رسول الله صلى الله عليه وسلم أتاه جبريل صلى الله عليه وسلم وهو يلعب مع الغلمان، فأخذه فصرعه، فشق عن قلبه، فاستخرج القلب، فاستخرج منه علقة، فقال: هذا حظ الشيطان منك، ثم غسله في طست من ذهب بماء زمزم، ثم لأمه، ثم أعاده في مكانه" (Muslim, 162).

Ce que Dieu fait parfois c'est que, à la personne qui a choisi d'être dans le mal, Il n'accorde pas Son Aide et Sa Protection, et les suggestions du diable font tout leur effet sur cette personne. Cela est quand Dieu agit par 'Adl (Justice) avec ce genre de personnes : à cause de ce que la personne a choisi de faire, Dieu la laisse dans ce qu'elle est, ne lui accordant pas Son aide ni Sa protection par rapport aux suggestions du Diable, et elle persiste donc dans le mal.
"وَمَن يَعْشُ عَن ذِكْرِ الرَّحْمَنِ نُقَيِّضْ لَهُ شَيْطَانًا فَهُوَ لَهُ قَرِينٌ وَإِنَّهُمْ لَيَصُدُّونَهُمْ عَنِ السَّبِيلِ وَيَحْسَبُونَ أَنَّهُم مُّهْتَدُونَ حَتَّى إِذَا جَاءنَا قَالَ يَا لَيْتَ بَيْنِي وَبَيْنَكَ بُعْدَ الْمَشْرِقَيْنِ فَبِئْسَ الْقَرِينُ" : "Et celui qui s'aveugle par rapport au Souvenir du Miséricordieux, Nous lui assujettirons un diable, alors celui-ci sera son compagnon" (Coran 43/36-38).
"وَمِنَ النَّاسِ مَن يُجَادِلُ فِي اللَّهِ بِغَيْرِ عِلْمٍ وَيَتَّبِعُ كُلَّ شَيْطَانٍ مَّرِيدٍ كُتِبَ عَلَيْهِ أَنَّهُ مَن تَوَلَّاهُ فَأَنَّهُ يُضِلُّهُ وَيَهْدِيهِ إِلَى عَذَابِ السَّعِيرِ" : "Parmi les hommes, il y en a qui discute au sujet de Dieu sans science, et qui suit tout diable rebelle, (celui-là) au sujet duquel il a été écrit que qui le prend comme allié, alors ce (diable) l'égare" (Coran 22/3-4).

Il se peut aussi que, par Fadhl, pure faveur, Dieu accorde à telle personne qui est déjà dans le mal la Guidance : à un moment donné Il la protège des effets des suggestions du Diable, et lui suggère de faire le bien. Nous allons y revenir aux sous-chapitres 7 puis 9.

At-Tahâwî écrit :
- "يهدي من يشاء ويعصم ويعافي فضلا؛ ويضل من يشاء ويخذل ويبتلي عدلا" (Aqîdat ut-Tahâwî, point n° 24).
- "وكلهم يتقلبون في مشيئته بين فضله وعدله" (Ibid., point n° 25).
- "وأن الله تعالى خلق الجنة والنار قبل الخلق وخلق لهما أهلا؛ فمن شاء منهم إلى الجنة فضلا منه، ومن شاء منهم إلى النار عدلا منه" (Ibid., point n° 83).

Le 'Adl (Justice), c'est l'absence de Zulm (Injustice).
La Fadhl, Faveur, c'est chose supplémentaire au 'Adl.

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7) Est-ce que Dieu n'a, seulement, pas voulu guider telle personne, et alors les suggestions du Diable ont produit leur effet sur elle? Ou bien est-ce que, scellant le cœur de cette personne, Dieu a voulu qu'elle fasse ce qui la conduira à cet égarement ?

Quand Dieu dit qu'Il a fait que Untel reste dans le Kufr, il y a ici 2 choses distinctes :

----- D'un côté Dieu dit n'avoir pas voulu accorder la guidance à telle et telle personnes (c'est l'absence de e) : "وَلَوْ شِئْنَا لَآتَيْنَا كُلَّ نَفْسٍ هُدَاهَا وَلَكِنْ حَقَّ الْقَوْلُ مِنِّي لَأَمْلَأَنَّ جَهَنَّمَ مِنَ الْجِنَّةِ وَالنَّاسِ أَجْمَعِينَ" : "Si Nous l'avions voulu, Nous aurions donné à chaque âme sa guidance. Mais (Je ne l'ai pas fait car) la parole avait été avérée de Ma part : "J'emplirai la Géhenne de djinns et d'humains, tous"" (Coran 32/13) : Dieu veut dire ici que le fait que à certains des hommes qui avaient déjà choisi l'égarement (niveau f), par 'Adl Il n'a pas accordé (niveau e du terme) la guidance (au sens 3 du terme) et les a donc créés égarés (niveau g). Il s'agit d'une absence ('adam) de guidance (tawfîq : sens 4) : "قال السني: هذا معترك النزال وتفرق طرق العالم! والله سبحانه أعطى العبد مشيئة وقدرة وإرادة تصلح لهذا ولهذا؛ ثم أمد أهل الفضل بأمور وجودية زائدة على ذلك المشترك، أوجب له الهداية والإيمان؛ وأمسك ذلك الإمداد عمن علم أنه لا يصلح له ولا يليق به، فانصرفت قوى إرادته ومشيئته إلى ضده، اختيارا منه ومحبة، لا كرها واضطرارا. (...) قال السني: عدم إرادة الله سبحانه للعبد ومشيئته أن يفعل لا يوجب كون الفعل غير مقدور له! فإنه سبحانه لا يريد من نفسه أن يعينه عليه، مع كونه أقدره عليه؛ ولا يلزم من إقداره عليه وقوعه حتى توجد منه إعانة أخرى. فانتفاء تلك الإعانة لا يخرج الفعل عن كونه مقدورا للعبد" (Shifâ' ul-'alîl, p. 421). Ce que Dieu énonce ici, cela ne fait que rejoindre ce qu'Il avait annoncé à Iblîs : aussi bien des djinns (légions d'Iblîs) que des humains iraient dans la Géhenne : il s'agit de ceux qui choisissent (niveau f) de suivre Iblîs : "قَالَ فَبِمَا أَغْوَيْتَنِي لأَقْعُدَنَّ لَهُمْ صِرَاطَكَ الْمُسْتَقِيمَ ثُمَّ لآتِيَنَّهُم مِّن بَيْنِ أَيْدِيهِمْ وَمِنْ خَلْفِهِمْ وَعَنْ أَيْمَانِهِمْ وَعَن شَمَآئِلِهِمْ وَلاَ تَجِدُ أَكْثَرَهُمْ شَاكِرِينَ. قَالَ اخْرُجْ مِنْهَا مَذْؤُومًا مَّدْحُورًا لَّمَن تَبِعَكَ مِنْهُمْ لأَمْلأنَّ جَهَنَّمَ مِنكُمْ أَجْمَعِينَ" : "(Iblîs) dit : "Eh bien, à cause du fait que Tu m'as égaré, je m'assoirai pour eux sur le droit chemin puis je viendrai à eux de devant eux, de derrière eux, de leur droite et de leur gauche. Et Tu ne trouveras (alors) pas la plupart d'entre eux reconnaissants (envers Toi)". (Dieu) dit : "Sors de ce (lieu), blâmé et rejeté ! Celui qui te suivra parmi eux, J'emplirai la Géhenne de vous [= toi et eux]" (Coran 7/18). "قَالَ فَبِعِزَّتِكَ لَأُغْوِيَنَّهُمْ أَجْمَعِينَ إِلَّا عِبَادَكَ مِنْهُمُ الْمُخْلَصِينَ. قَالَ فَالْحَقُّ وَالْحَقَّ أَقُولُ لَأَمْلَأَنَّ جَهَنَّمَ مِنكَ وَمِمَّن تَبِعَكَ مِنْهُمْ أَجْمَعِينَ" : "- Eh bien, par Ta Puissance, je les égarerai tous, sauf parmi eux Tes serviteurs choisis. - Eh bien, (voici) la vérité – et c'est (toujours) la vérité que Je dis – : J'emplirai la Géhenne de toi et de tous ceux d'entre eux qui t'auront suivi" (Coran 38/82-85).

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----- Cependant, d'un autre côté Dieu dit avoir rendu leurs mauvaises actions belles à leurs yeux (tazyîn) : "إِنَّ الَّذِينَ لَا يُؤْمِنُونَ بِالْآخِرَةِ زَيَّنَّا لَهُمْ أَعْمَالَهُمْ فَهُمْ يَعْمَهُونَ" : "Ceux qui ne croient pas en l'au-delà, Nous avons rendu leurs actions belles pour eux, aussi ils s'aveuglent" (Coran 27/4). Dieu dit avoir scellé leur cœur : "إِنَّ الَّذِينَ كَفَرُواْ سَوَاءٌ عَلَيْهِمْ أَأَنذَرْتَهُمْ أَمْ لَمْ تُنذِرْهُمْ لاَ يُؤْمِنُونَ خَتَمَ اللّهُ عَلَى قُلُوبِهمْ وَعَلَى سَمْعِهِمْ وَعَلَى أَبْصَارِهِمْ غِشَاوَةٌ وَلَهُمْ عَذَابٌ عظِيمٌ" : "Ceux qui ne croient pas, il est égal que tu les avertisses [= prêches] ou que tu ne les avertisses pas : ils ne croiront pas. Dieu a scellé leur cœur et leur ouïe, et sur leur vue se trouve un bandeau. Et ils auront un châtiment énorme" (Coran 2/6-7).
Est-il question, dans ces deux versets, de la totalité de "ceux qui ne croient pas" ? Evidemment non, puisque parmi tous ceux qui ne croyaient pas au début, certains ont ensuite accepté l'islam suite à la prédication du Prophète, notamment Omar ibn ul-Khattâb. En fait, dans ces deux versets, Dieu évoque seulement : "certains de ceux qui ne croient pas" : il s'agit de ceux qui sont inscrits tels dans ce que Dieu sait d'eux (fî 'ilm illâh). Il s'agit en fait de ceux-là mêmes au sujet desquels un autre verset dit : "إِنَّ الَّذِينَ حَقَّتْ عَلَيْهِمْ كَلِمَتُ رَبِّكَ لاَ يُؤْمِنُونَ وَلَوْ جَاءتْهُمْ كُلُّ آيَةٍ حَتَّى يَرَوُاْ الْعَذَابَ الأَلِيمَ" (Coran 10/96-97). "والتعريف في الذين كفروا يجوز أن يكون للعهد وأن يراد بهم ناس بأعيانهم كأبى لهب وأبى جهل والوليد بن المغيرة وأضرابهم، وأن يكون للجنس متناولا كل من صمم على كفره تصميما لا يرعوى بعده [كهؤلاء] وغيرهم، ودل على تناوله للمصرين الحديث عنهم باستواء الإنذار وتركه عليهم" (Al-Kashshâf). Ce qui nous intéresse ici c'est que, dans ces deux versets, il n'est pas seulement dit que Dieu ne leur a pas accordé la guidance, il est dit qu'Il a scellé leur cœur et rendu leurs actions belles à leurs yeux : le mal est devenu pour eux comme naturel.
Ce fait de rendre leurs mauvaises actions belles à leurs yeux, Dieu ne l'a pas fait chez ces personnes depuis le début, alors qu'elles avaient choisi (ikhtiyâr, niveau f) d'être dans le kufr : ces personnes-là, à certaines, Il a accordé la guidance (niveau e), à d'autres non. Mais de ces personnes-là Il n'a pas scellé le coeur. Cette apposition du sceau sur leur coeur, ou en d'autres termes l'embellissement de leurs mauvaises actions, Dieu l'a fait seulement par rétribution : seulement après leur choix (ikhtiyâr, niveau f) de persister dans le mal qu'elles faisaient déjà :
"وَإِذْ قَالَ مُوسَى لِقَوْمِهِ يَا قَوْمِ لِمَ تُؤْذُونَنِي وَقَد تَّعْلَمُونَ أَنِّي رَسُولُ اللَّهِ إِلَيْكُمْ فَلَمَّا زَاغُوا أَزَاغَ اللَّهُ قُلُوبَهُمْ وَاللَّهُ لَا يَهْدِي الْقَوْمَ الْفَاسِقِينَ" : "Alors, lorsqu'ils dévièrent, Dieu fit dévier (encore plus) leur coeur : Dieu ne guide pas des gens faisant le mal" (Coran 61/5).
"يُضِلُّ بِهِ كَثِيراً وَيَهْدِي بِهِ كَثِيراً وَمَا يُضِلُّ بِهِ إِلاَّ الْفَاسِقِينَ" (Coran 2/26).
"وَأَقْسَمُواْ بِاللّهِ جَهْدَ أَيْمَانِهِمْ لَئِن جَاءتْهُمْ آيَةٌ لَّيُؤْمِنُنَّ بِهَا. قُلْ إِنَّمَا الآيَاتُ عِندَ اللّهِ؛ وَمَا يُشْعِرُكُمْ أَنَّهَا إِذَا جَاءتْ لاَ يُؤْمِنُونَ وَنُقَلِّبُ أَفْئِدَتَهُمْ وَأَبْصَارَهُمْ كَمَا لَمْ يُؤْمِنُواْ بِهِ أَوَّلَ مَرَّةٍ وَنَذَرُهُمْ فِي طُغْيَانِهِمْ يَعْمَهُونَ" (Coran 6/109-110). (Voir Shifâ' ul-'alîl, p. 265.)
"يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُوا اسْتَجِيبُوا لِلَّهِ وَلِلرَّسُولِ إِذَا دَعَاكُمْ لِمَا يُحْيِيكُمْ وَاعْلَمُوا أَنَّ اللَّهَ يَحُولُ بَيْنَ الْمَرْءِ وَقَلْبِهِ وَأَنَّهُ إِلَيْهِ تُحْشَرُونَ" (Coran 9/24). Ibn ul-Qayyim le commente ainsi : "أي إن تركتم الاستجابة لله ورسوله، عاقبكم بأن يحول بينكم وبين قلوبكم، فلا تقدرون على الاستجابة بعد ذلك" (Op. cit., p. 87).

Ibn ul-Qayyim résume tout cela ainsi : "فإن قيل: فإذًا جوزتم أن يكون الطبع والختم والقفل عقوبة وجزاء على الجرائم والإعراض والكفر السابق على فعل الجرائم. قيل: هذا موضع يغلط فيه أكثر الناس ويظنون بالله سبحانه خلاف موجب أسمائه وصفاته؛ والقرآن من أوله إلى آخره إنما يدل على أن الطبع والختم والغشاوة لم يفعلها الرب سبحانه بعبده من أول وهلة حين أمره بالإيمان أو بينه له؛ وإنما فعله بعد تكرار الدعوة منه سبحانه والتأكيد في البيان والإرشاد وتكرار الإعراض منهم والمبالغة في الكفر والعناد، فحينئذ يطبع على قلوبهم ويختم عليها، فلا تقبل الهدى بعد ذلك. والإعراض والكفر الأول لم يكن مع ختم وطبع، بل كان اختيارا؛ فلما تكرر منهم، صار طبيعة وسجية" (Shifâ' ul-'alîl, p. 244).

Il faut relire cette dernière phrase, car elle contient la Clé de la Compréhension de tout ce Chapitre :
"والإعراض والكفر الأول لم يكن مع ختم وطبع، بل كان اختيارا؛ فلما تكرر منهم، صار طبيعة وسجية" :
"Le fait qu'ils se soient détournés et qu'ils aient fait le premier kufr, cela ne s'est pas fait avec un sceau : cela s'est fait par [pur] choix (ikhtiyâr) de leur part.
Puis, lorsque cela s'est répété de leur part, (Dieu a scellé leur cœur), et le (kufr) est alors [en sus d'être toujours fait par choix, ikhtiyâr, de leur part] devenu chez eux une seconde nature [= chose dont il est plus ardu de se défaire]"
(Shifâ' ul-'alîl, p. 244).

Cela relève du 'Adl (Agir par Justice) de Dieu.

Par Fadhl (Faveur), cependant, Dieu peut enlever le sceau qu'Il avait mis sur le cœur de quelqu'un (qui l'avait, forcément, mérité) : "فصل: ومما ينبغي أن يعلم أنه لا يمتنع مع الطبع والختم والقفل حصول الإيمان، بأن يَفُك الذي خَتَم على القلب وطبع عليه وضرب عليه القفل ذلك الختْمَ والطابعَ والقفلَ، ويهديه بعد ضلاله ويعلمه بعد جهله ويرشده بعد غيه ويفتح قفل قلبه بمفاتيح توفيقه التي هي بيده" (Ibid., p. 242).

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8) Le sens des versets suivants nous devient dès lors plus clair :

--- "وَمَا كَانَ اللّهُ لِيُضِلَّ قَوْمًا بَعْدَ إِذْ هَدَاهُمْ حَتَّى يُبَيِّنَ لَهُم مَّا يَتَّقُونَ" (Coran 9/115) : "يقول تعالى مخبرا عن نفسه الكريمة وحكمه العادل: إنه لا يضل قوما، بعد إبلاغ الرسالة إليهم، حتى يكونوا قد قامت عليهم الحجة" (Tafsîr Ibn Kathîr). "وقال ابن الأنباري: في الآية حذف واختصار، والتأويل: "حتى يتبين لهم ما يتقون، فلا يتقونه، فعند ذلك يستحقون الضلال فحذف ما حذف لبيان معناه، كما تقول العرب: "أمرتك بالتجارة فكسبت الأموال"، يريدون: "فتجرت فكسبت" (Zâd ul-massîr) :
"Et, après avoir guidé un groupe de gens [niveau c = "les avoir invités au droit chemin, par le biais d'un prophète"], Dieu n'en était pas à les rendre égarés [niveau g], jusqu'à ce qu'Il ait fait que ce dont ils doivent se préserver leur soit devenu clair [niveau c = "par le biais d'invitations répétées de la part de ce prophète"] (et qu'il ne se préservent malgré tout pas de cela [niveau f = "qu'ils choisissent, malgré toutes ces invitations et rappels, de ne pas se préserver du mal"] ; alors ils s'exposent au fait que Dieu les rende égarés [niveau g])" (Coran 9/115).

--- "وَإِذَا أَرَدْنَا أَن نُّهْلِكَ قَرْيَةً أَمَرْنَا مُتْرَفِيهَا فَفَسَقُواْ فِيهَا فَحَقَّ عَلَيْهَا الْقَوْلُ فَدَمَّرْنَاهَا تَدْمِيرًا وَكَمْ أَهْلَكْنَا مِنَ الْقُرُونِ مِن بَعْدِ نُوحٍ وَكَفَى بِرَبِّكَ بِذُنُوبِ عِبَادِهِ خَبِيرًا بَصِيرًا" : "Et lorsque Nous voulons détruire une cité [à cause du mal qu'ils font], Nous rendons nombreux ses gens opulents, ceux-ci y font ensuite [encore plus abondamment] le mal, alors la Parole s'avère contre elle, alors Nous la détruisons de destruction. (...)" (Coran 17/16-17).
Rejoint le contenu de ce verset : le hadîth, relaté par Zaynab, où, après avoir entendu le Prophète (sur lui soit la paix) annoncer qu'un malheur s'abattrait sur les Arabes, elle demanda : "Serions-nous détruits alors que se trouvent parmi nous les pieux ? – Oui ; lorsque le mal devient abondant" : "عن زينب بنت أبي سلمة، عن أم حبيبة بنت أبي سفيان، عن زينب بنت جحش، رضي الله عنهن، أن النبي صلى الله عليه وسلم، دخل عليها فزعا يقول: "لا إله إلا الله، ويل للعرب من شر قد اقترب، فتح اليوم من ردم يأجوج ومأجوج مثل هذه"، وحلق بإصبعه الإبهام والتي تليها. قالت زينب بنت جحش: فقلت يا رسول الله: أنهلك وفينا الصالحون؟ قال: "نعم إذا كثر الخبث" (al-Bukhârî 3168, Muslim 2880).

--- "ذَلِكَ بِأَنَّهُمْ آمَنُوا ثُمَّ كَفَرُوا فَطُبِعَ عَلَى قُلُوبِهِمْ فَهُمْ لَا يَفْقَهُونَ" (Coran 63/3 : tout le passage parle explicitement des Hypocrites, dont le nom a été donné à cette sourate 63 : ces gens avaient, en apparence, apporté foi, puis ont exprimé leur kufr de façon discrète, devant leurs semblables).
--- "وَلاَ يَحْزُنكَ الَّذِينَ يُسَارِعُونَ فِي الْكُفْرِ إِنَّهُمْ لَن يَضُرُّواْ اللّهَ شَيْئاً يُرِيدُ اللّهُ أَلاَّ يَجْعَلَ لَهُمْ حَظًّا فِي الآخِرَةِ وَلَهُمْ عَذَابٌ عَظِيمٌ" (Coran 3/176 ; dans ce dernier verset, il est question des Hypocrites, ou des Apostats : ce sont 2 des commentaires existant : Zâd ul-massîr, Tafsîr ul-Qurtubî).
--- "إِنَّ الَّذِينَ آمَنُواْ ثُمَّ كَفَرُواْ ثُمَّ آمَنُواْ ثُمَّ كَفَرُواْ ثُمَّ ازْدَادُواْ كُفْرًا لَّمْ يَكُنِ اللّهُ لِيَغْفِرَ لَهُمْ وَلاَ لِيَهْدِيَهُمْ سَبِيلاً" (Coran 4/137 : il s'agit, d'après ath-Thânwî, d'Apostats ; "وروي عن الحسن قال: هم قوم من أهل الكتاب قصدوا تشكيك المؤمنين فكانوا يظهرون الإيمان ثم الكفر، ثم ازدادوا كفراً بثبوتهم على دينهم" : Zâd ul-massîr).
Dans tous ces versets, il est question de la 'Adl ullâh, suite au mal répété ou aggravé de ces personnes.

--- "إِنَّ الْمُنَافِقِينَ فِي الدَّرْكِ الأَسْفَلِ مِنَ النَّارِ وَلَن تَجِدَ لَهُمْ نَصِيرًا إِلاَّ الَّذِينَ تَابُواْ وَأَصْلَحُواْ وَاعْتَصَمُواْ بِاللّهِ وَأَخْلَصُواْ دِينَهُمْ لِلّهِ فَأُوْلَئِكَ مَعَ الْمُؤْمِنِينَ وَسَوْفَ يُؤْتِ اللّهُ الْمُؤْمِنِينَ أَجْرًا عَظِيمًا" (Coran 4/145-146 : ce passage parle explicitement des Hypocrites).
Ce dernier verset évoque la Fadhl ullâh.

Le passage suivant évoque d'abord la 'Adl ullâh, et ensuite la Fadhl ullâh :
--- "كَيْفَ يَهْدِي اللّهُ قَوْمًا كَفَرُواْ بَعْدَ إِيمَانِهِمْ وَشَهِدُواْ أَنَّ الرَّسُولَ حَقٌّ وَجَاءهُمُ الْبَيِّنَاتُ وَاللّهُ لاَ يَهْدِي الْقَوْمَ الظَّالِمِينَ أُوْلَئِكَ جَزَآؤُهُمْ أَنَّ عَلَيْهِمْ لَعْنَةَ اللّهِ وَالْمَلآئِكَةِ وَالنَّاسِ أَجْمَعِينَ خَالِدِينَ فِيهَا لاَ يُخَفَّفُ عَنْهُمُ الْعَذَابُ وَلاَ هُمْ يُنظَرُونَ إِلاَّ الَّذِينَ تَابُواْ مِن بَعْدِ ذَلِكَ وَأَصْلَحُواْ فَإِنَّ الله غَفُورٌ رَّحِيمٌ إِنَّ الَّذِينَ كَفَرُواْ بَعْدَ إِيمَانِهِمْ ثُمَّ ازْدَادُواْ كُفْرًا لَّن تُقْبَلَ تَوْبَتُهُمْ وَأُوْلَئِكَ هُمُ الضَّآلُّونَ" (Coran 3/86-90 : l'un des commentaires est que ce passage évoque les Apostats : Tafsîr ul-Qurtubî ; cela a été retenu in Bayân ul-qur'ân ; selon at-Thânwî reprenant l'avis de ar-Râzî, le fait d'"augmenter en kufr" évoque simplement : le fait d'être demeuré dans le kufr jusqu'à mourir ainsi). Ibn ul-Jawzî écrit pour sa part : "وهذه الآية استثنت مَن تاب ممن لم يتب. وقد زعم قوم أنها نَسخت ما تضمنته الآيات قبلها من الوعيد. والاستثناء ليس بنسخ" (Zâd ul-massîr).

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9) Exposé de 3 cas de figure quant à l'homme qui a choisi de faire le mal :

--- Il y a la 'Adl (Agir par Justice) de Dieu (عدم توفيق الله الرجل الفاسق، بسبب اختيار ذلك الرجل الضلال على الهدى) :

Dieu adresse l'invitation à tous (niveau c). Or, lorsqu'elle parvient à un ensemble d'hommes, il est un groupe parmi eux qui, une première fois, ont choisi (niveau e) de ne pas répondre à cette invitation. A certains d'entre ce groupe, Dieu n'accorde alors pas (et ce, par rétribution juste, 'Adl), Sa protection et Son aide face aux suggestions du Diable (niveau d de la part du Diable). Ces hommes demeurent alors, par leur propre choix (niveau e), dans l'égarement.

Peu à peu, si ces gens choisissent (niveau e) de persister à faire ainsi, Dieu scelle leur cœur. Les suggestions du Diable font alors tout leur effet sur elles.
"وَإِذْ قَالَ مُوسَى لِقَوْمِهِ يَا قَوْمِ لِمَ تُؤْذُونَنِي وَقَد تَّعْلَمُونَ أَنِّي رَسُولُ اللَّهِ إِلَيْكُمْ فَلَمَّا زَاغُوا أَزَاغَ اللَّهُ قُلُوبَهُمْ وَاللَّهُ لَا يَهْدِي الْقَوْمَ الْفَاسِقِينَ" : "Alors, lorsqu'ils dévièrent, Dieu fit dévier (encore plus) leur coeur : Dieu ne guide pas des gens faisant le mal" (Coran 61/5).
"يُضِلُّ بِهِ كَثِيراً وَيَهْدِي بِهِ كَثِيراً وَمَا يُضِلُّ بِهِ إِلاَّ الْفَاسِقِينَ" (Coran 2/26).
"وَأَقْسَمُواْ بِاللّهِ جَهْدَ أَيْمَانِهِمْ لَئِن جَاءتْهُمْ آيَةٌ لَّيُؤْمِنُنَّ بِهَا. قُلْ إِنَّمَا الآيَاتُ عِندَ اللّهِ؛ وَمَا يُشْعِرُكُمْ أَنَّهَا إِذَا جَاءتْ لاَ يُؤْمِنُونَ وَنُقَلِّبُ أَفْئِدَتَهُمْ وَأَبْصَارَهُمْ كَمَا لَمْ يُؤْمِنُواْ بِهِ أَوَّلَ مَرَّةٍ وَنَذَرُهُمْ فِي طُغْيَانِهِمْ يَعْمَهُونَ" (Coran 6/109-110).

C'est ce cas de figure (Rétribution pour entêtement) qui est visé par les versets déjà cités : "أَلَمْ تَرَ أَنَّا أَرْسَلْنَا الشَّيَاطِينَ عَلَى الْكَافِرِينَ تَؤُزُّهُمْ أَزًّا" (Coran 19/83).

--- "تَاللّهِ لَقَدْ أَرْسَلْنَا إِلَى أُمَمٍ مِّن قَبْلِكَ فَزَيَّنَ لَهُمُ الشَّيْطَانُ أَعْمَالَهُمْ فَهُوَ وَلِيُّهُمُ الْيَوْمَ" (Coran 16/63) : ici Dieu dit que c'est le Diable qui leur a fait miroiter leurs mauvaises actions comme étant le bien et la voie vers le succès.

--- "إِنَّ الَّذِينَ لَا يُؤْمِنُونَ بِالْآخِرَةِ زَيَّـنَّا لَهُمْ أَعْمَالَهُمْ فَهُمْ يَعْمَهُونَ" (Coran 27/4) : et ici Dieu décrit le résultat que (par Sa Volonté de Rétribution) Il a fait alors se produire (résultat de l'action du Diable, par rapport à quoi l'Action de Dieu a été, suite à l'entêtement de ces hommes, ne pas leur accorder Sa protection contre les suggestions du Diable et ces hommes) : ce résultat que Dieu a fait naître est qu'Il a fait que leurs mauvaises actions sont effectivement devenues belles à leurs yeux.

C'est ici que le cas de Abû Talîb s'insère : il n'avait fait aucun effort vers Dieu, et, Dieu ne lui a pas accordé Sa Faveur mais a simplement agi avec Justice ('Adl) avec lui.

Noé (sur lui soit la paix) a dit aux incroyants de son peuple qu'il était dépêché par Dieu, chargé par Lui de leur délivrer Son message (niveau c), afin qu'Il leur fasse miséricorde : "قَالَ الْمَلأُ مِن قَوْمِهِ إِنَّا لَنَرَاكَ فِي ضَلاَلٍ مُّبِينٍ قَالَ يَا قَوْمِ لَيْسَ بِي ضَلاَلَةٌ وَلَكِنِّي رَسُولٌ مِّن رَّبِّ الْعَالَمِينَ أُبَلِّغُكُمْ رِسَالاَتِ رَبِّي وَأَنصَحُ لَكُمْ وَأَعْلَمُ مِنَ اللّهِ مَا لاَ تَعْلَمُونَ أَوَعَجِبْتُمْ أَن جَاءكُمْ ذِكْرٌ مِّن رَّبِّكُمْ عَلَى رَجُلٍ مِّنكُمْ لِيُنذِرَكُمْ وَلِتَتَّقُواْ وَلَعَلَّكُمْ تُرْحَمُونَ" (Coran 7/60-63).
Mais, devant l'entêtement d'une grande partie de son peuple, et alors qu'à la fin ils lui dirent de faire venir ce châtiment qu'il disait redouter pour eux, Noé leur répondit que c'était Dieu qui voulait qu'ils soient égarés : Noé a voulu leur dire, ici, que (malgré sa prédication et son souhait à lui qu'ils trouvent la guidance) cette Volonté divine qu'ils demeurent égarés a été l'effet de leur entêtement à eux : "قَالُواْ يَا نُوحُ قَدْ جَادَلْتَنَا فَأَكْثَرْتَ جِدَالَنَا فَأْتَنِا بِمَا تَعِدُنَا إِن كُنتَ مِنَ الصَّادِقِينَ قَالَ إِنَّمَا يَأْتِيكُم بِهِ اللّهُ إِن شَاء وَمَا أَنتُم بِمُعْجِزِينَ وَلاَ يَنفَعُكُمْ نُصْحِي إِنْ أَرَدتُّ أَنْ أَنصَحَ لَكُمْ إِن كَانَ اللّهُ يُرِيدُ أَن يُغْوِيَكُمْ هُوَ رَبُّكُمْ وَإِلَيْهِ تُرْجَعُونَ" (Coran 11/32-34) : "إن كان الله سبحانه وتعالى أراد إضلالكم ودماركم بسبب كفركم وإعراضكم، فلا راد لقضائه‏" (Al-Muntaqâ). Ensuite le fait qu'ils soient demeurés égarés a été la cause du fait que Dieu les a châtiés par le Déluge.

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--- Il y a la Fadhl (Faveur) de Dieu de niveau courant (توفيق الله الرجل للإنابة، فجعله على الصراط المستقيم) :

Parmi le groupe qui était dans l'égarement, à certaines personnes Dieu accorde, par Faveur, Son aide (niveau e de Sa part). Alors ces personnes choisissent (niveau f) en leur intérieur d'agir positivement par rapport à cette Aide. Alors Dieu met ces personnes sur le droit chemin (niveau g : hidâya au sens 4).
"قُلْ إِنَّ اللّهَ يُضِلُّ مَن يَشَاء وَيَهْدِي إِلَيْهِ مَنْ أَنَابَ" : "Dis : "Dieu rend égaré qui Il veut, et Il guide vers Lui celui qui revient (vers Lui)" (Coran 13/27). "ويهدي إلى دينه وطاعته من رجع إليه بقلبه" (Tafsîr ul-Qurtubî).
"إِنَّ هَذِهِ تَذْكِرَةٌ فَمَن شَاء اتَّخَذَ إِلَى رَبِّهِ سَبِيلًا وَمَا تَشَاؤُونَ إِلَّا أَن يَشَاء اللَّهُ؛ إِنَّ اللَّهَ كَانَ عَلِيمًا حَكِيمًا: يُدْخِلُ مَن يَشَاء فِي رَحْمَتِهِ؛ وَالظَّالِمِينَ أَعَدَّ لَهُمْ عَذَابًا أَلِيمًا" : "Et vous ne voudrez (prendre le chemin vers Dieu) que si Dieu veut" (Coran 76/29-31).

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--- Enfin, il y a la Fadhl (Faveur) de Dieu de niveau exceptionnel (اجتباء الله الرجل المختوم سابقًا على قلبه بتوفيقه له للإنابة، فجعله على الصراط المستقيم) :

La personne dont le cœur avait été scellé (suite à ses refus répétés de suivre la vérité) à se mettre sur le Chemin Droit, par Faveur, Dieu lui accorde Son aide (niveau e de Sa part). Alors cette personne choisit en son intérieur d'agir positivement par rapport à cette Aide. Alors Dieu met cette personnes sur le droit chemin (niveau g, de hidâya au sens 4).
"اللَّهُ يَجْتَبِي إِلَيْهِ مَن يَشَاء وَيَهْدِي إِلَيْهِ مَن يُنِيبُ" : "Dieu attire à Lui qui Il veut, et Il guide vers Lui celui qui revient (vers Lui)" (Coran 42/13). La seconde phrase étant la même que celle vue dans le cas précédent, le fait qu'elle ait été ici mise en parallélisme avec le cas de l'attirance prouve que l'attirance est une tout autre chose. "الله يجتبي إليه من يشا} أي: يختار؛ والاجتباء الاختيار؛ أي: يختار للتوحيد من يشاء؛ {ويهدي إليه من ينيب} أي: يستخلص لدينه من رجع إليه" (Tafsîr ul-Qurtubî).

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10) Par ailleurs il y a le cas de celui qui faisait le bien, puis s'est mis à faire le mal. Comment est-ce possible ?

La règle est que le fait de faire le bien entraîne davantage de guidance (de part de Dieu) à faire du bien. "وَالَّذِينَ اهْتَدَوْا زَادَهُمْ هُدًى وَآتَاهُمْ تَقْواهُمْ" (Coran 47/17). "وَلَوْ أَنَّهُمْ فَعَلُواْ مَا يُوعَظُونَ بِهِ لَكَانَ خَيْرًا لَّهُمْ وَأَشَدَّ تَثْبِيتًا وَإِذاً لَّآتَيْنَاهُم مِّن لَّدُنَّا أَجْراً عَظِيمًا وَلَهَدَيْنَاهُمْ صِرَاطًا مُّسْتَقِيمًا" (Coran 4/66-68).
Et c'est ce que le célèbre hadîth suivant met en exergue : "Il n'est pas une personne parmi vous sans que n'a déjà été écrite sa place dans le Feu, ou sa place dans le Paradis. - Messager de Dieu, ne devrions-nous pas nous en remettre à ce qui a été écrit à notre sujet, et délaisser le fait d'agir ? - Agissez ! Car chacun sera facilité de faire ce pour quoi il a été créé. Quant à celui qui fait partie des gens de la chance [= la réussite, par l'admission au Paradis], il lui sera facilité de faire les actions des gens de la chance. Et quant à celui qui fait partie des gens de la malchance [= l'échec, par l'admission au Feu], il lui sera facilité de faire les actions des gens de la malchance. (...)" : "عن علي رضي الله عنه قال: كان النبي صلى الله عليه وسلم في جنازة، فأخذ شيئا فجعل ينكت به الأرض، فقال: "ما منكم من أحد إلا وقد كتب مقعده من النار، ومقعده من الجنة". قالوا: يا رسول الله، أفلا نتكل على كتابنا، وندع العمل؟ قال: "اعملوا، فكل ميسر لما خلق له: أما من كان من أهل السعادة فييسر لعمل أهل السعادة؛ وأما من كان من أهل الشقاء فييسر لعمل أهل الشقاوة". ثم قرأ: {فأما من أعطى واتقى وصدق بالحسنى} الآية" (al-Bukhârî, 4666, etc., aussi Muslim, 2647).

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Cependant, parallèlement à cela, Dieu teste la foi (et la pratique) de chacun durant sa vie. "أَحَسِبَ النَّاسُ أَن يُتْرَكُوا أَن يَقُولُوا آمَنَّا وَهُمْ لَا يُفْتَنُونَ وَلَقَدْ فَتَنَّا الَّذِينَ مِن قَبْلِهِمْ فَلَيَعْلَمَنَّ اللَّهُ الَّذِينَ صَدَقُوا وَلَيَعْلَمَنَّ الْكَاذِبِينَ" : "Les hommes ont-ils pensé qu'ils seront laissés à dire "Nous avons apporté foi" et qu'ils ne seront pas mis à l'épreuve ? Nous avons assurément mis à l'épreuve ceux qui étaient avant eux, (Nous les mettrons donc eux aussi à l'épreuve), et alors Nous saurons assurément ceux qui ont été véridiques et Nous saurons les menteurs" (Coran 29/2-3).

--- Si la personne était sincère et humble, elle réussit (avec la permission takwînî de Dieu) l'épreuve, et en ressort encore plus proche de Dieu.

--- Par contre, une faiblesse dans la foi, ou un manquement dans la sincérité, ou encore un orgueil par rapport à son apparente réussite, chez une personne, sont la cause d'échec face au test que constituent les épreuves. C'est là la 'Adl de Dieu. Dieu met en exergue que cette personne n'était pas sincère, ou bien était fière de sa foi, ne pensant même plus que celle-ci était le résultat de la guidance (faveur) de Dieu. L'histoire d'Iblîs le prouve.
Cependant, il arrive aussi que, par Faveur (Fadhl) de la part de Dieu, l'épreuve soit la cause immédiate (la Faveur de Dieu étant la cause suprême) de la prise de conscience d'une telle personne : elle prend conscience de ses manquements antérieurs et se ressaisit : elle se repent alors et ressort de l'épreuve assainie.

C'est ce que cet autre hadîth met pour sa part en exergue : "(...) Par Dieu, l'homme agit selon l'agir des gens du Feu, jusqu'à ce qu'il ne reste plus entre lui et le Feu qu'une coudée ; le décret (du destin) surgit alors, (l'homme) fait l'agir des gens du Paradis, et il y entre donc. Et l'homme agit selon l'agir des gens du Paradis, jusqu'à ce qu'il ne reste plus entre lui et le Paradis qu'une coudée ; le décret (du destin) surgit alors, (l'homme) fait l'agir des gens du Feu, et il y entre donc" : "فوالذي لا إله غيره إن أحدكم ليعمل بعمل أهل الجنة حتى ما يكون بينه وبينها إلا ذراع، فيسبق عليه الكتاب، فيعمل بعمل أهل النار، فيدخلها؛ وإن أحدكم ليعمل بعمل أهل النار، حتى ما يكون بينه وبينها إلا ذراع، فيسبق عليه الكتاب، فيعمل بعمل أهل الجنة، فيدخلها" (al-Bukhârî 6221 etc., Muslim 2643 : relation de Ibn Mas'ûd).
"L'agir des gens du Paradis" ici mentionné désigne : "les actions d'obéissance : croyances, paroles et actions extérieures" (Fat'h ul-bârî 11/593).
Dans ce hadîth, l'action menant au Feu, qui clôt la vie d'une personne faisant auparavant des actions menant au Paradis, peut être une action de fisq asghar (auquel il y a menace de Feu temporaire pour la personne), ou même une action de kufr akbar (auquel cas c'est le Feu perpétuel) ("ويدخل في هذا من انقلب إلى عمل النار بكفر أو معصية. لكن يختلفان في التخليد وعدمه: فالكافر يخلد في النار، والعاصي الذي مات موحدا لا يخلد فيها كما سبق تقريره" : ShM 16/192).

Il y a ainsi des hommes qui sont kâfir aujourd'hui, mais que Dieu guidera et qui mourront avec la foi que Dieu agrée, avec la îmân.

Comme il est des hommes qui sont mu'min aujourd'hui mais qui perdront la foi et mourront dans le kufr akbar.

Comme nous l'avons vu tout au long de cet article, ce n'est pas gratuitement que des hommes ayant agi toute leur vie dans le bien se perdront ainsi juste avant la fin.

--- Soit c'est que ces hommes étaient intérieurement des Munâfiq bi nifâq akbar.
Cela à l'instar de cet homme, Quzmân, dont tous les musulmans présents (sauf le Prophète) faisaient les éloges pour la bravoure dont il faisait preuve à défendre les musulmans : ce fut une fois qu'il fut grièvement blessé qu'il craqua, et se suicida (ce qui constitue un péché grave, une action far'î de mal). A cette occasion, voici ce que le Prophète dit : "L'homme fait l'action des gens du Paradis en ce qui apparaît aux hommes, alors qu'il fait partie des gens du Feu. Et l'homme fait l'action des gens du Feu en ce qui apparaît aux hommes, alors qu'il fait partie des gens du Paradis" : "عن سهل بن سعد الساعدي رضي الله عنه أن رسول الله صلى الله عليه وسلم، التقى هو والمشركون، فاقتتلوا. فلما مال رسول الله صلى الله عليه وسلم إلى عسكره، ومال الآخرون إلى عسكرهم، وفي أصحاب رسول الله صلى الله عليه وسلم رجل لا يدع لهم شاذة ولا فاذة إلا اتبعها يضربها بسيفه، فقال: "ما أجزأ منا اليوم أحد كما أجزأ فلان". فقال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "أما إنه من أهل النار". فقال رجل من القوم: أنا صاحبه، قال: فخرج معه كلما وقف وقف معه، وإذا أسرع أسرع معه، قال: فجرح الرجل جرحا شديدا، فاستعجل الموت، فوضع نصل سيفه بالأرض، وذبابه بين ثدييه، ثم تحامل على سيفه، فقتل نفسه. فخرج الرجل إلى رسول الله صلى الله عليه وسلم، فقال: "أشهد أنك رسول الله"، قال: "وما ذاك؟" قال: "الرجل الذي ذكرت آنفا أنه من أهل النار، فأعظم الناس ذلك، فقلت: أنا لكم به، فخرجت في طلبه، ثم جرح جرحا شديدا، فاستعجل الموت، فوضع نصل سيفه في الأرض وذبابه بين ثدييه ثم تحامل عليه فقتل نفسه". فقال رسول الله صلى الله عليه وسلم عند ذلك: "إن الرجل ليعمل عمل أهل الجنة فيما يبدو للناس، وهو من أهل النار، وإن الرجل ليعمل عمل أهل النار فيما يبدو للناس، وهو من أهل الجنة" (al-Bukhârî, 2742, Muslim, 112). Cet homme s'appelait : Quzmân (FB 7/589) ; Ibn ul-Jawzî pense qu'il s'agit de Uhud, alors que Ibn Hajar pense qu'il s'agit d'une autre occasion (Ibid.).
Dans Sîrat Ibn Hishâm, il est précisé que, avant de se suicider, il dit qu'il n'avait combattu que pour la renommée de son clan : "قال ابن إسحاق: وحدثني عاصم بن عمر بن قتادة، قال: كان فينا رجل أتى لا يدرى ممن هو، يقال له: قزمان؛ وكان رسول الله صلى الله عليه وسلم يقول إذا ذكر له: "إنه لمن أهل النار". قال: فلما كان يوم أحد قاتل قتالا شديدا، فقتل وحده ثمانية أو سبعة من المشركين، وكان ذا بأس؛ فأثبتته الجراحة، فاحتمل إلى دار بني ظفر. قال: فجعل رجال من المسلمين يقولون له: "والله لقد أبليت اليوم يا قزمان، فأبشر"، قال: "بماذا أبشر؟ فوالله إن قاتلت إلا عن أحساب قومي، ولولا ذلك ما قاتلت". قال: فلما اشتدت عليه جراحته أخذ سهما من كنانته، فقتل به نفسه" (Sîrat Ibn Hishâm).
Or, d'après la relation de at-Tabarânî, un récit semblable est relaté au sujet d'un homme, et à la fin on lit comme explication de la part du Prophète, avant même que cet homme se suicide, qu'il était un Munâfiq : "وفي حديث أكثم بن أبي الجون الخزاعي عند الطبراني قال: قلنا: "يا رسول الله فلان يجزيء في القتال"، قال: "هو في النار"، قلنا: "يا رسول الله، إذا كان فلان في عبادته واجتهاده ولين جانبه في النار، فأين نحن؟" قال: "ذلك أخباث النفاق." قال: فكنا نتحفظ عليه في القتال" (FB 7/590). Voilà ce qui explique que le Prophète ait alors dit : "L'homme fait l'action des gens du Paradis en ce qui apparaît aux hommes, alors qu'il fait partie des gens du Feu...".
Quant à la seconde partie du hadîth : "Et l'homme fait l'action des gens du Feu en ce qui apparaît aux hommes, alors qu'il fait partie des gens du Paradis", cela peut évoquer le cas de ces hommes qui, secrètement, se sont convertis à l'islam, alors que la plupart des gens les croient être d'une autre religion ; cela à l'instar du Négus As'hama.

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--- Soit, sans être Munâfiq bi nifâq akbar, c'est que, malgré tout le bien qu'ils faisaient, soit ces hommes se laissent aller par ailleurs à commettre d'autres actions, mauvaises, qu'ils minimisaient ; soit ils entretiennent dans leur cœur quelque chose de mauvais à leur propre sujet (une certaine fierté déplacée) ; ce mal conduit alors, sans qu'ils le sachent, à l'annulation, حَبْط, auprès de Dieu, de beaucoup des bonnes actions qu'ils ont faites ; et, à la fin, Dieu leur ayant envoyé une épreuve, ils échouent face à celle-ci et abandonnent alors la foi.
Cela semble être ce qui est évoqué dans l'autre hadîth : "Et l'homme agit selon l'agir des gens du Paradis, jusqu'à ce qu'il ne reste plus entre lui et le Paradis qu'une coudée ; le décret (du destin) surgit alors, (l'homme) fait l'agir des gens du Feu, et il y entre donc" : "فوالذي لا إله غيره إن أحدكم ليعمل بعمل أهل الجنة حتى ما يكون بينه وبينها إلا ذراع، فيسبق عليه الكتاب، فيعمل بعمل أهل النار، فيدخلها".
Ibn ul-Qayyim
écrit : "والذي يخافه العارفون بالله من مكره أن يؤخر عنهم عذاب الأفعال، فيحصل منهم نوع اغترار فيأنسوا بالذنوب، فيجيئهم العذاب على غرة وفترة. وأمر آخر: وهو أن يغفلوا عنه وينسوا ذكره، فيتخلى عنهم إذا تخلوا عن ذكره وطاعته، فيسرع إليهم البلاء والفتنة؛ فيكون مكره بهم تخليه عنهم. وأمر آخر: أن يعلم من ذنوبهم وعيوبهم ما لا يعلمونه من نفوسهم، فيأتيهم المكر من حيث لا يشعرون. وأمر آخر: أن يمتحنهم ويبتليهم بما لا صبر لهم عليه فيفتنون به؛ وذلك مكر" (Al-Fawâ'ïd, Ibn ul-Qayyim, pp. 283-292).
An-Nawawî précise que ce cas de changement à la dernière minute est rare : "والمراد بهذا الحديث أن هذا قد يقع في نادر من الناس لا أنه غالب فيهم. ثم إنه من لطف الله تعالى وسعة رحمته انقلاب الناس من الشر إلى الخير في كثرة وأما انقلابهم من الخير إلى الشر ففي غاية الندور ونهاية القلة. وهو نحو قوله تعالى: "إن رحمتي سبقت غضبي وغلبت غضبي" (ShM 16/192).

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Celui qui est aujourd'hui sur la vraie foi (îmân) doit remercier Dieu de l'avoir guidé et Lui être reconnaissant d'être, au moment présent (hâlan), dans un état meilleur que celui qui est dans le kufr. Cependant, il doit aussi s'efforcer de faire les actions du Paradis. Et il doit, de surcroît, demander à Dieu de le maintenir sur la vraie foi et de le faire mourir avec la vraie foi, vu le risque existant de perdre sa foi avant de mourir et de mourir sur le kufr ; cela suite à une épreuve destinée à tester sa foi. Alors même que celui qui est actuellement dans le kufr peut éventuellement, dans le futur (ma'âlan), être touché par la Grâce de Dieu, apporter foi (îmân) et se retrouver alors dans un état meilleur que le sien.

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Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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