Ne pas être antisémite (anti-juif)

Oui, notre croyance est que le juif qui a reçu le message du prophète Jésus ou celui du prophète Muhammad et qui a choisi de ne pas y apporter foi, celui-là est kâfir bi kufr akbar, c'est-à-dire n'a pas la foi que Dieu agrée : Les juifs et les chrétiens d'aujourd'hui sont-ils des mu'min ou des kâfir ?

Mais, non, cela ne signifie pas qu'il soit interdit d'avoir de l'amitié pour lui, de le fréquenter, de le recevoir, de lui offrir quelque chose, en un mot : de se comporter humainement avec lui. Avec non pas seulement justice (iqsât) mais aussi bienfaisance (birr).

La justice, déjà (iqsât) : Lors de l'affaire Banû Ubayriq à Médine, au temps du Prophète (sur lui la paix), les voleurs (des musulmans hypocrites) avaient accusé un juif (selon un des deux commentaires) d'être à l'origine du vol. Dieu, dans le Coran, vint révéler au Prophète que celui qu'on accuse est innocent et que c'est le musulman qui est coupable : voir Coran 4/105-113.

La bienfaisance, aussi (birr) : nous en verrons quelques exemples plus bas...

L'amitié (sadâqa), nous l'avons déjà traitée dans nos deux articles :
--- Serait-il interdit d'être l'ami d'un ou de plusieurs non-musulman(s) ? ;
--- Que signifie l'interdiction de prendre des non-musulmans comme Awliyâ' ( Coran 3/28 ; 4/144 ; 5/51 ; 58/22 ; 60/1) ?.

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Oui, il y a actuellement le conflit israélo-palestinien, qui met aux prises des juifs et des musulmans arabes.

Mais, non, cela n'implique pas que l'on tombe dans la généralisation, ni que l'on importe ce conflit ailleurs sur la planète (en agressant physiquement ou verbalement un juif sioniste que l'on rencontre). "يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُواْ كُونُواْ قَوَّامِينَ لِلّهِ شُهَدَاء بِالْقِسْطِ وَلاَ يَجْرِمَنَّكُمْ شَنَآنُ قَوْمٍ عَلَى أَلاَّ تَعْدِلُواْ اعْدِلُواْ هُوَ أَقْرَبُ لِلتَّقْوَى وَاتَّقُواْ اللّهَ إِنَّ اللّهَ خَبِيرٌ بِمَا تَعْمَلُونَ" : "Et que l'inimitié d'un groupe ne vous pousse pas à ne pas être justes. Soyez justes, cela est plus proche de la piété" (Coran 5/8).

Il ne faut pas tomber dans la simplification et la généralisation. Le conflit se déroule au Proche-orient, on ne doit pas l'importer ici.

Par contre, on peut avoir une position critique par rapport au sionisme lui-même (le projet de celui-ci étant de coloniser, sur des motifs religieux et/ou historico-culturels, une terre qui était alors musulmane), et ce d'autant plus que cette colonisation ne s'arrête pas (malgré des résolutions de l'ONU, et malgré le fait que, de l'autre côté, ceux qui appellent à démanteler l'Etat d'Israël - mais sans s'en prendre physiquement aux juifs y habitant - eux sont immédiatement dénoncés comme "n'ayant aucune considération pour le droit international" ; parfois on emploie même à leur sujet une phrase volontairement ambiguë : "Ils appellent à la destruction d'Israël" : phrase ambiguë parce que le nom "Israël", polysémique, renvoie en français tantôt à "l'Etat d"Israël" et tantôt à "l'ensemble des Fils d'Israël").
Et quelqu'un dont je sais qu'il est un ardent défenseur du sionisme (et ce, qu'il soit juif ou non-juif) et qui m'invite à un repas d'amitié, je n'accepterai pas son invitation à un tel repas (je déclinerai poliment son invitation, sans faire plus). Cependant, ce ne sera pas parce qu'il est juif ou chrétien, mais parce qu'il défend une idéologie qui conduit à coloniser une terre musulmane.

Et, justement, il y a ici un autre extrême que l'on trouve chez certains : une sorte de chantage à l'antisémitisme. Faites la critique du sionisme, et vous vous voyez désormais soupçonné d'antisémitisme.

Ceux qui font la critique de la création de l'Etat d'Israël sur une terre musulmane (c'est une colonisation) et/ou la poursuite de la colonisation, par cet Etat, au mépris des résolutions de l'ONU, n'en sont pas pour autant anti-juifs. De même, ceux qui font la critique d'un ou de quelques juif(s) particulier(s) (par exemple BHL) pour certains de leurs propos et certaines de leurs entreprises, ou encore certaines de leurs positions très orientées, n'en sont pas pour autant anti-juifs.

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Si vous lisez attentivement les hadîths du Prophète, on le voit agir normalement avec le juif en tant que tel (et ce, malgré les problèmes qui se sont produits avec certains juifs précis ou certaines tribus juives précises).

Evidemment, le Prophète n'est jamais allé lui-même demander des renseignements d'ordre religieux à des non-musulmans, ce qui englobe les juifs aussi. Les enseignements reçus par la révélation sont suffisants.

Il n'est jamais allé non plus assister à des cérémonies religieuses juives. Cela n'est pas autorisé. Mais cela est commun aux personnes de toutes les religions autres que l'islam : le musulman ne participe pas à leurs cérémonies religieuses.

Par contre on ne trouve pas dans le comportement du Prophète cette posture de rejet du juif en tant que tel, qu'on entend chez certains aujourd'hui (pour qui le fait même de s'asseoir à la même table qu'un juif, ou même recevoir un juif et lui serrer la main, serait devenu une trahison).

Voici quelques textes...

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I) Des relations commerciales et financières :

– Le Prophète (que Dieu le bénisse et le salue) emprunta du grain à un juif et avait placé son armure en gage auprès de lui (il devait mourir ainsi, sans avoir récupéré son armure) : "عن عائشة رضي الله عنها، قالت: توفي رسول الله صلى الله عليه وسلم ودرعه مرهونة عند يهودي، بثلاثين صاعا من شعير" (al-Bukhârî, 2759). Il s'agissait d'un juif habitant Médine, ou d'un juif venu à Médine pour y vendre du grain.

– Le père de Jâbir ibn Abdillâh mourut en l'an 3 de l'hégire en laissant un verger mais aussi des dettes : il était débiteur de plusieurs personnes à Médine. L'une d'elles était de confession juive. A la demande de Jâbir, le Prophète vint rencontrer ce créancier et intercéder auprès de lui pour qu'il accorde un délai supplémentaire à Jâbir pour le règlement de la dette de son père : "عن جابر بن عبد الله رضي الله عنهما، أنه أخبره: أن أباه توفي وترك عليه ثلاثين وسقا لرجل من اليهود. فاستنظره جابر، فأبى أن ينظره. فكلم جابر رسول الله صلى الله عليه وسلم ليشفع له إليه، فجاء رسول الله صلى الله عليه وسلم وكلم اليهودي ليأخذ ثمر نخله بالذي له، فأبى. فدخل رسول الله صلى الله عليه وسلم النخل، فمشى فيها، ثم قال لجابر: "جد له، فأوف له الذي له." فجده بعدما رجع رسول الله صلى الله عليه وسلم، فأوفاه ثلاثين وسقا، وفضلت له سبعة عشر وسقا" (al-Bukhârî, 2266). Ibn Hajar est d'avis que c'est ensuite que les autres créanciers furent payés, toujours en nature (FB 6/725).

Le Prophète (sur lui soit la paix) voulait acheter un ensemble à crédit chez un juif de Médine qui venait de recevoir des étoffes en provenance de Syrie. Le commerçant exprima ses doutes quant à l'intention du Prophète (ne voulait-il pas acquérir un bien sans jamais le payer ?). Le Prophète se contenta de dire que ce commerçant savait pourtant qu'il craignait Dieu et s'acquittait toujours de ce qu'il devait : "عن عائشة قالت: كان على رسول الله صلى الله عليه وسلم ثوبان قطريان غليظان، فكان إذا قعد فعرق، ثقلا عليه، فقدم بز من الشام لفلان اليهودي، فقلت: "لو بعثت إليه، فاشتريت منه ثوبين إلى الميسرة." فأرسل إليه، فقال: "قد علمت ما يريد، إنما يريد أن يذهب بمالي أو بدراهمي". فقال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "كذب، قد علم أني من أتقاهم لله، وآداهم للأمانة" (at-Tirmidhî, 1213).

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II) Mais pas seulement ! Le Prophète (sur lui soit la paix) entretenait aussi d'autres types de relations avec les juifs de Médine, certaines d'elles étant dues au statut qu'il avait : il était l'arbitre de tous les habitants de Médine :

Des juifs venus voir le Prophète après un cas d'adultère chez eux :

Le Prophète (sur lui soit la paix) leur dit alors : "Que trouvez-vous dans la Torah pour ceux qui ont fait l'adultère ?" : "عن عبد الله بن عمر رضي الله عنهما أن اليهود جاءوا إلى رسول الله صلى الله عليه وسلم، فذكروا له أن رجلا منهم وامرأة زنيا" (al-Bukhârî, 3436) ;  "فقال: "ما تجدون في التوراة على من زنى؟" (Muslim, 1699).

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Des juifs viennent porter leur litige auprès du Prophète après un cas de meurtre chez eux :

"عن ابن عباس، قال: كان قريظة والنضير، وكان النضير أشرف من قريظة، فكان إذا قتل رجل من قريظة رجلا من النضير قتل به، وإذا قتل رجل من النضير رجلا من قريظة فودي بمائة وسق من تمر. فلما بعث النبي صلى الله عليه وسلم، قتل رجل من النضير رجلا من قريظة؛ فقالوا: ادفعوه إلينا نقتله؛ فقالوا: بيننا وبينكم النبي صلى الله عليه وسلم! فأتوه*، فنزلت: {وإن حكمت فاحكم بينهم بالقسط}، والقسط: النفس بالنفس، ثم نزلت: {أفحكم الجاهلية يبغون}." قال أبو داود: قريظة والنضير جميعا من ولد هارون النبي عليه السلام"
Un cas de meurtre avait été perpétré par une personne de la tribu juive des Banu-n-Nadhîr sur une personne de la tribu juive des Banû Qurayza, toutes deux habitant la cité de Médine.
Les Banû Qurayza ayant réclamé le droit d'appliquer le talion au meurtrier, les Banu-n-Nadhîr refusèrent l'applicabilité de ce talion, en vertu de l'accord conclu entre eux avant la venue du (prophète) Muhammad à Médine, accord selon lequel les Banu-n-Nadhîr ne devaient, en pareil cas, que payer un dédommagement.
Les Banû Qurayza proposèrent de porter l'affaire devant (le Prophète) Muhammad, sur lui soit la paix (Abû Dâoûd, 4494). أي أتاه رجال أرسلهم النضير*
Les Banu-n-Nadhîr envoyèrent alors certains Hypocrites sonder la position du Prophète.

C'est suite à cet épisode que les versets furent révélés : Coran 5/41-47.

Découvrir cela de façon détaillée en lisant notre article : Un verset invitant à ne pas se référer au Coran mais à la Torah ? (Commentaire de Coran 5/41-47).

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III) Et le Prophète (sur lui soit la paix) entretenait avec les juifs des relations de bien d'autres types encore :

1) Une délégation de juifs se rend auprès du Prophète lors de son arrivée à Médine (auparavant Yathrib) : le Prophète les a reçus :

"عن أنس، أن عبد الله بن سلام بلغه مقدم النبي صلى الله عليه وسلم المدينة فأتاه يسأله عن أشياء، فقال: إني سائلك عن ثلاث لا يعلمهن إلا نبي، ما أول أشراط الساعة؟ وما أول طعام يأكله أهل الجنة؟ وما بال الولد ينزع إلى أبيه أو إلى أمه؟ قال: "أخبرني به جبريل آنفا." قال ابن سلام: ذاك عدو اليهود من الملائكة! قال: "أما أول أشراط الساعة فنار تحشرهم من المشرق إلى المغرب، وأما أول طعام يأكله أهل الجنة فزيادة كبد الحوت، وأما الولد فإذا سبق ماء الرجل ماء المرأة نزع الولد، وإذا سبق ماء المرأة ماء الرجل نزعت الولد." قال: أشهد أن لا إله إلا الله، وأنك رسول الله.
قال: يا رسول الله، إن اليهود قوم بهت، فاسألهم عني، قبل أن يعلموا بإسلام.
فجاءت اليهود فقال النبي صلى الله عليه وسلم: "أي رجل عبد الله بن سلام فيكم؟" قالوا: خيرنا وابن خيرنا، وأفضلنا وابن أفضلنا، فقال النبي صلى الله عليه وسلم: "أرأيتم إن أسلم عبد الله بن سلام؟" قالوا: أعاذه الله من ذلك، فأعاد عليهم، فقالوا مثل ذلك. فخرج إليهم عبد الله فقال: أشهد أن لا إله إلا الله وأن محمدا رسول الله، قالوا: شرنا وابن شرنا، وتنقصوه. قال: هذا كنت أخاف يا رسول الله"
(al-Bukhârî, 3723). Dans une autre version, on lit qu'ils lui répondirent : "قالوا: أعلمنا، وابن أعلمنا، وأخيرنا، وابن أخيرنا" (al-Bukhârî, 3151).
L'une des 3 questions, et la réponse que le Prophète y a apportée, sont expliqués dans notre article : Comment comprendre le hadîth qui dit que c'est la dominance du liquide masculin ou féminin qui détermine le sexe du fœtus ?

Certes, à ce moment là, le Prophète espérait qu'un bon nombre d'entre les juifs de Médine le reconnaîtraient comme le dernier prophète de Dieu annoncé dans le TaNaK, comme l'avait fait Abdullâh ibn Salâm, érudit et fils d'érudit juif. Abdullâh ibn Salâm s'appelait alors : "Husayn" (FB 7/342).

Le Prophète devait d'ailleurs dire : "عن أبي هريرة، عن النبي صلى الله عليه وسلم، قال: لو آمن بي عشرة من اليهود، لآمن بي اليهود" : "Si 10 juifs avaient apporté foi en moi, les juifs auraient apporté foi" (al-Bukhârî, 3725, Muslim, 2793). D'après un commentaire, il voulait dire : "10 grands responsables juifs" / "10 érudits juifs" / "avaient apporté foi en moi dès ma venue à Médine" (FB 7/344 et autre).

Mais même plus tard, et alors qu'ils étaient demeurés juifs à Médine et n'avaient donc pas reconnu Muhammad comme authentique prophète de Dieu, il y eut des juifs qui venaient rencontrer le Prophète. Celui-ci les recevait et les écoutait.

On ne trouve pas dans la Sunna qu'il aurait dit : "Je ne veux plus avoir affaire à, ni recevoir, aucun juif !"

La preuve ci-après...

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2) Quelques juifs viennent poser au Prophète une question d'ordre religieux, et il leur répond :

"عن عبد الله، قال: بينا أنا أمشي مع النبي صلى الله عليه وسلم في خرب المدينة، وهو يتوكأ على عسيب معه، فمر بنفر من اليهود. فقال بعضهم لبعض: سلوه عن الروح. وقال بعضهم: لا تسألوه، لا يجيء فيه بشيء تكرهونه. فقال بعضهم: لنسألنه. فقام رجل منهم، فقال: يا أبا القاسم، ما الروح؟ فسكت، فقلت إنه يوحى إليه، فقمت. فلما انجلى عنه، قال: (ويسألونك عن الروح قل الروح من أمر ربي وما أوتوا من العلم إلا قليلا). قال الأعمش: هكذا في قراءتنا" :
Ibn Mas'ûd relate qu'alors qu'à Médine il marchait en compagnie du Prophète, un groupe de juifs, les ayant rencontrés, questionnèrent le Prophète au sujet de l'âme. L'un d'eux lui dit : "O Abu-l-Qâssim, qu'est-ce que l'âme ?"
"Le Prophète, raconte Ibn Mas'ûd, resta silencieux, et je sus qu'il recevait la révélation.
Lorsque la révélation eut été faite, il récita ce verset du Coran : "
ويسألونك عن الروح قل الروح من أمر ربي وما أوتوا من العلم إلا قليلا" : "Et ils te questionnent au sujet de l'âme. Dis : "L'âme relève de l'affaire de mon Seigneur, et il ne vous a été donné que peu de connaissance""" (al-Bukhârî, 125, etc., Muslim 2794).
Alors, certes, ce n'est pas vraiment cet événement qui a été la cause de la révélation de ce verset, lequel avait déjà été révélé : il fut en fait révélé à La Mecque.
Mais ce qui nous importe c'est qu'on voit ici le Prophète ne pas refuser de répondre à ces juifs.

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3) Un juif vient approuver quelque chose que le Prophète a dit :

"عن أبي سعيد الخدري، قال النبي صلى الله عليه وسلم: "تكون الأرض يوم القيامة خبزة واحدة، يتكفؤها الجبار بيده كما يكفأ أحدكم خبزته في السفر، نزلا لأهل الجنة." فأتى رجل من اليهود فقال: بارك الرحمن عليك يا أبا القاسم، ألا أخبرك بنزل أهل الجنة يوم القيامة؟ قال: "بلى." قال: تكون الأرض خبزة واحدة، كما قال النبي صلى الله عليه وسلم، فنظر النبي صلى الله عليه وسلم إلينا ثم ضحك حتى بدت نواجذه، ثم قال: ألا أخبرك بإدامهم؟ قال: إدامهم بالام ونون، قالوا: وما هذا؟ قال: ثور ونون، يأكل من زائدة كبدهما سبعون ألفا" :
"Abû Sa'îd al-Khud'rî relate que le Prophète, que Dieu le bénisse et le salue, dit un jour : "La terre sera un pain le Jour de la résurrection, que le Tout-Puissant fera tourner de Sa Main, comme l'un d'entre vous fait tourner son pain sur la nappe, comme mets pour les gens du Paradis."
Un homme d'entre les juifs vint alors et dit : "Que le Miséricordieux te bénisse, Abu-l-Qâssim. Ne te dirais-je pas ce que sera le mets des gens du Paradis le Jour de la résurrection ?
- Si
, répondit-il.
- La Terre sera un pain" - comme l'avait dit le Prophète, qui regarda alors dans notre direction et sourit au point que ses dents apparurent.
Puis (le juif) dit : "Ne te dirais-je pas quel sera ce qui accompagne (ce pain) ?
- Si
, dit-il.
- Ce sera du bâlâm et du poisson."

Les Compagnons dirent : "Qu'est cela ?"
Il répondit : "Un taureau et du poisson ; 70 000 personnes mangeront de la partie de son foie"
(al-Bukhârî 6155, Muslim 2792).

Que "la terre sera un pain le jour de la résurrection", cela signifie :
soit que, le jour du Jugement, la Terre sur laquelle les humains se trouveront deviendra une sorte de pain, mais seuls ceux qui sont destinés à entrer au Paradis pourront en manger, et ce dans la plaine du jugement même (comme ils pourront par ailleurs boire de l'eau du bassin de leur prophète) : ils ne resteront donc pas affamés tout le long du jugement dernier. Ceci est l'interprétation de ad-Dâoûdî, retenue par Ibn Hajar ;
soit que "la terre" évoquée dans ce hadîth de Abû Sa'îd est "la terre du Paradis" : les habitants du Paradis mangeront du pain qui aura été fait à partir de la terre du Paradis. Car après le Jugement, de la terre du Paradis Dieu fera des galettes de pain. Ceci est l'interprétation de at-Tîbî (FB 11/453-454). Par ailleurs, le jour du Jugement, la Terre sera comparable, dans sa forme et la couleur qu'elle aura, à un pain. Cela est dit dans un autre hadîth : "سمعت سهل بن سعد، قال: سمعت النبي صلى الله عليه وسلم يقول: "يحشر الناس يوم القيامة على أرض بيضاء عفراء، كقرصة نقي"، قال سهل أو غيره: "ليس فيها معلم لأحد" : "Les hommes seront rassemblés le jour de la résurrection sur une terre blanche avec une coloration, comparable à un pain de farine blanche ; il n'y aura là aucune marque pour qui que ce soit" (al-Bukhârî, 6156, Muslim, 2790). Mais cette Terre du Jugement ne sera pas réellement du pain que des humains mangeront.

En tous cas, le Prophète avait déjà, avant cela, donné l'information susmentionnée : "وأما أول طعام يأكله أهل الجنة فزيادة كبد حوت" : "Quant au premier repas que les gens du Paradis mangeront, ce sera la partie du foie de poisson". Il avait dit cela dès son arrivée à Médine, en réponse aux questions de Abdullâh ibn Salâm (al-Bukhârî, 3723).

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4) Un érudit juif vient citer devant le Prophète une croyance qu'il a, et (d'après un avis) le Prophète désapprouve cette croyance, mais de façon subtile :

"عن عبد الله، قال: جاء حبر إلى رسول الله صلى الله عليه وسلم، فقال: يا محمد، إن الله يضع السماء على إصبع، والأرض على إصبع، والجبال على إصبع، والشجر والأنهار على إصبع، وسائر الخلق على إصبع، ثم يقول بيده: أنا الملك، فضحك رسول الله صلى الله عليه وسلم وقال: {وما قدروا الله حق قدره".
Abdullâh relate : "Un érudit juif se rendit auprès du Messager de Dieu, que Dieu le bénisse et le salue, puis dit : "Ô Muhammad, Dieu placera le ciel sur un Doigt, la Terre sur un Doigt, les montagnes sur un Doigt, les arbres et les rivières sur un Doigt, et tout le reste de la création sur un Doigt, puis Il les secouera, et dira : "Je suis le Roi !"".
Alors le Messager de Dieu sourit [ou : rit sans éclat de voix], et récita ce verset : "Et ils n'ont pas reconnu Dieu au mérite de Sa reconnaissance, alors que la Terre tout entière sera prise par Lui le jour de la résurrection, et que les cieux seront pliés dans Sa Main Droite. Pureté à lui et Elevé soit-Il par rapport à ce qu'ils (Lui) associent !""
(al-Bukhârî, 6978, etc. ; Muslim 2786).

– Il faut savoir que Ibn Hajar penche vers ce que Ibn Khuzayma a dit : le Prophète a ici approuvé le contenu de ce propos de l'érudit juif ("وقد اشتد إنكار ابن خزيمة على من ادعى أن الضحك المذكور كان على سبيل الإنكار" : FB 13/488). Certains transmetteurs ont eu la même interprétation de son sourire (ou : rire) : dans certaines versions, on lit en effet : "فضحك رسول الله صلى الله عليه وسلم تعجبا وتصديقا له".
Abu-l-Abbâs al-Qurtubî est par contre d'avis que lorsque le Prophète a souri, ici, ce n'est pas pour approuver le propos de l'érudit juif, mais au contraire parce qu'il fut très étonné de ce que ce juif venait de dire : ce fut donc par désapprobation du contenu de son propos, et c'est dans ce sens qu'il faut comprendre la citation de ce verset qu'il fit alors ("Et ils n'ont pas reconnu Dieu au mérite de Sa reconnaissance") : "وقال القرطبي في المفهم: (...) وضحك النبي صلى الله عليه وسلم إنما هو للتعجب من جهل اليهودي؛ ولهذا قرأ عند ذلك: "وما قدروا الله حق قدره" أي ما عرفوه حق معرفته ولا عظموه حق تعظيمه. فهذه الرواية هي الصحيحة المحققة. وأما من زاد: "وتصديقا له"، فليست بشيء، فإنها من قول الراوي" (FB 13/487).
Al-Khattâbî a pour sa part écrit que, ici, le sourire du Prophète peut être interprété comme une approbation ou comme une désapprobation : "وأما ضحكه صلى الله عليه وسلم من قول الحبر، فيحتمل الرضا والإنكار. وأما قول الراوي "تصديقا له"، فظن منه وحسبان؛ وقد جاء الحديث من عدة طرق ليس فيها هذه الزيادة؛ وعلى تقدير صحتها فقد يستدل بحمرة الوجه على الخجل وبصفرته على الوجل، ويكون الأمر بخلاف ذلك فقد تكون الحمرة لأمر حدث في البدن كثوران الدم والصفرة لثوران خلط من مرار وغيره" (FB 13/487).

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5) Un érudit juif fait une remarque au Prophète quant à deux formulations que certains de ses Compagnons employaient, et le Prophète rappelle alors à ses Compagnons ces deux points :

"عن قتيلة بنت صيفي الجهنية قالت: أتى حبر من الأحبار إلى رسول الله صلى الله عليه وسلم فقال: "يا محمد، نعم القوم أنتم، لولا أنكم تشركون!" قال: "سبحان الله، وما ذاك؟" قال: "تقولون إذا حلفتم: والكعبة!" قالت: فأمهل رسول الله صلى الله عليه وسلم شيئا ثم قال: "إنه قد قال. فمن حلف، فليحلف برب الكعبة."
ثم قال: "يا محمد، نعم القوم أنتم، لولا أنكم تجعلون لله ندا!" قال: "سبحان الله، وما ذاك؟" قال: "تقولون: ما شاء الله وشئت". قال: فأمهل رسول الله صلى الله عليه وسلم شيئا ثم قال: "إنه قد قال. فمن قال "ما شاء الله"، فليفصل بينهما: "ثم شئت"
(Ahmad, 27093).
Ici, il est relaté que cet érudit dit au Prophète : "O Muhammad, quel bon groupe constituez-vous, sauf que vous faites du shirk !
- Sub'hânallâh !
, lui répondit le Prophète. Comment cela ?"
L'érudit relata deux propos qu'il avait entendus de certains Compagnons : "Par la Kaaba !" et : "Ce que Dieu et toi voudrons !".
Le Prophète dit alors à ses Compagnons qu'ils devaient dire : "Par le Seigneur de la Kaaba", et : "Ce que Dieu voudra, ensuite ce que tu voudras !"

Ces deux propos que certains Compagnons prononçaient constituent des propos de shirk asghar.

Le Prophète avait par ailleurs formulé lui-même ces deux interdictions à ses Compagnons (en des termes légèrement différents, en d'autres occasions) :

--- "عن ابن عمر رضي الله عنهما، أنه أدرك عمر بن الخطاب في ركب وهو يحلف بأبيه، فناداهم رسول الله صلى الله عليه وسلم: "ألا، إن الله ينهاكم أن تحلفوا بآبائكم، فمن كان حالفا فليحلف بالله، وإلا فليصمت" : Ayant entendu Omar ibn ul-Khattâb faire serment par son père, le Prophète proclama devant ses Compagnons : "Ecoutez : Dieu vous interdit de faire serment par vos pères ! Celui qui veut faire un serment, qu'il fasse serment par Dieu, ou qu'il se taise" (al-Bukhârî 5757, Muslim 1646). "عن سعد بن عبيدة، قال: سمع ابن عمر رجلا يحلف: "لا والكعبة!" فقال له ابن عمر: إني سمعت رسول الله صلى الله عليه وسلم يقول: "من حلف بغير الله فقد أشرك" : Ayant entendu quelqu'un faire serment par : "Non, par la Kaaba!", Ibn Omar lui dit avoir entendu le Messager de Dieu dire : "Celui qui a fait serment par autre que Dieu, celui-là a fait du shirk" (Abû Dâoûd 3251).

--- "عن عبد الله بن يسار، عن حذيفة، عن النبي صلى الله عليه وسلم، قال: "لا تقولوا ما شاء الله وشاء فلان، ولكن قولوا ما شاء الله ثم شاء فلان" : "Ne dites pas : "Ce que Dieu voudra et Untel voudra !", dites plutôt : "Ce que Dieu voudra, ensuite Untel voudra !"" (Abû Dâoûd, 4980). Al-Khattâbî écrit en commentaire : "إنما كره ذلك لأن الواو حرف الجمع والتشريك، وثم حرف النسق بشرط التراخي؛ فأرشدهم النبي صلى الله عليه وسلم إلى الأدب في تقديم مشيئة الله تعالى على مشيئة من سواه".

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5) Une juive se rend régulièrement auprès de Aïcha, épouse du Prophète, et tantôt lui rend des menus services, tantôt lui demande un petit quelque chose (du domaine de l'entraide humaine) :

Depuis qu'il était à La Mecque, le Prophète avait su par révélation que les personnes mortes incroyantes sont châtiées dans leur tombe : Dieu avait alors déjà révélé : "وَحَاقَ بِآلِ فِرْعَوْنَ سُوءُ الْعَذَابِ النَّارُ يُعْرَضُونَ عَلَيْهَا غُدُوًّا وَعَشِيًّا وَيَوْمَ تَقُومُ السَّاعَةُ أَدْخِلُوا آلَ فِرْعَوْنَ أَشَدَّ الْعَذَابِ" (Coran 40/45-46). Cependant, à cette période-là, le Prophète n'avait alors pas encore reçu de Dieu l'information que des personnes mortes avec la foi voulue (Asl ul-îmân) aussi sont menacées d'un long châtiment de la tombe, et ce pour cause de manquements dans les actions obligatoires (Kamâl ul-îmân) : il ne sut cela qu'en l'an 10 de l'hégire. Avant cela il savait seulement que de telles personnes pouvaient subir un petit quelque chose de momentané (comme cela était arrivé à Sa'd ibn Mu'âdh, décédé en l'an 5 de l'hégire).

En fait, à Médine, une juive qui se rendait auprès de Aïcha, épouse du Prophète, lui dit : "Que Dieu te préserve du châtiment de la tombe !" Cette juive était venue demander quelque chose à Aïcha (al-Bukhârî 1002, Muslim 903). Une autre version relate que ce fut du parfum qu'elle était venue demander à Aïcha (Ahmad). Peut-être que ce fut le jour précis où cette dame juive demanda du parfum à Aïcha et que, comme à son habitude, elle fit ensuite cette prière en sa faveur, que Aïcha posa la question au Prophète.

En tous cas, intriguée, Aïcha questionna le Prophète (Muslim, Ahmad). Or celui-ci lui répondit ce qui montre que ce sont seulement les gens qui meurent en étant "kâfir" qui subissent le châtiment de la tombe (et donc que seule l'absence de Asl ul-îmân est la cause d'un long châtiment dans le monde de la tombe). Mais, peu de temps après, il reçut l'information venant de Dieu que cela pouvait toucher aussi des gens morts avec la foi voulue (à cause de manquements dans Kamâl ul-îmân). Cette révélation se fit lors de l'éclipse solaire. Depuis lors, le Prophète enseignait aux musulmans de demander à Dieu de les épargner non pas seulement du châtiment de la Géhenne, mais aussi du châtiment de la Tombe. (cf. Fat'h ul-bârî 3/299-300).)

L'éclipse a été datée par calcul scientifique du 28 shawwâl de l'an 10 de l'hégire (le fils du Prophète était mort le même jour. Et chez les biographes classiques, la plupart disent bien que cela s'est passé en l'an 10 de l'hégire, cependant différents mois ont été proposés : FB 2/682, 3/223).

"عن عمرة، أن يهودية أتت عائشة تسألها، فقالت: "أعاذك الله من عذاب القبر!" قالت عائشة: فقلت: "يا رسول الله يعذب الناس في القبور؟" قالت عمرة: فقالت عائشة: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "عائذا بالله!" ثم ركب رسول الله صلى الله عليه وسلم ذات غداة مركبا، فخسفت الشمس، قالت عائشة: فخرجت في نسوة بين ظهري الحجر في المسجد، فأتى رسول الله صلى الله عليه وسلم من مركبه، حتى انتهى إلى مصلاه الذي كان يصلي فيه، فقام وقام الناس وراءه، قالت عائشة: فقام قياما طويلا، ثم ركع، فركع ركوعا طويلا، ثم رفع، فقام قياما طويلا وهو دون القيام الأول، ثم ركع، فركع ركوعا طويلا، وهو دون ذلك الركوع، ثم رفع وقد تجلت الشمس، فقال: "إني قد رأيتكم تفتنون في القبور كفتنة الدجال." قالت عمرة: فسمعت عائشة، تقول: فكنت أسمع رسول الله صلى الله عليه وسلم بعد ذلك يتعوذ من عذاب النار وعذاب القبر" (Muslim 903 ; al-Bukhârî 1002, 1007). (Quant au 1306, il est relaté de façon abrégée, mukhtasar.)
"عن ابن شهاب، قال: حدثني عروة بن الزبير، أن عائشة قالت: دخل علي رسول الله صلى الله عليه وسلم وعندي امرأة من اليهود، وهي تقول: "هل شعرت أنكم تفتنون في القبور؟" قالت: فارتاع رسول الله صلى الله عليه وسلم وقال: "إنما تفتن يهود." قالت عائشة: فلبثنا ليالي، ثم قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "هل شعرت أنه أوحي إلي أنكم تفتنون في القبور؟" قالت عائشة: فسمعت رسول الله صلى الله عليه وسلم بعد يستعيذ من عذاب القبر" (Muslim 584).

Une autre version relate que c'étaient deux juives qui s'étaient rendues auprès de Aïcha (al-Bukhârî, 6005, Muslim, 586). Ibn Hajar dit que c'étaient bien deux juives, mais seule l'une des deux dit ce qu'elle dit à Aïcha (FB).

Voyez : deux juives se rendaient chez Aïcha, épouse du Prophète, elles échangeaient avec cette dernière, lui prononçaient des invocations ("Que Dieu te préserve de..."), et cela se passait dans les dernières années de la vie du Prophète (que Dieu le bénisse et le salue) à Médine.

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6) Le Prophète se lève au passage du convoi funéraire d'un juif :

"كان سهل بن حنيف وقيس بن سعد قاعدين بالقادسية، فمروا عليهما بجنازة، فقاما، فقيل لهما إنها من أهل الأرض أي من أهل الذمة، فقالا: إن النبي صلى الله عليه وسلم مرت به جنازة فقام، فقيل له: إنها جنازة يهودي، فقال: أليست نفسا؟"
Sah'l ibn Hunayf et Qays ibn Sa'd étaient un jour assis à al-Qâdissiyya (en Irak) quand un convoi funéraire passa. Tous deux se levèrent alors. On leur dit : "C'est (le convoi funéraire d') un non-musulman de cette terre* !". Ils dirent : "Le Prophète (se trouvait en un lieu) quand un convoi funéraire passa. Il se leva alors. On lui dit : "C'est le convoi funéraire d'un juif." Il dit : "N'est-ce pas un être humain ?"" (al-Bukhârî, 1250, Muslim, 961). (* Peut-être était-ce un zoroastrien.)
Certes, d'après certains ulémas le fait de se lever ainsi lorsque passe un convoi funéraire a été ensuite abrogé par le Prophète, mais d'une part cet avis est celui de certains ulémas et repose sur une certaine interprétation d'autres Hadîths (cf. Fat'h ul-bârî 3/231-232), et d'autre part cet avis ne fait pas de distinction entre musulmans et non-musulmans, mais dit que le fait de se lever ainsi a été abrogé aussi bien en ce qui concerne le convoi funéraire de musulmans que celui de non musulmans.

Voici donc le Prophète Muhammad (sur lui soit la paix) qui rappelle à ses Compagnons que le juif est un être humain et qu'en tant que tel il a droit aux égards auxquels les humains ont droit de façon générale. Cela paraît bien sûr tout à fait normal, mais cela montre aussi qu'il ne s'agit pas de vouer une haine au juif.

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7) Un Compagnon du Prophète demande à sa famille si elle a donné au voisin juif un morceau de l'animal abattu :

"عن مجاهد، أن عبد الله بن عمرو ذبحت له شاة في أهله، فلما جاء قال: "أهديتم لجارنا اليهودي؟ أهديتم لجارنا اليهودي؟ سمعت رسول الله صلى الله عليه وسلم يقول: ما زال جبريل يوصيني بالجار حتى ظننت أنه سيورثه" : Ayant un jour abattu un animal, Abdullâh ibn Amr dit aux gens de sa famille : "En avez-vous offert une part à notre voisin juif ? En avez-vous offert une part à notre voisin juif ? J'ai entendu le Prophète dire : "L'Ange Gabriel m'a tellement recommandé de bien agir envers le voisin que j'ai pensé qu'un jour le voisin pourrait avoir une part d'héritage"" (at-Tirmidhî, 1943, Abû Dâoûd, 5152).

Voici donc un Compagnon du Prophète qui considère l'exhortation islamique de faire le bien vis-à-vis du voisin comme s'appliquant naturellement à son voisin juif.

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8) Quelques juifs viennent trouver Omar ibn ul-Khattâb et l'un d'eux lui fait une remarque à propos d'un verset coranique :

"عن طارق بن شهاب أن أناسا من اليهود قالوا: "لو نزلت هذه الآية فينا لاتخذنا ذلك اليوم عيدا." فقال عمر: أية آية؟ فقالوا: {اليوم أكملت لكم دينكم وأتممت عليكم نعمتي ورضيت لكم الإسلام دينا}. فقال عمر: "إني لأعلم أي مكان أنزلت أنزلت، ورسول الله صلى الله عليه وسلم واقف بعرفة" :
"عن طارق بن شهاب، عن عمر بن الخطاب، أن رجلا من اليهود قال له: "يا أمير المؤمنين، آية في كتابكم تقرءونها، لو علينا معشر اليهود نزلت، لاتخذنا ذلك اليوم عيدا." قال: أي آية؟ قال: {اليوم أكملت لكم دينكم وأتممت عليكم نعمتي ورضيت لكم الإسلام دينا}. قال عمر: "قد عرفنا ذلك اليوم، والمكان الذي نزلت فيه على النبي صلى الله عليه وسلم، وهو قائم بعرفة يوم جمعة"

Des juifs virent trouver Omar ibn ul-Khattâb (que Dieu l'agrée) et l'un d'eux lui dit : "Chef des Croyants, il y a dans votre livre un verset que vous récitez et qui est tel que s'il était descendu sur nous les Juifs, nous aurions fait du jour (de sa descente) un jour de fête".
Omar dit : "Quel verset est-ce ?
- "Aujourd'hui J'ai complété pour vous votre religion, J'ai complété sur vous Mon bienfait, et J'ai agréé pour vous l'islam comme religion."
- Je sais quel jour ce (verset) est descendu, et en quel lieu : le Messager de Dieu, que Dieu le bénisse et le salue, était alors debout à 'Arafa, un vendredi"
(al-Bukhârî, 45, 4145, Muslim).

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IV) La gestion que le Prophète (sur lui soit la paix) a faite de certains désagréments et problèmes :

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Zayd ibn Sa'na, alors érudit de confession juive, s'en prend au Prophète injustement et vivement, seulement pour tester son calme. Ayant constaté de visu ce qu'il attendait, il le reconnaît comme vrai prophète :

"قال عبد الله بن سلام الحبر: إن الله عز وجل لما أراد هدى زيد بن سعنة قال زيد بن سعنة: ما من علامات النبوة شيء إلا وقد عرفتها في وجه محمد صلى الله عليه وسلم حين نظرت إليه؛ إلا اثنتين لم أخبرهما منه: يسبق حلمه جهله، ولا يزيده شدة الجهل عليه إلا حلما. فكنت أتلطف له لأن أخالطه فأعرف حمله من جهله.
فخرج رسول الله صلى الله عليه وسلم يوما من الحجرات ومعه علي بن أبي طالب رضي الله عنه فأتاه رجل على راحلته كالبدوي فقال
: "يا رسول الله، إن بصرى قرية بني فلان قد أسلموا ودخلوا في الإسلام وكنت حدثتهم إن أسلموا أتاهم الرزق رغدا، وقد أصابتهم سنة وشدة ومحوط من الغيث فأنا أخشى يا رسول الله أن يخرجوا من الإسلام طمعا كما دخلوا فيه طمعا، فإن رأيت أن ترسل إليهم بشيء تعينهم به فعلت." فنظر رسول الله صلى الله عليه وسلم إلى رجل إلى جانبه أراه عليا، فقال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "ما بقي منه شيء، - وقال الحسن بن سفيان: ما بقي معك منه شيء." قال زيد بن سعنة: فدنوت منه فقلت: "يا محمد! هل لك أن تبيعني تمرا معلوما من حائط بني فلان إلى أجل كذا وكذا؟" فقال: "لا يا يهودي، ولكني أبيعك تمرا معلوما إلى أجل كذا وكذا ولا أسمي حائط بني فلان." قلت: "نعم." فبايعني فأطلقت همياني فأعطيته ثمانين مثقالا من ذهب في تمر معلوم إلى أجل كذا وكذا، فأعطاه الرجل وقال: "احمل إليهم وأعنهم- ولم يذكر الحسن: فأعطاه الرجل فقال أحمل إليهم وأعنهم".
قال زيد بن سعنة: فلما كان قبل محل الأجل بيومين أو ثلاثة وخرج رسول الله صلى الله عليه وسلم إلى جنازة ومعه أبو بكر وعمر وعثمان رضي الله عنهم في نفر من أصحابه. فلما صلى على الجنازة دنا من جدار ليجلس إليه. فأتيته فأخذت بمجامع قميصه وردائه ونظرت إليه بوجه غليظ فقلت له: "ألا تقضي يا محمد حقي؟ فو الله ما علمتكم بني عبد المطلب لمطل! ولقد كان لي بمماطلتكم علم." قال: فنظرت إلى عمر، وإذا عيناه تدوران في وجه كالفلك المستدير، ثم رماني ببصره فقال: "يا عدو الله! أتقول لرسول الله صلى الله عليه وسلم ما أسمع، وتصنع ما أرى- زاد الحسن: اكفف يدك عن رسول الله صلى الله عليه وسلم - ولم يذكر خشنام ذلك؛ وقالا: - فو الذي بعثه بالحق لولا ما أحاذر فوته لضربت بسيفي رأسك." ورسول الله صلى الله عليه وسلم ينظر إلى عمر في سكون وتؤدة وتبسم، ثم قال: "يا عمر، أنا وهو كنا أحوج إلى غير هذا: أن تأمرني بحسن الأداء، وتأمره بحسن التباعة. اذهب به يا عمر فأعطه حقه، وزده عشرين صاعا من تمر مكان ما رعته."
قال زيد: فذهب بي عمر فأعطاني حقي وزادني عشرين صاعا من تمر. فقلت: "ما هذه الزيادة يا عمر؟" فقال: "أمرني رسول الله صلى الله عليه وسلم أن أزيدك مكان ما رعتك." فقلت: "أتعرفني يا عمر؟" قال: "لا! فمن أنت؟" قلت: "أنا زيد بن سعنة." قال: "الحبر؟" قلت: "الحبر." قال: "فما دعاك إلى أن فعلت برسول الله صلى الله عليه وسلم ما فعلت وقلت له ما قلت؟" قلت: "يا عمر، إنه لم يكن من علامات النبوة شيء إلا وقد عرفته في وجه رسول الله صلى الله عليه وسلم حين نظرت إليه، إلا اثنتين لم أخبرهما منه: يسبق حلمه جهله ولا تزيده شدة الجهل عليه إلا حلما. فقد خبرتهما. فأشهدك يا عمر أني قد رضيت بالله ربا وبالإسلام دينا وبمحمد صلى الله عليه وسلم نبيا. وأشهدك أن شطر مالي - فإني أكثرهم مالا - صدقة على أمة محمد صلى الله عليه وسلم." فقال لي عمر: "أو على بعضهم." فرجع عمر وزيد إلى رسول الله صلى الله عليه وسلم فقال زيد: "أشهد أن لا إله إلا الله وأشهد أن محمدا عبده ورسوله
." وآمن به وصدقه وتابعه وشهد معه مشاهد كثيرة؛ وتوفي في غزوة تبوك مقبلا غير مدبر. رحم الله زيدا" (Dalâ'ïl un-nubuwwa, al-Bayhaqî).

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Certains juifs de Médine font un jeu de mot de mauvais goût, mais le Prophète réagit avec sagesse, calme et sérénité :

"عن عائشة رضي الله عنها زوج النبي صلى الله عليه وسلم قالت: دخل رهط من اليهود على رسول الله صلى الله عليه وسلم، فقالوا: السام عليكم! قالت عائشة: ففهمتها فقلت: وعليكم السام واللعنة! قالت: فقال رسول الله صلى الله عليه وسلم: مهلا يا عائشة، إن الله يحب الرفق في الأمر كله. فقلت: يا رسول الله، أولم تسمع ما قالوا؟ قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: قد قلت: وعليكم" (al-Bukhârî, 5678, Muslim, 2165).
"عن عائشة رضي الله عنها، قالت: استأذن رهط من اليهود على النبي صلى الله عليه وسلم، فقالوا: السام عليك! فقلت: بل عليكم السام واللعنة! فقال: يا عائشة، إن الله رفيق يحب الرفق في الأمر كله! قلت: أولم تسمع ما قالوا؟ قال: قلت: وعليكم" (al-Bukhârî, 6528).
"عن عائشة رضي الله عنها: أن يهود أتوا النبي صلى الله عليه وسلم فقالوا: السام عليكم! فقالت عائشة: عليكم! ولعنكم الله، وغضب الله عليكم! قال: مهلا يا عائشة! عليك بالرفق، وإياك والعنف والفحش. قالت: أولم تسمع ما قالوا؟ قال: أولم تسمعي ما قلت؟ رددت عليهم، فيستجاب لي فيهم، ولا يستجاب لهم في" (al-Bukhârî, 5683).

Aïcha raconte : Un groupe de juifs vinrent auprès du Messager de Dieu (que Dieu le bénisse et le salue), et dirent alors : "As-sâmu 'alaykum !" ("Que la mort soit sur vous").
Je compris (leur parole) et leur dis alors : "Bal 'alaykum us-sâmu wa-l-la'na !" ("Plutôt sur vous, la mort et l'éloignement de la faveur divine !")
Le Messager de Dieu me dit alors : "Doucement, Aïcha ! Dieu aime la douceur dans toute chose. Adopte donc la douceur, et préserve-toi de la dureté et de l'excès".
Je dis : "Messager de Dieu, n'as-tu donc pas entendu ce qu'ils ont dit ?"
Il me répondit : "Et n'as-tu pas entendu ce que j'ai dit ? Je (leur) ai dit : "Wa 'alaykum !" Mon invocation sera acceptée à leur égard, la leur à mon égard ne le sera pas" (al-Bukhârî, Muslim).

La formule que ces quelques juifs de Médine adressèrent à ce moment là au Prophète ressemble à s'y méprendre à : "As-salâmu 'alaykum" ("Que la paix soit sur vous"). Mais en réalité elle était : "As-sâmu 'alaykum" ("Que la mort soit sur vous").
Et Aïcha, ayant perçu ce qu'ils dirent réellement, se fâcha et leur répondit vivement : "Bal 'alaykum us-sâmu wa-l-la'na !" : "Plutôt sur vous, la mort et l'éloignement de la faveur divine !"

Admirez la classe avec laquelle le Prophète a réagi à cela : il ne s'est pas emporté, pas énervé. Il leur a seulement répondu un serein et calme : "Wa 'alaykum !" : "Et sur vous !", expliquant à Aïcha que de toute façon l'invocation que eux faisaient ainsi contre lui ne serait pas exaucée par Dieu, contrairement à l'invocation qu'il avait été amené à faire suite à cette petite mesquinerie de la part de ces quelques personnes.

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Juste après la conquête de sa cité, Khaybar, une dame juive offre une chèvre rôtie au Prophète, celui-ci l'accepte :

Cette dame s'appelait Zaynab bint ul-Hârith et était l'épouse de Sallâm ibn Mishkam. Elle s'était renseignée quant au morceau que le Prophète préférait le plus dans la chèvre, et avait fortement imbibé de poison ce morceau : l'épaule. Puis elle avait offert la chèvre rôtie au Prophète. Cela se passa après que Khaybar eut été conquise par les musulmans (muharram de l'an 7 de l'hégire).

Le Prophète invita quelques-uns de ses Compagnons à partager ce repas. En eut-il pris un morceau et l'eut-il mâché qu'il dit aux Compagnons présents : "Arrêtez, elle est empoisonnée !" Hélas, Bishr ibn ul-Barâ' avait déjà avalé une bouchée.

On fit venir la dame, et le Prophète la questionna. En fait c'est tout le quartier que le Prophète convoqua pour les questionner : Reconnaissaient-ils avoir empoisonné la chèvre qu'ils lui avaient offerte ? Apparemment, même si c'était Zaynab bint ul-Hârith qui avait mis à exécution son projet d'empoisonner la chèvre, plusieurs personnes dans le quartier étaient au courant.

La réponse fut : "Nous nous sommes dit : "Si tu es un imposteur, un simple roi, nous serons débarrassés (de toi). Et si tu es un prophète, l'épaule (de la chèvre) t'informera (qu'elle est empoisonnée)."
Zaynab dit : "Je voulais te tuer."
Le Prophète lui répondit : "Dieu n'en était pas à te donner le pouvoir de faire cela" / "à te donner le dessus sur moi".

Des Compagnons demandèrent : "Ne la mettrions-nous pas à mort ?"
Le Prophète dit : "Non."

Cependant, par la suite Bishr mourut des suites de l'empoisonnement. Alors le talion fut appliqué à la dame (à la demande des proches de Bishr).

Une infime quantité de poison s'était infiltrée dans la salive du Prophète. Il se fit soigner par la ventouso-thérapie (saignée par ventouse). Anas dira plus tard : "Je n'ai cessé de reconnaître (la trace de ce poison) dans la luette du Prophète" [il s'agissait peut-être d'une coloration : FB 10/304].

- "عن أبي هريرة رضي الله عنه، قال: لما فتحت خيبر أهديت للنبي صلى الله عليه وسلم شاة فيها سم، فقال النبي صلى الله عليه وسلم: "اجمعوا إلي من كان ها هنا من يهود." فجمعوا له، فقال: "إني سائلكم عن شيء، فهل أنتم صادقي عنه؟" فقالوا: نعم. قال لهم النبي صلى الله عليه وسلم: "من أبوكم؟" قالوا: فلان. فقال: "كذبتم، بل أبوكم فلان." قالوا: صدقت. قال: "فهل أنتم صادقي عن شيء إن سألت عنه؟" فقالوا: نعم يا أبا القاسم، وإن كذبنا عرفت كذبنا كما عرفته في أبينا. فقال لهم: "من أهل النار؟" قالوا: نكون فيها يسيرا، ثم تخلفونا فيها، فقال النبي صلى الله عليه وسلم: "اخسئوا فيها، والله لا نخلفكم فيها أبدا." ثم قال: "هل أنتم صادقي عن شيء إن سألتكم عنه؟" فقالوا: نعم يا أبا القاسم. قال: "هل جعلتم في هذه الشاة سما؟" قالوا: نعم، قال: "ما حملكم على ذلك؟" قالوا: أردنا إن كنت كاذبا نستريح، وإن كنت نبيا لم يضرك" (al-Bukhârî, 2998).
- "وروى البيهقي من طريق سفيان بن حسين عن الزهري عن سعيد بن المسيب وأبي سلمة عن أبي هريرة أن امرأة من اليهود أهدت لرسول الله صلى الله عليه وسلم شاة مسمومة فأكل فقال لأصحابه: "أمسكوا فإنها مسمومة!" وقال لها: "ما حملك على ذلك؟" قالت: "أردت إن كنت نبيا فيطلعك الله؛ وإن كنت كاذبا فأريح الناس منك." قال: فما عرض لها. ومن طريق أبي نضرة عن جابر نحوه فقال: فلم يعاقبها. وروى عبد الرزاق في مصنفه عن معمر عن الزهري عن أبي بن كعب مثله وزاد: فاحتجم على الكاهل" (FB 7/622).
- "ووقع في مرسل الزهري أنها أكثرت السم في الكتف والذراع لأنه بلغها أن ذلك كان أحب أعضاء الشاة إليه؛ وفيه: فتناول رسول الله صلى الله عليه وسلم الكتف فنهش منها" (FB 10/302).
- "وفي رواية سفيان بن حسين عن الزهري عن سعيد بن المسيب عن أبي هريرة في نحو هذه القصة: فقالت: "أردت أن أعلم إن كنت نبيا فسيطلعك الله عليه؛ وإن كنت كاذبا فأريح الناس منك": أخرجه البيهقي، وأخرج نحوه موصولا عن جابر؛ وأخرجه ابن سعد بسند صحيح عن ابن عباس. ووقع عند ابن سعد عن الواقدي بأسانيده المتعددة أنها قالت: "قتلت أبي وزوجي وعمي وأخي ونلت من قومي ما نلت؛ فقلت: إن كان نبيا فسيخبره الذراع؛ وإن كان ملكا استرحنا منه" (FB 10/303).
- "عن أنس، أن امرأة يهودية أتت رسول الله صلى الله عليه وسلم بشاة مسمومة، فأكل منها، فجيء بها إلى رسول الله صلى الله عليه وسلم، فسألها عن ذلك؟ فقالت: أردت لأقتلك، قال: "ما كان الله ليسلطك على ذاك" أو قال: "عليَّ". قال قالوا: ألا نقتلها؟ قال: "لا". قال: فما زلت أعرفها في لهوات رسول الله صلى الله عليه وسلم" (Muslim, 2190 ; al-Bukhârî, 2474).

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Ibn Sayyâd, un jeune juif de Médine, présente les caractéristiques physiques du futur Messie Trompeur, et le Prophète va dans son quartier pour en savoir plus :

Le Prophète (que Dieu le bénisse et le salue) se rendit par 2 fois auprès de Ibn Sayyâd pour tenter d'en savoir plus à son sujet...

La première fois il était accompagné d'un groupe de ses Compagnons. Ibn Sayyâd état alors pré-adolescent. Le Prophète lui posa quelques questions, auxquelles il répondit.

La seconde fois le Prophète fut accompagné de Ubayy ibn Ka'b. Ibn Sayyâd était alors allongé sous un manteau et prononçait quelques paroles. Se dissimulant derrière les troncs de dattiers, le Prophète chercha à se rapprocher de Ibn Sayyâd pour entendre ce qu'il disait, mais la mère de ce dernier l'aperçut et cria à son fils : "Voilà Muhammad !" Le Prophète regretta ce que la maman avait fait.

Alors le Prophète fit un discours [dans sa mosquée] dans lequel il parla du Messie Dajjâl et ajouta : "Il n'est pas un prophète sans qu'il ait mis en garde les siens contre lui. Noé a mis en garde les siens contre lui. Mais je vais vous dire une parole qu'aucun prophète n'a dite aux siens : "Vous savez qu'il est borgne et que Dieu n'est pas borgne"" (al-Bukhârî 5821, Muslim 2930).

En fait le Prophète (sur lui soit la paix) était dans une certaine hésitation à son sujet : est-il le futur Messie Trompeur ?
--- De quel degré était cette hésitation ?
--- Et a-t-il eu par la suite un penchant, ou une quasi-certitude, ou une certitude, que Ibn Sayyâd est bien le futur Messie Trompeur, ou, au contraire, ne l'est pas ?

Nous avons traité de ces points dans notre article : Ibn Sayyâd était-il le futur Messie Trompeur, ou pas ?

Après la 1ère visite, Omar ibn ul-Khattâb avait proposé au Prophète de tuer Ibn Sayyâd (histoire, en quelque sorte, de régler ainsi le problème et d'éradiquer tout risque). Mais le Prophète lui répondit ceci : "Si (Ibn Sayyâd) est bien le (futur Messie Trompeur), alors tu ne pourras pas le (tuer) : seul Jésus fils de Marie pourra le (tuer). Et s'il n'est pas le (futur Messie Trompeur), alors tu n'as pas le droit de tuer quelqu'un parmi les gens du pacte" : "إن يكن هو لا تسلط عليه؛ وإن لم يكن هو فلا خير لك في قتله" (al-Bukhârî, 5821) ; "إن يكن هو فليست صاحبه إنما صاحبه عيسى بن مريم؛ وإلا يكن هو فليس لك أن تقتل رجلا من أهل العهد" (Mishkât, 5504).

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Un juif commet un crime (dit aujourd'hui : de droit commun), la sanction lui est appliquée, sans plus :

"عن أنس رضي الله عنه: أن يهوديا رض رأس جارية بين حجرين، فقيل لها: من فعل بك، أفلان؟ أو فلان؟ حتى سمي اليهودي، فأومأت برأسها. فجيء به. فلم يزل حتى اعترف. فأمر النبي صلى الله عليه وسلم فرض رأسه بالحجارة".
Anas raconte qu'un juif (de Médine) s'en prit à une jeune musulmane des Ansâr, la blessant mortellement, pour lui dérober des bijoux en argent qu'elle avait sur elle. Personne n'avait assisté à la scène.
Comme on retrouva la musulmane mourante, on lui demanda : "Qui t'a fait cela ? Untel ?" Elle fit un signe négatif de la tête. "Untel ?" Un autre signe négatif de la tête. Jusqu'à ce qu'on prit le nom de son meurtrier. Elle fit signe de la tête que c'était bien lui.
On le fit alors venir. Et on ne cessa de le questionner, jusqu'à ce qu'il avoue.
La sanction pénale lui fut alors appliquée (al-Bukhârî, 2595).

Quand le Prophète (sur lui soit la paix) a su que c'était, parmi les habitants de Médine, un juif qui avait tué cette musulmane, qu'a-t-il fait :
– il a ordonné une chasse aux juifs dans Médine ?
– il a prononcé des mots à propos de tous les juifs ?

Non.

Il y a eu découverte d'un crime, alors il y a eu enquête, collecte d'indices, enfin aveu de la part du suspect. Alors la sanction lui a été appliquée sur ordre du chef de tous les habitants de Médine (le Prophète). C'est tout.
La responsabilité est individuelle.

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Un musulman est assassiné dans la cité de Khaybar :

Cela s'est passé alors que Khaybar avait déjà été conquise et faisait partie de la Dâr ul-islâm.
Muhayyissa ibn Mas'ûd et Abdullâh ibn Sahl étaient allés là-bas, à cause de difficultés de l'existence.
Sur place, il s'étaient séparés. Quand Muhayyissa revint, ce fut pour retrouver son compagnon assassiné.

Il accusa des juifs de la place, mais ceux-ci démentirent : "Nous ne l'avons pas tué, par Dieu !"

Il revint alors à Médine, et, accompagné de son frère Huwayyissa et de Abdu-r-Rahmân, frère de la victime, ils allèrent porter plainte auprès du Prophète.

Celui-ci fit écrire une lettre à Khaybar, exigeant le paiement du dédommagement (diya).
Il reçut comme réponse : "Nous ne l'avons pas tué".

Alors il proposa aux proches de la victime d'avoir recours à la qassâma (50 serments), mais ceux-ci ne furent pas d'accord.
Alors le Prophète paya le dédommagement de lui-même (al-Bukhârî, Muslim).

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V) Quelques textes parfois évoqués :

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Oui, tous les hommes majeurs de la tribu juive des Banû Qurayza ont été passés au fil de l'épée :

Mais ce n'est pas parce qu'ils étaient juifs. C'est parce que, à un moment très périlleux (les musulmans étaient assiégés par les Coalisés : Quraysh, Ghatafân et Khaybariens), ils avaient trahi le pacte conclu avec les musulmans et fait cause commune avec l'envahisseur. Cela se passa en l'an 5 de l'hégire.

Lorsque la nouvelle de la trahison était parvenue au Prophète, il avait dépêché 4 personnes, dont les deux chefs des Ansâr, Sa'd ibn Mu'âdh (chef des Aws), et Sa'd ibn 'Ubâda (chef des Khazraj), pour aller rencontrer les Banû Qurayza et voir si cela était vrai. Ils revinrent pour lui répondre hélas par l'affirmative (Sîrat Ibn Hishâm, 3/167).
Après le départ des Coalisés, les Banû Qurayza furent assiégés par les musulmans. Et ce furent eux qui, au bout de 25 jours de siège, acceptèrent de se rendre, mais au jugement de Sa'd ibn Mu'âdh (le chef des Aws, dont ils étaient auparavant les alliés). Le Prophète envoya donc appeler Sa'd (car il avait été blessé par une flèche lancée par les Coalisés, et était très souffrant). Or, une fois arrivé sur les lieux, Sa'd rendit contre eux ce jugement inattendu : les hommes majeurs seraient tous passés au fil de l'épée, et les femmes et enfants seraient rendus captifs.

La Sîra relate que l'un des Banû Qurayza, 'Amr ibn Su'dâ al-Qurazî, qui avait pour sa part ouvertement refusé de trahir le pacte conclu avec Muhammad, put s'en aller. Le Prophète dit à son sujet : "C'est un homme que Dieu a sauvé à cause de sa fidélité à la parole donnée" (Sîrat Ibn Hishâm, 3/180-181).

Quand Sa'd ibn Mu'âdh était arrivé pour rendre le jugement, le Prophète lui avait simplement dit : "Ces gens se sont rendus à ton jugement" : "إن هؤلاء نزلوا على حكمك" (al-Bukhârî, Muslim).
Comparez avec ce que le Prophète avait dit à propos des 70 membres de sa propre tribu (Quraysh) qui avaient été faits prisonniers après Badr : "لو كان المطعم بن عدي حيا، ثم كلمني في هؤلاء النتنى، لتركتهم له" (al-Bukhârî).

Allusion à l'épisode des Coalisés figure en Coran 33/9-27. Les deux derniers versets (26 et 27) évoquent les Banû Qurayza.

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Oui, il y a le hadîth : "يجيء يوم القيامة ناس من المسلمين بذنوب أمثال الجبال، يغفرها الله لهم ويضعها على اليهود والنصارى" : "Le jour de la résurrection, des hommes musulmans viendront avec des péchés semblables à des montagnes. Dieu les leur pardonnera, et placera ces (péchés) sur des juifs et des chrétiens" (Muslim, 2767) :

Cependant, certains grands spécialistes du hadîths ont dit de ce hadîth qu'il n'est pas authentique, car contredisant un verset explicite du Coran : "ولا تزر وازرة وزر أخرى" : "Et nulle âme ne portera le fardeau d'une autre" (Coran). La règle est en effet que chacun portera son fardeau, et nul âme ne portera le fardeau d'une autre. Seul un cas d'abus (zulm) d'un homme sur un autre entraînera que des péchés ayant été commis par la victime seront, en guise de dédommagement, enlevés d'elle le Jour du Jugement et chargés sur l'abuseur (le hadîth est bien connu). Mais le seul fait que quelqu'un ait été juif ou chrétien ne fera pas que l'on chargera sur lui les péchés d'un musulman à qui il n'aura rien fait.

Ibn Hajar écrit : "وفي حديث الباب وما بعده دلالة على ضعف الحديث الذي أخرجه مسلم من رواية غيلان بن جرير عن أبي بردة بن أبي موسى الأشعري عن أبيه رفعه: "يجيء يوم القيامة ناس من المسلمين بذنوب أمثال الجبال، يغفرها الله لهم ويضعها على اليهود والنصارى." فقد ضعفه البيهقي وقال: تفرد به شداد أبو طلحة؛ والكافر لا يعاقب بذنب غيره، لقوله تعالى "ولا تزر وازرة وزر أخرى". وقد أخرج أصل الحديث مسلم من وجه آخر عن أبي بردة بلفظ: "إذا كان يوم القيامة دفع الله إلى كل مسلم يهوديا أو نصرانيا فيقول هذا فداؤك من النار." قال البيهقي: ومع ذلك فضعفه البخاري وقال: الحديث في الشفاعة أصح" (FB 11/483-484).

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Oui, il y a le hadîth : "عن أبي هريرة، أن رسول الله صلى الله عليه وسلم قال: لا تبدءوا اليهود ولا النصارى بالسلام، فإذا لقيتم أحدهم في طريق، فاضطروه إلى أضيقه" : "N'adressez pas en premier le salâm aux juifs et aux chrétiens. Et lorsque vous rencontrez l'un d'eux dans un chemin, forcez-le à prendre le côté étroit" (Muslim, 2167) :

Mais d'une part :
- la lettre de ce hadîth ne dit pas qu'il s'agirait pour le musulman, en voyant un juif ou un chrétien venir face à lui, de bifurquer vers lui pour l'obliger à changer de chemin ;
- la lettre de ce hadîth évoque seulement le cas où le musulman, et en face de lui un juif ou un chrétien, ont tous deux besoin de s'engager à pied dans un chemin qui est étroit au point de permettre le passage d'une seule personne à la fois. Dans ce cas de figure :
--- la lettre de ce hadîth ne dit pas non plus qu'il s'agirait de bousculer ce juif ou ce chrétien ;
--- elle ne dit pas non plus qu'il s'agirait pour le musulman d'obliger ce juif ou ce chrétien à descendre sur le bas-côté du chemin ;
--- la lettre de ce hadîth dit seulement au musulman de ne pas honorer cette personne en lui cédant le passage, mais de passer le premier. "قال القرطبي في قوله: "وإذا لقيتموهم في طريق فاضطروهم إلى أضيقه": معناه: لا تتنحوا لهم عن الطريق الضيق إكراما لهم واحتراما. وعلى هذا فتكون هذه الجملة مناسبة للجملة الأولى في المعنى. وليس المعنى: إذا لقيتموهم في طريق واسع فألجئوهم إلى حرفه حتى يضيق عليهم، لأن ذلك أذى لهم، وقد نهينا عن أذاهم بغير سبب" (FB 11/49).

D'autre part, certains ulémas sont d'avis que ce hukm ne concerne pas tous les juifs et les chrétiens, mais seulement ceux d'entre eux qui sont en guerre contre les musulmans (et qu'un musulman viendrait à rencontrer dans le cadre de pourparlers, par exemple, ou lors d'une trêve) (Zâd ul-ma'âd, 2/425). Cela correspond à l'un des avis relatifs au fait de leur adresser en premier le salâm : Serait-il interdit à un musulman de saluer un non-musulman ?

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Quant au verset"اهدِنَا الصِّرَاطَ المُستَقِيمَ صِرَاطَ الَّذِينَ أَنعَمتَ عَلَيهِمْ غَيرِ المَغضُوبِ عَلَيهِمْ وَلاَ الضَّالِّينَ" : "Pas (le chemin) de ceux contre qui Tu es en colère, ni de ceux qui s'égarent" (Coran 1/5-7), il n'évoque pas les juifs et les chrétiens précisément (ليس في الآية تعريض بهم، وإنما يَصدُق عليهم لفظ الآية) :

Il s'agit du cas B.A dans notre article : Dans la Sunna, le Prophète (sur lui soit la paix) a fourni d'un verset une explication donnée. Est-il possible de fournir une autre explication du même verset, différente mais non pas contradictoire de celle donnée par le Prophète ?

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Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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