Différents types de rapport d'annexion (إضافة) et différentes significations de chaque type de rapport d'annexion

Lorsqu'un terme est en rapport d'annexion avec un autre (par exemple : "le Rûh de Zayd"), cela n'a pas toujours la même signification !

Ainsi :
--- Dans le verset où Dieu dit : "وَنَفَخْتُ فِيهِ مِن رُّوحِي" : "et que J'aurai insufflé en lui de Mon Rûh" (Coran 15/29 ; 38/72), les termes "Mon Rûh" (littéralement : "le Rûh de Moi") désignent, si on retient l'avis de Ibn Qutayba : "نَفْخِيْ", "Mon Souffle", lequel est un Fait de Dieu, un Fi'l-ullâh, donc quelque chose étant incréé (ghayr makhlûq) mais s'étant produit à un moment donné (hâdith).
(Ce Fi'l-ullâh, donc incréé (qâ'ïm bi Dhât-illâh) a entraîné un Maf'ûl, quelque chose de créé (munfasil 'an Dhât-illâh), qui est : l'âme de Adam.)

--- Par contre, dans le verset où Dieu dit : "فَأَرْسَلْنَا إِلَيْهَا رُوحَنَا" : "Nous lui envoyâmes Notre Rûh" (Coran 19/17), les termes "Notre Rûh" (littéralement : "le Rûh de Nous") désignent une créature de Dieu : l'ange Gabriel.

Dans ces 2 versets, il y a rapport d'annexion entre le terme "Rûh" et le pronom qui renvoie au nom "Dieu".
Cependant, le terme "Rûh" désigne 2 choses différentes dans ces 2 versets.
Par ailleurs, le rapport d'annexion lui-même n'a pas la même signification dans chacun de ces 2 versets.

En fait, en langue arabe, le rapport d'annexion exprime l'une de multiples choses, parmi lesquelles ce qui suit...

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A) Soit il s'agit d'un rapport d'annexion ayant pour seul objectif la simplification dans les termes (إضافة لفظية) :

Ce type de rapport d'annexion a lieu lorsque :
- le premier terme est un nom qualificatif (
صفة مشبهة أو اسم الفاعل أو اسم المفعول),
- et le second terme est son sujet, ou son complément d'objet direct.

En voici 1 exemple :

--- "إِنَّا مُرْسِلُو النَّاقَةِ فِتْنَةً لَّهُمْ فَارْتَقِبْهُمْ وَاصْطَبِرْ" : "Nous allons susciter la chamelle en tant qu'épreuve pour eux" (Coran 54/27).

Ce type de rapport d'annexion n'induit pas une détermination du nom annexé (هذه الإضافة لا تفيد تعريف المضاف). C'est pourquoi on trouve la formation grammaticale suivante dans le Coran : "فَجَزَاء مِّثْلُ مَا قَتَلَ مِنَ النَّعَمِ يَحْكُمُ بِهِ ذَوَا عَدْلٍ مِّنكُمْ هَدْيًا بَالِغَ الْكَعْبَةِ" (Coran 5/95).

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B) Soit il s'agit d'un rapport d'annexion relatif au sens même (إضافة معنوية) :

Ce type de rapport d'annexion est considéré comme sous-entendant une particule (harf) : soit "لِـ", soit "مِن", soit "فِيْ".

Ce type de rapport d'annexion induit une détermination du nom annexé (هذه الإضافة تفيد تعريف المضاف).

On a alors, comme sens étant induit :
--- B.1) Soit un rapport de qualification (avec la particule "لِـ" sous-entendue) :

----- B.1.1) soit, alors, le premier terme (celui qui a été grammaticalement annexé à l'autre) désigne une Sifah Ma'nawiyya Mahdha : "إنَّ رَحْمَتَ اللّهِ" : "la Miséricorde de Dieu" (Coran 7/56) ;

----- B.1.2) soit le premier terme désigne un Fi'l ou une Sifa Fi'liyya : "وَنَفَخْتُ فِيهِ مِن رُّوحِي" : "et que J'aurai insufflé en lui de Mon Souffle" si on retient l'avis de Ibn Qutayba (Coran 15/29 ; 38/72) ;

----- B.1.3) soit le premier terme désigne ce qui n'est pas un Ma'nâ : "مَا خَلَقْتُ بِيَدَيّ" : "ce que J'ai créé par Mes Deux Mains" (Coran 38/75).

Au sujet des qualifications de Dieu, lire :
------- Une classification des Attributs de Dieu : "صفات ذاتية" ; "صفات فعلية" ; "صفات خبرية" ;
------- Les Attributs de Dieu sont-ils autres que Dieu ? ou sont-ils la même chose que Dieu ? ;
------- Pourquoi ne peut-on pas adresser une invocation à un Attribut de Dieu alors que l'Attribut de Dieu n'est pas séparé de Lui ?.

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--- B.2) Soit un rapport autre que de qualification :

----- B.2.1) soit il s'agit d'un rapport de propriété (milk) : "أَرْضُ اللّهِ" : "la Terre de Dieu" (Coran 4/97) (ici, c'est la particule "لِـ" qui est sous-entendue) ;

----- B.2.2) soit il s'agit d'un rapport de spécificité (ikhtisâs), ce qui englobe la détermination (ta'rîf) :
--------
avec la particule "لِـ" sous-entendue : "قَوْم نُوْح" : "le peuple de Noé" (Coran 22/42 etc.) ; "بعل سارة" : "le mari de Sarah" ; "امرأة إبراهيم" : "la femme de Abraham" ; "حافر الفرس" : "le sabot du cheval" ;
-------- avec la particule "مِنْ" sous-entendue : "عَالِيَهُمْ ثِيَابُ سُندُسٍ خُضْرٌ وَإِسْتَبْرَقٌ" : "Leur haut sera des vêtements de soie, verts, et du brocart" (Coran 76/21) ;
-------- avec la particule "فِيْ" sous-entendue : "يَا صَاحِبَيِ السِّجْنِ" : "O deux compagnons de prison" (Coran 12/39, 41) ; "صلاة الليل مثنى مثنى" : "La prière de la nuit est 2 (rak'as) par 2 (rak'as)" (al-Bukhârî, Muslim) ;

----- B.2.3) soit il s'agit d'un rapport d'ennoblissement (tashrîf) : "نَاقَةَ اللَّهِ" : "la chamelle de Dieu" (Coran 91/13) ; "فَأَرْسَلْنَا إِلَيْهَا رُوحَنَا" : "Nous lui envoyâmes notre Esprit" pour désigner Gabriel (Coran 19/17) ; "بَيْتِيَ" : "Ma Maison"(Coran 2/125) ; c'est alors la particule "لِـ" qui est sous-entendue ;

Dans le cas de Dieu, tout B.2.3 est forcément un B.2.1 aussi.
Ainsi, tout animal de la Terre appartient à Dieu (la propriété de quelqu'un sur quelque chose étant de plusieurs niveaux) ; dès lors, lorsque la chamelle de Sâlih a été qualifiée de "chamelle de Dieu", c'est pour exprimer un rapport particulier : c'était la chamelle que Dieu avait créée spécialement, de façon miraculeuse (rapport d'ennoblissement (tashrîf), B.2.3).

Par contre, dans le cas des créatures, tout B.2.3 n'est pas systématiquement un B.2.1 aussi.

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Quelques exemples présentant plusieurs possibilités :

--- "La Bayt de Khâlid" : "بيتُ خالدٍ" :
------ est-ce simplement la maison qui est la propriété de Khâlid (B.2.1 : propriété) ?
------ ou bien est-ce une maison ayant une relation particulière avec Khâlid (B.2.2 : spécificité) ?
------ ou bien encore est-ce le lieu où Khâlid passe véritablement la nuit (A), le terme "Bayt" signifiant à l'origine : "المكان الذي يبيت فيه الإنسان".

--- "Le livre de Anas" : "كِتابُ أَنَس" :
------ est-ce simplement l'exemplaire du livre qu'Untel a écrit mais qui est seulement la propriété de Anas (B.2.1 : propriété) ?
------ ou bien est-ce le livre que Anas a écrit (B.2.2 : spécificité), le terme "Anas" étant alors, à l'origine, le sujet de l'action exprimée par le participe passif "maktûb", qui est l'origine du terme "kitâb" ?
------ ou bien encore est-ce ce que Anas a écrit (A), le terme "Anas" étant sujet du participe passif "maktûb", qui est l'origine du terme "kitâb" ? Non, cela est impossible, car le participe passif renvoie ici au temps passé, alors qu'il faut, pour que ce soit une idhâfa lafziyya, dans le cas du participe actif et du participe passif, le sens du temps présent ou futur.

--- "Ce (Coran) est la parole d'un noble messager" : "إنَّهُ لَقَوْلُ رَسُولٍ كَرِيمٍ" (Coran) :
------ est-ce la parole de ce messager-ange lui-même (B.1.2 : qualification) (le terme "messager" étant alors, à l'origine, le sujet du nom d'action "qawl") ? absolument pas !
------ c'est la parole de Celui qui a dépêché ce messager ; simplement, cette parole a été ici rapportée au messager parce que c'est ce dernier qui l'a délivrée (B.2.2 : spécificité) ! "وفي إضافته إلى هذا الرسول تارة وإلى هذا تارة: دليل على أنه إضافة بلاغ وأداء لا إضافة إحداث لشيء منه أو إنشاء (كما يقوله بعض المبتدعة الأشعرية من أن حروفه ابتداء جبرائيل أو محمد، مضاهاة منهم في نصف قولهم لمن قال: "إنه قول البشر" من مشركي العرب ممن يزعم أنه أنشأه بفضله وقوة نفسه، ومن المتفلسفة الذين يزعمون "أن المعاني والحروف تأليفه لكنها فاضت عليه" كما يفيض العلم على غيره من العلماء)" (MF 2/50-51).

--- "L'évocation de Dieu" : "ذِكْرُ الله", comme dans le verset "أَقِمِ الصلاةَ لذِكْرِيْ" : "Et accomplis la prière pour l'évocation de Moi" (Coran 20/14) :
------ soit le dhikr que la personne fait de Dieu (le pronom "Moi" étant alors, à l'origine, le complément d'objet du nom d'action "évocation") ;
------ soit le dhikr que Dieu fait de la personne (le pronom "Moi" étant alors, à l'origine, le sujet du nom d'action "évocation") (voir Al-Wâbil us-sayyib, p. 104).

--- "La connaissance de Dieu" : "عِلْمُ الله" :
------ soit la connaissance que Dieu a (le terme "Dieu" étant alors, à l'origine, le sujet du nom d'action "connaître") ;
------ soit la connaissance que quelqu'un a de Dieu (qu'Il a telle qualité...) (le terme "Dieu" étant alors, à l'origine, le complément d'objet du nom d'action "connaître").

--- "La création de Dieu" : "خَلْقُ الله" :
------ le fait que Dieu crée (= l'attribut divin de création) (le terme "Dieu" étant alors, à l'origine, le sujet du nom d'action "créer") ;
------ au sens figuré, le résultat de l'action créatrice de Dieu (= l'ensemble des créatures) (le terme "Dieu" étant alors, à l'origine, le sujet du nom d'action "créer") (et c'est ce que cette formule signifie dans : "هَذَا خَلْقُ اللَّهِ فَأَرُونِي مَاذَا خَلَقَ الَّذِينَ مِن دُونِهِ" : Coran 31/11) ;
------ jamais le fait que Dieu aurait été créé (ce qui est impossible) (le terme "Dieu" aurait alors été, à l'origine, le complément d'objet direct du nom d'action "créer", ce qui est impossible).

--- La Kaaba est à la fois la Qiblat ullâh et la Qiblat ul-muslimîn :
------ le premier dans le sens où c'est le lieu vers lequel on doit se tourner pour se tourner vers Allah spécifiquement (alors que d'autres lieux sont les qibla d'autres êtres ayant été divinisés par d'autres hommes : "فكانوا لأجل ذلك يرون من الضرورة التزلف إلى أولئك العباد المقربين حتى يكون هذا وسيلة لصلاحية القبول في حضرة الملك الحقيقي، وتنال شفاعتهم في حقهم عند الجزاء على الأعمال الحساب الخطوة والقبول لديه سبحانه. ونظراً لهذه الملاحظة والتصور الذي رسخ في نفوسهم حدثتهم أنفسهم بالسجود أمامهم والذبح لهم والحلف بأسمائهم والاستعانة بقدرتهم المطلقة، ونحت صورهم وتماثيلهم من الحجر والصفر والنحاس وغير ذلك، وجعلها قبلة للتوجه إلى أرواحهم" : FK, p. 37) : c'est un rapport de type B.2.2 : spécificité. La Qibla est alors : "قبلة الشيء هي ما يستقبله العابد ليقابل الشيء الذي لا يراه" ;
------ et le second dans le sens où c'est le lieu vers lequel les musulmans, spécifiquement, se tournent pour adorer Dieu (alors que les juifs prennent Bayt ul-maqdis comme Qiblat ullâh) : c'est aussi un rapport de type B.2.2 : spécificité.

--- Ceux qui ont été désignés par des hommes comme associés de Dieu dans le caractère divin : shurakâ' :
------ ils sont parfois dans le Coran désignés par : "associés des polythéistes" ; cela dans le sens où ce sont ces polythéistes qui les ont désignés tels : "أَمْ لَهُمْ شُرَكَاء فَلْيَأْتُوا بِشُرَكَائِهِمْ إِن كَانُوا صَادِقِينَ" (Coran 68/41) ;
------ et ils y sont d'autres fois désignés comme "associés de Dieu", dans la mesure où ces polythéistes les ont désignés comme "associés" "de Dieu" "dans le caractère divin" : "وَيَوْمَ يَقُولُ نَادُوا شُرَكَائِيَ الَّذِينَ زَعَمْتُمْ" (Coran 18/52). "َأَمْ جَعَلُواْ لِلّهِ شُرَكَاء خَلَقُواْ كَخَلْقِهِ فَتَشَابَهَ الْخَلْقُ عَلَيْهِمْ قُلِ اللّهُ خَالِقُ كُلِّ شَيْءٍ وَهُوَ الْوَاحِدُ الْقَهَّارُ" (Coran 13/16).

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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