Les récits coraniques, un plagiat du texte biblique ? - Le souverain d'Egypte de l'époque du prophète Joseph (sur lui soit la paix) a été désigné dans le Coran par le terme "roi", et pas, comme dans la Torah, par le terme "pharaon"

Un message :

J'ai maintenant la preuve que le Coran n'est qu'une copie de la Bible, et de surcroît une mauvaise copie. Déjà, au prime abord, il saute aux yeux que les récits des prophètes présents dans le Coran sont des copies des récits bibliques. (…)

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Réponse :

Le fait que des récits se trouvant dans le texte biblique soient aussi présents dans le texte coranique n'implique pas que le second soit un plagiat du premier.

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Nous musulmans expliquons cette communauté de certains récits par deux raisons

A) L'une est que le Coran a le même auteur qu'un certain nombre de passages de la Bible :

Le texte de l'Ancien Testament a connu des retouches à cause de l'histoire difficile que connurent ses porteurs, mais il est des éléments s'y trouvant qui ont la même origine que le texte coranique : Dieu. Car il faut rappeler ici que Muhammad n'a jamais prétendu être le seul prophète de Dieu, mais bien le dernier prophète et messager de Dieu, dont le message présente, par rapport à ceux de Moïse et de Jésus notamment, ce qu'on peut appeler un "changement dans la continuité". L'origine commune explique la similitude de certains récits. Une nuance, toutefois : Youssef Seddik écrit : "Le Coran est la transcription, pour ainsi dire brute, d'une révélation qui fut faite à Muhammad le Mecquois entre 610 et 632. Les Ecritures saintes précédentes se contentent de "citer" Dieu" (Le Nouvel Observateur, n° 2042-2043, 24 décembre 2003-7 janvier 2004, p. 78). En effet, la forme qu'a prise ce qu'on nomme l'Ancien Testament est telle que si un certain nombre de passages de cet Ancien Testament contiennent d'authentiques révélations divines faites à des prophètes antérieurs, ces révélations sont insérées dans la narration de la vie de ces prophètes. Les quatre Evangiles constituent quant à eux des "biographies religieuses" de Jésus, où sont relatés sa mission, ses actes et ses propos. Youssef Seddik poursuit : "Le texte du Coran, lui, est "à la première personne" : c'est Dieu qui parle de bout en bout" (Ibid.).

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B) L'autre raison expliquant la communauté de certains récits entre le texte coranique et certains écrits judéo-chrétiens non prophétiques est que parfois Dieu a, dans Sa Parole qu'est le Coran, relaté des événements historiques auparavant rapportés par des hommes non-prophètes :

C'est le cas par exemple du récit des Sept Dormants : l'événement que ce récit mentionne s'est déroulé postérieurement à l'époque de Jésus comme de celle de ses Apôtres, et de ce fait ne figure pas dans le texte biblique (ni les Evangiles ni les Actes des Apôtres ni les Epîtres de l'un ou de l'autre) ; par contre il était présent dans la tradition syriaque chrétienne (et notamment dans deux homélies de Jacques de Saroug, mort en 521 de l'ère chrétienne) avant d'avoir été relaté et donc confirmé par Dieu, dans Sa Parole qu'est le Coran, à un moment compris – dans le calendrier d'humains – entre l'an 610 et l'an 632 de l'ère chrétienne (c'est la période des 23 années où eut lieu la révélation du Coran à Muhammad). L'historicité de l'événement explique qu'il ait été relaté par des hommes, et aussi par Dieu lors de Sa dernière révélation, le Coran (récit des "Gens de la Caverne", Coran 18/9-26) : Dieu n'a fait que confirmer un événement que des hommes non-prophètes avaient relaté avant qu'Il n'en parle dans une Révélation.

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Ensuite il faut savoir qu'à côté des similitudes entre texte biblique et texte coranique à propos de certains récits, il existe aussi entre eux trois différences majeures à ce propos

1) Première différence entre la Bible et le Coran :

A côté des récits présents dans la Bible aussi, le Coran contient d'autres récits qui ne figurent absolument pas dans le texte biblique. Ainsi, les histoires de 'Ad, de Thamûd, de Madian avec leur prophète respectif – Hûd, Sâlih et Shu'ayb – ne figurent pas dans le texte biblique, alors qu'ils sont développés dans le Coran (cf. Al-Jawâb us-sahîh 1/180).

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2) Seconde différence :

Il arrive que, pour un même récit, texte coranique et texte biblique présentent de sérieuses divergences. Au regard des musulmans, la raison en est la présence d'erreurs humaines dans la retransmission d'une parole divine antérieure, ou dans la relation d'un événement historique antérieur (pour plus de détails, lire notre article à ce propos). Maurice Bucaille écrit ainsi : "(…) Dans les pays occidentaux, juifs, chrétiens et athées s'accordent unanimement pour avancer (sans d'ailleurs la moindre preuve) que Mahomet a écrit ou fait écrire le Coran en imitant la Bible. On avance que des récits coraniques reprennent les récits bibliques. Cette prise de position est aussi légère que celle qui amènerait à dire que Jésus aurait lui aussi trompé ses contemporains pour s'être inspiré de l'Ancien Testament au cours de sa prédication : tout l'Evangile de Matthieu est – on l'a vu – fondé sur cette continuité avec l'Ancien Testament. Quel exégète aurait l'idée d'enlever à Jésus son caractère d'envoyé de Dieu pour ce motif ? C'est bien ainsi, pourtant, qu'en Occident le plus souvent on juge Mahomet : il n'a fait que copier la Bible. Jugement sommaire qui ne tient aucun compte du fait que, sur un même événement, Coran et Bible peuvent donner des versions différentes. On préfère passer sous silence la divergence des récits. On les déclare identiques et ainsi les connaissances scientifiques n'ont pas à intervenir. Ces questions seront développées à propos des récits de la création et du déluge" (La Bible, le Coran et la science, Seghers, Paris, p. 126).

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–--- 2.1) Il est des points où le Coran se démarque explicitement d'éléments présents dans le texte biblique :

Ainsi :
-- le Coran se démarque explicitement de l'idée que Jacob, entendant le récit que Joseph, son fils, lui fait de son songe, lui ait fait des reproches ;
-- le Coran affirme clairement que la main de Moïse est devenue blanche sans aucune maladie (allusion au fait qu'elle ne devenait pas "lépreuse", comme le dit le texte biblique) ;
-- le Coran déclare avec force que Salomon n'a jamais adoré des idoles, etc. ;
-- le Coran donne comme nom au père de Abraham : "Azar", et non "Térah" ;
-- le Coran parle du roi d'Egypte de l'époque de Moïse en disant "Pharaon", mais désigne celui de l'époque de Joseph par un simple "le roi" (nous allons y revenir plus bas)...

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–--- 2.2) Il est d'autres points à propos desquels le Coran ne confirme ni n'infirme les éléments du texte biblique :

Ainsi :
-- le Coran n'affirme pas que le Déluge de l'époque de Noé ait été universel, comme il n'affirme pas non plus qu'il ait été localisé ; en fait il ne dit rien de son ampleur ;
-- le Coran ne donne aucun chiffre concernant l'importance numérique de la communauté israélite qui émigre d'Egypte sous la conduite de Moïse...

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–--- 2.3) Enfin, il est des éléments que l'on trouve dans le Coran alors qu'ils sont inconnus de la tradition judéo-chrétienne (ils sont absents aussi bien du texte biblique que des autres écrits) :

Ainsi en est-il :
-- de la présence d'un "Hâmân", responsable de constructions, dans l'entourage de Pharaon ;
-- du sauvetage du corps de Pharaon après sa mort dans les flots (Coran 10/92) ;
-- de la demande faite par les apôtres à Jésus de prier Dieu qu'Il fasse descendre une table garnie (Coran 5/112-115 ; voir commentaire de H. Boubakeur, tome 1 pp. 332 et 395).

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3) Troisième différence :

Dans le Coran, les détails des récits et la narration linéaire sont souvent estompés, au profit d'allusions et de réminiscences qui mettent en exergue l'objectif premier du récit : la leçon spirituelle, morale et humaine à en retirer. Youssef Seddik écrit, parlant du Coran : "Faisant preuve d'une profonde connaissance de la matière biblique, il en récapitule l'héritage, du récit adamique jusqu'à l'ascension de Jésus et la prédication de Jean-Baptiste, en passant par le Déluge, l'Exode, le règne de David et de Salomon, les vicissitudes de Job et Jonas… Mais il abandonne la narration factuelle, si frappante dans les deux Testaments, au profit d'un ton métaphorique visant à délivrer une leçon d'humanité. Les péripéties historiques s'estompent, le récit coranique se fait parabole" (Le Nouvel Observateur, n° 2042-2043, p. 78). Je me suis ici contenté de reproduire ces explications de Y. Seddik, tout en sachant qu'il est certains points – qui n'ont rien à voir directement avec le sujet en cours – où il ne partage pas vraiment la vision islamique orthodoxe à propos du Coran.

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Un point, simple, qui prouve que l'auteur du Coran n'est pas le prophète Muhammad :

La Bible emploie le mot "pharaon" pour désigner non seulement le souverain d'Egypte de l'époque de Moïse mais aussi celui de l'époque de Joseph (Genèse 47/11) et même celle de Abraham (Genèse 12/15-20).

Or, alors qu'il emploie bien ce nom "pharaon" à propos du souverain d'Egypte de l'époque de Moïse, et ce en plus de 74 fois (cf. Al-Mu'jam ul-muhah'ras li alfâz il-qur'ân il-karîm), le Coran n'emploie jamais le nom "pharaon" pour désigner le souverain d'Egypte de l'époque de Joseph : à son sujet il utilise le terme "roi", et ce aux cinq occasions où il fait allusion à lui (Coran 12/43, 12/50, 12/54, 12/72, 12/76), et bien qu'il dise explicitement que cette partie du récit de Joseph se déroule en Egypte (Coran 12/21, 12/99).

Pourquoi cela ?

Maurice Bucaille écrit : "(…) les études linguistiques modernes ont montré que le mot "pharaon" a commencé par désigner "la grande maison", la demeure du roi de l'Ancien Empire, vers 2400 avant J.-C., mais son emploi pour désigner la personne même du souverain n'est attesté dans les textes qu'à partir de l'époque amarnienne, vers 1370 avant J.-C (J. Vercoutter)" (Moïse et Pharaon, Seghers, p. 73). "Le roi d'Egypte n'a été désigné par le vocable "Pharaon" qu'à partir du roi Aménophis IV, c'est-à-dire au deuxième quart du XIVè siècle avant J.-C. (…)" (p. 298).
----- D'après certains spécialistes, le premier à porter ce titre de Pharaon est effectivement Amenhotep (ou Aménophis) IV (qui s'attribuera le nom de "Akhenaton").
----- D'après d'autres, c'est Thoutmôsis III qui le porta le premier.

Cela n'implique pas forcément un anachronisme, car il se peut que le rédacteur (humain) du texte de la Torah contenant ce passage ait employé le terme connu à son époque à lui, pour désigner le personnage du passé occupant peu ou prou la même fonction : Quand, quelque chose ayant existé à l'instant T, le Coran et la Sunna l'évoquent par le nom que ce n'est que postérieurement à cet instant T qu'il a été employé pour le désigner.
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Cependant, le terme précis étant "roi" plutôt que "pharaon", cela constitue un indice supplémentaire du fait que le Coran n'est nullement une copie de la Torah et autres livres antérieurs.
Car si le Coran était un plagiat de la Bible, et si Muhammad ibn Abdillah, un arabe illettré du VIIè siècle de l'ère chrétienne, était son auteur (comme certains l'affirment) et non pas son récepteur-retransmetteur (comme le dit la croyance des musulmans), alors comment expliquer que cet homme ait pu savoir que, pour désigner 74 fois le souverain d'Egypte de l'époque de Moïse, il fallait bien recopier du texte biblique le terme "
Pharaon", mais que, pour parler par 5 fois du souverain d'Egypte du temps de Joseph, il était impératif de délaisser ce même terme (ayant pourtant été ici aussi employé dans le texte biblique) et lui préférer le mot "roi" ?

Bucaille écrit : "Je signale qu'à l'époque de la communication aux hommes du Coran, la langue égyptienne ancienne était disparue depuis plus de deux siècles de la mémoire humaine [cf. p. 252] ; elle en restera effacée jusque dans le cours du XIXè siècle. On ne pouvait par conséquent pas alors savoir qu'un roi d'Egypte de l'époque de Joseph devait être désigné autrement que dans la Bible. Subtilité du choix des expressions, à ce sujet, du texte du Coran, qui suscite la réflexion" (Moïse et Pharaon, p. 298).

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Un mot pour conclure :

On peut, en un mot, dire que le récit coranique renvoie au récit biblique – dont il confirme des passages, parce qu'ils sont d'origine divine et/ou de relation humaine authentique – et, tout à la fois, se démarque de lui.

Le Coran renvoie au récit biblique dans la mesure où une partie de celui-ci relate des vérités historiques – que l'auteur du passage soit Dieu ou des chroniqueurs humains – et qu'il s'agit de se référer à cette partie du texte biblique si on désire obtenir le détail de ce à quoi le Coran ne fait (comme l'a fait remarquer Y. Seddik) qu'allusion. Tout musulman qui a un tant soit peu étudié les ouvrages de commentaires du Coran (tafsîr) le dira : comprendre certains éléments du texte coranique mentionnés sans détail ni explication (comme par exemple l'identité de Gog et Magog), cela se fait par référence à des éléments présents dans des écrits judéo-chrétiens (désignés par les Commentateurs du Coran sous le nom général de "isrâ'îliyyât"), qu'il s'agisse de passages du texte biblique, ou d'autres traditions (haggada, homélies...).

(Soit dit en passant que parfois, dans le cas des récits coraniques qui renvoient à des événements propres à la péninsule arabique, il s'agit de se référer à des traditions arabes préislamiques, pour les mêmes raisons : ainsi en est-il du récit de l'installation de Ismaël à la Mecque.)

Il est à noter que si le Coran renvoie à des passages de textes bibliques, et s'il s'agit parfois de textes jugés "canoniques" par les autorités religieuses, il s'agit aussi, d'autres fois, de textes qu'elles ont décrétés "apocryphes" : ainsi :
-- l'allusion coranique au tirage au sort par lancer de calame pour désigner à qui devait revenir la garde de Marie encore enfant (Coran 3/44) renvoie à un texte chrétien "apocryphe" (Yussuf Ali) ;
-- l'allusion au miracle de l'oiseau de glaise réalisé par Jésus (3/49, 5/110) renvoie à l'Evangile de l'Enfance (Hamidullah), également "apocryphe"...

Mais parallèlement à tout cela, le Coran se différencie du texte biblique, et ce non pas seulement parce que parfois il contredit formellement certains détails de son récit (comme nous l'avons vu plus haut) mais aussi dans la mesure où les détails bibliques que lui, le Coran, ne contredit ni ne confirme, ne l'engagent pas : dès lors, quand on s'aperçoit, à la suite de recherches scientifiques, que certains de ces détails (comme la période depuis laquelle des humains habitent la terre, l'ampleur du Déluge, le nombre des israélites ayant quitté l'Egypte avec Moïse, la façon dont ils se sont installés en Canaan, etc.) sont erronés, lui n'est pas impliqué.

Tout ceci concerne, rappelons-le, les rapports entre les récits coraniques et bibliques.
Car pour ce qui est des croyances et des normes juridiques, le musulman ne se réfère qu'au Coran (lire à ce sujet le point 3 de notre article à propos de la Bible).

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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