De l'importance d'avoir de "la présence" (حُضور) quand on accomplit la prière rituelle

Comme nous l'avions dit dans un autre article (cliquez ici), la prière rituelle musulmane a ceci de particulier qu'elle consiste en une combinaison :
– d'évocation de Dieu en son for intérieur,
– de prononciation de paroles à la Gloire de Dieu, de passages du Coran et de demandes adressées à Dieu,
– de gestes de respect et de postures exprimant que tout entier on est tourné vers Dieu (posture debout les mains croisées en signe de respect et de dévotion, posture courbée, posture prosternée, posture assise, le tout vers la Maison de Dieu).
Ash-Shâtibî a évoqué quelque chose de cela (Al-Muwâfaqât 1/338).

Il ne s'agit donc pas de se contenter de pratiquer parfaitement les gestes et les postures, et de prononcer à la perfection ce qu'il s'agit de prononcer pendant la prière, sans jamais se soucier du fait que son esprit vagabonde et pense à ce qu'on avait fait avant la prière ou à ce qu'on a à faire après la prière.

De la parole divine "Et accomplis la prière li-dhikrî" (Coran 20/14), Ibn ul-Qayyim écrit qu'il existe trois commentaires :
A) "Et accomplis la prière quand tu penses à Moi" (la particule "li" étant alors waqtiyya, comme dans les versets 17/78 et 21/47) ;
B) "Et accomplis la prière pour que tu penses à Moi" (la particule "li" étant alors de ta'lîl, et le nom d'action "dhikr" étant en rapport d'annexion avec ce qui constitue son complément d'objet) ;
C) "Et accomplis la prière pour que Je pense à toi" (la particule "li" étant alors de ta'lîl, et le nom d'action "dhikr" étant en rapport d'annexion avec ce qui est son sujet).

Puis Ibn ul-Qayyim écrit que le commentaire que nous avons désigné ici sous la lettre "B" est le plus pertinent ("az'har"), mais qu'au fond les trois commentaires sont corrects. Car :
– d'une part, c'est le fait que l'homme a en lui le dhikr de Dieu qui va le pousser à avoir besoin d'accomplir une prière devant Lui (et c'est ce que dit le commentaire A) ;
– d'autre part, la prière que l'on fait alors est le moyen par lequel on fait le dhikr de Dieu (et c'est ce qu'affirme le commentaire B) ;
– enfin, lorsque le croyant pense à Dieu, Dieu pense à Lui, comme le dit le verset coranique 2/152 (et qu'il s'agit d'accomplir la prière afin que Dieu pense à soi, c'est ce qu'affirme le commentaire C) (Al-Wâbil us-sayyib, p. 104, avec une légère modification en ce qui concerne le dernier point).

– Le commentaire A parle de dhikr de istihdhâr,
– le B de dhikr de taqarrub (lire l'article dont nous nous avons donné le lien plus haut).

Quant à la parole divine "Et établis la prière. La prière empêche (l'homme) des actions honteuses et mauvaises ; et le dhikr de Dieu est plus grand" (Coran 29/45), Ibn Taymiyya la commente comme signifiant que l'accomplissement de la prière d'une part éduque l'homme et le mène à délaisser le mal, et d'autre part constitue du dhikr de Dieu, mais ce dernier aspect y est plus grand que le premier (Al-Wabil us-sayyib, pp. 104-105).

La prière rituelle (salât) qui est complète et parfaite est donc celle où la forme extérieure enseignée par le Prophète a été parfaitement pratiquée, de même que l'intérieur y a été présent, c'est-à-dire qu'on y a pensé suffisamment à Dieu en son for intérieur (qalb). Si on n'y a pensé que très peu à Dieu, la prière reste valide (asl) mais n'atteint pas la perfection obligatoire (kamâl wâjib). C'est bien pourquoi Dieu a dit au sujet des Hypocrites : "Et lorsqu'ils se lèvent pour la prière rituelle, ils se lèvent avec paresse, par ostentation vis-à-vis des hommes, et ne pensant (yadhkurûna) à Dieu que peu" (Coran 4/142).

Faire des efforts pour découvrir minutieusement comment le Prophète (sur lui soit la paix) accomplissait la prière est nécessaire, en vertu du hadîth : "Et accomplissez la prière comme vous m'avez vu le faire" (al-Bukhârî 605, Muslim 674). Cependant, passer tout son temps libre et consacrer le plus clair de son énergie à prendre connaissance des avis divergents des mujtahidûn à propos de chaque élément (juz') de la prière, et à donner préférence à tel avis sur tel autre, et ne jamais ou presque jamais faire d'efforts pour essayer de se concentrer sur son intérieur quand on effectue la prière, c'est sans conteste passer à côté de la finalité pour laquelle Dieu a institué cette prière rituelle et pour laquelle le Prophète nous l'a enseignée.

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I) Quelques hadîths du Prophète (sur lui soit la paix), un propos de Ibn Abbâs, et un autre de Omar (que Dieu les agrée) sur le sujet :

Le Prophète (sur lui soit la paix) a dit : "Lorsque l'un d'entre vous accomplit la prière, il converse avec son Seigneur (…)" (al-Bukhârî 508). Al-Bukhârî a titré sur ce hadîth : "Celui qui prie converse avec son Seigneur" (Sahîh ul-Bukhârî, mawâqît us-salât, bâb 7). Ailleurs, sur d'autres hadîths, al-Bukhârî a écrit ce titre : "Al-khushû' fi-s-salât" (Sahîh ul-Bukhârî, sifat us-salât, bâb 7).

Un jour, après avoir fait les ablutions, le Prophète dit : "Celui qui fait les ablutions comme les miennes, puis accomplit deux cycles de prière pendant lesquels il ne parle pas à son âme (lâ yuhaddithu fîhimâ nafsahû), ses péchés antérieurs lui seront pardonnés" (al-Bukhârî 158, Muslim 226).

Le Prophète a aussi dit : "Tout musulman qui fait les ablutions et les fait bien, puis se met debout et accomplit deux cycles de prière en y étant tourné de son cœur et son visage, le Paradis devient acquis pour lui" (Muslim 234).

Abdullâh ibn ush-Shikhkhîr raconte : "Je me suis rendu auprès du Prophète, que Dieu le bénisse et le salue. Il était en train d'accomplir la prière ; et de sa poitrine montait, à cause des pleurs, comme le bruit que fait le récipient où chauffe l'eau" (an-Nassâ'ï 1214 ; voir aussi Abû Dâoûd 904).

Le Prophète a aussi dit : "(…) Puis, lorsque le second appel à la prière est donné, il [= le Diable] tourne le dos. Lorsque l'appel est terminé, il vient. Il s'interpose entre l'homme et son âme, lui disant [en pensée] : "Pense à ceci, pense à cela", au sujet de ce à quoi il ne pensait pas. Jusqu'à ce que l'homme ne sache plus combien de cycles il a effectués" (al-Bukhârî, Muslim).

Ibn Taymiyya a cité ce propos de Ibn Abbâs : "Tu n'obtiendras, de la prière que tu as accomplie, que ce de cette (prière) où tu auras été présent mentalement ("mâ 'aqalta minhâ")" (MF 22/603), puis le savant damascain a cité ce hadîth où le Prophète a dit : "Le serviteur repart (après avoir accompli sa prière) alors que n'a été écrit pour lui que la moitié de celle-ci, que le tiers de celle-ci, que le cinquième de celle-ci, que le sixième de celle-ci, que le septième de celle-ci, que le huitième de celle-ci, que le neuvième de celle-ci (ou) que le dixième de celle-ci" (Abû Dâoûd 796).

Abû Qatâda relate que le Prophète a dit : "Je me tiens debout dans la prière [que je dirige], je voudrais l'allonger, et alors j'entends les pleurs d'un enfant, j'accomplis alors ma prière de façon moyenne (atajawwazu) pour ne pas mettre sa mère dans la difficulté" (al-Bukhârî 675, Muslim). Anas ibn Mâlik relate le même propos du Prophète, mais à la fin on lit : "j'accomplis alors ma prière de façon moyenne (atajawwazu) par ce que je sais de la tristesse de sa mère à cause de ses pleurs" (al-Bukhârî 677, Muslim).

'Uqba ibn ul-Hârith raconte : "J'ai accompli la prière de al-'asr sous la direction du Prophète à Médine. Lorsqu'il eut fait les salutations finales, il se leva précipitamment et entra auprès de l'une de ses épouses. Puis il ressortit et vit l'étonnement qui apparaissait sur le visage des gens. Il leur dit : "J'ai pensé, alors que j'étais dans la prière, à un morceau d'or qui se trouvait chez nous. Je n'ai pas voulu qu'il passe la soirée chez nous, j'ai alors ordonné qu'il soit partagé"" (al-Bukhârî 1163, Muslim). Sur ce hadîth (à ce numéro), al-Bukhârî a titré : "Du fait que l'homme pense à quelque chose pendant la prière" (Sahîh ul-Bukhârî, al-'amal fi-s-salât, bâb 18).

Omar ibn ul-Khattâb a dit un jour : "Je prépare mes armées pendant que je suis dans la prière" (Ibn Abî Shayba, 8034, également cité par al-Bukhârî ta'lîqan : al-'amal fi-s-salât, bâb 18 : Omar parlait là de comment il organiserait l'armée et de quoi il l'équiperait). Il a aussi dit : "Je calcule la jizya de al-Bahreïn pendant que je suis dans la prière" (Ibn Abî Shayba, 8033).

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II) Comment améliorer sa "présence d'esprit" pendant la prière ?

Tout le monde – l'auteur de ces lignes ne fait pas exception – manque de concentration pendant les prières rituelles. Il faut cependant vouloir faire un effort pour, avec la permission de Dieu, améliorer celle-ci.

A quoi penser ?

Ibn Taymiyya nous conseille de penser, de réaliser mentalement (ya'qilu) aux gestes et aux postures que l'on adopte (MF 22/605), c'est-à-dire à leur signification.

Ainsi, on a fait ses ablutions pour se purifier corps et âme.

Maintenant on est tourné vers la Maison de Dieu et on est donc "devant Dieu". On se tient maintenant debout, et après avoir levé les mains on les croise sur sa poitrine – ou un peu plus bas, selon un autre avis –, en signe d'humilité devant Lui. On a les yeux baissés sur le sol. On demeure un instant ainsi à faire la récitation d'une partie du texte coranique.
Puis on se courbe ; puis on revient à la posture debout.
Puis on se prosterne devant Dieu, plaçant son front devant Lui en signe d'adoration ; puis on s'assoit.
Puis on se prosterne de nouveau ; puis on revient.
Un cycle de la prière est accompli.
(D'après un autre avis, à d'autres moments on lève de nouveau les mains à hauteur des épaules : cliquez ici ; cette élévation des mains constitue alors un geste de respect devant Dieu, répété avant une chacune des trois postures les plus importantes : Hujjat ullâh il-bâligha 2/24.)

Quand deux cycles sont accomplis, vient la posture assise...

Ibn Taymiyya nous conseille également de réaliser mentalement ce qu'on prononce verbalement, et aussi d'en méditer la signification (MF 22/605). Ainsi, pour débuter la prière, on prononce "Allâhu akbar" ("Dieu est le plus grand").
Puis vient l'une des formules débutant la prière, où on glorifie Dieu.
Puis vient la récitation du Coran, avec la sourate al-Fâtiha, suivie de quelques autres versets, au choix. Quand on se courbe on prononce de nouveau "Allâhu akbar" ("Dieu est le plus grand").
Dans la position courbée, on prononce : "Sub'hâna rabbiya-l-'azîm" ("Pur de tout défaut est mon Seigneur le Très Grand"). Quand on se relève, on dit : "Sami'Allâhu li man hamidah" ("Dieu a entendu celui qui a fait Sa louange"), et on proclame alors, s'adressant à Dieu : "Rabbanâ laka-l-hamd" ("Notre Seigneur, à Toi la Louange").
Puis, quand on part dans la prosternation, de même que lors que chaque autre changement de posture, on dit : "Allâhu akbar" ("Dieu est le plus grand"). Dans la position prosternée, on prononce : "Sub'hâna rabbiya-l-a'lâ" ("Pur de tout défaut est mon Seigneur, Celui qui est le Plus Elevé"). Il y a encore d'autres choses à réciter, comme la formule du tashahhud.

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A quoi ne pas penser ?

Ibn Taymiyya écrit de ce qui précède qu'il s'agit là de ce qu'il faut réaliser mentalement. Mais il nous dit qu'il s'agit aussi de délaisser certaines choses : il faut ainsi laisser de côté les pensées relatives aux activités que l'on avait faites avant la prière et aux tâches que l'on a à faire après la prière (MF 22/607). Or la difficulté ici est double : d'une part on a ses soucis et ses tâches de la vie quotidienne ; d'autre part le Diable s'évertue à suggérer de nombreuses pensées pendant la prière.

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Que s'agit-il d'éviter ?

Ibn Taymiyya souligne que la concentration dans la prière est bien évidemment moindre en certaines circonstances particulières qu'en temps normal : ainsi, la prière faite en situation de peur (salât ul-khawf), sur le champ de bataille, est allégée sur le plan des postures, comme il est évident que la concentration y est moindre. C'est bien pourquoi le verset qui parle de cela conclut par : "Lorsque vous aurez la tranquillité, alors accomplissez parfaitement la prière" (Coran 4/103).

Cependant, en temps normal, tant qu'il y en a la possibilité, il s'agit d'éviter toute situation qui serait de nature à perturber sa concentration pendant la prière.

Ainsi, le Prophète a dit : "Lorsque le dîner est servi et que la prière commence, commencez par le dîner" (al-Bukhârî 640, 641, Muslim 558, 557 ; voir aussi at-Tirmidhî 353, 354). "Pas de prière en présence de la nourriture, ni lorsqu'on éprouve l'un de deux besoins" (Muslim 560, Abû Dâoûd 89). Al-Bukhârî a écrit comme titre (tarjama) : "Lorsque le repas est servi et que la prière (en groupe) commence… Ibn Omar commençait par le dîner. Et Abu-d-Dardâ' a dit : "Cela relève de l'intelligence de l'homme qu'il s'occupe de ce qu'il doit faire, afin qu'il puisse se tourner vers la prière le cœur libre"" (Sahîh ul-Bukhârî, al-jamâ'a wa-l-imâma, bâb 14).
Trois points sont ici à noter.
Le premier est que
pour ce qui est de la nourriture, certains ulémas sont d'avis que cela est inconditionnel ; d'autres ulémas disent que cela est conditionné au cas où on a faim, car c'est dans ce cas précisément que la présence de nourriture attire l'attention de la personne et l'empêche de se concentrer sur autre chose (FB 2/208).
Le second est que Abu-d-Dardâ' parlait là des cas où un imprévu est survenu, ou des cas exceptionnels, comme le jeûneur qui rompt son jeûne surérogatoire et a très faim (c'était dans ce cas que Ibn Omar restait assis à manger même en entendant la récitation de l'imam : FB 2/209). Sinon il faut prendre ses dispositions à l'avance pour éviter de manquer la prière en congrégation.
Le troisième point est qu'on ne peut se consacrer à la nourriture lorsqu'on a faim ou à tout autre besoin qui est de nature à nous empêcher de nous concentrer sur la prière que lorsqu'il y a une possibilité par rapport à l'horaire légale de la prière obligatoire. Sinon, si cet horaire risque de se terminer [ou de devenir mak'rûh tahrîmî] il faut donner préférence à l'accomplissement de la prière (FB 2/209).

Abû Jahm avait offert au Prophète un manteau sur lequel se trouvait des dessins (FB 1/626). Après avoir accompli une prière vêtu de ce manteau, le Prophète dit : "Emportez ce manteau auprès de Abû Jahm, et ramenez-moi de la part de Abû Jahm un manteau simple (anbijâniyya). Celui-ci a détourné mon attention pendant ma prière" (al-Bukhârî 366, Muslim 356), ou bien il a dit : "Je crains que celui-ci détourne mon attention pendant ma prière" (FB 1/626).

Aïcha avait installé un petit rideau léger, doté d'images, dans un coin de son appartement. Le Prophète lui demanda (par la suite) d'enlever ce rideau, car "ses images ne cessaient" d'attirer son attention "pendant qu'il accomplissait la prière" (surérogatoire chez lui) (al-Bukhârî 367).

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III) Du fait que le imam doit se soucier aussi de ceux qui prient sous sa direction :

L'imam – celui qui dirige la prière – a le devoir, en sus de se concentrer sur sa prière, de tenir compte de l'état de ceux qui prient sous sa direction.

Déjà de façon générale il ne doit pas allonger la prière au point par exemple de la faire durer une demi-heure : ce genre de longues prières, on doit les faire quand on effectue seul des prières surérogatoires. Le Prophète a dit : "Lorsque l'un d'entre vous dirige la prière des gens, qu'il l'accomplisse de façon "légère" ; car il se trouve parmi le malade, le faible et vieillard. Et lorsqu'il accomplit la prière seul, qu'il l'allonge comme il veut" (al-Bukhârî 671, Muslim 467 avec un terme différent ; voir aussi Muslim 468).

Mais, dans le cas particulier où un problème survient, le imam doit raccourcir plus encore sa prière. Je me souviens des conseils de notre professeur, Cheikh Abdullâh Patel, qui nous disait que lorsqu'on était imam on devait raccourcir la prière si on entendait par exemple une clameur, ou qu'il se produisait quelque chose. De même, lorsqu'on est imam et qu'on sait que l'affluence des croyants est telle que, dans la congrégation, certains se trouvent obligés de prier dans un lieu très inconfortable, on doit effectuer de courtes prières. Il peut même arriver qu'un événement extrêmement grave oblige à rompre la prière (et cela concerne cette fois le imam comme celui qui prie seul), quitte à la recommencer plus tard.

Que Dieu récompense Son Messager, qui, bien que très présent mentalement pendant qu'il priait, demeurait quand même connecté avec les réalités qui l'entouraient : entendant les pleurs d'un enfant, il raccourcissait relativement la prière par rapport à la longueur qu'il aurait souhaité lui donner.

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IV) Comment expliquer que le Prophète a, pendant sa prière, pensé à un morceau d'or se trouvant chez lui, et que Omar ibn ul-Khattâb a dit procéder à l'organisation de son armée pendant qu'il priait ?

En fait il s'agit de comprendre tout d'abord le statut des pensées que sa propre personne sécrète, ou que le Diable met dans son esprit : lesquelles de ces pensées constituent-elles un manquement dans la perfection obligatoire de la prière (kamâl wâjib), et lesquelles ne le constituent pas ?

Une proposition de synthèse :

A) Quand c'est volontairement que, pendant qu'on prie, on évoque dans son esprit autre chose que ce qui est lié à la prière : cela est concerné par le hadîth que nous avons cité en début d'article sous le n° 2, qui disait d'accomplir une prière où il s'agit de "ne pas parler à son âme" ; ceci constitue donc un manquement dans sa prière.

B) Quand ce n'est pas volontairement que l'on se mettrait à penser à quelque chose d'extérieur à la prière, mais que de telles pensées viennent dans son esprit :

–--- B.A) si ces pensées sont seulement passagères et qu'on ramène son esprit à la prière, alors la vertu mentionnée dans le hadîth n° 2 est acquise d'après an-Nawawî (cité en FB 1/341) et Ibn Battâl (cité en FB 2/293) ;

–--- B.B) et si ces pensées perdurent, alors :

--------- B.B.A) si on a fait un effort pour reprendre le dessus, alors on a fait ce qu'il fallait ;

--------- B.B.B) et si on n'a fait aucun effort pour ramener son esprit vers la prière, alors :

------------- B.B.B.A) si ces pensées relèvent du dunyâ, alors cela est mauvais ;

------------- B.B.B.B) et si cela relève du dîn (dans le rapport n° 2 avec lui : cliquez ici), alors :
----------------- B.B.B.B.A) si on n'était pas dans une situation d'occupation très prenante, alors cela constitue un manquement ;
----------------- B.B.B.B.B) si on se trouvait dans une situation d'occupation très prenante au point qu'on est réellement excusable auprès de Dieu, alors cela est excusé.

La pensée qui avait traversé l'esprit du Prophète était peut-être de type B.A, nous l'avons dit plus haut.

Quant aux deux propos de Omar ibn ul-Khattâb, je penche vers l'interprétation selon laquelle cet illustre Compagnon ne relatait pas là quelque chose qu'il ferait volontairement, en tant que chose tout à fait normale lors d'une prière, mais relatait plutôt là ce qui lui arrivait involontairement, à cause de ses trop nombreuses occupations liées à sa fonction de calife, donc de dîn (dans le rapport n° 2 avec lui, comme nous l'avons vu) : il s'agissait donc d'un cas B.B.B.B.B.

Ceci semble ressortir de la relation de certaines personnes, qui racontent qu'une fois, Omar dirigea la prière de al-maghrib, mais n'y fit pas la récitation du Coran. Lorsqu'il eut terminé la prière, Abû Mûssâ le lui fit remarquer. Après s'être assuré de cela, il refit la prière. Lorsqu'il eut accompli celle-ci, il dit : "Pas de prière lorsque la récitation n'y a pas eu lieu. M'avait occupé l'esprit une caravane que j'avais équipée et envoyée à Shâm ; je m'étais mis à penser à son sujet" (FB 3/117).
Omar n'était pas un commerçant envoyant des caravanes, il s'agissait ici de quelque chose qu'il avait fait en tant que calife, dans le cadre de sa gestion de la société. C'est apparemment ce que al-Bukhârî veut faire comprendre, en ayant placé ce propos de Omar sous le même titre (tarjama) que celui sous lequel il a placé le hadîth où on voit le Prophète penser, pendant qu'il prie, au morceau d'or qui le préoccupe : "Du fait que l'homme pense à quelque chose pendant la prière" (Sahîh ul-Bukhârî, al-'amal fi-s-salât, bâb 18). Il s'agissait donc également pour Omar d'un souci, d'une idée qui revenait dans sa tête parce qu'il en était soucieux et avait de nombreuses charges, et non d'une pensée volontaire.

Ibn Abî Shayba a par ailleurs rapporté de Ibn Sîrîn le propos suivant : "Omar ibn ul-Khattâb craignait d'oublier ; lorsqu'il accomplissait la prière, il avait chargé quelqu'un, afin de le remarquer : lorsqu'il se levait, il se levait aussi ; et lorsqu'il s'asseyait, il s'asseyait" (3496). Ibn Kathîr a écrit que, sous réserve que ce propos soit authentique, il relate en fait ce qui s'est passé à un moment où Omar était très soucieux : peut-être lors de la bataille du Yarmuk, lorsqu'il avait appris que les Byzantins avaient massé quantité de troupes contre les musulmans (note de Muhammad 'Awwâma sur Mussanaf Ibn Abî Shayba, 3/199-200).

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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