Quelle est la différence de sens entre ces 3 termes coraniques évoquant le fait d'excuser, de pardonner : العفو والصفح والغفر ? Et quelle différence y a-t-il entre les 2 termes coraniques الغفر et التكفير ?

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العفو والصفح والغفر

Ces 3 termes sont traduits par "excuser", "pardonner".

Pourtant il existe une subtile différence entre eux, d'une part parce que la synonymie complète est très rare (un professeur de français que j'avais eu au collège l'avait dit à notre classe à plusieurs reprises, et Ibn Taymiyya l'a pour sa part exprimé en les termes suivants : "فإن الترادف في اللغة قليل؛ وأما في ألفاظ القرآن فإما نادر وإما معدوم؛ وقل أن يعبر عن لفظ واحد بلفظ واحد يؤدي جميع معناه؛ بل يكون فيه تقريب لمعناه. وهذا من أسباب إعجاز القرآن. فإذا قال القائل: {يوم تمور السماء مورا} "إن المور هو الحركة"، كان تقريبا، إذ المور حركة خفيفة سريعة" (MF 13/341) ; et d'autre part parce que ces 3 termes ont été employés côte à côte dans le verset suivant : "وَإِن تَعْفُوا وَتَصْفَحُوا وَتَغْفِرُوا فَإِنَّ اللَّهَ غَفُورٌ رَّحِيمٌ" (Coran 64/14), ce qui implique qu'ils ont chacun un sens nuancé par rapport à l'autre.

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Leur sens littéral :

--- 'Afw signifie : être facile et allégé / faciliter et alléger ; cela signifie aussi, par voie d'incidence : ce qui est en surplus.
"المسألة الأولى: قال الواحدي رحمه الله: أصل العفو في اللغة: الزيادة، قال تعالى: {خذ العفو} أي الزيادة، وقال أيضا: {حتى عفوا} أي زادوا على ما كانوا عليه من العدد. قال القفال: العفو: ما سهل وتيسر مما يكون فاضلا عن الكفاية؛ يقال: "خذ ما عفا لك"، أي ما تيسر. ويشبه أن يكون العفو عن الذنب راجعا إلى التيسر والتسهيل، قال عليه الصلاة والسلام: "عفوت لكم عن صدقة الخيل والرقيق، فهاتوا ربع عشر أموالكم"؛ معناه: التخفيف بإسقاط زكاة الخيل والرقيق. ويقال: "أعفى فلان فلانا بحقه" إذا أوصله إليه من غير إلحاح في المطالبة، وهو راجع إلى التخفيف. ويقال: "أعطاه كذا عفوا صفوا"، إذا لم يكدر عليه بالأذى. ويقال: "خذ من الناس ما عفا لك" أي ما تيسر؛ ومنه قوله تعالى: {خذ العفو} أي ما سهل لك من الناس، ويقال للأرض السهلة: "العفو". وإذا كان العفو هو التيسير، فالغالب أن ذلك إنما يكون فيما يفضل عن حاجة الإنسان في نفسه وعياله ومن تلزمه مؤنتهم؛ فقول من قال: "العفو هو الزيادة" راجع إلى التفسير الذي ذكرناه" (Tafsîr ur-Râzî).
"العفو: القصد لتناول الشيء، يقال: "عفاه واعتفاه"، أي: قصده متناولا ما عنده؛ و"عفت الريح الدار": قصدتها متناولة آثارها" (Muf'radât ur-Râghib).
En commentaire de : "فَنِصْفُ مَا فَرَضْتُمْ إَلاَّ أَن يَعْفُونَ أَوْ يَعْفُوَ الَّذِي بِيَدِهِ عُقْدَةُ النِّكَاحِ وَأَن تَعْفُواْ أَقْرَبُ لِلتَّقْوَى وَلاَ تَنسَوُاْ الْفَضْلَ بَيْنَكُمْ" (Coran 2/237), citant le contre-argument de ceux qui disent que "الَّذِي بِيَدِهِ عُقْدَةُ النِّكَاحِ" est le mari, ar-Râzî écrit de leur part que 'Afw veut dire ici : "faciliter" : "وثالثها: أن العفو قد يراد به التسهيل يقال: فلان وجد المال عفوا صفوا، وقد بينا وجه هذا القول في تفسير قوله تعالى: {فمن عفي له من أخيه شيء}. وعلى هذا، عفو الرجل أن يبعث إليها كل الصداق على وجه السهولة" (Tafsîr ur-Râzî).

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--- Saf'h veut dire : le côté du visage ; en tant que nom d'action (masdar), ce terme signifie : "montrer le côté de son visage", autrement dit : "se détourner".
"صفح الشيء: عرضه وجانبه، كصفحة الوجه، وصفحة السيف، وصفحة الحجر. (...) والمصافحة: الإفضاء بصفحة اليد" (Muf'radât ur-Râghib).
"والعفو: ترك المؤاخذة بالذنب. والصفح: إزالة أثره من النفس. "صفحت عن فلان" إذا أعرضت عن ذنبه. و"قد ضربت عنه صفحا" إذا أعرضت عنه وتركته؛ ومنه قوله تعالى: {أفنضرب عنكم الذكر صفحا" (Tafsîr ul-Qurtubî sur Coran 2/69).

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--- Ghaf'r ou Ghuf'rân veut dire : cacher ; recouvrir.
"وقيل: "اغفروا هذا الأمر بغفرته"، أي: استروه بما يجب أن يستر به. والمغفر: بيضة الحديد. والغفارة: خرقة تستر الخمار أن يمسه دهن الرأس، ورقعة يغشى بها محز الوتر، وسحابة فوق سحابة" (Muf'radât ur-Râghib).

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Le sens qu'ils ont dans le texte du Coran :

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--- D'après Ibn 'Âshûr :

العفو: ترك المعاقبة على الذنب بعد الاستعداد لها، ولو مع توبيخ. والصفح: الإعراض عن المذنب، أي ترك عقابه على ذنبه دون التوبيخ. والغفر: ستر الذنب وعدم إشاعته. والجمع بينها هنا إيماء إلى تراتب آثار هذه العداوة وما تقتضيه آثارها من هذه المعاملات الثلاث" (At-Tahrîr wa-t-tanwîr).

– Le 'Afw est plus général que le Saf'h : le 'Afw induit, de la part de la personne X, l'absence d'infliction d'une sanction à Y pour sa faute, mais avec éventuellement un blâme.

– Le Saf'h est plus particulier que le 'Afw : le Saf'h induit, de la part de la personne X, l'absence d'infliction de toute sanction à Y pour sa faute, avec absence de blâme.

– Le Ghaf'r est encore plus particulier que le Saf'h : le Ghaf'r induit, de la part de la personne X, l'absence d'infliction de toute sanction à Y pour sa faute qu'il a commise : cela est complètement pardonné, caché.

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Pour ma part, je proposerais humblement ceci (prière aux frères et soeurs compétents d'en faire la critique constructive) :

– Le Ghaf'r est le plus particulier des trois (الغفر هو الأخصّ) : il induit, de la part de la personne X, l'absence de toute infliction de toute sanction - fût-elle verbale comme l'est un blâme - à Y pour sa faute :
--- aussi bien à l'instant T,
--- qu'ultérieurement.
Cela est complètement pardonné, et donc caché.

– Le Saf'h est plus général que le Ghaf'r (الصفح أعمّ من الغفر) : il se contente de signifier, de la part de la personne X, l'absence d'infliction - à l'instant T - d'une quelconque sanction - fût-elle un blâme - à Y pour sa faute. Cependant, il ne signifie pas l'absence d'une sanction ultérieure, qui sera appliquée à cette personne pour la faute qu'elle avait commise ; il n'implique pas non plus la présence d'une telle sanction ultérieure : cela pourra avoir lieu, comme cela pourra ne pas avoir lieu.
Le Saf'h implique donc :
--- l'absence de sanction verbale (blâme) présentement.
Mais n'implique pas :
--- l'absence d'une sanction ultérieurement.

– Le 'Afw est encore plus général que le Saf'h (العفو أعمّ من الصفح) : il se contente de signifier, de la part de la personne X, l'absence d'infliction - à l'instant T - d'une sanction autre qu'un éventuel blâme à Y pour sa faute. Il ne signifie pas la présence d'une sanction verbale, à savoir un blâme ; il n'implique pas non plus l'absence d'un tel blâme : cela peut avoir lieu, comme cela peut ne pas avoir lieu. De même, il ne signifie pas l'absence d'une sanction ultérieure, qui sera appliquée à cette personne pour la faute qu'elle avait commise ; il n'implique pas non plus la présence d'une telle sanction ultérieure : cela pourra avoir lieu, comme cela pourra ne pas avoir lieu.
En résumé : le 'Afw n'implique :
--- ni l'absence d'une sanction ultérieurement ;
--- ni même l'absence de sanction verbale (de blâme) présentement.

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Le 'Afw : passer sur la faute que quelqu'un a commise.
Le
Saf'h : se détourner de ce que ce quelqu'un a commis de faute.
Le
Ghaf'r (ou : Ghuf'rân) signifie : pardonner à ce quelqu'un la faute qu'il a commise.

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Le Ghaf'r est le plus accompli des trois : il implique (يستلزم) le Saf'h et le 'Afw, car il désigne quelque chose de particulier au sein du sens - plus général - que ces deux termes se contentent de désigner. Alors que l'inverse n'est pas toujours vrai : même employé seul (إذا أُفرِد), le 'Afw / le Saf'h n'implique pas (لا يستلزم) forcément le Ghaf'r.

De même, le Saf'h implique (يستلزم) le 'Afw, car il désigne quelque chose de particulier au sein du sens - plus général - que ce terme 'Afw désigne. Alors que l'inverse n'est pas toujours vrai : même employé seul (إذا أُفرِد), le 'Afw n'implique pas (لا يستلزم) forcément le Saf'h.

Cependant, employé seul (إذا أُفرِد), il arrive parfois que le terme Saf'h désigne la même chose que Ghaf'r (et cela eu égard au sens général que Saf'h possède).
De même, employé seul (إذا أُفرِد), il arrive parfois que le terme 'Afw désigne la même chose que Saf'h, ou que Ghaf'r (et cela eu égard au sens général que 'Afw possède) ; c'est le cas dans ce verset, où il a le même sens particulier que Ghaf'r : "إِنَّ الَّذِينَ تَوَلَّوْاْ مِنكُمْ يَوْمَ الْتَقَى الْجَمْعَانِ إِنَّمَا اسْتَزَلَّهُمُ الشَّيْطَانُ بِبَعْضِ مَا كَسَبُواْ وَلَقَدْ عَفَا اللّهُ عَنْهُمْ إِنَّ اللّهَ غَفُورٌ حَلِيمٌ" (Coran 3/155).

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Quant au cas où deux de ces termes sont employés côte à côte (إذا اقْترَنَ أحدها بالآخر), le terme avec le sens plus général ne désigne alors que la partie de ce sens général qui est autre que celle que le terme plus particulier désigne. Ainsi en est-il du verset suivant : "وَإِن تَعْفُوا وَتَصْفَحُوا وَتَغْفِرُوا فَإِنَّ اللَّهَ غَفُورٌ رَّحِيمٌ" : "Et si vous faites 'Afw, si vous faites Saf'h et si vous faites Ghaf'r, alors Dieu est Ghafûr, Miséricordieux" (Coran 64/14). Ici, 'Afw désigne le fait de ne pas infliger, présentement, de sanction plus sévère que la verbale ; tandis que Saf'h désigne, par parallélisme, le fait de ne pas du tout sanctionner présentement, fût-ce de façon verbale ; et Ghaf'r désigne le fait de pardonner complètement, présentement comme ultérieurement. "وَإِن تَعْفُوا وَتَصْفَحُوا وَتَغْفِرُوا فَإِنَّ اللَّهَ غَفُورٌ رَّحِيمٌ} لأنَّ الجزاء من جنس العمل: فمن عفا، عفا الله عنه؛ ومن صفح، صفح الله عنه؛ ومن غفر، غفر الله له" (Tafsîr us-Sa'dî).
On a de plus ici ce qu'on appelle : "الترقّي من الأدنى إلى الأعلى" : une progression, depuis le degré de base jusqu'au degré le plus élevé (bien que chaque degré plus élevé englobe déjà le degré qui le précède). Il s'agit d'une figure de style, produisant un effet particulier, avec pour objectif d'amener progressivement l'interlocuteur à l'objectif final : le pardon complet. Sinon, s'il avait été seulement dit : "وَإِن تَغْفِرُوا فَإِنَّ اللَّهَ غَفُورٌ رَّحِيمٌ", la demande de pardon complet aurait été dite, mais il n'y aurait pas eu cet effet de progressivité.
Ce verset 64/14 fait partie de tout un passage où il est d'abord dit que les épouses et enfants d'un homme le poussent parfois à délaisser ce qui est méritoire (et qui peut être fortement recommandé, ou obligatoire) : ils constituent en ce sens une Fitna pour l'homme. Il est donc demandé aux gens de se préserver du fait qu'ils les entraînent dans le délaissement de ce qui est obligatoire / la commission de ce qui est interdit. Ensuite, au verset 64/14 il est demandé aux gens que, lorsqu'ils se rendent compte que leurs épouses ou enfants les avaient amenés à délaisser ce qui était méritoire, ils passent dessus, ne blâment pas, et pardonnent (cela) à leurs épouses et/ou enfants. Il leur a été dit, enfin : "Aussi, ayez la Taqwâ par rapport à Allah autant que vous pouvez".
"يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُوا إِنَّ مِنْ أَزْوَاجِكُمْ وَأَوْلَادِكُمْ عَدُوًّا لَّكُمْ فَاحْذَرُوهُمْ وَإِن تَعْفُوا وَتَصْفَحُوا وَتَغْفِرُوا فَإِنَّ اللَّهَ غَفُورٌ رَّحِيمٌ إِنَّمَا أَمْوَالُكُمْ وَأَوْلَادُكُمْ فِتْنَةٌ وَاللَّهُ عِندَهُ أَجْرٌ عَظِيمٌ فَاتَّقُوا اللَّهَ مَا اسْتَطَعْتُمْ وَاسْمَعُوا وَأَطِيعُوا وَأَنفِقُوا خَيْرًا لِّأَنفُسِكُمْ وَمَن يُوقَ شُحَّ نَفْسِهِ فَأُوْلَئِكَ هُمُ الْمُفْلِحُونَ إِن تُقْرِضُوا اللَّهَ قَرْضًا حَسَنًا يُضَاعِفْهُ لَكُمْ وَيَغْفِرْ لَكُمْ وَاللَّهُ شَكُورٌ حَلِيمٌ عَالِمُ الْغَيْبِ وَالشَّهَادَةِ الْعَزِيزُ الْحَكِيمُ" (Coran 64/14-18).

"حدثنا أبو كريب، قال: ثنا يحيى بن آدم وعبيد الله بن موسى، عن إسرائيل، عن سماك، عن عكرمة، عن ابن عباس، قال: سأله رجل عن هذه الآية (ياأيها الذين آمنوا إن من أزواجكم وأولادكم عدوا لكم فاحذروهم) قال: "هؤلاء رجال أسلموا، فأرادوا أن يأتوا رسول الله صلى الله عليه وسلم؛ فأبى أزواجهم وأولادهم أن يدعوهم يأتوا رسول الله صلى الله عليه وسلم. فلما أتوا رسول الله صلى الله عليه وسلم فرأوا الناس قد فقهوا في الدين، هموا أن يعاقبوهم؛ فأنزل الله جل ثناؤه (إن من أزواجكم وأولادكم) الآية" (Tafsîr ut-Tabarî).
"حدثنا محمد بن يحيى قال: حدثنا محمد بن يوسف قال: حدثنا إسرائيل قال: حدثنا سماك بن حرب، عن عكرمة، عن ابن عباس، وسأله، رجل عن هذه الآية: {يا أيها الذين آمنوا إن من أزواجكم وأولادكم عدوا لكم فاحذروهم} قال: "هؤلاء رجال أسلموا من أهل مكة وأرادوا أن يأتوا النبي صلى الله عليه وسلم، فأبى أزواجهم وأولادهم أن يدعوهم أن يأتوا رسول الله صلى الله عليه وسلم. فلما أتوا رسول الله صلى الله عليه وسلم، رأوا الناس قد فقهوا في الدين، هموا أن يعاقبوهم؛ فأنزل الله عز وجل: {يا أيها الذين آمنوا إن من أزواجكم وأولادكم عدوا لكم فاحذروهم} الآية. هذا حديث حسن صحيح" (at-Tirmidhî, 3317).

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Sur quels arguments cette humble proposition s'appuie-t-elle ?

Le fait que le 'Afw signifie : "le fait de passer dessus à l'instant T", cela m'a semblé transparaître des versets suivants :

--- "وَمَا أَصَابَكُم مِّن مُّصِيبَةٍ فَبِمَا كَسَبَتْ أَيْدِيكُمْ وَيَعْفُو عَن كَثِيرٍ" (Coran 42/30) ; "وَلَوْ يُؤَاخِذُ اللَّهُ النَّاسَ بِمَا كَسَبُوا مَا تَرَكَ عَلَى ظَهْرِهَا مِن دَابَّةٍ وَلَكِن يُؤَخِّرُهُمْ إِلَى أَجَلٍ مُّسَمًّى فَإِذَا جَاء أَجَلُهُمْ فَإِنَّ اللَّهَ كَانَ بِعِبَادِهِ بَصِيرًا" (Coran 35/45).

--- Et au verset suivant, le 'Afw par rapport à l'application du Qissâs n'empêche pas la prise de dédommagement matériel (Diya) : "يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُواْ كُتِبَ عَلَيْكُمُ الْقِصَاصُ فِي الْقَتْلَى الْحُرُّ بِالْحُرِّ وَالْعَبْدُ بِالْعَبْدِ وَالأُنثَى بِالأُنثَى فَمَنْ عُفِيَ لَهُ مِنْ أَخِيهِ شَيْءٌ فَاتِّبَاعٌ بِالْمَعْرُوفِ وَأَدَاء إِلَيْهِ بِإِحْسَانٍ ذَلِكَ تَخْفِيفٌ مِّن رَّبِّكُمْ وَرَحْمَةٌ فَمَنِ اعْتَدَى بَعْدَ ذَلِكَ فَلَهُ عَذَابٌ أَلِيمٌ" (Coran 2/178).

--- De même, ici : "وَإِذْ وَاعَدْنَا مُوسَى أَرْبَعِينَ لَيْلَةً ثُمَّ اتَّخَذْتُمُ الْعِجْلَ مِن بَعْدِهِ وَأَنتُمْ ظَالِمُونَ ثُمَّ عَفَوْنَا عَنكُمِ مِّن بَعْدِ ذَلِكَ" (Coran 2/51-52), le 'Afw accordé à leur totalité n'a empêché que, avant cela, une terrible sanction ait été appliquée à nombre de ceux qui avaient dûment adoré le veau d'or : "وَإِذْ قَالَ مُوسَى لِقَوْمِهِ يَا قَوْمِ إِنَّكُمْ ظَلَمْتُمْ أَنفُسَكُمْ بِاتِّخَاذِكُمُ الْعِجْلَ فَتُوبُواْ إِلَى بَارِئِكُمْ فَاقْتُلُواْ أَنفُسَكُمْ ذَلِكُمْ خَيْرٌ لَّكُمْ عِندَ بَارِئِكُمْ فَتَابَ عَلَيْكُمْ إِنَّهُ هُوَ التَّوَّابُ الرَّحِيمُ" (Coran 2/54).

--- "يَا أَهْلَ الْكِتَابِ قَدْ جَاءكُمْ رَسُولُنَا يُبَيِّنُ لَكُمْ كَثِيرًا مِّمَّا كُنتُمْ تُخْفُونَ مِنَ الْكِتَابِ وَيَعْفُو عَن كَثِيرٍ" (Coran 5/15).

--- "يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُواْ لاَ تَسْأَلُواْ عَنْ أَشْيَاء إِن تُبْدَ لَكُمْ تَسُؤْكُمْ وَإِن تَسْأَلُواْ عَنْهَا حِينَ يُنَزَّلُ الْقُرْآنُ تُبْدَ لَكُمْ عَفَا اللّهُ عَنْهَا وَاللّهُ غَفُورٌ حَلِيمٌ قَدْ سَأَلَهَا قَوْمٌ مِّن قَبْلِكُمْ ثُمَّ أَصْبَحُواْ بِهَا كَافِرِينَ" (Coran 5/101-102).

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Le fait que le Saf'h implique "l'absence de même une sanction verbale (blâme), mais à l'instant T", n'empêchant pas l'application, ultérieurement, ou antérieurement, d'une sanction, cela m'a semblé transparaître des versets suivants :

Voyons d'abord la différence entre 'Afw et Saf'h, selon al-Asfahânî :
الصفح: ترك التثريب. وهو أبلغ من العفو. ولذلك قال: {فاعفوا واصفحوا حتى يأتي الله بأمره}، وقد يعفو الإنسان ولا يصفح. قال: {فاصفح عنهم وقل سلام}، {فاصفح الصفح الجميل" (Muf'radât ur-Râghib).

Citons ensuite des versets...

--- "فَاعْفُواْ وَاصْفَحُواْ حَتَّى يَأْتِيَ اللّهُ بِأَمْرِهِ" (Coran 2/109). Ussâma ibn Zayd (que Dieu les agrée) raconte qu'il y eut un premier temps, pendant lequel, conformément à ce qui avait été dit en notamment ce verset 2/109, le Prophète (que Dieu le rapproche de Lui et le salue) faisait 'Afw, passait sur ces choses de la part de ces gens ; puis un second temps, suite à cette survenue du Amr ullâh : "فعفا عنه رسول الله صلى الله عليه وسلم. وكان النبي صلى الله عليه وسلم وأصحابه يعفون عن المشركين وأهل الكتاب، كما أمرهم الله، ويصبرون على الأذى؛ قال الله عز وجل: {ولتسمعن من الذين أوتوا الكتاب من قبلكم ومن الذين أشركوا أذى كثيرا} الآية، وقال الله: {ود كثير من أهل الكتاب لو يردونكم من بعد إيمانكم كفارا حسدا من عند أنفسهم} إلى آخر الآية؛ وكان النبي صلى الله عليه وسلم يتأول العفو ما أمره الله به. حتى أذن الله فيهم" (al-Bukhârî, 4290).

--- Il se peut aussi qu'antérieurement, la sanction ait déjà été appliquée à cette personne : le fait de tourner alors la page et de ne plus infliger d'autre sanction - possible - et de ne même plus rien lui reprocher - alors que cela aurait été autorisé shar'an - se dit alors : 'Afw et Saf'h ; on ne parle alors pas de Ghaf'r (puisque celui-ci aurait impliqué le pardon total, sans sanction). C'est ainsi qu'on lit ceci au sujet de l'affaire de Mistah ayant calomnié gravement Aïcha ; suite à l'application de la sanction au premier, Abû Bakr, père de Aïcha, fit serment de ne plus l'aider financièrement ; mais le verset suivant lui dit de passer dessus et de se détourner, ainsi que de revenir sur son serment : "وَلَا يَأْتَلِ أُوْلُوا الْفَضْلِ مِنكُمْ وَالسَّعَةِ أَن يُؤْتُوا أُوْلِي الْقُرْبَى وَالْمَسَاكِينَ وَالْمُهَاجِرِينَ فِي سَبِيلِ اللَّهِ وَلْيَعْفُوا وَلْيَصْفَحُوا أَلَا تُحِبُّونَ أَن يَغْفِرَ اللَّهُ لَكُمْ وَاللَّهُ غَفُورٌ رَّحِيمٌ" (Coran 24/22).

--- "وَإِنَّ السَّاعَةَ لآتِيَةٌ فَاصْفَحِ الصَّفْحَ الْجَمِيلَ" (Coran 15/85).

--- "فَاصْفَحْ عَنْهُمْ وَقُلْ سَلَامٌ فَسَوْفَ يَعْلَمُونَ" (Coran 43/89).

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--- Le terme I'râdh semble correspondre (du moins dans certains cas) à quasiment la même chose que Saf'h.
----- Ainsi, "فَاصْفَحْ عَنْهُمْ" (Coran 43/89, cité plus haut), Ibn Abbâs l'a traduit par : "أعرض عنهم" (Tafsîr ul-Qurtubî).
----- De même, "فَأَعْرِضْ عَنْهُمْ" (Coran 4/63, qui va être cité), Jalâl ud-Dîn l'a commenté par : "بالصفح" (Tafsîr ul-Jalâlayn). "وَإِذَا قِيلَ لَهُمْ تَعَالَوْاْ إِلَى مَا أَنزَلَ اللّهُ وَإِلَى الرَّسُولِ رَأَيْتَ الْمُنَافِقِينَ يَصُدُّونَ عَنكَ صُدُودًا فَكَيْفَ إِذَا أَصَابَتْهُم مُّصِيبَةٌ بِمَا قَدَّمَتْ أَيْدِيهِمْ ثُمَّ جَآؤُوكَ يَحْلِفُونَ بِاللّهِ إِنْ أَرَدْنَا إِلاَّ إِحْسَانًا وَتَوْفِيقًا أُولَئِكَ الَّذِينَ يَعْلَمُ اللّهُ مَا فِي قُلُوبِهِمْ فَأَعْرِضْ عَنْهُمْ وَعِظْهُمْ وَقُل لَّهُمْ فِي أَنفُسِهِمْ قَوْلاً بَلِيغًا" (Coran 4/61-63) : il s'agit ici de se détourner de ces Munâfiq au sens de ne pas leur infliger de sanction ni de reproche verbal, bien qu'un conseil leur soit adressé, ainsi qu'une parole à leur sujet qui fera de l'effet : "فأعرض عنهم} أي: عن عقوبتهم (...) {وعظهم} باللسان {وقل لهم قولا بليغا} وقيل: هو التخويف بالله" (Tafsîr ul-Baghawî).

----- De même encore, le verset suivant, qui comporte le terme "I'râdh", renvoie à la même chose que le verset 2/109 (cité plus haut), lequel comportait pour sa part les mots "'Afw" et "Saf'h" : "فَاصْدَعْ بِمَا تُؤْمَرُ وَأَعْرِضْ عَنِ الْمُشْرِكِينَ إِنَّا كَفَيْنَاكَ الْمُسْتَهْزِئِينَ الَّذِينَ يَجْعَلُونَ مَعَ اللّهِ إِلهًا آخَرَ فَسَوْفَ يَعْمَلُونَ وَلَقَدْ نَعْلَمُ أَنَّكَ يَضِيقُ صَدْرُكَ بِمَا يَقُولُونَ فَسَبِّحْ بِحَمْدِ رَبِّكَ وَكُن مِّنَ السَّاجِدِينَ وَاعْبُدْ رَبَّكَ حَتَّى يَأْتِيَكَ الْيَقِينُ" : "(...) Et détourne-toi des Polythéistes, Nous te Suffisons par rapport à ceux qui se moquent ; (...)" (Coran 15/94-95).

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--- Ce Saf'h / I'râdh s'appuie sur du Sab'r : de la Patience : "وَاصْبِرْ عَلَى مَا يَقُولُونَ وَاهْجُرْهُمْ هَجْرًا جَمِيلًا" : "Fais preuve de patience face à ce qu'ils disent, et délaisse-les d'une bonne façon" (Coran 73/10). "لَتُبْلَوُنَّ فِي أَمْوَالِكُمْ وَأَنفُسِكُمْ وَلَتَسْمَعُنَّ مِنَ الَّذِينَ أُوتُواْ الْكِتَابَ مِن قَبْلِكُمْ وَمِنَ الَّذِينَ أَشْرَكُواْ أَذًى كَثِيرًا وَإِن تَصْبِرُواْ وَتَتَّقُواْ فَإِنَّ ذَلِكَ مِنْ عَزْمِ الأُمُورِ" : "(...) Et vous entendrez, de la part de ceux à qui l'Ecriture a été donnée avant vous et de la part des Polythéistes, beaucoup de propos désagréables. Et si vous faites preuve de Patience et êtes pieux, alors cela relève des choses de la résolution" (Coran 3/186). "وَلَا تُطِعِ الْكَافِرِينَ وَالْمُنَافِقِينَ وَدَعْ أَذَاهُمْ وَتَوَكَّلْ عَلَى اللَّهِ وَكَفَى بِاللَّهِ وَكِيلًا" : "Et n'obéis pas aux Incroyants et aux Hypocrites, laisse leur tort* et remets-toi à Dieu. Et Dieu suffit comme garant" (Coran 33/48) (* = le tort qu'ils te font : c'est ainsi que Mujâhid ibn Jab'r a commenté ce terme).

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Quant au Ghaf'r, c'est le pardon complet, sans sanction présente ni ultérieure : 

--- "(Dieu) pardonne à qui Il veut, et châtie qui Il veut" : "يَغْفِرُ لِمَن يَشَاء وَيُعَذِّبُ مَن يَشَاء" (Coran 2/284 ; 3/129 ; 48/44) ; "يُعَذِّبُ مَن يَشَاء وَيَغْفِرُ لِمَن يَشَاء" (Coran 5/40).

--- Lire : Désobéissance à Dieu, suivie d'un Châtiment divin (العذاب) (en 5 lieux) et/ou d'une Miséricorde divine (الرحمة) (accordée par 6 voies).

--- "Et dis à ceux qui ont apporté foi qu'ils pardonnent à ceux qui n'espèrent pas les Jours de Dieu, afin qu'Il rétribue des gens pour ce qu'ils acquerraient" : "قُل لِّلَّذِينَ آمَنُوا يَغْفِرُوا لِلَّذِينَ لا يَرْجُون أَيَّامَ اللَّهِ لِيَجْزِيَ قَوْمًا بِما كَانُوا يَكْسِبُونَ" (Coran 45/14). Il est ici demandé (de façon recommandée) aux croyants de pardonner aux incroyants leurs propos durs et déplacés : si ces croyants font ainsi, alors, dans l'autre monde, ils seront rétribués pour cette action recommandée qu'ils auront acquise : "والأقرب أن يقال: إنه محمول على ترك المنازعة في المحقرات، على التجاوز عما يصدر عنهم من الكلمات المؤذية والأفعال الموحشة. ثم قال تعالى: {ليجزي قوما بما كانوا يكسبون} أي لكي يجازي بالمغفرة قوما يعملون الخير. فإن قيل: ما الفائدة في التنكير في قوله {ليجزي قوما} مع أن المراد بهم هم المؤمنون المذكورون في قوله {قل للذين آمنوا}؟ قلنا: التنكير يدل على تعظيم شأنهم، كأنه قيل: "ليجزي قوما، وأي قوم، من شأنهم الصفح عن السيئات والتجاوز عن المؤذيات وتحمل الوحشة وتجرع المكروه" (Tafsîr ur-Râzî). "وقالت فرقة: الآية محكمة، والآية تتضمن الغفران عموما. فينبغي أن يقال: إن الأمور العظام كالقتل والكفر مجاهرة ونحو ذلك قد نَسخ غفرانَه آيةُ السيف والجزية وما أحكمه الشرع لا محالة؛ وإن الأمور المحقرة كالجفاء في القول ونحو ذلك يحتمل أن تبقى محكمة وأن يكون العفو عنها أقرب إلى التقوى" (Tafsîr Ibn 'Atiyya). "وقوله: {أيام الله} قالت فرقة: معناه: "أيام إنعامه ونصره وتنعيمه في الجنة وغير ذلك"، فـ{يرجون} على هذا هو من بابه. وقال مجاهد: {أيام الله} تعالى "هي أيام نقمه وعذابه"، فـ{يرجون} على هذا هي التي تتنزل منزلة "يخافون" (Tafsîr Ibn 'Atiyya).

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Quant au Fadhl - qui découle d'une Rahma particulière -, cela induit d'accorder une bienfaisance à la personne :

--- Lire : Quelle est la différence entre bienfait venant de Dieu (Ni'ma), faveur accordée par Dieu (Fadhl), bénédiction octroyée par Dieu (Baraka), et miséricorde de la part de Dieu (Rahma) ?.

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Trois passages coraniques où l'on retrouve les termes "'Afw", "I'râdh", "Ghaf'r" et "Rahma" :

--- "وَاعْفُ عَنَّا وَاغْفِرْ لَنَا وَارْحَمْنَا" (Coran 2/286). Ici, le fait que 'Afw et de Ghaf'r ont été employés côte à côte entraîne la distinction de ce que chacun d'eux désigne. Plusieurs commentaires ont été proposés à ce sujet ; en voici un : 'Afw signifie ici : "ne pas sanctionner par une sanction physique" ; Ghaf'r signifie : "ne même pas blâmer, et pardonner" ; et Rahma signifie : "être bienfaisant en accordant quelque chose" : "السؤال الثاني: ما الفرق بين العفو والمغفرة والرحمة؟ الجواب: أن العفو أن يسقط عنه العقاب؛ والمغفرة أن يستر عليه جرمه صونا له من عذاب التخجيل والفضيحة. كأن العبد يقول: أطلب منك العفو، وإذا عفوت عني فاستره علي، فإن الخلاص من عذاب القبر إنما يطيب إذا حصل عقيبه الخلاص من عذاب الفضيحة، والأول: هو العذاب الجسماني، والثاني: هو العذاب الروحاني. فلما تخلص منهما أقبل على طلب الثواب" (Tafsîr ur-Râzî) ; "قوله تعالى: {واعف عنا} أي عن ذنوبنا؛ "عفوت عن ذنبه" إذا تركته ولم تعاقبه. {واغفر لنا} أي استر على ذنوبنا؛ والغفر: الستر. {وارحمنا} أي تفضل برحمة مبتدئا" (Tafsîr ul-Qurtubî).

----- "فَلَمَّا رَأَى قَمِيصَهُ قُدَّ مِن دُبُرٍ قَالَ إِنَّهُ مِن كَيْدِكُنَّ إِنَّ كَيْدَكُنَّ عَظِيمٌ. يُوسُفُ أَعْرِضْ عَنْ هَذَا. وَاسْتَغْفِرِي لِذَنبِكِ إِنَّكِ كُنتِ مِنَ الْخَاطِئِينَ" (Coran 12/28-29) : dans ce verset, lorsque le 'Azîz dit au prophète Joseph (sur lui soit la paix) : "Joseph, fais I'râdh de cela", cela signifie : "Laisse tomber cette affaire, et n'en parle à personne". Et lorsque le 'Azîz dit à son épouse : "Et demande Ghaf'r pour ton péché", il s'est agi soit qu'elle demande cela à Dieu (ce qui implique que ce mari et sa femme croyaient tous deux en Lui), soit qu'elle demande cela à son mari pour avoir bafoué son droit. "يوسف أعرض عن هذا} أي: اضرب عن هذا الأمر صفحا، فلا تذكره لأحد. {واستغفري لذنبك} يقول لامرأته - وقد كان لين العريكة سهلا أو أنه عذرها لأنها رأت ما لا صبر لها عنه -، فقال لها: {واستغفري لذنبك} أي: الذي وقع منك من إرادة السوء بهذا الشاب، ثم قذفه بما هو بريء منه، استغفري من هذا الذي وقع منك. {إنك كنت من الخاطئين" (Tafsîr Ibn Kathîr). "واستغفري لذنبك" أي : توبي إلى الله {إنك كنت من الخاطئين" (Tafsîr ul-Baghawî) ; "استغفري زوجك من ذنبك لا يعاقبك" (Tafsîr ul-Qurtubî).

--- "يَحْذَرُ الْمُنَافِقُونَ أَن تُنَزَّلَ عَلَيْهِمْ سُورَةٌ تُنَبِّئُهُمْ بِمَا فِي قُلُوبِهِم قُلِ اسْتَهْزِؤُواْ إِنَّ اللّهَ مُخْرِجٌ مَّا تَحْذَرُونَ وَلَئِن سَأَلْتَهُمْ لَيَقُولُنَّ إِنَّمَا كُنَّا نَخُوضُ وَنَلْعَبُ قُلْ أَبِاللّهِ وَآيَاتِهِ وَرَسُولِهِ كُنتُمْ تَسْتَهْزِؤُونَ لاَ تَعْتَذِرُواْ قَدْ كَفَرْتُم بَعْدَ إِيمَانِكُمْ إِن نَّعْفُ عَن طَآئِفَةٍ مِّنكُمْ نُعَذِّبْ طَآئِفَةً بِأَنَّهُمْ كَانُواْ مُجْرِمِينَ" (Coran 9/64-66). Ici il est question d'une moquerie que quelques personnes avaient faites en secret, mais que Dieu a porté à la connaissance de Son Messager. Ayant appris cela, une de ces personnes a cherché à trouver des excuses en disant : "Nous ne faisions que plaisanter". Mais ce passage est venu leur dire : "Ne cherchez pas des excuses, vous avez fait Kufr après avoir apporté Îmân. Si Nous faisons 'Afw d'un groupe d'entre vous, Nous châtierons un autre groupe, à cause du fait qu'ils ont commis cet acte grave" (Coran 9/66). Dans ce groupe de personnes, il y en avait qui s'était moqué du Messager et de ses proches Compagnons. "عن زيد بن أسلم: أن رجلا من المنافقين قال لعوف بن مالك في غزوة تبوك: "ما لقرائنا هؤلاء أرغبنا بطونا وأكذبنا ألسنة، وأجبننا عند اللقاء". فقال له عوف: "كذبت، ولكنك منافق. لأخبرن رسول الله صلى الله عليه وسلم". فذهب عوف إلى رسول الله ليخبره، فوجد القرآن قد سبقه. قال زيد: قال عبد الله بن عمر: فنظرت إليه متعلقا بحقب ناقة رسول الله صلى الله عليه وسلم تنكبه الحجارة يقول: "إنما كنا نخوض ونلعب" فيقول له النبي صلى الله عليه وسلم: {أبالله وآياته ورسوله كنتم تستهزؤن؟} ما يزيده" (Tafsîr ut-Tabarî). "عن عبد الله بن عمر قال: قال رجل في غزوة تبوك في مجلس: "ما رأينا مثل قرائنا هؤلاء، أرغب بطونا، ولا أكذب ألسنا، ولا أجبن عند اللقاء!" فقال رجل في المجلس: كذبت، ولكنك منافق! لأخبرن رسول الله صلى الله عليه وسلم". فبلغ ذلك النبي صلى الله عليه وسلم ونزل القرآن. قال عبد الله بن عمر: "فأنا رأيته متعلقا بحقب ناقة رسول الله صلى الله عليه وسلم تنكبه الحجارة، وهو يقول: "يا رسول الله، إنما كنا نخوض ونلعب"، ورسول الله صلى الله عليه وسلم يقول: {أبالله وآياته ورسوله كنتم تستهزؤن. لا تعتذروا قد كفرتم بعد إيمانكم" (Tafsîr ut-Tabarî).
----- 'Afw signifie ici "Ghaf'r". "واختلف أهل التأويل في تأويل ذلك. فقال بعضهم: معناه: {إن نعف عن طائفة منكم} بإنكاره ما أنكر عليكم من قبل الكفر، {نعذب طائفة} بكفره واستهزائه بآيات الله ورسوله. ذكر من قال ذلك: حدثنا محمد بن عبد الأعلى قال، حدثنا محمد بن ثور، عن معمر قال، قال بعضهم: كان رجل منهم لم يمالئهم في الحديث، يسير مجانبا لهم، فنزلت: {إن نعف عن طائفة منكم نعذب طائفة}. فسمي "طائفة" وهو واحد. وقال آخرون: بل معنى ذلك: "إن تتب طائفة منكم فيعفو الله عنه، يعذب الله طائفة منكم بترك التوبة" (Tafsîr ut-Tabarî).
-------- D'après un commentaire, ce verset signifie : "Ceux qui se repentiront de ces propos de moquerie, Dieu leur pardonnera ceux-ci ; et ceux qui ne s'en repentiront pas, Dieu les châtiera pour cet acte grave".
-------- D'après un autre commentaire, le groupe à qui Dieu a fait "'Afw" est une seule personne : Makhshiyy ibn Humayyir al-Ashja'î, et ce parce qu'il n'avait pas prononcé les propos de moquerie mais ri en les entendant, puis avait regretté d'en avoir ri, et s'était repenti (Al-Wajîz, de al-Wâhidî) ; ou bien il avait désapprouvé ce qu'il avait entendu les autres dire (Tafsîr ut-Tabarî) ; en tous cas il s'en était repenti : "واختلف هل كان منافقا أو مسلم؟ فقيل: كان منافقا، ثم تاب توبة نصوحا. وقيل: كان مسلما، إلا أنه سمع المنافقين فضحك لهم ولم ينكر عليهم" (Tafsîr ul-Qurtubî). "مخشي بن حمير الأشجعي: حليف لبني سلمة من الأنصار. كان من المنافقين، وسار مع النبي صلى الله عليه وسلم إلى تبوك حين أرجفوا برسول الله صلى الله عليه وسلم وأصحابه. ثم تاب، وحسنت توبته، وسمي عبد الرحمن، وسأل الله أن يقتله شهيدا لا يعلم مكانه. فقتل يوم اليمامة، فلم يوجد له أثر" (Al-Istî'âb fî ma'rifat il-as'hâb). Les autres ne s'en sont pas repentis, s'étant contentés de présenter comme excuse qu'ils n'avaient fait que dire ce qu'ils ne pensaient pas réellement.

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الغفر والتكفير

Ces 2 termes sont traduits par "pardonner".

En fait, littéralement, tous deux ont le sens de "voiler", "recouvrir" :
--- "وقيل: "اغفروا هذا الأمر بغفرته"، أي: استروه بما يجب أن يستر به. والمغفر: بيضة الحديد. والغفارة: خرقة تستر الخمار أن يمسه دهن الرأس، ورقعة يغشى بها محز الوتر، وسحابة فوق سحابة" (Muf'radât ur-Râghib).
--- "الكفر في اللغة: ستر الشيء، ووصف الليل بالكافر لستره الأشخاص، والزراع لستره البذر في الأرض. (...) والكفارة: ما يغطي الإثم؛ ومنه: كفارة اليمين نحو قوله: {ذلك كفارة أيمانكم إذا حلفتم} وكذلك كفارة غيره من الآثام ككفارة القتل والظهار، قال: {فكفارته إطعام عشرة مساكين}. والتكفير: ستره وتغطيته حتى يصير بمنزلة ما لم يعمل" (Ibid.).

Pour ce qui est de l'usage du Coran :

--- Quand Takfîr est employé seul, il signifie la même chose que Ghaf'r : "وعند الإفراد يدخل كل منهما في الآخر كما تقدم، فقوله تعالى {كفر عنهم سيئاتهم} يتناول صغائرها وكبائرها، ومحوها ووقاية شرها. بل التكفير المفرد يتناول أسوأ الأعمال، كما قال تعالى {ليكفر الله عنهم أسوأ الذي عملوا" (Madârij us-sâlikîn).

--- Quand par contre Takfîr est employé en parallèle à Ghaf'r, comme dans ces versets : "رَّبَّنَا إِنَّنَا سَمِعْنَا مُنَادِيًا يُنَادِي لِلإِيمَانِ أَنْ آمِنُواْ بِرَبِّكُمْ فَآمَنَّا رَبَّنَا فَاغْفِرْ لَنَا ذُنُوبَنَا وَكَفِّرْ عَنَّا سَيِّئَاتِنَا وَتَوَفَّنَا مَعَ الأبْرَارِ" (Coran 3/193) ; "يِا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُواْ إَن تَتَّقُواْ اللّهَ يَجْعَل لَّكُمْ فُرْقَاناً وَيُكَفِّرْ عَنكُمْ سَيِّئَاتِكُمْ وَيَغْفِرْ لَكُمْ وَاللّهُ ذُو الْفَضْلِ الْعَظِيمِ" (Coran 8/29) : cette fois :
----- Ghaf'r veut dire "pardonner" (voir plus haut) ;
----- tandis que Takfîr veut dire "recouvrir", au sens où telle bonne action recouvre tel petit péché commis - dont on n'a peut-être même pas eu conscience et pour lequel on n'a donc pas pensé à demander pardon à Dieu.
"فـ"الذنوب": المراد بها الكبائر؛ والمراد بـ"السيئات": الصغائر، وهي ما تعمل فيه الكفارة، من الخطأ وما جرى مجراه، ولهذا جعل لها التكفير (...). والدليل على أن "السيئات" هي الصغائر - والتكفير لها - قولُه تعالى {إن تجتنبوا كبائر ما تنهون عنه نكفر عنكم سيئاتكم وندخلكم مدخلا كريما" (Madârij us-sâlikîn) ; "ولفظ المغفرة أكمل من لفظ التكفير، ولهذا كان من الكبائر؛ والتكفير مع الصغائر" (Ibid.).

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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