Le traité de paix conclu entre un pays musulman et un pays non-musulman est valide même s'il ne comporte aucune durée déterminée

Le droit musulman reconnaît le traité qui consiste en le fait que "deux entités politiques concluent un accord stipulant qu'ils ne se feront pas la guerre" (d'après Al-Mughnî 12/691). Ces entités parlent alors de guerre offensive : aucune des deux entités ne mènera donc de guerre offensive contre l'autre : il s'agit des cas B2, B3, B4 et B5 dans notre article traitant de paix et de guerre en islam.

Un tel traité se dit :
'ahd [d'où l'appellation "Dâr ul-'ahd" qualifiant le pays non-musulman avec qui le pays musulman, Dâr ul-islâm, a signé un traité de paix : cliquez ici, ici et ici] ;
mu'âhada ;
– muwâda'a ;
muhâdana ;
hudna
(cf. Al-Mughnî 12/690-691).

Il est certains musulmans qui disent que ces traités de non-attaque (iqdâm mah'dh) ne sont valides que s'ils sont à durée déterminée.

En fait, cela est vrai d'après l'avis de certains ulémas seulement : c'est ainsi ce qui a été spécifié dans Al-Mughnî 12/692. (Ensuite, d'après l'école shafi'ite la durée maximale de ce genre de traités est de 10 ans ; par contre, d'après d'autres ulémas, il n'existe pas de durée maximale, cependant que le traité doit être à durée déterminée : cela peut donc être 20 ans, 50 ans, etc.).

Cependant, d'autres ulémas sont d'un avis différent.

Al-Bukhârî écrit ainsi :
"Du fait de conclure un traité (al-muwâda'a wa-l-mussâlaha) avec les Polythéistes, avec ou sans clause de tribut ; et le péché de celui qui n'a pas respecté (ce) traité. Et de la parole de (Dieu) : "S'ils inclinent vers la paix, incline (toi aussi) vers elle"" (Sahîh ul-Bukhârî, Abwâb ul-jiyza wa-l-muwâda'a, bâb n° 12) ;
– "Du fait de conclure un traité pour trois jours, ou pour une durée déterminée" (bâb n° 18) ;
– "Du fait de conclure un traité sans que la durée (en) soit déterminée" (bâb n° 19).

Ibn Taymiyya est lui aussi d'avis qu'un tel traité peut être à durée indéterminée. Il écrit : "Ceux qui ont dit, des juristes parmi les nôtres [= les hanbalites] et les autres qu'eux : "Le traité de paix n'est valide que (lorsque étant) à durée déterminée", leur propos – en même temps qu'il est contraire aux principes de Ahmad [ibn Hanbal] –, est réfuté par le Coran et est réfuté par ce qu'avait fait le Messager de Dieu avec la plupart de ceux avec qui il avait conclu un traité : il n'avait pas fixé avec eux de durée. Quant à ceux dont le traité était à durée déterminée, y mettre fin n'a pas été autorisé pour le [Prophète] : "Sauf ceux des Polythéistes avec qui vous aviez conclu un traité et qui n'ont manqué en rien à (respecter ce traité vis-à-vis de) vous et n'ont soutenu personne à vous (combattre) : complétez (le respect de) leur traité jusqu'à leur terme. Dieu aime les pieux" [Coran 9/4]" (Majmû' ul-fatawâ 29/140-141).
Ibn Taymiyya écrit de même, à propos du traité de ce type : "Il est autorisé de le conclure pour une durée indéterminée ainsi que pour une durée déterminée" (Al-Fatâwâ al-kub'râ, 4/613 – et dans l'édition que je possède : 5/542).

Ibn ul-Qayyim écrit quant à lui : "Dans ce récit il y a la preuve du caractère autorisé de conclure une paix de façon indéterminée, sans que le délai soit fixé, mais comme le pense le dirigeant. Après cela rien n'est venu qui ait abrogé cette règle de façon formelle. L'avis juste en est donc le caractère autorisé et le caractère valide. Ash-Shâfi'î l'a stipulé selon la relation de al-Muzanî. Autre que lui parmi les référents (aïmma) l'a aussi stipulé" (Zâd ul-ma'âd, 3/146).

Chacun des deux adversaires signataires du traité a le devoir de le respecter (wafâ' / îfâ') jusqu'à son terme : l'islam affirme l'interdiction de trahir (naqdh / ghadr) le traité conclu avec quelqu'un (quel que soit ce traité, du moment qu'il est valide) : "Et soyez fidèles au traité. Le traité fera l'objet de questions (auprès de Dieu)" (Coran 17/34).

Si un tel traité de paix a été trahi (naqdh ul-'ahd) par l'une des deux parties, il prend automatiquement fin.

De même, chacun des deux adversaires a la possibilité, avant même que le traité arrive à son terme, de le résilier ; cependant, si une des deux parties choisit de faire ainsi, cela ne doit pas constituer de sa part une trahison de la parole donnée, et elle doit donc en informer son adversaire suffisamment de temps à l'avance pour que celui-ci sache que l'état de paix est désormais terminé et que les combats pourraient rependre : c'est ce qu'on appelle : "nabdh ul-'ahd ilayhim".

C'est ce qui a été stipulé dans ce verset coranique : "Et si tu crains vraiment une traîtrise de la part d'un groupe, alors résilie (le traité conclu précédemment avec eux et fais le) leur (savoir) (afin que toi et eux) soyez à égalité [dans le fait de savoir que vous êtes de nouveau en situation de belligérance et qu'il est possible qu'il y ait des combats]" (Coran 8/58).
Et c'est ce qui s'est passé avec les Polythéistes de la Péninsule arabique – ou du Hedjaz – : tous les accords auparavant conclus accordant le droit aux Polythéistes d'être résidents d'une cité musulmane de l'Arabie ('aqd udh-dhimma), de même que tous les traités de paix auparavant conclus avec des cités polythéistes de l'Arabie (mu'âhada / 'ahd) furent résiliés (exception faite des traités conclus à une cité pour une durée déterminée : eux devaient être respectés jusqu'à leur terme, puis ne plus être renouvelés : verset 4). A compter de la date de l'information (le 10 dhu-l-hijja de l'an 9), ces Polythéistes eurent 4 mois pour choisir entre se convertir à l'islam, quitter la Péninsule arabique, ou s'exposer au combat (avec possibilité de sauf-conduits accordés à des individus précis : verset 6).
Ceci est dû au fait qu'en Arabie (ou au Hedjaz) spécifiquement il ne devait plus y avoir de résident qui soit Polythéiste (plus tard cette règle fut élargie par la Sunna à tout non-musulman). Cela est spécifique à l'Arabie (ou au Hedjaz) (lire notre article).
C'est ce qui a été exposé dans ces versets très connus : "Désaveu de la part de Dieu et de Son Messager à l'égard des Polythéistes avec qui vous aviez conclu des traités ; circulez donc sur (cette) terre [d'Arabie] pendant quatre mois. Et sachez que vous ne pourrez empêcher Dieu, et que Dieu va couvrir d'ignominie les Incroyants. Et proclamation aux gens, de la part de Dieu et de Son Messager, le jour du grand pèlerinage, que Dieu et Son Messager désavouent les Polythéistes. (...) Sauf ceux des Polythéistes avec qui vous aviez conclu un traité et qui n'ont manqué en rien à (respecter ce traité vis-à-vis de) vous et n'ont soutenu personne à vous (combattre) : complétez (le respect de) leur traité jusqu'à leur terme. [Respecter le traité relève de votre part de la piété ; or] Dieu aime ceux qui sont pieux. Puis, quand les mois du délai se seront écoulés, tuez les Polythéistes [du premier groupe] là où vous les trouverez ; capturez-les, assiégez-les et guettez-les dans toute embuscade" (Coran 9/1-5 : nous avons déjà commenté cette dernière phrase, le verset 5, dans un autre article).

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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