Le Prophète a-t-il dit que les femmes seront plus nombreuses que les hommes dans l'Enfer ?

Question (posée par une coreligionnaire) :

J'ai lu que le Prophète aurait dit que les femmes iront plus en enfer que les hommes ; et que cela est dû à leur manque d'intelligence et à leur mauvaise pratique de la religion.

Est-ce vrai ?

Il aurait même ajouté, comme preuve de leur mauvaise pratique de la religion, que les femmes ne peuvent pas faire la prière ni jeûner pendant qu'elles sont en règles. Pourtant c'est l'islam même qui les a dispensées de faire la prière et le jeûne quand elles ont leurs règles ; comment cela se retourne-t-il contre elles en constituant un manque en religion remettant en question leur place au paradis ?

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Réponse :

Il y a du vrai et il y a du faux dans ce que vous avez lu.

Voici une première relation sur le sujet...

Abû Sa'îd
relate que le Prophète a, un jour de Eid ul-Adh'hâ ou de Eid ul-Fitr, après avoir accompli la prière de la fête, dit aux hommes : "O les hommes, donnez l'aumône !" Puis il passa près des femmes et (leur) dit : "Donnez l'aumône. On m'a fait voir que vous constituez le plus grand nombre des gens du Feu." Elles dirent alors : "Et à cause de quoi cela, ô Messager de Dieu ?" Le Prophète dit : "Vous maudissez beaucoup, et vous faites preuve d'ingratitude envers le mari. Je n'ai pas vu comme vous de personnes incomplètes de raison et incomplètes de pratique religieuse être capables d'emporter la raison de l'homme résolu." Elles dirent alors : "Et quelle serait le caractère incomplet de notre pratique religieuse et de notre raison, ô Messager de Dieu ?" Le Prophète répondit : "Le témoignage de la femme n'est pas-il (égal) à la moitié de celui de l'homme ?Si, dirent-elles. Cela est le caractère incomplet de sa raison. Est-ce que, lorsqu'elle est en règles, elle ne s'abstient pas d'accomplir la prière et de jeûner ? Si, dirent-elles. Cela est le caractère incomplet de sa pratique religieuse." "عن أبي سعيد الخدري، قال: خرج رسول الله صلى الله عليه وسلم في أضحى أو فطر إلى المصلى، فمر على النساء، فقال: "يا معشر النساء تصدقن فإني أريتكن أكثر أهل النار". فقلن: وبم يا رسول الله؟ قال: "تكثرن اللعن، وتكفرن العشير. ما رأيت من ناقصات عقل ودين أذهب للب الرجل الحازم من إحداكن". قلن: وما نقصان ديننا وعقلنا يا رسول الله؟ قال: "أليس شهادة المرأة مثل نصف شهادة الرجل؟" قلن: بلى، قال: "فذلك من نقصان عقلها. أليس إذا حاضت لم تصل ولم تصم؟" قلن: بلى، قال: "فذلك من نقصان دينها". La suite du récit relate que, dans la journée, Zaynab l'épouse de Ibn Mas'ûd alla trouver le Prophète chez lui pour lui demander si elle pouvait donner l'aumône à son mari, car celui-ci était pauvre (al-Bukhârî 298, 1393, Muslim, 79-80).

Nous citerons au point 6 d'autres relations du même hadîth, faites par d'autres Compagnons du Prophète, ainsi que d'autres hadîths, sur le même sujet.

Mais immédiatement, en 1, nous allons commenter ce propos du Prophète...

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1) De quoi ce hadîth parle-t-il quand il dit que les femmes formeront la plus grande part des humains envoyés dans la Géhenne ?

Il parle du Feu de façon générale.

Cependant, le Prophète ayant parlé de cela ce jour-là à des musulmanes, il a voulu leur parler d'une peine temporaire dans le Feu ; ce qu'il a évoqué comme cause de la présence de plus de femmes dans le Feu n'est pas un péché d'incroyance (kufr akbar), mais quelque chose de moindre que cela, relevant malgré tout des grands péchés (kabâ'ïr), puisque susceptible de causer l'entrée dans le Feu.

On note par ailleurs que le Prophète n'a pas dit que ce serait parce que la femme est plus encline au mal, ou qu'elle a une nature "diabolique" que, parmi l'ensemble des croyants, il y aura plus de femmes que d'hommes dans le Feu temporaire. Il a dit que c'est à cause de deux péchés plus répandus chez des femmes : prononcer beaucoup de malédictions, et avoir un mauvais comportement vis-à-vis du mari.

La directive du Prophète lorsqu'on adresse des conseils aux gens est bien connue : "Donnez la bonne nouvelle et ne faites pas fuir" (al-Bukhârî 4086, Muslim 1733 ; également al-Bukhârî 69, Muslim 1732). Ibn Hajar écrit que le Prophète voulait dire ici : "Donnez essentiellement la bonne nouvelle et attirez ainsi les gens ; et quand il y a nécessité de communiquer l'avertissement, la menace [de châtiment], faites-le d'une façon qui ne fasse pas fuir" (Fat'h ul-bârî 8/77). Le propos que le Prophète tint aux femmes ce jour-là présentait exceptionnellement une dureté dans la façon de conseiller (al-ighlâz fi-n-nus'h), pour reprendre les termes de Ibn Hajar ; cependant, poursuit-il, cela a été motivé par la volonté d'amener à prendre conscience et à s'abstenir de ce qui mène au Feu (cf. Fat'h ul-bârî 1/525). Il ne faut pas oublier le contexte dans lequel le Prophète a adressé ces propos aux femmes : beaucoup de femmes avaient alors un comportement en excès vis-à-vis de leur mari (cliquez ici pour en savoir plus).

Cela ne signifie pas que ces femmes-compagnons iront assurément dans le Feu temporaire, car, de façon générale, pour toute personne qui meurt avec la foi en Dieu et en le Dernier de Ses Messagers étant passé sur Terre, toute menace de Feu temporaire peut ne pas être appliquée par Dieu (cliquez ici), Celui-ci pardonnant par Sa Grâce le péché. S'il s'agit d'un péché relatif aux droits d'autrui, alors, quand Dieu pardonne le péché par Sa Grâce, Il dédommage la victime. C'est ce qui explique ici que pour pallier à un manquement dans le comportement avec le mari, le Prophète a recommandé de donner l'aumône aux pauvres. Par ailleurs, il existe de nombreuses autres raisons qui font que Dieu pardonne des péchés, et, dans le cas des Compagnons précisément, ces raisons sont présentes (cliquez ici).

Le Prophète voulait exposer à ces dames le risque qui existe, afin que chacune s'abstienne de tout péché susceptible de le conduire dans le feu. Il a donc montré la solution aux femmes pour ne pas être du nombre des gens du Feu temporaire :
- s'abstenir de tout grand péché, et accorder une attention particulière à s'abstenir des deux péchés qu'il a évoqués et qui sont répandus chez des femmes : la prononciation de formule de malédictions ; et le mauvais comportement vis-à-vis du mari ;
- faire l'aumône aux pauvres.

Le Feu temporaire ne menace pas que les musulmanes ; il menace aussi les musulmans. Si, dans le hadîth susmentionné, le Prophète a pointé du doigt deux péchés répandus chez des femmes, voulant les exhorter à les abandonner afin de ne pas aller dans la Géhenne, dans tant d'autres hadîths le Prophète a pointé du doigt d'autres péchés, voulant exhorter tous les humains, hommes et femmes, à les abandonner afin de ne pas aller dans la Géhenne. Un seul exemple : "N'entrera pas dans le Paradis celui qui rapporte les propos prononcés au sujet d'autrui [provoquant ainsi la zizanie]" (al-Bukhârî 5709, Muslim 105) : il s'agit d'une menace, adressée à celui qui meurt avec la foi, de ne pas entrer dans le paradis au début mais de devoir passer par le Feu temporaire.

Par ailleurs, si un musulman agit avec injustice vis-à-vis de son épouse, il s'expose lui aussi à aller dans le Feu temporaire. Si un musulman ou une musulmane agit avec injustice vis-à-vis de même un animal, il s'expose à aller dans le Feu temporaire (le hadîth à propos du chat affamé est bien connu).

Quel musulman voudrait que son épouse fasse un séjour dans la Géhenne ? Et quelle musulmane voudrait que son époux fasse un séjour dans la Géhenne ?

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2) Certains ulémas sont d'avis que dans le Paradis aussi les femmes seront plus nombreuses que les hommes :

"عن محمد، قال: إما تفاخروا وإما تذاكروا: الرجال في الجنة أكثر أم النساء؟ فقال أبو هريرة: أو لم يقل أبو القاسم صلى الله عليه وسلم: "إن أول زمرة تدخل الجنة على صورة القمر ليلة البدر، والتي تليها على أضوإ كوكب دري في السماء، لكل امرئ منهم زوجتان اثنتان، يرى مخ سوقهما من وراء اللحم، وما في الجنة أعزب"؟" : Ibn Sîrîn raconte qu'une fois, des hommes et des femmes débattirent à propos de savoir qui, des hommes et des femmes, formeraient la part la plus importante des gens du Paradis. Abû Hurayra, se fondant sur un hadîth du Prophète, exprima alors qu'il pensait que ce sont les femmes qui seraient les plus nombreuses parmi les habitants du Paradis (Muslim 2834, Fat'h ul-bârî 6/392).

Ibn Hajar écrit que si l'autre hadîth [celui évoqué dans cet article] dit que les femmes seront plus nombreuses que les hommes parmi les gens du Feu, il est donc possible que cela concerne les premiers temps, avant que, par la Grâce de Dieu faisant suite à l'intercession du Messager de Dieu et des croyants à la foi parfaite, les croyants envoyés dans le Feu temporaire en soient retirés et admis au Paradis : c'est ce qui fait que le propos de Abû Hurayra est plausible (Fat'h ul-bârî 6/392).

Certes, ce que Abû Hurayra a dit là est une interprétation, qui correspond à l'avis selon lequel le hadîth parlant des deux épouses de l'habitant du Paradis évoque en fait des femmes de la Terre (c'est l'avis que Ibn Hajar a retenu : cliquez ici).
Mais
ce qu'il faut noter c'est que Abû Hurayra fait partie de ceux qui ont relaté l'autre hadîth aussi, à propos de la quantité des femmes dans le Feu (voir ci-après, en 3, et surtout plus bas, en 6.3), et on voit que cela ne l'a pas empêché d'avoir cet avis à propos de la quantité des femmes dans le Paradis.

Dès lors, les femmes seraient dans un premier temps plus nombreuses que les hommes dans la Géhenne. Puis, par la suite, après en être sorties, elles deviendraient plus nombreuses que les hommes dans le Paradis (c'est ce qui correspond à l'avis de Abû Hurayra).

Ou bien par la suite, après en être sorties, elles deviendraient de nombre plus ou moins égal à celui des hommes dans le Paradis (cela se marie bien avec l'autre avis).

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3) Est-ce que c'est le fait de ne pas prier ni jeûner pendant les périodes menstruelles et le fait de devoir, dans le témoignage pour certaines affaires, être en nombre double par rapport à des hommes, qui sont susceptibles d'entraîner ce plus grand nombre dans le Feu ?

Non.

Ce sont les péchés qui ont été évoqués par le Prophète qui sont susceptibles d'entraîner ce plus grand nombre dans le Feu temporaire :
– le fait de prononcer abondamment des malédictions sur les uns et les autres ;
– le comportement injuste vis-à-vis du mari.

Quant à la mention du caractère incomplet dans la pratique religieuse et dans le résultat de raisonnement, présente elle aussi dans certains de ces hadîths (ce que Abû Sa'îd a relaté et que nous avons vu plus haut, et ce que Abû Hurayra a relaté et que nous allons voir), at-Tîbî a écrit que la phrase qui évoque cela dans le hadîth n'est pas en relation avec ce qui précède (FB 1/527).

Cela apparaît très clairement dans la relation que Abû Hurayra a faite de ces propos du Prophète ; il relate que le Prophète a fait un sermon (khutba) devant les hommes dans lequel il leur a adressé des conseils. Puis il dit : "Assemblée des femmes, donnez l'aumône, car vous constituez le plus grand nombre des gens du Feu". Une femme dit [= demanda] : "Et pourquoi cela, ô Messager de Dieu ?" Il dit [= répondit] : "A cause de la quantité de malédictions que vous prononcez, et à cause de votre ingratitude envers le mari." Il dit [= ajouta] : "Je n'ai pas vu comme vous de personnes incomplètes de raison et incomplètes de pratique religieuse être capables de dominer des doués d'intelligence et des doués d'opinion (pertinente)." Une femme dit alors : "Et quelle serait le caractère incomplet de la pratique religieuse de la (femme) et de sa raison ?" Etc. (at-Tirmidhî 2613).

Ibn Hajar écrit : "L'objectif, en mentionnant le caractère incomplet, n'a pas été de blâmer les (femmes) pour cela, car cela relève de la nature même, selon laquelle elle a été créée (min asl il-khilqa). (…)" (FB 1/528).

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4) Que signifie le fait d'être incomplète de pratique religieuse ?

Ibn Hajar écrit : "Le caractère incomplet de la pratique religieuse ne se limite pas à ce par quoi un péché est commis, mais est plus général que cela ; an-Nawawî l'a dit. La raison en est qu'il s'agit de quelque chose qui est relatif : celui qui est complet (kâmil) est (malgré tout) incomplet (nâqis) par rapport à celui qui est encore plus complet (akmal)" (FB 1/528).

An-Nawawî pense que la femme en état de règles ne reçoit pas de récompense pour les prières qu'elle ne peut pas accomplir pour cette raison.

Mais Ibn Hajar pense qu'il n'est pas impossible que cette femme reçoive des récompenses pour ces prières non-accomplies, car c'est à cause d'une raison indépendante de sa volonté qu'elle n'a pas pu les accomplir, et elle les aurait accomplies sans cette raison (FB 1/528).

Cependant, le fait de ne pas pouvoir les accomplir entraîne souvent un certain "manque à gagner" en terme de spiritualité (Tahrîr ul-mar'a 1/284-285).

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5) Et que signifie le fait d'être incomplète de raison ?

Nous avons déjà traité en détail de ce point dans deux autres articles ; dans le second, est également exposée la règle concernant le témoignage de la femme :
– Le Coran ou les hadiths ont-il dit que la femme est inférieure à l'homme sur le plan intellectuel ?
Pourquoi le nombre de témoins requis change-t-il s'il s'agit de femmes ?

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6) Différentes relations de ce que le Prophète a dit sur le sujet :

6.1) Un premier hadîth : une vision que le Prophète a eue le jour de l'éclipse :

Abdullâh ibn Abbâs relate que le jour où il y eut une éclipse solaire à Médine, après avoir accompli la prière de l'éclipse, le Prophète dit : "Le soleil et la lune sont deux signes parmi les signes de Dieu ; ils ne s'éclipsent pas pour la mort de quelqu'un, ni pour sa vie. Lorsque vous voyez cela, alors pensez à Dieu". Puis, suite à la question de Compagnons lui demandant entre autres pourquoi, pendant qu'il accomplissait la prière de l'éclipse, il avait reculé, le Prophète dit qu'il avait vu le Paradis et qu'on lui avait fait voir l'Enfer ; il dit : "Et on m'a fait voir le Feu. Je n'ai jamais vu scène aussi effrayante. Et j'ai vu que le plus grand nombre des gens se trouvant dans le Feu étaient les femmes." Des (hommes) dirent alors : "Pourquoi, ô Messager de Dieu ? – A cause de leur kufr." On dit : "Feraient-elles du kufr [reniement] vis-à-vis de Dieu ? – Elles font du kufr [= ingratitude] vis-à-vis du mari. Et elles font du kufr [= reniement] vis-à-vis du bien qu'on leur a fait ; si tu faisais le bien vis-à-vis de l'une d'elle toute une vie et qu'ensuite elle verrait un petit quelque chose chez toi, elle dirait : "Je n'ai jamais vu de bien de ta part"" (al-Bukhârî, 1004, Muslim 907).

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6.2) Un second hadîth :

Le Prophète a dit : "Je me suis tenu debout à la porte du Paradis ; la plupart de ceux qui y entraient étaient les pauvres, tandis que les gens aisés étaient retenus [pour les comptes à rendre] ; sauf que les gens destinés au Feu avaient déjà reçu l'ordre d'y aller. Et je me suis tenu debout sur la porte du Feu ; la plupart de ceux qui y entraient étaient les femmes" (al-Bukhârî 4900, 6181, Muslim 2736). Ce hadîth a été relaté par Ussâma ibn Zayd.
Un propos de même substance a été relaté par Imrân (al-Bukhârî 4902, 6180) ou par Abdullâh ibn Abbâs (Muslim 2737).

Ibn Hajar écrit qu'il ne pense pas que dans ce hadîth le Prophète a relaté ce qui lui a été montré le jour de l'éclipse [6.1], mais plutôt qu'il y a relaté ce qu'il a vu une autre fois :
– soit ce qui lui a été montré lors de l'ascension nocturne ;
– soit ce qui lui a été montré un jour en rêve, pendant son sommeil (FB 11/510).

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6.3) Un troisième hadîth : le passage d'un discours fait par le Prophète pour les femmes un jour de Eid :

Un jour de Eid, le Prophète était allé refaire un discours pour les femmes après la prière (salât ul-'eîd) ; une version précise que c'est parce qu'il a pensé qu'elles n'avaient pas pu entendre celui prononcé pour les hommes (Muslim 884). Cet événement est relaté par différents Compagnons… Tous mentionnent en substance que le Prophète a alors dit aux femmes : "Donnez l'aumône", et que les femmes l'ont fait.

De toutes les relations qui suivent, nous avons déjà cité plus haut celle de Abû Sa'îd et une partie de celle de Abû Hurayra...

Abû Sa'îd relate que le Prophète a, un jour de Eid ul-Adh'hâ ou de Eid ul-Fitr, après avoir accompli la prière de la fête, dit aux hommes : "O les hommes, donnez l'aumône !" Puis il passa près des femmes et (leur) dit : "Donnez l'aumône. On m'a fait voir que vous constituez le plus grand nombre des gens du Feu." Elles dirent alors : "Et à cause de quoi cela, ô Messager de Dieu ?" Le Prophète dit : "Vous maudissez beaucoup, et vous faites preuve d'ingratitude envers le mari. Je n'ai pas vu comme vous de personnes incomplètes de raison et incomplètes de pratique religieuse être capables d'emporter la raison de l'homme résolu." Elles dirent alors : "Et quelle serait le caractère incomplet de notre pratique religieuse et de notre raison, ô Messager de Dieu ?" Le Prophète répondit : "Le témoignage de la femme n'est pas-il (égal) à la moitié de celui de l'homme ?Si, dirent-elles. Cela est le caractère incomplet de sa raison. Est-ce que, lorsqu'elle est en règles, elle ne s'abstient pas d'accomplir la prière et de jeûner ? Si, dirent-elles. Cela est le caractère incomplet de sa pratique religieuse." La suite du récit relate que, dans la journée, Zaynab l'épouse de Ibn Mas'ûd alla trouver le Prophète chez lui pour lui demander si elle pouvait donner l'aumône à son mari, car celui-ci était pauvre (al-Bukhârî 298, 1393).

Abû Hurayra relate que le Prophète a fait un sermon (khutba) devant les hommes dans lequel il leur a adressé des conseils. Puis il a dit : "Assemblée des femmes, donnez l'aumône, car vous constituez le plus grand nombre des gens du Feu". Une femme dit [= demanda] : "Et pourquoi cela, ô Messager de Dieu ?" Il dit [= répondit] : "A cause de la quantité de malédictions que vous prononcez, et à cause de votre ingratitude envers le mari." Il dit [= ajouta] : "Je n'ai pas vu comme vous de personnes incomplètes de raison et incomplètes de pratique religieuse être capables de dominer des doués d'intelligence et des doués d'opinion (pertinente)." Une femme dit [= demanda] alors : "Et quelle serait le caractère incomplet de la pratique religieuse de la (femme) et de sa raison ?" Il dit [répondit] : "Le témoignage de deux femmes parmi vous est égal à celui d'un homme. Et le caractère incomplet de votre pratique religieuse est que pendant les règles, l'une d'entre vous demeure trois, quatre jours sans prier" (at-Tirmidhî 2613). Le fait qu'ici il ait été dit que ce fut "une femme" qui posa ces questions ne contredit pas la relation de al-Bukhârî, où on lit que "les femmes dirent alors" : il s'agit de la même réalité, exprimée différemment : le transmetteur de la version rapportée par al-Bukhârî voulait dire : "une question fut posée, venant de l'assemblée des femmes".

Jâbir relate que le Prophète a dit aux femmes, un jour de Eid ul-fitr : "Donnez l'aumône, car la plupart d'entre vous [= l'ensemble des femmes de la Umma] constituez le combustible de la Géhenne." Jâbir continue sa relation ainsi : "Une femme, du milieu* du groupe des femmes, aux joues jaunies (ou : rembrunies) ("saf'â' ul khaddayn"), se leva alors et dit : "Pourquoi donc, ô Messager de Dieu ?" Il dit : "Parce que vous vous plaignez beaucoup et que vous faites preuve d'ingratitude envers le mari" (…)" : "عن جابر بن عبد الله قال شهدت مع رسول الله صلى الله عليه وسلم الصلاة يوم العيد فبدأ بالصلاة قبل الخطبة بغير أذان ولا إقامة ثم قام متوكئا على بلال فأمر بتقوى الله وحث على طاعته ووعظ الناس وذكرهم ثم مضى حتى أتى النساء فوعظهن وذكرهن فقال: تصدقن فإن أكثركن حطب جهنم. فقامت امرأة من سطة النساء سفعاء الخدين فقالت: لم يا رسول الله؟ قال: لأنكن تكثرن الشكاة وتكفرن العشير. قال فجعلن يتصدقن من حليهن يلقين فى ثوب بلال من أقرطتهن وخواتمهن" (Muslim 885) (* c'est l'une des traductions possibles : voir Shar'h Muslim).

Par ailleurs, Asmâ' bint Yazîd relate : "Le Messager de Dieu s'est rendu auprès des femmes ; j'étais avec elles ; il dit alors : "Assemblée des femmes, donnez l'aumône. Vous constituez le combustible de la Géhenne."" Asmâ dit : "J'ai alors interpellé le Messager de Dieu – j'osais devant lui – : "Pourquoi donc, ô Messager de Dieu ?"" Il dit : "Parce que vous vous plaignez beaucoup et que vous faites preuve d'ingratitude envers le mari" (Fat'h ul-bârî, 2/603, citant ce qu'"ont rapporté al-Bayhaqî, at-Tabaranî, et autre qu'eux"). La femme dont l'identité n'est pas précisée dans la relation de Jâbir et de Abû Hurayra pourrait donc être Asmâ' bint Yazîd.

Abdullâh ibn Abbâs relate que, un jour de Eid, le Prophète, après avoir fait le sermon (khutba), s'est rendu auprès des femmes, a récité devant elles le verset 60/12, puis leur a demandé si elles étaient fidèles à l'engagement que communique ce verset ; une seule femme lui a répondu : "Oui, ô prophète de Dieu." Le Prophète a dit : "Eh bien donnez l'aumône" : "عن ابن عباس رضى الله عنهما قال شهدت الصلاة يوم الفطر مع رسول الله - صلى الله عليه وسلم - وأبى بكر وعمر وعثمان فكلهم يصليها قبل الخطبة ثم يخطب بعد. فنزل نبى الله صلى الله عليه وسلم فكأنى أنظر إليه حين يجلس الرجال بيده، ثم أقبل يشقهم حتى أتى النساء مع بلال فقال: {يا أيها النبى إذا جاءك المؤمنات يبايعنك على أن لا يشركن بالله شيئا ولا يسرقن ولا يزنين ولا يقتلن أولادهن ولا يأتين ببهتان يفترينه بين أيديهن وأرجلهن} حتى فرغ من الآية كلها. ثم قال حين فرغ: "أنتن على ذلك؟" وقالت امرأة واحدة لم يجبه غيرها: "نعم يا رسول الله"، لا يدرى الحسن من هى. قال: "فتصدقن". وبسط بلال ثوبه فجعلن يلقين الفتخ والخواتيم فى ثوب بلال" (al-Bukhârî, 936, 4613, Muslim 884). Cette relation ne mentionne cependant pas le fait que le Prophète a vu les femmes constituer la plus grande partie des gens du Feu. Cependant an-Nawawî pense que ce récit relaté par Ibn Abbâs et celui relaté par Jâbir concernent le même événement (cf. Shar'h Muslim, 6/172).

Abdullâh ibn Omar relate que le Prophète a dit  : "Donnez l'aumône et demandez abondamment pardon (à Dieu), car je vous ai vues constituer le plus grand nombre des gens du Feu." Une femme intelligente (jazlah) parmi les (femmes) dit alors : "Et qu'avons-nous, ô Messager de Dieu, à être les plus nombreuses des gens du Feu ?" Le Prophète dit : "Vous maudissez beaucoup, et vous faites preuve d'ingratitude envers le mari" (…) (Muslim 80). Cette relation ne dit cependant pas que ce dialogue s'est déroulé un jour de Eid.

Abdullâh ibn Mas'ûd relate : "Le Messager de Dieu a dit : "Donnez l'aumône, assemblée des femmes, fût-ce de vos bijoux. Car vous constituez le plus grand nombre des gens du Feu." Une femme qui ne faisait pas partie des notables parmi les femmes se leva alors et dit : "Pourquoi, ô Messager de Dieu ?" Il dit : "Parce que vous maudissez beaucoup, et que vous faites preuve d'ingratitude envers le mari" (Ahmad 3388, ad-Dârimî 989). Cette relation non plus ne dit pas que ce dialogue s'est déroulé un jour de Eid.

Zaynab l'épouse de Ibn Mas'ûd relate : "Le Messager de Dieu nous a fait un sermon (khutba) et a dit alors : "Assemblée des femmes, donnez l'aumône, fût-ce de vos bijoux, car vous constituez le plus grand nombre des gens du Feu le jour de la résurrection"" (at-Tirmidhî 635).

Ce que Ahmad a rapporté sur la foi de Abû Hurayra, on y lit d'abord un propos semblable à celui cité ci-dessus rapporté par at-Tirmidhî (2613), puis on y lit que, entendant cela, Zaynab l'épouse de Ibn Mas'ûd alla trouver le Prophète chez lui pour lui demander si elle pouvait donner l'aumône à son mari, car celui-ci était pauvre (Ahmad 8507). Cependant, il y est dit que cela se passa après que le Prophète eut terminé d'accomplir la prière de l'aube.

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6.3') Quand le Prophète a-t-il vu ce qu'il a relaté dans ce discours du jour de 'Eid ?

Ibn Hajar est d'avis que le jour de 'Eid, quand le Prophète a fait le prêche devant les femmes et qu'il leur a dit que les femmes étaient les plus nombreuses dans le Feu, il a en fait relaté de nouveau devant elles ce qu'il avait vu lors du jour de l'éclipse (FB 1/527, 2/699) (soit ce que nous avons vu plus haut en 6.1). Ceci signifie que le jour de 'Eid où le Prophète a tenu ce discours est postérieur au jour de l'éclipse.

Or l'éclipse solaire qui s'est produite dans la région à l'époque du Prophète a été datée par calcul scientifique du 28 shawwâl de l'an 10 de l'hégire (le fils du Prophète était mort le même jour ; et chez les biographes classiques, la plupart disent bien que cela s'est passé en l'an 10 de l'hégire, mais différents mois ont été proposés : FB 2/682, 3/223). Or, après cette date du 28 shawwâl de l'an 10 de l'hégire, le Prophète n'a connu qu'un seul jour de Eid, le 'Eid ul-adh'hâ de l'an 10 (puisqu'il a quitté ce monde en rabî' ul-awwal de l'an 11) ; et ce jour de 'Eid là, il était en pèlerinage à Minâ et à la Mecque.
Le jour de 'Eid où le Prophète a tenu ce discours (6.3ne peut donc pas être postérieur au jour de l'éclipse : il ne peut que lui être antérieur. Et ce qu'il a relaté dans le discours de ce jour de 'Eid (6.3) n'est donc pas ce qu'il a vu le jour de l'éclipse (6.1), mais ce qu'il a vu en une occasion antérieure à l'éclipse.

Mis à part la vision qu'il a eue du Paradis et de l'Enfer le jour de l'éclipse (6.1), il y a 3 autres occasions où le Prophète a vu le Paradis et l'Enfer :
– il les a aussi vus lors de son ascension nocturne (at-Tirmidhî 3147 : FB 7/271) ;
– il les a vus aussi en rêve, donc pendant son sommeil (nous avons déjà cité ces deux occasions plus haut, en 6.2) ;
– un jour, monté en chaire après avoir accompli la prière du début d'après-midi (zuhr), il dit à ses Compagnons que le Paradis et l'Enfer lui avaient été présentés à l'instant (al-Bukhârî, 515, 6864, Muslim 2359).

Ce que le Prophète a relaté le jour de 'Eid (6.3) est donc ce qu'il a vu lors de l'une de ces trois autres occasions.

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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