Pourquoi Ahmad ibn Hanbal (رحمه الله) dit-il à as-Sarrâj, parlant du soufi al-Hârith al-Muhâssibî (رحمه الله) et de ses élèves : "Je ne te conseille pas d'être dans leur compagnie" : "لا أرى لك صحبتهم" ? Est-ce une mise en garde contre l'enseignement même de al-Muhâssibî ? contre tout soufisme ? - Exposé de la synthèse faite par Abd ul-Fattâh Abû Ghudda sur le sujet

Avertissement :
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La quasi-totalité des points qui vont suivre sont l'œuvre de cheikh Abd ul-Fattâh Abû Ghudda (
rahimahullâh) dans l'Introduction et les notes qu'il a écrites dans l'édition annotée qu'il a faite du livre de al-Muhâssibî : Rissâlat ul-mustarshidîn.
Je me suis contenté de sélectionner certains de ses écrits, et de classifier et numéroter différentes interprétations de la parole de Ahmad que Abû Ghuda a relatées de ulémas.
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Dans cet article-ci, c'est seulement de façon occasionnelle que j'ai rajouté des points personnels ; notamment la possibilité d'interprétation numéro 2 et celle numéro 5.

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Ahmad ibn Hanbal & al-Hârith ibn Assad al-Muhâssibî (que Dieu leur fasse miséricorde) :

--- Abû Abdillâh Ahmad ibn Muhammad ibn Hanbal ash-Shaybânî al-Baghdâdî, né en 164 et mort en 241 de l'hégire.
--- Abû Abdillâh al-Hârith ibn Assad al-Basrî puis al-Baghdâdî, né vers 165 (d'après les estimations de Abû Ghudda) et mort en 243 de l'hégire.

--- Le premier est connu pour être un des plus grands spécialistes du Hadîth, de même que l'un des plus grands mujtahids de cette Umma (référant d'une des 4 écoles de fiqh existantes). Il est également connu pour avoir résisté pacifiquement à la tentative du mutazilisme - et ayant subi pour cela une très dure flagellation, sur ordre du calife al-Mu'tassim - d'imposer la fausse croyance selon laquelle "Dieu parle par le fait de créer la parole en un lieu créé, et pas en prononçant une Parole".
Or Ahmad ibn Hanbal est aussi un grand zâhid : quelqu'un détaché du dunyâ, vivant très simplement ; il a d'ailleurs écrit un Kitâb uz-zuhd.
C'était aussi un grand 'âbid : il accomplissait quotidiennement 300 cycles de prières facultatives avant d'avoir subi la flagellation ; après celle-ci, il ne put accomplir que 150 cycles de prières facultatives par jour.

--- Le second est connu comme étant un soufi.
Mais c'était aussi un bon faqîh (de l'école shafi'ite) ; il a également des écrits démontrant et démontant les déviances des Mutazilites et des Rafidhites : "قال الخطيب: وللحارث كتب كثيرة في الزهد والرد على المخالفين من المعتزلة والرافضة وكتب كثيرة من الفوائد. ذكر أبو علي بن شاذان يوما كتاب الحارث في الدماء فقال: على هذا الكتاب عول أصحابنا في أمر الدماء التي جرت بين الصحابة" (Tah'dhîb ut-tah'dhîb).
Certains de ses avis en Ussûl ul-Fiqh sont également cités dans des ouvrages consacrés à cette discipline, dit Abû Ghudda (Avant-Propos de l'édition qu'il a faite de son livre Rissalât ul-mustarshidîn, en p. 43).
Ibn Taymiyya cite aussi parfois un ou deux points que al-Muhâssibî a écrits dans son livre Fahm ul-qur'ân.

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Ibn ul-Jawzî et d'autres ont relaté en les termes suivants une occasion de croisement des routes de ces deux personnages :


"Isma'ïl ibn Is'hâq as-Sarrâj raconte :

"Ahmad ibn Hanbal me dit un jour : "Il m'est parvenu que al-Hârith - il voulait parler de al-Muhâssibî - se rend souvent auprès de toi. Si tu le faisais venir à ta maison et que tu me faisais asseoir là où il ne me verrait pas, de sorte que j'écoute ses propos ?"

Je lui répondis : "Entendu et obéi, ô Abû Abdillâh !".

Cette initiative de la part de Abû Abdillâh me fit plaisir.

Je me rendis alors auprès de al-Hârith et lui demandai de venir chez nous cette nuit-là. J'ajoutai : "Et tu demanderas à tes compagnons de venir avec toi."
Il me répondit : "Ô Ismâ'ïl, ils sont nombreux. Aussi, (ne) prépare (rien d'autre que) des résidus des graines oléagineuses et des dattes, et mets-en autant que tu peux".

Je fis donc ce qu'il me demanda.
Puis je me rendis auprès de Abû Abdillâh et l'en informai.

(Ahmad ibn Hanbal) vint après (la prière de) al-maghrib ; il monta dans une pièce de la maison, et se mit à accomplir son action cultuelle quotidienne, jusqu'à la terminer.

Al-Hârith et ses compagnons arrivèrent (entre les deux prières de al-maghrib et al-'ishâ'). Ils mangèrent. Ensuite ils se levèrent pour accomplir la prière d'al-'ishâ'. Ils n'effectuèrent aucune prière après elle et s'assirent devant al-Hârith étant silencieux, personne ne parlant, et ce jusqu'à environ la moitié de la nuit. (Alors) l'un d'eux prit l'initiative et questionna al-Hârith au sujet d'un point donné. Alors (al-Hârith) se mit à parler, ses compagnons écoutant attentivement, comme si sur leur têtes s'étaient (perchés) des oiseaux. (Il évoqua aussi ce qui s'y rattachait de zuhd, de wara' et de conseil (wa'z).) Pendant que al-Hârith parlait, il y en avait parmi les (gens) qui pleurait, et il y en avait qui poussait une exclamation.

Je montai dans la pièce (du haut) pour m'enquérir de la situation de Abû Abdillâh, et je le trouvai pleurant à presque en perdre connaissance.

Je revins vers eux.

Cela demeura leur état jusqu'à l'aube. Ils se levèrent alors et se dispersèrent.

Je montai alors jusqu'à Abû Abdillâh (et le trouvais) dans un état affecté.
J
e (lui) dis : "Comment as-tu vu ces gens (être), ô Abû 'Abdillâh ?"
Il me répondit : "Je ne crois pas avoir déjà vu semblable à ces gens ; je n'ai jamais entendu, au sujet des réalités, parole semblable à la parole de cet homme. D'après ce que j'ai constaté de leur état / Malgré cela, je ne pense pas (bon) pour toi que tu te rassembles avec eux / que tu sois dans leur compagnie"""
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Ibn ul-Jawzî a rapporté ce récit :
"
أخبرنا أبو منصور القزاز قال: أخبرنا أبو بكر أحمد بن علي ابن ثابت قال: أخبرني محمد بن أحمد بن يعقوب قال: أخبرنا محمد بن نعيم الضبي قال: سمعت الإمام أبا بكر أحمد بن إسحاق - يعني الصبغي - يقول: سمعت إسماعيل بن إسحاق السراج يقول: قال لي أحمد بن حنبل يوما: "يبلغني أن الحارث هذا - يعني المحاسبي - يكثر الكون عندك. فلو أحضرته منزلك وأجلستني من حيث لا يراني فأسمع كلامه". فقلت: "السمع والطاعة لك يا أبا عبد الله"، وسرني هذا الابتداء من أبي عبد الله. فقصدت الحارث، وسألته أن يحضرنا تلك الليلة. فقلت: "وتسأل أصحابك أن يحضروا معك" فقال: "يا إسماعيل! فيهم كثرة فلا تزدهم على الكسب والتمر، وأكثر منهما ما استطعت". ففعلت ما أمرني به، وانصرفت إلى أبي عبد الله فأخبرته. فحضر بعد المغرب وصعد غرفة في الدار، فاجتهد في ورده إلى أن فرغ. وحضر الحارث وأصحابه فأكلوا. ثم قاموا لصلاة العتمة، ولم يصلوا بعدها. وقعدوا بين يدي الحارث وهم سكوت لا ينطق واحد منهم إلى قريب من نصف الليل. وابتدأ واحد منهم وسأل الحارث عن مسألة. فأخذ في الكلام وأصحابه يستمعون، وكأن على رؤوسهم الطير. فمنهم من يبكي، ومنهم من يزعق وهو في كلامه. فصعدت الغرفة لأتعرف حال أبي عبد الله، فوجدته قد بكى حتى غشي عليه. وانصرفت إليهم، ولم تزل تلك حالهم حتى أصبحوا فقاموا وتفرقوا. فصعدت إلى أبي عبد الله وهو متغير الحال، فقلت: "كيف رأيت هؤلاء يا أبا عبد الله؟" فقال: "ما أعلم أني رأيت مثل هؤلاء القوم ولا سمعت في علم الحقائق مثل كلام هذا الرجل. وعلى ما وصفت من أحوالهم فلا أرى لك صحبتهم". ثم قام وخرج" (Kitâb ul-Qussâs wa-l-Mudhakkirîn, personnage numéro 201 ; Manâqib ul-imâm Ahmad, bâb 23).

Dans son autre livre Sayd ul-khâtir, Ibn ul-Jawzî écrit que, lors de cette assise, après avoir pleuré en entendant les propos de al-Muhâssibî, Ahmad dit (à Ismâ'îl) : "Etre présent (ici) ne me plaît pas" ; Ibn ul-Jawzî commente : "Il n'a pleuré que parce que la situation voulait que l'on pleure" : "وقد حضر أحمد بن حنبل، فسمع كلام الحارث المحاسبي، فبكى، ثم قال: "لا يعجبني الحضور". وإنما بكى لأن الحال أوجبت البكاء" (Sayd ul-khâtir, point numéro 316, p. 115 dans l'édition que je possède ; cité par Abû Ghudda en note de bas de page sur pp. 53-54).

Il faut savoir que Ibn ul-Jawzî, qui relate cet événement dans ces 3 livres venant d'être nommés, est par ailleurs très critique par rapport à l'ensemble des soufis : lire son autre livre Talbîs-u Iblîs, al-bâb ul-âshir.

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Ibn Kathîr a cité ce récit :
"وقال إسماعيل بن إسحاق السراج: قال لي أحمد بن حنبل: "هل تستطيع أن تريني الحارث المحاسبي إذا جاء منزلك؟" فقلت: "نعم"، وفرحت بذلك. ثم ذهبت إلى الحارث فقلت له: "إني أحب أن تحضر الليلة عندي أنت وأصحابك". فقال: "إنهم كثير، فأحضر لهم التمر والكسب". فلما كان بين العشاءين جاؤوا. وكان الإمام أحمد قد سبقهم فجلس في غرفة بحيث يراهم ويسمع كلامهم ولا يرونه. فلما صلوا العشاء الآخرة لم يصلوا بعدها شيئا، بل جاؤوا فجلسوا بين يدي الحارث سكوتا مطرقي الرؤوس، كأنما على رؤوسهم الطير. حتى إذا كان قريبا من نصف الليل، سأله رجل مسألة؛ فشرع الحارث يتكلم عليها وعلى ما يتعلق بها من الزهد والورع والوعظ. فجعل هذا يبكي وهذا يئن وهذا يزعق. قال: فصعدت إلى الإمام أحمد إلى الغرفة، فإذا هو يبكي حتى كاد يغشى عليه. ثم لم يزالوا كذلك حتى الصباح. فلما أرادوا الانصراف، قلت: "كيف رأيت هؤلاء يا أبا عبد الله؟" فقال: "ما رأيت أحدا يتكلم في الزهد مثل هذا الرجل. وما رأيت مثل هؤلاء. ومع هذا فلا أرى لك أن تجتمع بهم" (Al-Bidâya wa-n-Nihâya, 10/360).

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De cette dernière phrase de Ahmad ibn Hanbal ("D'après ce que j'ai constaté de leur état Malgré cela, je ne pense pas (bon) pour toi que tu sois dans leur compagnie"), différentes interprétations ont été avancées par différents ulémas, qui sont autant d'éclairages, fort différents, quant à ce que Ahmad a ici voulu signifier à Isma'ïl ibn Is'hâq as-Sarrâj au sujet de la voie et l'enseignement de al-Muhâssibî :

Parmi les interprétations qui vont suivre :

--- l'interprétation 1 (retenue par Ibn Hajar) considère qu'il n'y a en cette phrase de Ahmad aucune critique à l'endroit de l'enseignement de al-Muhâssibî ;
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--- la possibilité d'interprétation 2 (possibilité avancée par moi) considère elle aussi qu'il n'y a en cette phrase de Ahmad aucune critique à l'endroit de l'enseignement de al-Muhâssibî ;
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--- l'interprétation 3 (avancée par Ibn ul-Jawzî) y voit une légère critique, mais qui se révèle en fait à relativiser complètement, eu égard à d'autres paroles du même genre que Ahmad a dites au sujet d'autres personnages tels que Abû Thawr etc. ;

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--- l'interprétation 4 (avancée par Ibn Kathîr) y voit une critique plus accentuée que la précédente, mais néanmoins du me genre que celle touchant, de la part de Ahmad, le
Ra'y de Abû Hanîfa ;
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--- la possibilité d'interprétation 5 (possibilité avancée par moi sur la base d'une remarque faite par Abû Ghudda) y voit une critique dont il faut tenir compte ;

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--- par contre, l'interprétation 6 (avancée par Ibn Taymiyya) y voit une sérieuse critique.

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Si Ahmad ibn Hanbal a déconseillé à Ismâ'îl ibn Is'hâq as-Sarrâj de fréquenter al-Muhâssibî et son groupe, ce fut parce que...

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--- (Interprétation 1) ... Ahmad pensait que la forme de zuhd que al-Muhâssibî enseignait était trop accentuée pour les capacités de Ismâ'îl ibn Is'hâq as-Sarrâj :

C'est l'une des deux explications avancées par al-Bayhaqî : "أو كره له صحبتهم من أجل أنه لا يطيق سلوك طريقتهم وما هم عليه من الزهد والورع" (cité dans Al-Bidâya wa-n-Nihâya, 10/360-361).

Et c'est l'explication retenue par Tâj ud-Dîn as-Subkî, ainsi que par Ibn Hajar al-Asqalânî, qui écrit : "وروى الخطيب بسند صحيح أن الإمام أحمد سمع كلام المحاسبي فقال لبعض أصحابه: "ما سمعت في الحقائق مثل كلام هذا الرجل. ولا أرى لك صحبتهم". قلت: إنما نهاه عن صحبتهم لعلمه بقصوره عن مقامهم؛ فإنه في مقام ضيق لا يسلكه كل واحد ويخاف على من يسلكه أن لا يوفيه حقه"" (Tah'dhîb ut-Tah'dhîb) (ce propos de ces deux personnages a été cité par Abû Ghudda en p. 54 de son livre sus-évoqué).

Cette explication se marie bien avec les mots figurants dans la première version du récit : "Je ne crois pas avoir déjà vu semblable à ces gens ; je n'ai jamais entendu, au sujet des réalités, parole semblable à la parole de cet homme. D'après ce que j'ai constaté de leur état, je ne pense pas (bon) pour toi que tu sois dans leur compagnie".

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--- (Possibilité d'interprétation 2) ... Ahmad préférait que Ismâ'ïl ibn Is'hâq as-Sarrâj s'adonne à l'étude du Coran et de la Sunna plutôt qu'au fait de suivre la voie de ces Nussâk : ces derniers mettaient l'accent - après l'acquisition de la connaissance obligatoire sur chaque musulman et la pratique des actions obligatoires -, sur la pratique du plus grand nombre possible d'actions cultuelles surérogatoires, et sur le fait de se rassembler pour écouter les prêches de leur cheikh. Ahmad préférait que, pour sa part, Ismâ'ïl consacre plutôt son temps libre à approfondir son étude du Coran et de la Sunna :

Le fait est qu'il y a débat entre les ulémas quant à savoir ce à quoi il vaut mieux s'adonner comme action de bien, lors de ses moments libres, c'est-à-dire après s'être acquitté de tout ce qui est obligatoire sur soi (ce qui englobe les actions rituelles obligatoires - les 5 prières quotidiennes, jeûnes du mois de ramadan, etc. -, ainsi que le amr bi-l-ma'rûf et le nah'y 'an il-munkar qui sont obligatoires pour le cas de l'individu, mais aussi les obligations telles que subvenir aux besoins matériels, affectifs et éducatifs de sa famille, obtenir son pain quotidien au niveau dharûrî et hâjî, entretenir sa santé au niveau dharûrî et hâjî - ce qui inclut le fait de manger, de boire, de dormir, de se reposer et de se détendre -, avoir acquis le minimum de connaissances islamiques nécessaires pour demeurer dans la droiture, etc.) : son temps restant après cela, quelles sont les actions de bien auxquelles il est mieux de consacrer ce temps ?
--- avis a : les prières rituelles surérogatoires ?
--- avis b : l'acquisition des connaissances islamiques supplémentaires à la partie obligatoire à tout musulman ?
--- avis c : l'effort face à l'hétérodoxie et le kufr ? (cet effort, jihâd, n'a pas un sens systématiquement militaire : lire sur le sujet un premier article et ainsi qu'un second article pour en savoir plus) ("ومثل أئمة البدع من أهل المقالات المخالفة للكتاب والسنة أو العبادات المخالفة للكتاب والسنة؛ فإن بيان حالهم وتحذير الأمة منهم واجب باتفاق المسلمين. حتى قيل لأحمد بن حنبل: "الرجل يصوم ويصلي ويعتكف أحب إليك أو يتكلم في أهل البدع؟" فقال: "إذا قام وصلى واعتكف فإنما هو لنفسه. وإذا تكلم في أهل البدع فإنما هو للمسلمين؛ هذا أفضل". فبين أن نفع هذا عام للمسلمين في دينهم من جنس الجهاد" : MF 28/231. "وقال بعضهم لأحمد بن حنبل: "إنه يثقل علي أن أقول فلان كذا وفلان كذا". فقال: "إذا سكت أنت وسكت أنا، فمتى يعرف الجاهل الصحيح من السقيم" : MF 28/231. "وإذا كان مبتدعا يدعو إلى عقائد تخالف الكتاب والسنة أو يسلك طريقا يخالف الكتاب والسنة ويخاف أن يضل الرجل الناس بذلك، بين أمره للناس ليتقوا ضلاله ويعلموا حاله. وهذا كله يجب أن يكون على وجه النصح وابتغاء وجه الله تعالى، لا لهوى الشخص مع الإنسان - مثل أن يكون بينهما عداوة دنيوية أو تحاسد أو تباغض أو تنازع على الرئاسة فيتكلم بمساوئه مظهرا للنصح، وقصده في الباطن الغض من الشخص واستيفاؤه منه -: فهذا من عمل الشيطان؛ و"إنما الأعمال بالنيات وإنما لكل امرئ ما نوى". بل يكون الناصح قصده أن الله يصلح ذلك الشخص وأن يكفي المسلمين ضرره في دينهم ودنياهم ويسلك في هذا المقصود أيسر الطرق التي تمكنه" : MF 28/221).
Ce sont là 3 avis relatés de Ahmad ibn Hanbal, comme le relate Ibn ul-Qayyim (cf. Miftâhu Dâr is-sa'âda, 1/127 : source également citée par Abû Ghudda).

Ahmad aura peut-être préféré que Ismâ'ïl ibn Is'hâq as-Sarrâj s'adonne à l'étude plus approfondie du Coran et de la Sunna - et ce conformément à l'avis b -, plutôt qu'au fait de pratiquer, en ses moments libres, un nombre important d'actions cultuelles surérogatoires comme l'enseignaient les Nussâk tels que al-Muhâssibî - lesquels étaient de l'avis a - ?

Cette possibilité d'explication 2 aussi se marie bien avec les mots figurants dans la première version du récit : "Je ne crois pas avoir déjà vu semblable à ces gens ; je n'ai jamais entendu, au sujet des réalités, parole semblable à la parole de cet homme. D'après ce que j'ai constaté de leur état, je ne pense pas (bon) pour toi que tu sois dans leur compagnie".

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--- (Interprétation 3) ... Ahmad n'aimait pas le fait que al-Muhâssibî ait traité de façon approfondie certaines choses, même si celles-ci n'étaient pas en soi erronées :

Car, questionné un autre jour au sujet des (différents degrés des) waswassa et des pensées qui traversent le cœur, Ahmad ibn Hanbal répondit : "Les Compagnons n'ont pas parlé de cela, ni les Tâbi'ûn" : "أخبرنا محمد بن ناصر، قال: أخبرنا أبو طالب بن يوسف، قال: أخبرنا أبو محمد الجوهري، قال: أخبرنا أبو عمر بن حَيّويه، قال: حدثنا عبد الرحمن ابن محمد الزهري، قال: حدثني أبو يعقوب إسحاق بن حبَّة الأعمش، قال: سمعت أحمد بن حنبل سئل عن الوساوس والخطرات، فقال: "ما تكلم فيها الصحابة ولا التابعون" (Manâqib ul-imâm Ahmad, bâb 21).

Pourtant, traiter de ces différents degrés n'est pas une innovation religieuse : ni interdit, ni fortement déconseillé, ni même superflu !

Dans son livre Kitâb ul-Qussâs wa-l-mudhakkirîn, juste après avoir reproduit (avec sa propre chaîne de narration) le récit sus-cité, avec Ahmad, Isma'îl et al-Muhâssibî, Ibn ul-Jawzî écrit : "L'imam Ahmad, à cause du fait que [toute son attention était de] suivre les hadîths [et ce, de façon assez littérale], désapprouvait toute chose nouvelle, fût-elle correcte. Or al-Hârith parlait, dans ces affaires, de choses qui n'étaient pas relatées des Prédécesseurs" : "ولم تزل تلك حالهم حتى أصبحوا فقاموا وتفرقوا. فصعدت إلى أبي عبد الله وهو متغير الحال. فقلت: كيف رأيت هؤلاء يا أبا عبد الله؟ فقال: "ما أعلم أني رأيت مثل هؤلاء القوم ولا سمعت في علم الحقائق مثل كلام هذا الرجل. وعلى ما وصفت من أحوالهم فلا أرى لك صحبتهم"؛ ثم قام وخرج. قال المصنف: قلت: كان الإمام أحمد لاتباعه الآثار يكره كل محدث وإن كان صوابا. وكان الحارث يتكلم في المعاملات بأشياء لم تنقل عن السلف. (...)" (Kitâb ul-Qussâs wa-l-Mudhakkirîn, après la relation 201 : note de Abû Ghudda, p. 55).
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Et dans son livre
Manâqib ul-imâm Ahmad, c'est juste avant de reproduire (avec sa chaîne de narration) le récit sus-cité, avec Ahmad, Ismâ'îl et al-Muhâssibî, que Ibn ul-Jawzî écrit : "Et à cause de son très fort attachement à la Sunna et sa négation de la Bid'a, l'imam Abû Abdillâh Ahmad ibn Hanbal parlait [en mettant en garde contre] un groupe d'entre les meilleurs lorsque quelque chose de contraire* à la Sunna était émis d'eux. Sa parole que voilà est interprétée comme relevant du conseil pour le Dîn" : "فصل: وقد كان الإمام أبو عبد الله أحمد بن حنبل لشدة تمسكه بالسنة ونهيه عن البدعة يتكلم في جماعة من الأخيار إذا صدر منهم ما يخالف السنة. وكلامه ذلك محمول على النصيحة للدين" (Manâqib ul-imâm Ahmad, bâb 23).
* Ce terme "
contraire" peut certes signifier ici : "contredisant ce que la Sunna enseigne" ; mais il peut seulement signifier ici : "traitant de ce que la Sunna n'a pas évoqué de façon aussi détaillée".

Cela semble être également ce que Ibn Muf'lih veut faire comprendre dans l'enchaînement de propos qu'il écrit ici : d'abord il cite la parole dite par Ahmad ibn Hanbal à Ismâ'ïl au sujet de al-Muhâssibî ; puis il cite le fait que lorsque Ahmad a défendu d'écrire et d'aller écouter les propos de Mansûr ibn 'Ammâr, ce fut, dit Abu-l-Hussayn : "afin que cela ne distraie pas du Coran et de la Sunna" : "ونقل إبراهيم بن عبد الله القلانسي أن أحمد قال عن الصوفية: "لا أعلم أقواما أفضل منهم"، قيل: "إنهم يستمعون ويتواجدون"، قال: "دعوهم يفرحون مع الله ساعة"، قيل: "فمنهم من يموت ومنهم من يغشى عليه"، فقال: {وبدا لهم من الله ما لم يكونوا يحتسبون}. ولعل مراده: سماع القرآن؛ وعذرهم لقوة الوارد، كما عذر يحيى القطان في الغشي. وقد قال أحمد لإسماعيل بن إسحاق الثقفي وقد سمع عنده كلام الحارث المحاسبي ورأى أصحابه: "ما أعلم أني رأيت مثلهم، ولا سمعت في علم الحقائق مثل كلام هذا الرجل. ولا أرى لك صحبتهم". وقد نهى عن كتابة كلام منصور بن عمار والاستماع للقاص به - قال أبو الحسين: لئلا يلهونه عن الكتاب والسنة، لا غير" (Al-Furû', Ibn Muf'lih) (cité par Abû Ghudda, p. 54).

Abû Ghudda cite ensuite le fait que Ahmad a même désapprouvé qu'on lise les livres de Mâlik ibn Anas, de ash-Shâfi'î, de Abû Thawr, etc., et ce au motif qu'il s'y trouvait également leurs interprétations : Ahmad voulait qu'on n'écrive que les hadîths du Prophète (sur lui soit la paix) ainsi que les paroles des Compagnons et de leurs élèves.

Ahmad ibn Hanbal avait dit un jour à quelqu'un qui l'avait questionné au sujet d'un point : "Demande aux Fuqahâ' ; demande à Abû Thawr" (l'un de ses contemporains et concitoyens, habitant lui aussi Baghdad). Quand Abû Thawr est décédé, et que Abdullâh fils de Ahmad était allé à la prière funéraire accomplie sur lui, Ahmad dit à son fils : "Il ne m'est parvenu que du bien (de lui). Sauf que ne me plaît pas la parole qu'ils incluent dans leurs livres" : "وقال أبو بكر الأعين: سألت عنه أحمد فقال: "أعرفه بالسنة منذ خمسين سنة، وهو عندي في مسلاخ الثوري". وقال لرجل سأله عن مسألة: "سل الفقهاء: سل أبا ثور". وقال النسائي: "ثقة مأمون". وقال عبد الله بن أحمد: "انصرفت من جنازة أبي ثور، فقال لي أبي: "أين كنت؟" فقلت: "صليت على أبي ثور" فقال: "رحمه الله، إنه كان فقيها"؛ وقال أيضا: "لم يبلغني إلا خيرا، إلا أنه لا يعجبني الكلام الذي يصيرونه في كتبهم" (Tah'dhib ut-tah'dhîb).

Ibn ul-Jawzî relate (avec mention des chaînes des narration) les propos suivants de Ahmad, au sujet des livres dans lesquels les interprétations des Mujtahidûn étaient consignées :
"الباب الثامن والعشرون في ذكر كراهيته وضع الكتب المشتملة على الرأي ليتوافر الالتفات إلى النقل. كان رضي الله عنه يكره وضع الكتب التي تشتمل على التفريع والرأي، ويحب التمسك بالأثر.
(...) قال: سمعت عثمان بن سعيد، يقول: قال لي أحمد بن حنبل: "لا تنظر في كتب أبي عبيد، ولا فيما وضع إسحاق، ولا سفيان، ولا الشافعي، ولا مالك. وعليك بالأصل".

(...)، قال: سمعت سلمة بن شبيب سأل أحمد بن حنبل: "يا أبا عبد الله، إن أصحاب الحديث يكتبون كتب الشافعي؟" قال: "لا أرى لهم ذلك."
(...) قال: حدثنا إسحاق بن إبراهيم بن هانئ، قال: سألت أحمد بن حنبل عن كتبِ أبي ثور، فقال: "كتاب ابتدع فهو بدعة". ولم يُعجبه وضع الكتب، وقال: "عليكم بالحديث.
(...)، قال: حدثني عمي أبو علي عبد الرحمن بن يحيى بن خاقان أنه بلغه عن أحمد بن حنبل أنه يأمر بكتاب الموطأ - موطأ مالك - ويرخص فيه، أو نحو هذا، وينهي عن جامع سفيان؛ فذكر لي عمي أنه سأل أحمد بن حنبل عنهما: أيهما أحب إليه؟ فقال: "لا ذا ولا ذا. عليك بالأثر.
وفي رواية أخرى أن رجلا سال أحمد بن حنبل: "أكتب كتب الرأي؟" قال: "لا". قال: "فابن المبارك قد كتبها!" قال: "ابن المبارك لم ينزل من السماء! إنما امرنا أن نأخذ العلم من فوق" (Manâqib ul-imâm Ahmad, bâb 28).

Ses interprétations à lui non plus, Ahmad ne voulait pas qu'on les écrive et les codifie : "الباب التاسع والعشرون: في ذكر نهيه أن يكتب كلامه أو يروى، وكراهته لذلك. أخبرنا إسماعيل بن أحمد السمرقندي، قال: أخبرنا عمر بن عبيد الله البقال، قال: أخبرنا أبو الحسين بن بِشْران، قال: أخبرنا عثمان بن أحمد الدقاق، قال: حدثنا حنبل بن إسحاق، قال: رأيت أبا عبد الله يكره أن يكتب شيء من رأيه وفتواه" (Manâqib ul-imâm Ahmad, bâb 29).

Son fils Abdullah lui ayant demandé : "Pourquoi désapprouves-tu qu'on écrive des livres, alors que tu as préparé le Musnad ?", Ahmad lui répondit : "J'ai préparé ce livre comme référence : lorsque les gens divergent au sujet de ce que la Sunna du Messager de Dieu - que Dieu l'élève et le salue - dit, ils se référeront à ce (livre)" : "أخبرنا أبو الحسن بن الطيوري إجازة إن لم يكن سماعا أخبرنا أبو إسحاق البرمكي حدثني أبي حدثنا أبو محمد القاسم بن الحسن الباقلاوي بسر من رأي قال: سمعت أبا بكر بن أبي حامد الفقيه صاحب بيت المال يقول سمعت عبد الله بن أحمد يقول قلت لأبي رحمه الله: "لم كرهت وضع الكتب وقد عملت المسند؟" فقال: "عملت هذا الكتاب إماما: إذا اختلف الناس في سنة رسول الله صلى الله عليه وسلم، رجعوا إليه" (Tabaqât ul-hanâbila).

Cette interprétation 3 se marie mieux avec les mots figurants dans la première version du récit : "Je ne crois pas avoir déjà vu semblable à ces gens ; je n'ai jamais entendu, au sujet des réalités, parole semblable à la parole de cet homme. Malgré cela, je ne pense pas (bon) pour toi que tu sois dans leur compagnie". Il aura voulu dire : "Malgré le bien qu'il y a dans ses propos, il s'y trouve aussi un tout petit quelque chose, et c'est pourquoi je préfère que tu ne les fréquentes pas trop".

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--- (Interprétation 4) ... Ahmad trouvait franchement excessive et mal fondée la codification que al-Muhâssibî et d'autres que lui avaient faites des états du cœur (الأحوال), car cela était fondé seulement sur des dhawq (الذوق) et pas sur un verset, un hadîth, ni une parole de Compagnon ou de Tâbi'î :

C'est l'interprétation du propos de Ahmad que Ibn Kathîr a avancée. Il a présenté comme indice le fait que Abû Zur'a a lui aussi fait la critique d'un livre de al-Muhâssibî au motif que les Ahl ul-Hadîth ne parlaient pas de ce genre de choses  : "قلت: بل إنما كره ذلك لأن في كلامهم من التقشف وشدة السلوك التي لم يرد بها الشرع، والتدقيق والمحاسبة الدقيقة البليغة: ما لم يأت بها أمر. ولهذا لما وقف أبو زرعة الرازي على كتاب الحارث المسمى بالرعاية، قال: "هذا بدعة"، ثم قال للرجل الذي جاء بالكتاب: "عليك بما كان عليه مالك والثوري والأوزاعي والليث، ودع عنك هذا، فإنه بدعة" (BN 10/360-361).

Ibn Hajar relate chose semblable, de la part de Abû Zur'a, au sujet de al-Muhâssibî : "وقال البردعي: سئل أبو زرعة عن المحاسبي وكتبه، فقال للسائل: "إياك وهذه الكتب، هذه كتب بدع وضلالات. عليك بالأثر، فإنك تجد فيه ما يغنيك عن هذه الكتب." قيل له: "في هذه الكتب عبرة!" فقال: "من لم يكن له في كتاب الله عبرة فليس له في هذه عبرة! بلغكم أن مالكا أو الثوري أو الأوزاعي أو الأئمة صنفوا كتبا في الخطرات والوساوس وهذه الأشياء؟ هؤلاء قوم قد خالفوا أهل العلم: يأتونا مرة بالمحاسبي، ومرة بعبد الرحيم الديبلي، ومرة بحاتم الأصم." ثم قال: "ما أسرع الناس إلى البدع" (Tah'dhîb ut-tah'dhîb).

Ibn Rajab a pour sa part relaté la posture de Ahmad en la matière, par les mots suivants : "فإن ما شرعه الله ورسوله يجب الإيمان والرضا به والتسليم له، كما قال تعالى: {فلا وربك لا يؤمنون حتى يحكموك فيما شجر بينهم ثم لا يجدوا في أنفسهم حرجا مما قضيت ويسلموا تسليما}. وأما ما ليس فيه نص من الله ورسوله ولا عمن يقتدى بقوله من الصحابة وسلف الأمة، فإذا وقع في نفس المؤمن المطمئن قلبه بالإيمان، المنشرح صدره بنور المعرفة واليقين، منه شيء، وحك في صدره لشبهة موجودة، ولم يجد من يفتي فيه بالرخصة - إلا من يخبر عن رأيه وهو ممن لا يوثق بعلمه وبدينه، بل هو معروف باتباع الهوى -، فهنا يرجع المؤمن إلى ما حك في صدره، وإن أفتاه هؤلاء المفتون. (...) وقد ذكر طوائف من فقهاء الشافعية والحنفية المتكلمين في أصول الفقه مسألة الإلهام هل هو حجة أم لا؟ وذكروا فيه اختلافا بينهم. وذكر طائفة من أصحابنا أن الكشف ليس بطريق للأحكام؛ وأخذه القاضي أبو يعلى من كلام أحمد في ذم المتكلمين في الوساوس والخطرات. وخالفهم طائفة من أصحابنا في ذلك - وقد ذكرنا نص أحمد هاهنا بالرجوع إلى حواز القلوب -؛ وإنما ذم أحمد وغيره المتكلمين على الوساوس والخطرات من الصوفية حيث كان كلامهم في ذلك لا يستند إلى دليل شرعي، بل إلى مجرد رأي وذوق - كما كان ينكر الكلام في مسائل الحلال والحرام بمجرد الرأي من غير دليل شرعي -؛ فأما الرجوع إلى* الأمور المشتبهة إلى حواز القلوب، فقد دلت عليه النصوص النبوية وفتاوى الصحابة، فكيف ينكره الإمام أحمد بعد ذلك؟ لا سيما وقد نص على الرجوع إليه موافقة لهم. وقد سبق حديث: "إن الصدق طمأنينة، والكذب ريبة"، فالصدق يتميز من الكذب بسكون القلب إليه، ومعرفته، وبنفوره عن الكذب وإنكاره" (Jâmi' ul-'ulûm wa-l-hikam, en commentaire du hadîth numéro 27) (* أي في).

Tout cela est en tous points comparable au fait que, par rapport aux Ahkâm Zâhira, Ahmad ibn Hanbal critiquait Abû Hanîfa pour les interprétations assez souples que celui-ci faisait par rapport à la lettre des hadîths, en tant que Ahl ur-Ra'y par excellence, lui qui lisait certains textes à la lumière du principe plus général, pour les lui faire correspondre:
--- "نا عبد الرحمن نا محمد بن حمويه بن الحسن قال سمعت الحسين بن الحسن المروزى يقول: ذكر أبو حنيفة عند احمد بن حنبل فقال: "رأيه مذموم، وبدنه لا يذكر" (Al-Jar'h wa-t-Ta'dîl, Ibn Abî Hâtim) ;
--- "أخبرنا طلحة بن علي الكتاني، قال: أخبرنا محمد بن عبد الله بن إبراهيم الشافعي، قال: حدثنا أبو شيخ الأصبهاني، قال: حدثنا الأثرم، قال: رأيت أبا عبد الله مرارا يعيب أبا حنيفة ومذهبه، ويحكي الشيء من قوله على الإنكار والتعجب" (Ta'rîkhu Baghdâd, al-Khatîb al-Baghdâdî).

Cette interprétation 4 aussi se marie mieux avec les mots figurants dans la première version du récit : "Je ne crois pas avoir déjà vu semblable à ces gens ; je n'ai jamais entendu, au sujet des réalités, parole semblable à la parole de cet homme. Malgré cela, je ne pense pas (bon) pour toi que tu sois dans leur compagnie". Il aura voulu dire : "Malgré le bien qu'il y a dans ses propos, il y a aussi quelque chose que je n'aime pas - le fait de fonder certaines choses sur le Dhawq -, et c'est pourquoi je te déconseille de trop les fréquenter".

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--- (Possibilité d'interprétation 5) ... Al-Muhâssibî citait parfois des hadîths faibles, voire mawdhû', dans certains de ses livres, et en extrayait des hukm :

Abû Ghudda relate que Ibn ul-'Arabî, qui était élogieux de al-Muhâssibî, a évoqué ce point dans son 'Âridhat ul-ahwadhî.
En effet, en commentaire du célèbre hadîth : "Le licite est clair, et l'illicite est clair ; entre les deux se trouvent des choses douteuses", Ibn ul-'Arabî écrit : "Le meilleur qui ait parlé à ce sujet est notre érudit et notre grand : al-Hârith ibn Assad. (...) Et il a longuement parlé à ce sujet, a apporté du bénéfice dans ce qu'il a répété, et a apporté du nouveau dans ce qu'il a apporté. S'il n'y avait qu'il s'attache (parfois) à des hadîths faibles, et bâtit des principes dessus ! Car si les Ulamâ' du Hadîth en prennent connaissance, ils s'en moqueront. Il avait pourtant rencontré les érudits (hab'r) dans le hadîth, tels Ibn Abî Shayba et autres que lui" ('Âridhat ul-ahwâdhî).

Ensuite Abû Ghudda écrit :
"Ce point de critique est établi au sujet de Abû 'Abdillâh (al-Muhâssibî) quant à ses ouvrages ; on ne peut pas y échapper. Dans ce livret [Rissâlat ul-mustarshidîn], malgré sa petite taille, se trouvent un groupe de hadîths dha'îfs, et une partie d'un hadîth mawdhû', comme nous en prendrons connaissance au moment d'en citer la source.
Son laxisme que voici (au sujet de la citation de hadîths non-authentiques) s'est transmis au cheikh Abû Tâlib al-Makkî dans "Qût ul-qulûb", à l'imam al-Ghazâlî dans "al-Ih'yâ", ainsi qu'à d'autres qu'eux parmi ceux qui ont écrit au sujet du soufisme et des états de l'âme"
(pp. 57-58).

Abû Ghudda cite cet écrit de Ibn ul-Jawzî, qui affirme cela au sujet de ces 3 personnages : "Ils ont introduit dans leurs ouvrages des hadîths faux, ne sachant pas qu'ils sont faux" : "أخبرنا محمد بن ناصر قال: أخبرنا حمد بن أحمد قال: أخبرنا أبو نعيم الحافظ قال: حدثنا الحسن بن علي الوراق قال: حدثنا الهيثم بن خلف الدوري قال: حدثنا قاسم بن أحمد بن معروف قال: حدثنا أبو داود قال: حدثنا شعبة عن أيوب قال: "ما أفسد على الناس حديثهم إلا القصاص". فصل: قال المصنف: وفي القصاص من يسمع الأحاديث الموضوعة فيرويها ولا يعلم أنها كذب، فيؤذي بها الناس؛ وربما سمعها من أفواه العوام فرواها؛ وربما سمع كلام الحسن أو سري السقطي، فقال: "قال رسول الله". وقد صنف من لا علم له بالنقل كتبا فيها الموضوع والمحال، فترى القصاص يوردون منها ويزيدون فيها ما يوجب تحسينا لها. وممن صنف لهم في هذا: الحارث المحاسبي، وأبو طالب المكي، وأبو حامد الطوسي؛ فإنهم أدرجوا في كتبهم أحاديث باطلة ولا يعلمون أنها كذب" (Kitâb ul-qussâs wa-l-mudhakkirin).

Serait-il possible que Ahmad ait entendu ce soir-là quelques hadîths que al-Muhâssibî aurait cités et qui étaient très faibles, voire mawdhû' ; et c'est pourquoi il conseilla à Isma'îl ibn Is'hâq de ne pas trop les fréquenter, et de préférer plutôt acquérir plus de connaissances permettant de distinguer le hadîth sahîh du hadîth très faible ?

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--- (Interprétation 6) ... Ahmad reprochait en fait tout autre chose à al-Hârith al-Muhâssibî : il lui reprochait que, dans les croyances, il avait adopté le Kullabisme, selon lequel "Allah Ta'âlâ ne parle pas par une Voix que des créatures entendent ; Sa parole est pré-éternelle et est seulement un Ma'nâ" :

Al-Bayhaqî : "قال البيهقي: يحتمل أنه كره له صحبتهم لأن الحارث بن أسد - وإن كان زاهدا - فإنه كان عنده شئ من علم الكلام، وكان أحمد يكره ذلك" (cité dans Al-Bidâya wa-n-Nihâya, 10/360-361).
Ibn Hajar : "قلت: وقال أبو القاسم النصراباذي: بلغني أن الحارث تكلم في شيء من الكلام، فهجره أحمد بن حنبل، فاختفى. فلما مات لم يصل عليه إلا أربعة نفر" (Tah'dhib ut-tah'dhîb).
Ibn ul-Jawzî : "وكان ربما خاض في شيء من الكلام في الأصول" (Kitâb ul-Qussâs wa-l-Mudhakkirîn, après la relation 201 : note de Abû Ghudda, p. 55).
Ibn ul-Jawzî, encore : "قال المصنف: وقد ذكر أبو بكر الخلال في كتاب السنة عن أحمد بن حنبل أنه قال: "احذروا من الحارث أشد التحذير! الحارث أصل البليةيعني في حوادث كلام جهم ذاك. جالسه فلان وفلان وأخرجهم إلى رأى جهم. ما زال مأوى أصحاب الكلام. حارث بمنزلة الأسد المرابط أنظر أي يوم يثب على الناس" (Talbîs-u Iblîs, p. 185).

Ibn Taymiyya écrit que c'est à cause de cette croyance Kullabite, adoptée par al-Hârith al-Muhâssibî (et plus tard par Abu-l-Hassan al-Ash'arî), que Ahmad ibn Hanbal fit une mise en garde contre al-Muhâssibî : "Préservez-vous de Hârih ! Le problème est entièrement chez Hârith".
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Ibn Taymiyya ajoute cependant : "Il a été dit que al-Muhâssibî serait plus tard revenu sur cette croyance, adoptant ce que al-Kalâbâdhî a relaté de lui dans son livre "Présentation du soufisme" : "Allah parle par une Voix"" [= ce qui constitue la croyance orthodoxe].

"وأما جواب ابن عقيل فبناه على أصل ابن كلاب الذي يعتقده هو وشيخه وغيرهما؛ وهو الأصل الذي وافقوا فيه ابن كلاب ومن اتبعه كالأشعري وغيره؛ وهو أن الله لا يتكلم بمشيئته وقدرته وأنه ليس فيما يقوم به شيء يكون بمشيئته وقدرته، لامتناع قيام الأمور الاختيارية به عندهم، لأنها حادثة، والله لا يقوم به حادث عندهم. ولهذا تأولوا النصوص المناقضة هذا الأصل (...). وهذا الأصل هو مما أنكره الإمام أحمد على ابن كلاب وأصحابه حتى على الحارث المحاسبي مع جلالة قدر الحارث؛ وأمر أحمد بهجره وهجر الكلابية وقال: "احذروا من حارث! الآفة كلها من حارث"؛ فمات الحارث وما صلى عليه إلا نفر قليل بسبب تحذير الإمام أحمد عنه، مع أن فيه من العلم والدين ما هو أفضل من عامة من وافق ابن كلاب على هذا الأصل. وقد قيل: إن الحارث رجع عن ذلك وأقر بأن الله يتكلم بصوت، كما حكى عنه ذلك صاحب "التعرف لمذهب التصوف" أبو بكر محمد بن إسحاق الكلاباذي. وكثير من المتأخرين من أصحاب مالك والشافعي وأحمد وأبي حنيفة وافقوا ابن كلاب على هذا الأصل، كما قد بسط الكلام على ذلك في مواضع أخر" (MF 12/94-95).
"وابن كلاب خالفهم في قولهم: "لا تقوم به الأعراض"، وقال: "تقوم به الصفات ولكن لا تسمى أعراضا"، ووافقهم على ما أرادوه بقولهم: "لا تقوم به الحوادث"، من أنه لا يقوم به أمر من الأمور المتعلقة بمشيئته. فصار من حين فرق هذا التفريق المنتسبون إلى السنة والجماعة - القائلون بأن القرآن غير مخلوق وأن الله يرى في الآخرة وأن الله فوق سمواته على عرشه بائن من خلقه - على قولين - ذكرهما الحارث المحاسبي وغيره: طائفة وافقت ابن كلاب كالقلانسي والأشعري وأبي الحسن بن مهدي الطبري ومن اتبعهم؛ فإنه وافق هؤلاء كثير من أتباع الأئمة الأربعة وغيرهم من أصحاب مالك والشافعي وأحمد بن حنبل وأبي حنيفة وغيرهم. وكان الحارث المحاسبي يوافقه، ثم قيل: إنه رجع عن موافقته؛ فإن أحمد بن حنبل أمر بهجر الحارث المحاسبي وغيره من أصحاب ابن كلاب لما أظهروا ذلك؛ كما أمر السري السقطي الجنيدَ أن يتقي بعض كلام الحارث. فذكروا أن الحارث - رحمه الله - تاب من ذلك، وكان له من العلم والفضل والزهد والكلام في الحقائق ما هو مشهور؛ وحكى عنه أبو بكر الكلاباذي صاحب "مقالات الصوفية" أنه كان يقول: "إن الله يتكلم بصوت"؛ وهذا يوافق قول من يقول: إنه رجع عن قول ابن كلاب. قال أبو بكر الكلاباذي: "وقالت طائفة من الصوفية: كلام الله حرف وصوت، وأنه لا يعرف كلام إلا كذلك، مع إقرارهم أنه صفة لله في ذاته وأنه غير مخلوق." قال: "وهذا قول الحارث المحاسبي ومن المتأخرين ابن سالم". وبقي هذا الأصل يدور بين الناس حتى وقع بين أبي بكر بن خزيمة الملقب بإمام الأئمة وبعض أصحابه بسبب ذلك؛ فإنه بلغه أنهم وافقوا ابن كلاب فنهاهم وعابهم وطعن على مذهب ابن كلاب بما كان مشهورا عند أئمة الحديث والسنة. ومن ذلك الزمان تنازع المنتسبون إلى السنة: من أن الله يتكلم بصوت؛ أو لا يتكلم بصوت؟ فإن أتباع ابن كلاب نفوا ذلك؛ قالوا: لأن المتكلم بصوت يستلزم قيام فعل بالمتكلم متعلق بإرادته؛ والله - عندهم - لا يجوز أن يقوم به أمر يتعلق بمشيئته وقدرته: لا فعل ولا غير فعل فقالوا: إن الله لا يتكلم بصوت؛ وإنما كلامه معنى واحد هو الأمر والنهي والخبر، إن عبر عنه بالعربية كان قرآنا، وإن عبر عنه بالعبرية كان توراة، وإن عبر عنه بالسريانية كان إنجيلا. فقال جمهور العقلاء من أهل السنة وغير أهل السنة: هذا القول معلوم الفساد بضرورة العقل، كما هو مخالف للكتاب والسنة" (MF 6/521-523).
"وكان أيضا قد نبغ في أواخر عصر أبي عبد الله: من الكلابية ونحوهم، أتباع أبي محمد عبد الله بن سعيد بن كلاب البصري، الذي صنف مصنفات رد فيها على الجهمية والمعتزلة وغيرهم. وهو من متكلمة الصفاتية، وطريقته يميل فيها إلى مذهب أهل الحديث والسنة، لكن فيها نوع من البدعة، لكونه أثبت قيام الصفات بذات الله ولم يثبت قيام الأمور الاختيارية بذاته. ولكن له في الرد على الجهمية - نفاة الصفات والعلو - من الدلائل والحجج وبسط القول ما بين به فضله في هذا الباب وإفساده لمذاهب نفاة الصفات بأنواع من الأدلة والخطاب؛ وصار ما ذكره معونة ونصيرا وتخليصا من شبههم لكثير من أولي الألباب حتى صار قدوة وإماما لمن جاء بعده من هذا الصنف الذين أثبتوا الصفات وناقضوا نفاتها، وإن كانوا قد شركوهم في بعض أصولهم الفاسدة التي أوجبت فساد بعض ما قالوه من جهة المعقول ومخالفته لسنة الرسول. وكان ممن اتبعه: الحارث المحاسبي وأبو العباس القلانسي، ثم أبو الحسن الأشعري وأبو الحسن بن مهدي الطبري وأبو العباس الضبعي وأبو سليمان الدمشقي وأبو حاتم البستي، وغير هؤلاء، المثبتين للصفات المنتسبين إلى السنة والحديث المتلقبين بنظار أهل الحديث. وسلك طريقة ابن كلاب في الفرق بين الصفات اللازمة كالحياة والصفات الاختيارية، وأن الرب يقوم به الأول دون الثاني: كثير من المتأخرين من أصحاب مالك والشافعي وأحمد - كالتميميين أبي الحسن التميمي وابنه أبي الفضل التميمي وابن ابنه رزق الله التميمي؛ وعلى عقيدة الفضل التي ذكر أنها عقيدة أحمد اعتمد أبو بكر البيهقي فيما ذكره من مناقب أحمد من الاعتقاد؛ وكذلك سلك طريقة ابن كلاب هذه أبو الحسن بن سالم وأتباعه السالمية والقاضي أبو يعلى وأتباعه - كابن عقيل وأبي الحسن بن الزاغوني -؛ وهي طريقة أبي المعالي الجويني وأبي الوليد الباجي والقاضي أبي بكر بن العربي وغيرهم؛ لكنهم افترقوا في القرآن وفي بعض المسائل على قولين، بعد اشتراكهم في الفرق الذي قرره ابن كلاب - كما قد بسط كلام هؤلاء في مواضع أخر. والإمام أحمد بن حنبل وغيره من أئمة السنة كانوا يحذرون عن هذا الأصل الذي أحدثه ابن كلاب ويحذرون عن أصحابه؛ وهذا هو سبب تحذير الإمام أحمد عن الحارث المحاسبي ونحوه من الكلابية. ولما ظهر هؤلاء، ظهر حينئذ من المنتسبين إلى إثبات الصفات من يقول: "إن الله لم يتكلم بصوت"؛ فأنكر أحمد ذلك وجهَّم من يقوله، وقال: "هؤلاء الزنادقة إنما يدورون على التعطيل"، وروى الآثار في أن الله يتكلم بصوت؛ وكذلك أنكر على من يقول إن الحروف مخلوقة (...). وكذلك البخاري صاحب الصحيح وسائر الأئمة أنكروا ذلك أيضا. وروى البخاري في آخر الصحيح وفي كتاب خلق الأفعال ما جاء في ذلك من الآثار، وبين الفرق بين صوت الله الذي يتكلم به وبين أصوات العباد بالقرآن، موافقة منه للإمام أحمد وغيره من الأئمة، حيث بين أن الله يتكلم بصوت كما جاءت به الآثار، وأن ذلك ليس صوت العبد بالقراءة بل ذلك هو صوت العبد - كما قد نص على ذلك كله في مواضع. وعامة أئمة السنة والحديث على هذا الإثبات والتفريق: لا يوافقون قول من يزعم أن الكلام ليس فيه حرف ولا صوت ولا يوافقون قول من يزعم أن الصوت المسموع من القراء وألفاظهم قديمة ولا يقولون: إن القرآن ليس إلا الحروف والأصوات" (MF 12/366-369).

Cette interprétation 6 aussi se marie mieux avec les mots figurants dans la première version du récit : "Je ne crois pas avoir déjà vu semblable à ces gens ; je n'ai jamais entendu, au sujet des réalités, parole semblable à la parole de cet homme. Malgré cela, je ne pense pas (bon) pour toi que tu sois dans leur compagnie". Il aura voulu dire : "Malgré le bien qu'il y a dans ses propos, il a un problème conséquent dans la 'Aqîda, et c'est pourquoi je te déconseille de trop les fréquenter, lui et son groupe".

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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