I) At-Tas'rîh (utiliser une formule très claire pour faire comprendre à l'interlocuteur ce qu'on veut lui dire) et at-Ta'rîdh (utiliser une formule détournée pour faire comprendre à l'interlocuteur ce qu'on veut lui dire) dans le Coran et la Sunna - II) At-Ta'rîdh d'après al-Bukhârî - التصريح والتعريض في القرآن والسنة؛ ثم التعريض لدى البخاري

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I) Chez les spécialistes de la science de la Rhétorique arabe, at-Ta'rîdh désigne : l'allusion à une personne / chose plus précise que ce que la littéralité de la phrase le dit, et : l'ellipse :

At-Tas'rîh désigne le fait de faire comprendre ce que l'on veut dire par un mot et groupe de mots qui sont en soi explicites par rapport au sens que l'on veut véhiculer.
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A contrario, at-Ta'rîdh désigne le fait de vouloir faire comprendre à l'interlocuteur quelque chose sans le lui dire par des mots qui soient en soi explicites (par rapport au sens que l'on veut véhiculer) ; ce recours à ce genre de formule non-explicite (par rapport au sens que l'on veut faire passer) se fait pour l'une des motivations suivantes :
--- soit la beauté du langage ;
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soit une volonté d'atténuation ;
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soit que la situation d'énonciation fait qu'on voudrait dire la chose explicitement mais qu'on ne le peut pas car on encourrait alors certains problèmes ;
--- soit la volonté de ne faire comprendre ce qu'on veut dire qu'à seulement certaines de toutes les personnes qui écoutent le propos.

Quelle relation existe-t-il entre la Ta'rîdh et le Kinâya, cela fait l'objet de débats entre les spécialistes.
Pour ma part je penche vers le fait que la Ta'rîdh consiste en l'action de faire comprendre de façon subtile à l'interlocuteur ; que le Kinâya n'est qu'un de ses outils ; et qu'il y a donc entre les deux une relation d'Inclusion.

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Outils par lesquels la Ta'rîdh se fait :

Si on retient que la Ta'rîdh est une action et qu'elle se réalise par différents outils, alors ces outils sont :
----- soit l'utilisation d'un propos clair mais non relié grammaticalement au thème de la phrase (ib'hâm ul-mahkûm 'alayhi) ;
----- soit l'utilisation d'un propos plus général que celui que l'on veut dire (ib'hâm ul-mahkûm bihî) ;
----- soit l'utilisation (pour volontairement rendre le propos moins évident) d'un terme mushtarak ;
----- soit l'utilisation d'un euphémisme (
kinâya : on dit une chose pour vouloir en faire comprendre le lâzim ou le malzûm) ;
----- soit le recours au sens figuré, majâz murakkab (par exemple une isti'âra tamthîliyya), comme par exemple quand, questionné par Omar ibn ul-Khattâb : était-il vrai qu'il savait fabriquer un moulin à vent, Abû Lu'lu fit cette réponse : "Je ferai pour toi un moulin dont les gens parleront" ; Omar comprit l'allusion, et dit alors aux gens présents : "Cet esclave m'a menacé".

Al-Qurtubî définit la Ta'rîdh ainsi : "والتعريض ضد التصريح؛ وهو إفهام المعنى بالشيء المحتمل له ولغيره. وهو من عرض الشيء وهو جانبه، كأنه يحوم به على الشيء ولا يظهره. وقيل، هو من قولك عرضت الرجل، أي أهديت إليه تحفة، وفي الحديث: أن ركبا من المسلمين عرضوا رسول الله صلى الله عليه وسلم وأبا بكر ثيابا بيضا، أي أهدوا لهما. فالمعرض بالكلام يوصل إلى صاحبه كلاما يفهم معناه" (Tafsîr ul-Qurtubî).
Ibn ul-Jawzî ainsi : "والتعريض: الإيماء والتلويح من غير كشف؛ فهو إشارة بالكلام إلى ما ليس له في الكلام ذكر" (Zâd ul-massîr).
Al-Jurjânî : "التعريض في الكلام: ما يفهم به السامع مراده من غير تصريح" (At-Ta'rîfât).
La définition qui suit, et qui est donnée par al-Jurjânî à propos de al-Kinâya, pourrait en fait s'appliquer à at-Ta'rîdh en tant qu'objectif : "أن يعبر عن شيء، لفظًا كان أو معنى، بلفظ غير صريح في الدلالة عليه، لغرض من الأغراض، كالإبهام على السامع*، نحو: جاء فلان، أو لنوع فصاحة، نحو: فلان كثير الرماد، أي كثير القِرَى" (At-Ta'rîfât) [اي على بعض من السامعين *].

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– Le verset suivant autorise une Ta'rîdh (terme que le verset mentionne d'ailleurs explicitement) : "وَلَا جُنَاحَ عَلَيْكُمْ فِيمَا عَرَّضْتُمْ بِهِ مِنْ خِطْبَةِ النِّسَاءِ أَوْ أَكْنَنْتُمْ فِي أَنْفُسِكُمْ عَلِمَ اللَّهُ أَنَّكُمْ سَتَذْكُرُونَهُنَّ وَلَكِنْ لَا تُوَاعِدُوهُنَّ سِرًّا إِلَّا أَنْ تَقُولُوا قَوْلًا مَعْرُوفًا وَلَا تَعْزِمُوا عُقْدَةَ النِّكَاحِ حَتَّى يَبْلُغَ الْكِتَابُ أَجَلَهُ" (Coran 2/293). Durant la période qui, pour la femme, suit le décès de son mari ou le divorce complet (bâ'ïn) d'avec lui, il est un délai qu'elle doit attendre avant de pouvoir se remarier ; pendant que la dame est dans cette période faisant suite au décès (et aussi, d'après un avis, pendant qu'elle est dans la période faisant suite au divorce complet), il n'est pas autorisé à un homme de lui adresser une demande explicite en mariage, à elle comme à son représentant ; par contre il peut en avoir l'intention qu'il n'extériorise absolument pas, ou bien il peut le dire de façon elliptique au représentant de cette dame, ou à elle-même. Les formules suivantes sont possibles :
- "Vous êtes une dame bien" : il s'agit d'un kinâya ;
- "Dieu va bientôt amener un bien dans votre vie" : il s'agit d'un ib'hâm du mahkûm bihî : de quel "bien" il s'agit, cela n'est pas précisé ;
- "J'ai l'intention de me marier" (sans jamais dire : "avec vous", donc sans prononcer le lien du propos) ; il s'agit cette fois d'un ib'hâm de la personne concernée ;
- etc.
Al-Qurtubî écrit : "وروي في تفسير التعريض ألفاظ كثيرة جماعها يرجع إلى قسمين: الأول: أن يذكرها لوليها يقول له: "لا تسبقني بها". والثاني: أن يشير بذلك إليها دون واسطة، فيقول لها: "إني أريد التزويج، أو إنك لجميلة، إنك لصالحة، إن الله لسائق إليك خيرا، إني فيك لراغب، ومن يرغب عنك، إنك لنافقة، وإن حاجتي في النساء، وإن يقدر الله أمرا يكن." هذا هو تمثيل مالك وابن شهاب" (Tafsîr ul-Qurtubî). Ibn ul-Jawzî écrit : "وقال ابن عباس: التعريض أن يقول: إني أريد أن أتزوج. وقال مجاهد: أن يقول: إنكِ لجميلة، وإِنك لحسنة، وإنك لإلى خير" (Zâd ul-massîr).

– Shâh Waliyyullâh cite le verset suivant comme autre exemple de Ta'rîdh : "وَلَا يَأْتَلِ أُوْلُوا الْفَضْلِ مِنكُمْ وَالسَّعَةِ أَن يُؤْتُوا أُوْلِي الْقُرْبَى وَالْمَسَاكِينَ وَالْمُهَاجِرِينَ فِي سَبِيلِ اللَّهِ وَلْيَعْفُوا وَلْيَصْفَحُوا أَلَا تُحِبُّونَ أَن يَغْفِرَ اللَّهُ لَكُمْ وَاللَّهُ غَفُورٌ رَّحِيمٌ" (Coran 24/22). Bien que le mahkûm 'alayhi soit général (et que d'ailleurs le mahkûm bihî s'applique effectivement à tout le monde, de façon générale), ce verset fut révélé comme exhortation adressée à Abû Bakr, père de Aïcha, suite au serment qu'il avait fait de ne plus aider Mistah, son proche qui avait participé à la calomnie contre sa fille. Le verset vint dire que les gens de bien et d'aisance ne doivent pas faire serment qu'ils ne donneront plus (rien) aux proches, pauvres et ayant émigré pour la cause de Dieu.

– Dans la Sunna, il y a également que, parfois, lorsque le Prophète (sur lui soit la paix) voulait rectifier un propos ou une action de certains de ses Compagnons, il ne lui en parlait pas directement mais faisait un discours où il en parlait de façon générale, avec les mots : "ما بال رجال يفعلون كذا". Il s'agit de nouveau d'une Ta'rîdh.

– Dans la Sîra, on lit aussi le célèbre épisode ayant précédé Badr, où Sa'd ibn Mu'âdh dit au Prophète (sur lui soit la paix) : "On dirait que tu fais Ta'rîdh de nous (les Ansâr) [= tu diriges le propos vers nous"] !" : "بل لما استشارهم في الذهاب إلى النفير تكلم الصديق فأحسن، وتكلم غيره من المهاجرين؛ ثم جعل يقول: "أشيروا علي"؛ حتى قال سعد بن معاذ: "كأنك تعرض بنا يا رسول الله؟ فوالذي بعثك بالحق لو استعرضت بنا هذا البحر فخضته لخضناه معك" (Qassas ul-anbiyâ', Ibn Kathîr).

– Jâbir ibn Abdillâh a dit à Abû Ja'far : "Ton cousin est venu à moi" : il faisait alors allusion à al-Hassan ibn Muhammad ibn il-Hanafiyya : "عن أبي جعفر قال: قال لي جابر بن عبد الله: وأتاني ابن عمك - يعرض بالحسن بن محمد ابن الحنفية - قال: كيف الغسل من الجنابة؟ فقلت: "كان النبي صلى الله عليه وسلم يأخذ ثلاثة أكف ويفيضها على رأسه، ثم يفيض على سائر جسده." فقال لي - الحسن -: "إني رجل كثير الشعر." فقلت: "كان النبي صلى الله عليه وسلم أكثر منك شعرا" (al-Bukhârî, 253).

– Shaqîq pense que Abû Mas'ûd a fait allusion à lui-même lorsqu'il a raconté ce fait général : "Le Messager de Dieu, que Dieu le bénisse et le salue, ordonnait de faire l'aumône. L'un d'entre nous cherchait alors des astuces pour apporter un mudd. Aujourd'hui il possède cent mille" : "عن شقيق، عن أبي مسعود الأنصاري قال: "كان رسول الله صلى الله عليه وسلم يأمر بالصدقة، فيحتال أحدنا حتى يجيء بالمد، وإن لأحدهم اليوم مائة ألف." كأنه يعرض بنفسه" (al-Bukhârî, 4392).

Certains des versets "équivoques" (متشابِه) évoqués dans le verset 3/7 (aux côtés des versets "univoques" (مُحكَم)), englobent aussi certaines Ta'rîdh du Coran. "فإن قيل: فما فائدة إنزال المتشابه، والمراد بالقرآن البيان والهدى؟ فعنه أربعة أجوبة. أحدها: أنه لما كان كلام العرب على ضربين: أحدهما: الموجز الذي لا يخفى على سامعه ولا يحتمل غير ظاهره. والثاني: المجاز، والكنايات، والإشارات، والتلويحات؛ وهذا الضرب الثاني هو المستحلى عند العرب، والبديع في كلامهم، أنزل الله تعالى القرآن على هذين الضربين، ليتحقق عجزهم عن الإتيان بمثله. فكأنه قال: عارضوه بأي الضربين شئتم. ولو نزل كله محكماً واضحاً، لقالوا: هلا نزل بالضرب المستحسن عندنا؟ ومتى وقع الكلام إشارة أو كناية أو تعريض أو تشبيه، كان أفصح وأغرب" (Zâd ul-massîr).
Cela se marie avec celui des commentaires qui dit : "وقيل: إن المتشابه ما يحتمل وجوها؛ ثم إذا ردت الوجوه إلى وجه واحد وأبطل الباقي، صار المتشابه محكما" (Tafsîr ul-Qurtubî). Il s'agit alors d'un cas de Mutashâbih Nissbî.

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Le sens que la Ta'rîdh véhicule est-il en soi clair, ou bien en soi équivoque ?

– Il y a des Ta'rîdh qui sont en soi des Sarîh de second ordre (numéroté un peu plus bas : 2.a) : leur sens est Clair ;
– il y a d'autres
Ta'rîdh qui sont en soi des Sarîh de troisième ordre (2.b) : leur sens est également suffisamment Clair ;
– il y en a d'autres qui sont en soi des Muhtamal (2.c) : leur sens est Equivoque ;
– enfin, il y a d'autres 
Ta'rîdh qui sont en soi des Khafî (2.d) : il faut faire plus d'efforts encore pour découvrir leur sens.
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Lire notre article relatif aux Termes ayant en soi un sens Clair et aux termes ayant en soi un sens Equivoque.

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Là où le résultat de la Ta'rîdh est en soi Sarîh, si l'interlocuteur n'a pas compris ce sens que l'Usage a donné à cette Ta'rîdh (2.a, et, dans une moindre mesure 2.b), c'est son manque de compréhension à lui, mais cela n'enlève rien au caractère en soi Sarîh du terme ou de la formule : "يعني أن الصريح والكناية أيضا من أقسام الحقيقة والمجاز، وليست الأربعة أقساما متباينة. أما عند علماء الأصول فلأن الصريح ما انكشف المراد منه في نفسه أي بالنظر إلى كونه لفظا مستعملا؛ والكناية ما استتر المراد منه في نفسه؛ سواء كان المراد فيهما معنى حقيقة أو معنى مجازيا. واحترز بقوله "في نفسه" عن استتار المراد في الصريح بواسطة غرابة اللفظ أو ذهول السامع عن الوضع أو عن القرينة أو نحو ذلك" (At-Talwîh, p. 158).

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Et quelle intention le locuteur a-t-il, en ayant recours à la Tas'rîh, ou, au contraire, à la Ta'rîdh ?

--- Avoir recours à la Tasrîh traduit toujours la volonté de faire comprendre de façon évidente à l'interlocuteur ce qu'on veut dire (إرادة المتكلم الإيضاح في إفهام المخاطب المعنى المراد). Cela n'a lieu que lorsque le terme / groupe de termes est en soi un Sarîh de premier ordre, ou, parfois, un Sarîh de second ordre (vu que c'est de l'intention du locuteur qu'on parle ici).

--- Par contre, avoir recours à la Ta'rîdh, cela peut être motivé :
------ par cette même volonté de faire comprendre de façon évidente à l'interlocuteur ce qu'on veut dire (إرادة المتكلم الإيضاح في إفهام المخاطب المعنى المراد) (lorsque la motivation est la seule beauté du langage, l'emploi d'une formule connue dans l'Usage, ou la volonté d'atténuation). Cela se fait avec une Ta'rîdh qui est en soi un Sarîh de second ordre, ou de troisième ordre. Cela se fait également avec une Ta'rîdh qui est en soi Muhtamal (l'intention du locuteur n'étant, elle, pas de véhiculer ces deux Ihtimâl) ;
------ ou par la volonté de rendre d'une moindre évidence ce qu'on veut dire (إرادة المتكلم الإخفاء في إفهام المخاطب المعنى المراد) (lorsque la motivation est de dissimuler de certaines personnes présentes ce que l'on veut dire, ou de tester la compréhension de celles des personnes présentes qui sont intelligentes). Cela ne se fait qu'avec des Ta'rîdh qui sont en soi Muhtamal ou Khafî.

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Exemples :

2.a) Voici une Ta'rîdh qui est en soi un Sarîh de second ordre : le mot / groupe de mots désigne de façon évidente (واضح) (à près de 90%) pour la plupart des interlocuteurs le sens voulu par le locuteur :

Dans le verset coranique : "وَإِن كُنتُم مَّرْضَى أَوْ عَلَى سَفَرٍ أَوْ جَاء أَحَدٌ مِّنكُم مِّن الْغَآئِطِ أَوْ لَمَسْتُمُ النِّسَاء فَلَمْ تَجِدُواْ مَاء فَتَيَمَّمُواْ صَعِيدًا طَيِّبًا فَامْسَحُواْ بِوُجُوهِكُمْ وَأَيْدِيكُمْ" : "Et si vous êtes malades [et ne devez donc pas utiliser l'eau], ou en voyage – (alors que) l'un de vous revient du lieu creux, ou que vous avez touché une femme – et que vous ne trouvez pas d'eau, alors dirigez-vous vers une terre pure, et alors passez vos mains sur vos visages et vos bras" (Coran 4/43).
"Partir au lieu creux" est un euphémisme pour signifier : "aller faire ses besoins naturels". C'étaient des lieux de ce genre que les Arabes des anciens temps choisissaient pour y faire leurs besoins naturels. Primo il s'agissait donc de s'y rendre, oui, mais avec un objectif particulier : y faire ses besoins. Secundo la formule est devenue un kinâya, utilisée pour désigner en fait : "faire ses besoins", qui est le lâzim de / ce qui est impliqué par son sens premier ("se rendre véritablement en pareil lieu"). Ibn ul-Jawzî écrit : "والغائِط: المكان المطمئن من الأرض، فكني عن الحدث بمكانه؛ قاله ابن قتيبة" (Zâd ul-massîr).

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2.b) Maintenant une Ta'rîdh qui est en soi un Sarîh de troisième ordre : le mot / groupe de mots désigne de façon très probable (75%), pour la plupart des interlocuteurs, le sens voulu par le locuteur :

----- C'est le cas des Ta'rîdh employées pendant la période que doit observer la veuve (et, d'après un avis, la divorcée d'un divorce complet aussi) : le prétendant veut bel et bien faire comprendre à la dame qu'il souhaite l'épouser après l'expiration de sa période : "وقال عطاء: "يعرض ولا يبوح، يقول: "إن لي حاجة"، و"أبشري"، و"أنت بحمد الله نافقة"، وتقول هي: "قد أسمع ما تقول"، ولا تعد شيئا؛ ولا يواعد وليها بغير علمها. وإن واعدت رجلا في عدتها،ثم نكحها بعد، لم يفرق بينهما" (cité par al-Bukhârî ta'lîqan in kitâb un-nikâh).
----- Dans le verset suscité : "وَإِن كُنتُم مَّرْضَى أَوْ عَلَى سَفَرٍ أَوْ جَاء أَحَدٌ مِّنكُم مِّن الْغَآئِطِ أَوْ لَمَسْتُمُ النِّسَاء فَلَمْ تَجِدُواْ مَاء فَتَيَمَّمُواْ صَعِيدًا طَيِّبًا فَامْسَحُواْ بِوُجُوهِكُمْ وَأَيْدِيكُمْ" : "Et si vous êtes malades [et ne devez donc pas utiliser l'eau], ou en voyage – (alors que) l'un de vous revient du lieu creux, ou que vous avez touché une femme – et que vous ne trouvez pas d'eau, alors dirigez-vous vers une terre pure, et alors passez vos mains sur vos visages et vos bras" (Coran 4/43), qu'est-il signifié :
- le fait de toucher de la main par exemple la main d'une femme, fût-elle son épouse (cette interprétation impliquant que cela annulerait les petites ablutions) ?
- ou bien seulement les relations intimes avec son épouse (cette seconde interprétation impliquant que cette formule évoque quelque chose qui annule les grandes ablutions) ?
Ibn Abbâs a affirmé que c'est la seconde interprétation qui est correcte : "عن قتادة قال، قال سعيد بن جبير وعطاء في التماس: الغمز باليد. وقال عبيد بن عمير: الجماع. فخرج عليهم ابن عباس فقال: أخطأ الموليان وأصاب العربي، ولكنه يعف ويكني" (Tafsîr ut-Tabarî, 9587). "عن سعيد بن جبير قال: ذكروا اللمس، فقال ناس من الموالي: ليس بالجماع. وقال ناس من العرب: اللمس الجماع. قال: فأتيت ابن عباس فقلت: إن ناسا من الموالي والعرب اختلفوا في"اللمس"، فقالت الموالي: ليس بالجماع، وقالت العرب: الجماع. قال: من أي الفريقين كنت؟ قلت: كنت من الموالي. قال: غلب فريق الموالي! إن"المس" و"اللمس"، و"المباشرة": الجماع؛ ولكن الله يكني ما شاء بما شاء" (Ibid., 9581). Cette affirmation de Ibn Abbâs en fait une interprétation en soi de niveau "zannî zannan ghâliban", où on ne peut faire que le tarjîh, et pas le jazm".

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2.c) Et voici une Ta'rîdh où le mot / groupe de mots est Muhtamal : bien que le locuteur sait, lui, quel sens il a conféré à ce groupe de mots, du point de vue de l'interlocuteur, le sens voulu par le locuteur apparaît comme revêtant deux égales probabilités (50%) : le sens littéral, et le sens kinâ'ï  :

----- "الحقي بأهلك" a été employé avec son sens littéral ("Pars chez ta famille") par Ka'b ibn Mâlik : "فقال: إن رسول الله صلى الله عليه وسلم يأمرك أن تعتزل امرأتك، فقلت: أطلقها؟ أم ماذا أفعل؟ قال: لا، بل اعتزلها ولا تقربها، وأرسل إلى صاحبي مثل ذلك، فقلت لامرأتي: الحقي بأهلك، فتكوني عندهم، حتى يقضي الله في هذا الأمر" (al-Bukhârî, 4156), mais avec son sens kinâ'ï ("Nous sommes désormais divorcés") par le prophète Ismaël (que la paix soit sur lui) : "ذاك أبي، وقد أمرني أن أفارقك، الحقي بأهلك" (al-Bukhârî, 3184) et par le prophète Muhammad (sur lui soit la paix) : "عن عائشة، رضي الله عنها: أن ابنة الجون لما أدخلت على رسول الله صلى الله عليه وسلم ودنا منها، قالت: أعوذ بالله منك. فقال لها: "لقد عذت بعظيم، الحقي بأهلك" (al-Bukhârî, 4955) ;

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2.d) Enfin, voici une Ta'rîdh qui est Khafî : le sens est en soi peu évident (25%) pour l'interlocuteur lambda ; et l'intention du locuteur est bien cette moindre évidence dans la signification :

----- Soit afin de pouvoir, lorsque questionné ultérieurement, contester avoir voulu dire ce qu'il a pourtant bien voulu dire : Abû Lu'lu avait laissé entendre à Omar ibn ul-Khattâb (que Dieu l'agrée) qu'il allait lui faire du mal, et ce par une phrase volontairement sibylline, juste suffisante pour lui instiller le doute. En effet, à Omar qui lui demanda s'il était vrai qu'il savait fabriquer un moulin à vent, Abû Lu'lu fit cette réponse : "Je ferai pour toi un moulin dont les gens parleront" ; Omar dit alors aux gens présents : "Cet esclave m'a menacé" : "فضرب عليه المغيرة كل شهر مائة. فشكى إلى عمر شدة الخراج، فقال له: "ما خراجك بكثير في جنب ما تعمل." فانصرف ساخطا. فلبث عمر ليالي. فمر به العبد فقال: "ألم أحدث أنك تقول لو أشاء لصنعت رحى تطحن بالريح؟" فالتفت إليه عابسا فقال: "لأصنعن لك رحى يتحدث الناس بها!" فأقبل عمر على من معه. فقال: "توعدني العبد." فلبث ليالي" (Fat'h ul-bârî) ;
----- Soit afin que seules certaines personnes comprennent, vu la gravité de la situation : "عن أبي سعيد الخدري، قال: خطب النبي صلى الله عليه وسلم فقال: "إن الله خير عبدا بين الدنيا وبين ما عنده فاختار ما عند الله"، فبكى أبو بكر الصديق رضي الله عنه، فقلت في نفسي ما يبكي هذا الشيخ؟ إن يكن الله خير عبدا بين الدنيا وبين ما عنده، فاختار ما عند الله، فكان رسول الله صلى الله عليه وسلم هو العبد، وكان أبو بكر أعلمنا، قال: "يا أبا بكر لا تبك، إن أمن الناس علي في صحبته وماله أبو بكر، ولو كنت متخذا خليلا من أمتي لاتخذت أبا بكر، ولكن أخوة الإسلام ومودته، لا يبقين في المسجد باب إلا سد، إلا باب أبي بكر" : Le Prophète (sur lui soit la paix) dit, lors de son discours qui devait s'avérer être le dernier de sa vie terrestre : "Il y a un serviteur (de Dieu) à qui Dieu a donné de choisir entre ce qu'il veut de la fleur de ce monde et ce qui se trouve auprès de Lui ; (ce serviteur) a choisi ce qui se trouve auprès de Dieu". Abû Bakr pleura alors et s'exclama : "Nous donnons pour toi nos pères, nos mères, nos personnes et nos biens !" (Abû Sa'îd devait raconter : "Nous fûmes alors étonnés de la réaction de Abû Bakr : le Prophète raconte que Dieu a donné le choix à un homme, et lui pleure et dit : "Nous donnons pour toi nos pères et mères !" En fait cet homme dont le Prophète parlait, c'était lui-même, et Abû Bakr le comprit.") Le Prophète dit alors : "Abû Bakr, ne pleure pas" (al-Bukhârî, Muslim).

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II) Chez al-Bukhârî, en revanche, at-Ta'rîdh a un sens plus large :

Al-Bukhârî écrit dans son livre Al-Adab ul-Muf'rad : "باب المعاريض" : "Les termes qui ne sont pas explicites" (bâb n° 393).

Dans son autre livre Al-Jâmi' ul-Musnad us-Sahîh, il a écrit un titre voisin, contenant le même terme : "المعاريض".

Et, sous ce titre, il a cité le hadîth avec Abû Tal'ha et Ummu Sulaym, lorsque leur fils est décédé en bas âge alors que Abû Tal'ha était en voyage. A son retour, ayant questionné Ummu Sulaym "Comment va mon fils ?" (car il le savait malade), celle-lui lui répondit : "Il est devenu tranquille, et j'espère qu'il a trouvé le repos" ; elle voulait que son mari soit complètement reposé avant de lui annoncer avec sagesse la terrible nouvelle : "عن أنس بن مالك رضي الله عنه، قال: اشتكى ابن لأبي طلحة، قال: فمات، وأبو طلحة خارج، فلما رأت امرأته أنه قد مات هيأت شيئا، ونحته في جانب البيت، فلما جاء أبو طلحة قال: كيف الغلام؟ قالت: قد هدأت نفسه، وأرجو أن يكون قد استراح. وظن أبو طلحة أنها صادقة. قال: فبات، فلما أصبح اغتسل، فلما أراد أن يخرج أعلمته أنه قد مات" (al-Bukhârî, 1239) ; dans une autre version : "عن أنس بن مالك، قال: كان ابن لأبي طلحة يشتكي، فخرج أبو طلحة، فقبض الصبي، فلما رجع أبو طلحة قال: ما فعل ابني؟ قالت أم سليم: هو أسكن مما كان، فقربت إليه العشاء فتعشى، ثم أصاب منها" (Muslim 2144).
Or il ne s'est pas agi, ici, de faire comprendre de façon subtile, mais au contraire d'employer une formule sibylline dont elle pensait bien que son interlocuteur n'allait pas en comprendre le sens secondaire.

On en déduit que al-Bukhârî emploie le terme at-Ta'rîdh dans un sens plus général que celui où les spécialistes en Rhétorique arabe l'emploient.
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En effet, pour al-Bukhârî, at-Ta'rîdh consiste à employer un mot possédant plusieurs sens en lui conférant volontairement un sens autre que le sens premier qu'il possède (lorsque considéré individuellement) ; cela englobe également la Tawriya, où – tout au contraire du Ta'rîdh tel que défini par les spécialistes de la Rhétorique arabe – le locuteur cherche à ce que son interlocuteur ne saisisse pas le sens réel qu'il a voulu signifier (soit le cas 2.e ci-après).

Ce sens plus général est en fait le sens avec lequel Omar ibn ul-Khattâb et 'Imrân ibn Hussayn ont employé le terme "Ma'ârîdh" : ces deux Compagnons (que Dieu les agrée) ont en effet dit : "عن ابن عمر عن عمر رضي الله عنه (فيما أرى شك أبي) أنه قال: "حسب امرئ من الكذب أن يحدث بكل ما سمع." قال: وفيما أرى قال: قال عمر: "أما في المعاريض ما يكفي المسلم الكذب" (al-Bukhârî dans Al-Adab ul-muf'rad, n° 884). "عن مطرف قال: صحبت عمران بن حصين من الكوفة إلى البصرة، فقل منزل ينزله إلا وهو ينشدني شعرا، وقال: "إن في المعاريض لمندوحة عن الكذب" (Ibid., n° 857, 885).

Ci-après ce que l'on peut détailler sur le sujet...

At-Ta'rîdh (tel qu'employé par al-Bukhârî) consiste à employer un mot qui possède plusieurs sens, en lui conférant volontairement un sens autre que le sens premier qu'il possède (ce sens premier étant déterminé par le 'Urf, qu'il soit Khâss ou 'Âmm).

Et at-Ta'rîdh (tel qu'employé par al-Bukhârî) englobe les cas suivants, selon que le terme, lorsque employé en étant intégré au reste de la phrase prononcée par le locuteur, selon - donc - que ce terme... :

2.a) ... désigne de façon évidente (à près de 90%) (واضح), comme sens voulu par le locuteur, pour la plupart des interlocuteurs : le sens autre que le sens premier du terme lorsqu'il est utilisé seul ; c'est la présence de l'indice qui détermine que ce sens autre est le sens voulu. C'est le cas des exemples suivants, avec comme outils :
--- l'emploi d'une métonymie (majâz mursal) : "وَاسْأَلِ الْقَرْيَةَ الَّتِي كُنَّا فِيهَا" : "Et questionne la cité dans laquelle nous nous trouvions" (Coran 12/82) pour dire : "les habitants de la cité" (alors que dans le verset suivant le même terme est employé avec son sens propre : "وَإِذْ قُلْنَا ادْخُلُواْ هَذِهِ الْقَرْيَةَ فَكُلُواْ مِنْهَا حَيْثُ شِئْتُمْ رَغَداً وَادْخُلُواْ الْبَابَ سُجَّداً" : Coran 2/58) ;
--- l'emploi d'une métaphore (tashbîh balîgh) : "عن أنس، قال: كان النبي صلى الله عليه وسلم أحسن الناس، وأجود الناس، وأشجع الناس. ولقد فزع أهل المدينة ذات ليلة، فانطلق الناس قبل الصوت. فاستقبلهم النبي صلى الله عليه وسلم قد سبق الناس إلى الصوت وهو يقول: "لن تراعوا! لن تراعوا!"؛ وهو على فرس لأبي طلحة عري ما عليه سرج، في عنقه سيف؛ فقال: "لقد وجدته بحرا" أو: "إنه لبحر" (al-Bukhârî, 5686, Muslim 2307 ; dans d'autres versions : "لم تراعوا، لم تراعوا") : vu que le cheval qu'il avait emprunté à Abû Tal'ha ne fatiguait pas beaucoup et était capable de galoper longuement, le Prophète (sur lui soit la paix) l'a comparé à la mer, dont le mouvement est incessant ;

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2.b) ... désigne de façon très probable (75%), comme sens voulu par le locuteur, pour la plupart des interlocuteurs : le sens autre que le sens premier du terme lorsqu'il est utilisé seul ; cependant, l'usage, ou l'indice, indique que c'est ce sens qui est le sens voulu.
----- Et le terme est un Kinâya. Ainsi, Dieu dit : "وَإِن كُنتُم مَّرْضَى أَوْ عَلَى سَفَرٍ أَوْ جَاء أَحَدٌ مِّنكُم مِّن الْغَآئِطِ أَوْ لَمَسْتُمُ النِّسَاء فَلَمْ تَجِدُواْ مَاء فَتَيَمَّمُواْ صَعِيدًا طَيِّبًا فَامْسَحُواْ بِوُجُوهِكُمْ وَأَيْدِيكُمْ" : "Et si vous êtes malades [et ne devez donc pas utiliser l'eau], ou en voyage – (alors que) l'un de vous revient du lieu creux, ou que vous avez touché les femmes – et que vous ne trouvez pas d'eau, alors dirigez-vous vers une terre pure, et alors passez vos mains sur vos visages et vos bras" (Coran 4/43 : d'après la qirâ'ah de Hamza et de al-Kissâ'ï). Ce verset évoque-t-il le fait de toucher de la main par exemple la main d'une femme, fût-elle son épouse (cette interprétation impliquant que cela annulerait les petites ablutions) ? ou bien évoque-t-il seulement : les relations intimes avec son épouse (cette seconde interprétation impliquant que cette formule évoque quelque chose qui annule les grandes ablutions) ? Ibn Abbâs a affirmé que c'est la seconde interprétation qui est correcte ;
--- Il y a emploi d'une métaphore directe (isti'âra) : "عن أنس بن مالك رضي الله عنه، قال: أتى النبي صلى الله عليه وسلم على بعض نسائه ومعهن أم سليم، فقال: "ويحك يا أنجشة، رويدك سوقا بالقوارير." قال أبو قلابة: "فتكلم النبي صلى الله عليه وسلم بكلمة لو تكلم بها بعضكم لعبتموها عليه، قوله: سوقك بالقوارير" : "Attention, Anjasha. Doucement, ta conduite des cristaux" (rapporté par al-Bukhârî dans son Jâmi' Sahîh, 5797, Muslim, 2323) : le terme "les cristaux" / "les bouteilles" désigne "les femmes" ; il y a eu en amont une comparaison : les femmes ont été comparées à des créatures en cristal, à cause de la délicatesse de leur constitution physique. Le Prophète voulait dire à Anjasha de ne pas faire avancer trop vite les montures (des dromadaires, dont il pressait les pas par ses chants), de crainte que les femmes - qui sont de constitution physique plus délicate - présentes dans les palanquins ne tombent du haut de ces montures, ou ne se cognent contre les parois de ces palanquins ;

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2.c) ... désigne à égalités probables (50%), comme sens voulu par le locuteur, dans l'esprit de l'interlocuteur : le sens littéral, et le sens kinâ'ï. Cela parce que la formule elle-même peut vouloir dire l'un ou l'autre. Le terme est un Kinâya.
----- "الحقي بأهلك" a été employé avec son sens littéral ("Pars chez ta famille") par Ka'b ibn Mâlik : "فقال: إن رسول الله صلى الله عليه وسلم يأمرك أن تعتزل امرأتك، فقلت: أطلقها؟ أم ماذا أفعل؟ قال: لا، بل اعتزلها ولا تقربها، وأرسل إلى صاحبي مثل ذلك، فقلت لامرأتي: الحقي بأهلك، فتكوني عندهم، حتى يقضي الله في هذا الأمر" (al-Bukhârî, 4156), mais avec son sens kinâ'ï ("Nous sommes maintenant divorcés"par le prophète Ismaël (que la paix soit sur lui) : "ذاك أبي، وقد أمرني أن أفارقك، الحقي بأهلك" (al-Bukhârî, 3184) et par le prophète Muhammad (sur lui soit la paix) : "عن عائشة، رضي الله عنها: أن ابنة الجون لما أدخلت على رسول الله صلى الله عليه وسلم ودنا منها، قالت: أعوذ بالله منك. فقال لها: "لقد عذت بعظيم، الحقي بأهلك" (al-Bukhârî, 4955) ;

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2.d) ... désigne de façon moins évidente (khafî) (25%), comme sens voulu par le locuteur, pour l'interlocuteur lambda, le sens autre que le sens premier ; et le locuteur a bien voulu cette moindre évidence dans la désignation (par exemple pour pouvoir, lorsque questionné ultérieurement, contester avoir voulu dire ce qu'il a pourtant bien voulu dire) ;
----- l'outil utilisé ici est parfois une Ta'rîdh au sens où les spécialistes de la Rhétorique arabe l'entendent : "عن أبي سعيد الخدري، قال: خطب النبي صلى الله عليه وسلم فقال: "إن الله خير عبدا بين الدنيا وبين ما عنده فاختار ما عند الله"، فبكى أبو بكر الصديق رضي الله عنه، فقلت في نفسي ما يبكي هذا الشيخ؟ إن يكن الله خير عبدا بين الدنيا وبين ما عنده، فاختار ما عند الله، فكان رسول الله صلى الله عليه وسلم هو العبد، وكان أبو بكر أعلمنا، قال: "يا أبا بكر لا تبك، إن أمن الناس علي في صحبته وماله أبو بكر، ولو كنت متخذا خليلا من أمتي لاتخذت أبا بكر، ولكن أخوة الإسلام ومودته، لا يبقين في المسجد باب إلا سد، إلا باب أبي بكر" : Le Prophète (sur lui soit la paix) dit, lors de son discours qui devait s'avérer être le dernier de sa vie terrestre : "Il y a un serviteur (de Dieu) à qui Dieu a donné de choisir entre ce qu'il veut de la fleur de ce monde et ce qui se trouve auprès de Lui ; (ce serviteur) a choisi ce qui se trouve auprès de Dieu". Abû Bakr pleura alors et s'exclama : "Nous donnons pour toi nos pères, nos mères, nos personnes et nos biens !" (Abû Sa'îd devait raconter : "Nous fûmes alors étonnés de la réaction de Abû Bakr : le Prophète raconte que Dieu a donné le choix à un homme, et lui pleure et dit : "Nous donnons pour toi nos pères et mères !" En fait cet homme dont le Prophète parlait, c'était lui-même, et Abû Bakr le comprit.") Le Prophète dit alors : "Abû Bakr, ne pleure pas" (al-Bukhârî, Muslim). An-Nawawî écrit que c'est volontairement que le Prophète a employé cette formule sibylline : "وإنما قال صلى الله عليه وسلم إن عبدا وأبهمه لينظر فهم أهل المعرفة ونباهة أصحاب الحذق" (Shar'h Muslim) ;
----- l'outil utilisé peut également être une métaphore de type isti'âra tamthîliyya : Abû Lu'lu avait laissé entendre à Omar ibn ul-Khattâb (que Dieu l'agrée) qu'il allait lui faire du mal, et ce par une phrase volontairement sibylline, juste suffisante pour lui instiller le doute. En effet, à Omar qui lui demanda s'il était vrai qu'il savait fabriquer un moulin à vent, Abû Lu'lu fit cette réponse : "Je ferai pour toi un moulin dont les gens parleront" ; Omar dit alors aux gens présents : "Cet esclave m'a menacé" : "فضرب عليه المغيرة كل شهر مائة. فشكى إلى عمر شدة الخراج، فقال له: "ما خراجك بكثير في جنب ما تعمل." فانصرف ساخطا. فلبث عمر ليالي. فمر به العبد فقال: "ألم أحدث أنك تقول لو أشاء لصنعت رحى تطحن بالريح؟" فالتفت إليه عابسا فقال: "لأصنعن لك رحى يتحدث الناس بها!" فأقبل عمر على من معه. فقال: "توعدني العبد." فلبث ليالي" (Fat'h ul-bârî) ;

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2.e) ... dissimule volontairement de l'esprit de l'interlocuteur le sens que le locuteur a voulu faire signifier à ce terme, et ce par le biais d'une phrase ambivalente, dont le locuteur sait qu'il est très peu probable (5%) que l'interlocuteur en comprendra le sens secondaire (qui est le sens voulu par le locuteur) (tawriya) ;
----- questionné par un tyran quant à l'identité de Sarah (qui est en réalité son épouse), le prophète Abraham répondit qu'elle était sa "sœur""لم يكذب إبراهيم عليه السلام إلا ثلاث كذبات، ثنتين منهن في ذات الله عز وجل، قوله {إني سقيم}. وقوله: {بل فعله كبيرهم هذا}. وقال: بينا هو ذات يوم وسارة، إذ أتى على جبار من الجبابرة، فقيل له: إن ها هنا رجلا معه امرأة من أحسن الناس، فأرسل إليه فسأله عنها، فقال: من هذه؟ قال: أختي، فأتى سارة قال: يا سارة: ليس على وجه الأرض مؤمن غيري وغيرك، وإن هذا سألني فأخبرته أنك أختي، فلا تكذبيني" (al-Bukhârî, 3179) ; dans une autre version : ""لم يكذب إبراهيم النبي عليه السلام قط إلا ثلاث كذبات، ثنتين في ذات الله، قوله: إني سقيم، وقوله: بل فعله كبيرهم هذا، وواحدة في شأن سارة، فإنه قدم أرض جبار ومعه سارة، وكانت أحسن الناس، فقال لها: إن هذا الجبار، إن يعلم أنك امرأتي يغلبني عليك، فإن سألك فأخبريه أنك أختي، فإنك أختي في الإسلام، فإني لا أعلم في الأرض مسلما غيري وغيرك" (Muslim 2371) ;
----- questionné quant à l'identité de celui qui l'accompagnait (c'était le Prophète, sur lui soit la paix), lors qu'ils étaient en train d'émigrer à Médine, Abû Bakr répondait : "Cet homme me guide sur le chemin" : son interlocuteur croyait qu'il parlait du chemin du voyage, alors que lui parlait du chemin spirituel et moral : "عن أنس بن مالك رضي الله عنه قال: أقبل نبي الله صلى الله عليه وسلم إلى المدينة وهو مردف أبا بكر، وأبو بكر شيخ يعرف، ونبي الله صلى الله عليه وسلم شاب لا يعرف، قال: فيلقى الرجل أبا بكر فيقول يا أبا بكر من هذا الرجل الذي بين يديك؟ فيقول: هذا الرجل يهديني السبيل، قال: فيحسب الحاسب أنه إنما يعني الطريق، وإنما يعني سبيل الخير" (al-Bukhârî, 3699) ;
----- venant de rentrer de voyage, Abû Tal'ha questionna son épouse "Comment va l'enfant ?" (car il était malade). Ummu Sulaym lui répondit : "Il est devenu tranquille, et j'espère qu'il a trouvé le repos" ; elle voulait que son mari soit complètement reposé avant de lui annoncer avec sagesse la terrible nouvelle : "عن أنس بن مالك رضي الله عنه، قال: اشتكى ابن لأبي طلحة، قال: فمات، وأبو طلحة خارج، فلما رأت امرأته أنه قد مات هيأت شيئا، ونحته في جانب البيت، فلما جاء أبو طلحة قال: كيف الغلام؟ قالت: قد هدأت نفسه، وأرجو أن يكون قد استراح. وظن أبو طلحة أنها صادقة. قال: فبات، فلما أصبح اغتسل، فلما أراد أن يخرج أعلمته أنه قد مات" (al-Bukhârî, 1239) ; dans une autre version : "عن أنس بن مالك، قال: كان ابن لأبي طلحة يشتكي، فخرج أبو طلحة، فقبض الصبي، فلما رجع أبو طلحة قال: ما فعل ابني؟ قالت أم سليم: هو أسكن مما كان، فقربت إليه العشاء فتعشى، ثم أصاب منها" (Muslim 2144).

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"Al-Kinâya" (en tant que ism sifa) désigne un terme : l'euphémisme : c'est le sens où l'on entend ce terme "Kinâya" en Rhétorique arabe. Les outils utilisés dans les cas 2.b, 2.c, 2.d et 2.e sont parfois des termes Kinâya, d'autres fois pas.
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Par contre, "al-Kinâya" existe également en tant que masdar : il s'agit de l'action de celui qui utilise tel outil. La définition suivante que al-Jurjânî donne de al-Kinâya peut s'appliquer ici : "هي أن يعبر عن شيء، لفظًا كان أو معنى، بلفظ غير صريح في الدلالة عليه، لغرض من الأغراض، كالإبهام على السامع*، نحو: جاء فلان، أو لنوع فصاحة، نحو: فلان كثير الرماد، أي كثير القِرَى" (At-Ta'rîfât). [اي على بعض من السامعين *] Cela rejoint alors la Ta'rîdh tel que les spécialistes de la Rhétorique arabe entendent ce terme (voir I, plus haut).
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Enfin, "al-Kinâya" existe également (de nouveau en tant que ism sifa) avec un autre sens, pour qualifier le terme dont le sens n'est pas évident : il s'agit cette fois du sens où les Ussûliyyûn entendent ce terme "Kinâya" : il englobe alors seulement les cas 2.c et 2.d ; cependant, ces cas sont systématiquement des Kinâya, c'est-à-dire, cette fois, des Muhtamal.
Al-Jurjânî a défini cela ainsi : "الكناية: كلام استتر المراد منه بالاستعمال، وإن كان معناه ظاهرًا في اللغة، سواء كان المراد به الحقيقة أو المجاز، فيكون تردد فيما أريد به؛ فلا بد من النية، أو ما يقوم مقامها من دلالة الحال، كحال مذاكرة الطلاق، ليزول التردد ويتعين ما أريد منه" (
At-Ta'rîfât). Et ainsi : "الكناية: ما استتر معناه، لا يعرف إلا بقرينة زائدة. ولهذا سَمُّوا التاء في قولهم: أنت، والهاء، في قولهم: إنه، حرف كناية، وكذا قولهم: هو" (At-Ta'rîfât).

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Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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