Pourquoi Dieu a-t-Il voulu que l'homme existe, alors qu'il y avait déjà les anges, qui font sans cesse Sa louange ?

A la question "Pourquoi l'univers existe-t-il ?", nous répondons : "Pour permettre que humains et djinns vivent en son sein "l'épreuve de la vie terrestre", laquelle fera apparaître qui adore Dieu et qui ne le fait pas."
Et à la question : "Et pourquoi Dieu a-t-il créé humains et djinns ?", nous répondons : "Pour qu'ils L'adorent".
(Ces deux questions ont été évoquées dans d'autres articles :
--- Dieu regarde-t-Il vraiment les croyances, les pensées et les actions de l'homme, alors que celui-ci n'est qu'une poussière dans l'immensité du cosmos ? ;
--- Dieu a dit : "Et Je n'ai créé les djinns et les humains que pour qu'ils M'adorent" (Coran 51/56).)

Voilà le sens de cette création : la finalité de l'univers est de rendre possible la mise à l'épreuve des hommes et des djinns ; et la finalité de l'homme est d'adorer Dieu.

Mais une autre question peut se poser : Pourquoi le Créateur a-t-Il voulu que ces deux types de créatures existent, à qui Il demande de L'adorer et à qui, parallèlement, Il donne la possibilité de le faire et de ne pas le faire (chose pour laquelle Il a créé tout l'univers) ? Qu'est-ce que cela aurait changé si ces deux créatures n'existaient pas ?

"وَإِذْ قَالَ رَبُّكَ لِلْمَلاَئِكَةِ إِنِّي جَاعِلٌ فِي الأَرْضِ خَلِيفَةً قَالُواْ أَتَجْعَلُ فِيهَا مَن يُفْسِدُ فِيهَا وَيَسْفِكُ الدِّمَاء وَنَحْنُ نُسَبِّحُ بِحَمْدِكَ وَنُقَدِّسُ لَكَ قَالَ إِنِّي أَعْلَمُ مَا لاَ تَعْلَمُونَ" (Coran 2/30).

Dans ce verset, Dieu nous relate que lorsqu'Il a informé les Anges qu'Il allait placer sur la Terre un khalîfa – l'homme –, ceux-ci Lui ont demandé : "Vas-Tu mettre sur la (Terre) qui y fera le mal et répandra le sang ? Alors que nous, nous proclamons Ta pureté avec Ta Louange, et nous Te glorifions" (Coran 2/30). Il ne s'agissait pas, de la part de ces Anges, d'une désapprobation de ce que Dieu allait faire, mais de l'expression de leur étonnement – isti'jâb – et d'une recherche de confirmation auprès de Dieu. Par ailleurs, ils se sont présentés comme plus susceptibles de remplir cette fonction de khalîfa sur Terre (Bayân ul-qur'ân).

Toujours dans ce même verset 2/30, Dieu nous relate qu'Il a alors répondu aux Anges : "Je sais ce que vous ne savez pas"  (Coran 2/30).
Les Anges étaient déjà présents, adorant Dieu de façon plus importante que les hommes dans leur ensemble ne pourront jamais le faire. Par ailleurs, comme l'a écrit Ibn Taymiyya, la nature qu'ont les humains durant leur vie terrestre est de degré moindre que celle qu'ont les anges (fin de citation). Pourquoi donc Dieu créait-il quand même les hommes et allait leur donner la gérance de la Terre ?
En fat, le mal que les Anges ont évoqué comme allant fatalement voir le jour sur Terre de la part des hommes, cela est effectivement un mal (certains Commentateurs pensent que les Anges ont compris cela d'eux-mêmes) ; et il est vrai qu'eux, les Anges, ne font pas de mal. Cependant, ce mal constitue une mauvaise utilisation, de la part des hommes, de la liberté d'action (kasb) dont ils bénéficient ; et ce mal est une mafsada juz'iyya, alors que le bien global qui ressortira de la présence de l'humanité constitue une maslaha kulliyya, dépassant donc cette mafsada juz'iyya.

Quel est cette maslaha kulliyya ? Et quelles sont les spécificités des hommes, et, dans une moindre mesure, des djinns, pour que Dieu ait choisi de les créer tels qu'ils sont, pour les faire vivre sur la terre, malgré le mal qu'il y feront fatalement ?

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I) Al-Ma'rifa ou la Connaissance : Une compréhension particulière, chez l'homme (qui ne peut pas voir Dieu en ce monde), de la Grandeur de Dieu, par la réflexion sur Ses Signes :

Un verset du Coran se lit ainsi : "وَمَا خَلَقْتُ الْجِنَّ وَالْإِنسَ إِلَّا لِيَعْبُدُونِ" : "Et Je n'ai créé les djinns et les humains que pour qu'ils M'adorent" (Coran 51/56) ; Mujâhid, Qatâda et Ibn Jurayj commentent cela ainsi : "لِيَعْرِفُوْنِيْ" : "pour qu'ils Me connaissent" (commentaire cité dans un autre article) ; at-Tha'labî dit : "Si Dieu ne les avait pas créés [les djinns et les humains], Son existence et Son unicité n'auraient pas été connues" : "مجاهد: إلا ليعرفوني. الثعلبي: وهذا قول حسن، لأنه لو لم يخلقهم، لما عرف وجوده وتوحيده" (Tafsîr ul-Qurtubî, commentaire du verset coranique 51/56-58). (Nous citons cependant ce propos de ces ulémas en l'appréhendant comme désignant l'adhésion au monothéisme pur et complet, et non comme désignant seulement la simple croyance en l'existence du Créateur, que même les polycultistes possèdent : Tafsîr ul-Qurtubî 17/38, Majmû' ul-fatawâ 8/50-51.)

Comment ath-Tha'labî a-t-il pu dire que l'Existence et l'Unicité de Dieu n'auraient pas été connues s'Il n'avait pas créé les djinns et les hommes, alors que les anges connaissent bien l'existence et l'unicité de Dieu, et ont foi en Lui ?

La réponse est que les Anges, dotés de raison, connaissent effectivement l'Existence, l'Unicité, la Puissance et le caractère Sublime de Dieu. Cependant, peut-on parler d'une "connaissance" au sens profond du terme, quand on sait que les anges ont celle-ci de façon naturelle et "programmée" ?
Par contre, les djinns et les humains, eux, bien que possédant au fond d'eux-mêmes une prédisposition naturelle à cela (fit'ra), doivent faire un effort sur eux-mêmes pour approfondir leur connaissance de "Celui qui est Caché" et se mettre en communion avec Lui. C'est ainsi qu'ils apprennent à mieux Le connaître.
Sa capacité à apprendre, découvrir et mémoriser a transparu lors de l'enseignement de tous les noms à Adam.

En effet, l'homme (et peut-être aussi le djinn) possède(nt) la capacité de découvrir et d'apprendre ; par là-même de réfléchir au sujet de l'Existence de Celui qui l'a créée, sur Son Unicité, sur Sa Puissance, sur Sa Sagesse. Ceci, ensuite, lui (ou leur) permet de méditer sur les Attributs de Dieu, de se conformer à ce qu'Il veut de lui (ou d'eux), et de se rapprocher spirituellement de Lui.

L'homme possède, en sus de sa raison, une "âme" (sans compter par ailleurs son corps), et la présence de ces deux constituants que sont sa raison et son âme lui confère une capacité unique à connaître la magnificence de Dieu et à se rapprocher spirituellement de Lui.

L'homme n'est certes qu'une poussière dans l'immensité de l'univers, mais c'est une poussière doté d'une pensée et c'est une poussière dotée d'un coeur.

Dieu aime que l'on fasse Ses Eloges : "Personne n'aime plus que l'on fasse ses éloges que Dieu ; c'est à cause de cela qu'Il a promis le Paradis" [à qui fait Ses éloges] : "عن المغيرة، قال: قال سعد بن عبادة: "لو رأيت رجلا مع امرأتي لضربته بالسيف غير مصفح". فبلغ ذلك رسول الله صلى الله عليه وسلم فقال: "أتعجبون من غيرة سعد؟ والله لأنا أغير منه. والله أغير مني؛ ومن أجل غيرة الله حرم الفواحش ما ظهر منها وما بطن. ولا أحد أحب إليه العذر من الله؛ ومن أجل ذلك بعث المبشرين والمنذرين. ولا أحد أحب إليه المدحة من الله؛ ومن أجل ذلك وعد الله الجنة" (al-Bukhârî, 6980, Muslim, 1499) ; "ومن أجل ذلك": أي: كون المدح محبوبا له، "وعد الله الجنة" أي: لمن مدحه وأطاعه، ولهذا كان {وآخر دعواهم أن الحمد لله رب العالمين" (Mirqât ul-mafâtîh).
Or on ne fait les éloges que de Celui dont on connaît et reconnaît la Perfection.

Et si parmi les Noms de Dieu il y a ceux qui concernent Sa Perfection, il y a aussi que Dieu est, pour l'homme, Être du Ghayb (de ce qui est caché de lui).

Dieu a donc voulu qu'il existe deux créatures capables de connaître quelque chose de Sa Perfection, bien que Lui-même ne soit pas visible par eux ; capables d'apprendre à Le connaître ; et capables, au fil de leur vie et de leur temps, de se rapprocher spirituellement de Lui.
La finalité de cela est que, dans l'autre monde, Il honore alors ces créatures par le fait de les laisser contempler Sa Face
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Ibn ul-Qayyim écrit :
"Connaître Dieu est de deux types.
Il y a la connaissance [que l'on a de Dieu] par reconnaissance (iqrâr) ; c'est celle que partagent tous [ceux qui croient en Son Existence] : le pieux et celui qui ne l'est pas, l'obéissant et le désobéissant.
Et il y a la connaissance [que l'on a de Dieu] qui entraîne la pudeur par rapport à Lui, l'amour de Lui, la relation du cœur avec Lui, l'envie de Le rencontrer, la crainte par rapport à Lui, l'habitude avec Lui, le fait de se détourner des créatures [pour se tourner] vers Lui ; cela c'est la connaissance [de Lui] qui est particulière, qui a cours dans le langage du qawm [= les soufis orthodoxes]. (…) Celui de toute la création qui Le connaît le plus a dit : "Je ne cerne pas une éloge faite à Toi ; Tu es comme Tu as fait Toi-même Ton éloge" [Muslim, 879, et d'autres] ; et il a informé que le Très Pur lui inspirera le jour de la résurrection, parmi Ses louanges, ce qu'il ne connaît pas maintenant [al-Bukhârî, 7072].
Cette connaissance [du second type] a deux portes. La première porte est la réflexion au sujet de tous les versets (âyât) du Coran, et la compréhension particulière que l'on tient de Dieu et de Son Messager (que Dieu prie sur lui et le protège). La seconde porte est la réflexion au sujet des signes visibles (âyât) de Dieu, et au sujet de Sa Sagesse à leur sujet, de Sa Puissance, de Sa Bonté, de Sa Bienfaisance, de Sa Justice et du fait qu'Il S'occupe de Sa création avec équité. (...)"
:
"فصل: معرفة الله سبحانه نوعان:
معرفة إقرار وهي التي اشترك فيها الناس
البر والفاجر والمطيع والعاصي.
والثاني معرفة توجب الحياء منه والمحبة له وتعلق القلب به والشوق إلى لقائه وخشيته والإنابة إليه والأنس به والفرار من الخلق إليه؛ وهذه هي المعرفة الخالصة الجارية على لسن القوم. وتفاوتهم فيها لا يحصيه إلا الذي عرفهم بنفسه وكشف لقلوبهم من معرفته ما أخفاه عن سواهم؛ وكل أشار إلى هذه المعرفة بحسب مقامه وما كشف له منها. وقد قال أعرف الخلق به: "لا أحصي ثناء عليك أنت كما أثنيت على نفسك"، وأخبر أنه سبحانه يفتح عليه يوم القيامة من محامده بما لا يحسنه الآن. 

ولهذه المعرفة بابان واسعان: باب التفكر والتأمل في آيات القرآن كلها والفهم الخاص عن الله ورسوله؛ والباب الثاني التفكر في آياته المشهودة وتأمل حكمته فيها وقدرته ولطفه وإحسانه وعدله وقيامه بالقسط على خلقه. وجماع ذلك الفقه في معاني أسمائه الحسنى وجلالها وكمالها وتفرده بذلك وتعلقها بالخلق والأمر؛ فيكون فقيها في أوامره ونواهيه، فقيها في قضائه وقدره فقيها في أسمائه وصفاته؛ فقيها في الحكم الديني الشرعي، والحكم الكوني القدري. وذلك فضل الله يؤتيه من يشاء، والله ذو الفضل العظيم" (Al-Fawâ'ïd, fasl 96).

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II) As-Sabr ou la Patience par Amour : Une adoration de Dieu faite par l'homme par Amour pour Lui, malgré les tentations et les difficultés liées à sa vie sur Terre :

Les anges adorent Dieu de façon constante. Dieu Lui-même dit à leur sujet : "وَلَهُ مَن فِي السَّمَاوَاتِ وَالْأَرْضِ وَمَنْ عِندَهُ لَا يَسْتَكْبِرُونَ عَنْ عِبَادَتِهِ وَلَا يَسْتَحْسِرُونَ يُسَبِّحُونَ اللَّيْلَ وَالنَّهَارَ لَا يَفْتُرُونَ" : "Ceux qui sont auprès de Lui ne se considèrent pas trop grands pour l'Adorer, et ne s'en lassent pas ; ils proclament Sa pureté nuit et jour, ne s'interrompent pas" (Coran 21/19-20).

Cependant, l'adoration que l'homme (ainsi que le djinn) font de Dieu a ceci de particulier que eux sont sujets d'une part à de nombreuses tentations liées à leur nature, et d'autre part à de nombreuses difficultés liées à la réalité de leur vie sur Terre : il s'y trouvent certains autres humains, dont l'homme doit subvenir aux besoins – il s'agit des membres de sa proche famille – ; il s'y trouvent certains autres humains qui s'en prennent à lui et lui créent des obstacles ; enfin il fait face à un milieu naturel qui engendre certaines gênes pour lui.

L'homme doit faire alors ce qui s'appelle le Sabr, qui désigne plusieurs choses.
--- Il s'agit d'une part, bien sûr, de faire preuve de patience face aux épreuves de l'existence. Ces épreuves sont voulues par Dieu, et même si de par sa nature (tab') le croyant s'en trouve affligé, par sa raison ('aql) et par sa langue (lissân) il fait preuve de patience face à elles et s'y résigne (sabr 'alâ aqdhiyat illâh wa aqdârih).
--- Mais il s'agit aussi de faire preuve d'abnégation face aux besoins et aux désirs qui ont pour objet, ou pour cadre de réalisation, ce que Dieu n'aime pas : l'homme fait alors preuve de sabr et s'abstient, par égard pour Dieu, de donner suite à ce besoins ou ce désir (sabr 'an mahârim illâh).
--- Il s'agit enfin d'être constant dans les actions de bien, lorsque ceux-ci constituent des devoirs (makârih) et non des plaisirs (hadhdh jismânî), et qu'il s'agit de les accomplir et d'y rester constant (sabr 'alâ farâ'ïdh illâh) ; le Prophète (sur lui la paix) n'a-t-il pas dit : "عن أنس بن مالك، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "حفت الجنة بالمكاره، وحفت النار بالشهوات" : "Le Paradis a été entouré des devoirs, et le Feu de ce dont on a envie [mais qui n'est pas autorisé]" (Muslim, 2822). "عن أبي هريرة: أن رسول الله صلى الله عليه وسلم قال: "حجبت النار بالشهوات، وحجبت الجنة بالمكاره" (al-Bukhârî, 6122, Muslim, 2823).

Tout cela est inexistant chez les anges, qui ne connaissent ni épreuves liées à la vie sur Terre (malheurs, maladies, soucis), en société (inimitié de la part de semblables, oppositions, querelles), ni tiraillements entre besoins ou désirs physiques d'une part et devoirs spirituels ou éthiques d'autre part. Or les actions valent non seulement par leur nature et leur quantité, mais aussi par leur qualité et l'ampleur du sacrifice nécessaire à leur réalisation.

Cela se voit dans ce hadîth, qui parle du fait que Dieu fait, devant Ses Anges, les éloges de l'homme qui quitte son lit pour accomplir la prière de nuit, et de l'homme qui est prêt à consentir à se laisser martyriser dans le chemin de Dieu [lorsque cela est réellement institué, et non pas n'importe quand et n'importe comment : lire notre article sur le sujet] : "عن ابن مسعود، عن النبي صلى الله عليه وسلم قال: "عجب ربنا عز وجل من رجلين: رجل ثار عن وطائه ولحافه من بين أهله وحبه إلى صلاته، فيقول ربنا: "أيا ملائكتي، انظروا إلى عبدي، ثار من فراشه ووطائه ومن بين حبه وأهله إلى صلاته، رغبة فيما عندي وشفقة مما عندي"؛ ورجل غزا في سبيل الله عز وجل، فانهزموا، فعلم ما عليه من الفرار وما له في الرجوع، فرجع حتى أهريق دمه، رغبة فيما عندي، وشفقة مما عندي، فيقول الله عز وجل لملائكته: "انظروا إلى عبدي، رجع رغبة فيما عندي ورهبة مما عندي، حتى أهريق دمه" (Ahmad, 3949, hadîth hassan ; al-Baghawî in Shar'h is-Sunna : Mishkât ul-massâbîh, 1251).

Dieu dit dans le Coran : "وَالَّذِينَ صَبَرُواْ ابْتِغَاء وَجْهِ رَبِّهِمْ وَأَقَامُواْ الصَّلاَةَ وَأَنفَقُواْ مِمَّا رَزَقْنَاهُمْ سِرًّا وَعَلاَنِيَةً وَيَدْرَؤُونَ بِالْحَسَنَةِ السَّيِّئَةَ أُوْلَئِكَ لَهُمْ عُقْبَى الدَّارِ جَنَّاتُ عَدْنٍ يَدْخُلُونَهَا وَمَنْ صَلَحَ مِنْ آبَائِهِمْ وَأَزْوَاجِهِمْ وَذُرِّيَّاتِهِمْ وَالمَلاَئِكَةُ يَدْخُلُونَ عَلَيْهِم مِّن كُلِّ بَابٍ سَلاَمٌ عَلَيْكُم بِمَا صَبَرْتُمْ فَنِعْمَ عُقْبَى الدَّارِ" : "Et ceux qui auront fait Sabr par recherche de la Face de leur Seigneur, et qui (...), ceux-là auront la demeure finale : les jardins d'Eden ; ils y entreront, eux, ainsi que ceux qui en seront aptes parmi leurs parents, leurs épouses et leurs enfants. Et les Anges entreront auprès d'eux, de chaque porte, (leur disant) : "Paix sur vous à cause de ce que vous avez fait de Sabr"" (Coran 13/22-24). On voit ici que les Anges, saluant les hommes qui auront réussi l'épreuve au point d'avoir été admis au Paradis, les féliciteront pour ce Sabr qu'ils auront fait sur Terre par amour pour Dieu, sabr que eux ne sont pas amenés à faire.

Par ailleurs, s'il est vrai que l'homme commet parfois, par faiblesse, le mal, et doit alors revenir à Dieu (tawba), Lui demander pardon (istighfâr), et réparer le mal qu'il a fait (si celui-ci entraîne un besoin de réparation), ce retour et cette demande de pardon le rapproche en fait davantage encore de Dieu (mais il ne doit pas se laisser volontairement à faire le mal, justifiant celui-ci par le fait qu'il pourra ensuite demander pardon à Dieu). Dans une parole, le Prophète (que Dieu le bénisse et le salue) a dit : "عن أبي هريرة، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "والذي نفسي بيده، لو لم تذنبوا لذهب الله بكم، ولجاء بقوم يذنبون، فيستغفرون الله فيغفر لهم" : "Par Celui dans la Main de Qui mon âme se trouve, si vous ne faisiez plus aucun acte de désobéissance, Dieu vous ferait disparaître et ferait venir des gens qui Lui désobéiraient puis Lui demanderaient pardon, à qui, alors, Il accorderait Son Pardon" (Muslim, 2749). Commentant ce hadîth, at-Tîbî écrit : "لم يورد هذا الحديث مورد تسلية المنهمكين في الذنوب وقلة اختفال منهم بمواقعة الذنوب، علي ما يتوهم الغرة، فإن الأنبياء صلوات الله عليهم إنما بعثوا ليردعوا الناس عن غشيان الذنوب. بل ورد مورد البيان لعفو الله عن المذنبين، وحسن التجاوز عنهم، ليعظموا الرغبة في التوبة والاستغفار. والمعنى المراد من الحديث هو أن الله تعالي كما أحب أن يحسن إلي المحسن، أحب أن يتجاوز عن المسئ - وقد دل علي ذلك غير واحد من أسمائه الغفار، الحليم، التواب، العفو - لم يكن ليجعل للعباد شأنا واحدا كالملائكة مجبولين علي التنزه من الذنوب، بل يخلق فيهم من يكون بطبعه ميالا إلي الهوى، متفتنا بما يقتضيه، ثم يكلفه التوقي عنه، ويحذره من مداناته، ويعرفه التوبة بعد الابتلاء، فإن وفي فأجره علي الله، وإن أخطأ الطريق فالتوبة بين يديه. فأراد النبي صلى الله عليه وسلم: إنكم لو كنتم مجبولين علي ما جبلت عليه الملائكة، لجاء الله بقوم يتأتى منهم الذنب، فيتحلي عليهم بتلك الصفات علي مقتضى الحكمة؛ فإن الغفار يستدعي مغفورا، كما أن الرزاق يستدعي مرزوقا" : "(…) (Dieu) n'en était pas à conférer à (tous) les serviteurs un seul état comme (c'est le cas) des anges, naturellement rendus purs de faire des péchés. Il a plutôt créé parmi eux [une créature telle que les humains] qui, de par sa nature, incline beaucoup vers son désir, recherchant différentes façons dans la (satisfaction de) ce que (ce désir) demande, puis (Il) l'a chargée de se préserver de (satisfaire ce désir comme elle le veut), l'a mise en garde contre le fait de s'en approcher, et lui fait connaître le retour à Dieu après avoir été tentée (et avoir succombé) ; si donc elle reste fidèle, Dieu S'est chargée de la récompenser ; et si elle a fauté, alors le repentir est devant elle. Le Prophète (sur lui soit la paix) a donc voulu dire : "Si vous étiez dotés d'une nature semblable à celle dont sont dotés les anges, Dieu ferait venir des gens de qui le péché se produit, puis Il se manifesterait à leur égard par ces Attributs, conformément à la Sagesse. Car (le Nom) "Pardonnant" entraîne un "pardonné", comme (le Nom) "Pourvoyeur" entraîne un "pourvu""" (Shar'h ut-Tîbî 'alâ Mishkât il-massâbîh, n° 2328). Le fait est que si Dieu possède de toute éternité ("azal") – avant d'avoir créé la création – les Attributs de Perfection, certains de Ses Attributs se manifestent par rapport à la création : ainsi en est-il des Attributs de Pardon (maghfira), de Bonté (karam), etc. Il a donc voulu créer deux créatures (les djinns et les humains) qui sont capables de faire le bien mais qui font aussi des fautes, afin qu'elles Lui demandent pardon, et qu'Il manifeste Ses Attributs de Bonté et de Magnanimité en leur accordant Son Pardon.

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III) Al-Khilâfa, ou la Gérance : une responsabilité de l'homme par rapport à la Terre et tous ceux qui y vivent :

Ce sont le devoir de sabr ainsi que les capacités d'assimilation intellectuelle et de compréhension qui ont rendu possible pour l'homme (à la différence du djinn) la notion de gérance sur la Terre : c'est bien parce que l'homme est capable de faire le mal mais qu'il doit faire le bien, et parce qu'il est capable d'apprendre et d'analyser que l'homme a été nommé gérant sur la Terre : il agit et interagit avec ce qui l'entoure (cliquez ici et ici).

Cette gérance constitue elle-même une partie de l'adoration que l'homme doit faire de Dieu ; mais ce type d'adoration de Dieu est particulier à l'homme.

Dieu a donc voulu aussi qu'il existe une créature à qui Il confierait la gérance de la Terre (ceci constituant pour cette créature une épreuve supplémentaire), et à qui Il demanderait ensuite des comptes, en tant que Propriétaire, pour la façon dont elle aura concrètement géré ceux dont elle avait la responsabilité. Les anges ne peuvent faire cela.

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Rappel :

Ce qu'il faut rappeler ici, c'est que Dieu ne retire aucun avantage du fait que des humains et des djinns remplissent l'objectif pour lequel Il les a créés : ni du fait qu'ils reconnaissent Son existence et Son unicité, ni du fait qu'ils observent Ses normes, ni du fait qu'ils établissent un lien profond avec Lui. De même, ne diminue en rien Sa grandeur le fait que certains hommes et djinns Le renient, ou bien croient en Lui au fond de leur cœur mais, en amour ou en actes, se détournent de Lui.

Le prophète Muhammad (sur lui la paix) nous a relaté que Dieu a dit :
"O Mes serviteurs, J'ai interdit l'injustice sur Moi-même, et l'ai rendue interdite entre vous, ne soyez donc pas injustes les uns envers les autres.
O Mes serviteurs, chacun de vous se fourvoie, sauf celui que Je guide ; demandez-Moi donc la guidance, Je vous guiderai.
O Mes serviteurs, chacun de vous est affamé, sauf celui que Je nourris ; demandez-Moi donc de la nourriture, Je vous nourrirai.
O Mes serviteurs, chacun de vous est nu, sauf celui que je revêts ; demandez-donc des vêtements, Je vous vêtirai.
O Mes serviteurs, vous commettez des fautes nuit et jour, et Je pardonne tous les péchés ; demandez-Moi donc pardon, Je vous pardonnerai.
O Mes serviteurs, vous ne pouvez parvenir à Me faire du tort, et vous ne pouvez parvenir à M'apporter un profit. O Mes serviteurs, si vous tous, depuis le premier jusqu'au dernier, humains et djinns, aviez le cœur du plus pieux d'entre vous, cela n'augmenterait rien dans Ma Royauté. O Mes serviteurs, si vous tous, depuis le premier jusqu'au dernier, humains et djinns, aviez le cœur du plus mauvais, cela ne diminuerait rien dans Ma Royauté.
(...)"
:
"عن سعيد بن عبد العزيز، عن ربيعة بن يزيد، عن أبي إدريس الخولاني، عن أبي ذر، عن النبي صلى الله عليه وسلم، فيما روى عن الله تبارك وتعالى أنه قال: "يا عبادي إني حرمت الظلم على نفسي، وجعلته بينكم محرما، فلا تظالموا. يا عبادي كلكم ضال إلا من هديته، فاستهدوني أهدكم. يا عبادي كلكم جائع، إلا من أطعمته، فاستطعموني أطعمكم. يا عبادي كلكم عار، إلا من كسوته، فاستكسوني أكسكم. يا عبادي إنكم تخطئون بالليل والنهار، وأنا أغفر الذنوب جميعا، فاستغفروني أغفر لكم. يا عبادي إنكم لن تبلغوا ضري فتضروني ولن تبلغوا نفعي، فتنفعوني. يا عبادي لو أن أولكم وآخركم وإنسكم وجنكم كانوا على أتقى قلب رجل واحد منكم، ما زاد ذلك في ملكي شيئا. يا عبادي لو أن أولكم وآخركم وإنسكم وجنكم كانوا على أفجر قلب رجل واحد، ما نقص ذلك من ملكي شيئا. يا عبادي لو أن أولكم وآخركم وإنسكم وجنكم قاموا في صعيد واحد فسألوني فأعطيت كل إنسان مسألته، ما نقص ذلك مما عندي إلا كما ينقص المخيط إذا أدخل البحر. يا عبادي إنما هي أعمالكم أحصيها لكم، ثم أوفيكم إياها، فمن وجد خيرا، فليحمد الله ومن وجد غير ذلك، فلا يلومن إلا نفسه". قال سعيد: كان أبو إدريس الخولاني إذا حدث بهذا الحديث، جثا على ركبتيه" (Muslim, 2577).

Les djinns et les humains ont la capacité de connaître Dieu, dans le sens où nous l'avons évoqué plus haut ; Dieu les a créés avec cet objectif et a assigné à leur existence cette finalité, car Il aime se faire connaître et qu'on fasse Ses éloges.
Mais le fait qu'un nombre d'entre eux remplissent l'objectif qu'Il a assigné à la création de toute leur espèce n'augmente en rien Sa Grandeur.

Il existe donc ici deux dimensions :
– l'une est que Dieu aime qu'on Lui soit reconnaissant et donc qu'on Le reconnaisse en apportant foi en Lui, et n'aime pas qu'on Le renie (kufr) ;
– l'autre est que, Dieu n'ayant besoin de personne, Lui être reconnaissant ne Lui confère aucun plus, et Le renier ne diminue en rien Sa Grandeur.

Le verset suivant résume à lui seul ces deux points :
"إِن تَكْفُرُوا فَإِنَّ اللَّهَ غَنِيٌّ عَنكُمْ وَلَا يَرْضَى لِعِبَادِهِ الْكُفْرَ وَإِن تَشْكُرُوا يَرْضَهُ لَكُمْ" :
"Si vous reniez (takfurû), [sachez que] Dieu n'a pas besoin (ghanî) de vous. Et [sachez aussi, cependant, qu']Il n'agrée pas (lâ yardhâ), pour Ses serviteurs, le reniement (al-kufr).
Et si vous êtes reconnaissants (tashkurû), Il agrée (yardha) cette (reconnaissance venant de) vous"
(Coran 39/7)
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"إِنَّ اللَّهَ لَغَنِيٌّ عَنِ الْعَالَمِينَ" : "Dieu n'a pas besoin des mondes" (Coran 29/6).

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Ibn ul-Jawzî écrit :

"Nous n'avons été créés que pour vivre dans la compagnie du Créateur, Le connaissant, conversant avec Lui, et le contemplant, et cela dans le séjour éternel."

Ensuite Ibn ul-Jawzî compare la vie de ce monde à une école primaire dans laquelle les enfants sont tous admis afin de s'instruire et de s'éduquer. Et il décrit les différents types des élèves à l'école primaire et ce qu'ils en retirent en fin de scolarité (chahuteurs et sots / n'apprenant rien / apprenant difficilement / intelligents et appliqués), nous amenant au parallèle avec les humains lors de leur vie terrestre et ce qu'ils en ont donc retiré lors de leur départ de ce monde.

"فصل: منازل المؤمنين في الآخرة على قدرهم.

إنما خلقنا لنحيا مع الخالق في معرفته ومحادثته ورؤيته في البقاء الدائم؛ وإنما ابتدئ كوننا في الدنيا لأنها في مثال مكتب، نتعلم فيه الخط والأدب، ليصلح الصبي عند بلوغه للرتب.
فمن الصبيان بعيد الذهن، يطول مكثه في المكتب، ويخرج ما فهم شيئًا. وهذا مثال من لا يعلم وجوده، ولا نال المراد من كونه.
ومن الصبيان من يجمع مع بعد ذهنه، وقلة فهمه، وعدم تعلمه: أذى الصبيان، فهو يؤذيهم، ويسرق مطاعمهم، ويستغيثون من يده، فلا هو صلح، ولا فهم، ولا كف عن الشر. وهذا مثل أهل الشر والمؤذين.
ومن الصبيان من علق بشيء من الخط؛ لكنه ضعيف الاستخراج، رديء الكتابة، فخرج ولم يعلق إلا بقدر ما يعلق به حساب معاملته، وهذا مثل من فهم بعض الشيء، وفاتته الفصائل التامة.
ومنهم من جود الخط، ولم يتعلم الحساب، وأتقن الآداب حفظًا، غير أنه قاصر في أدب النفس. فهذا يصلح أن يكون كاتبًا للسلطان على مخاطرة، لسوء ما في باطنه من الشره، وقلة التأدب.
ومنهم من سمت همته إلى المعالي الكاملة، فهو مقدم الصبيان في المكتب، ونائب عن معلمهم، ثم يرتفع عنهم بعزة نفسه، وأدب باطنه، وكمال صناعة الآداب الظاهرة، ولا يزال حاث من باطنه يحثه على تعجيل التعلم، وتحصيل كل فضيلة، لعلمه أن المكتب لا يراد لنفسه، بل لأخذ الأدب منه، والرحلة إلى حالة الرجولية والتصرف، فهو يبادر الزمان في نيل كل فضيلة. فهذا مثل المؤمن الكامل، يسبق الأقران يوم التجاري، ويعرض لوح عمله، جيد الخط، فيقول لبسان حاله: {هَاؤُمُ اقْرَأوا كِتَابِيَهْ" (Sayd ul-khâtir, points 1026 à 1031).

Dieu étant Bon, c'est par Générosité qu'Il a offert à deux créatures de connaître Sa Perfection en ce monde et de se rapprocher de Lui, et, alors, de pouvoir Le contempler dans l'autre monde ; pour leur offrir cette chance inestimable, Il a créé ces deux créatures capables de connaître, de réfléchir, d'aimer et d'apprécier. 

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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