Essai de commentaire succinct de Sourate at-Tîn (95ème sourate du Coran) - تفسير وجيز لسورة التين - الدِين هو الطريق وهو الجزاء

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I) Le texte de la Sourate, avec sa traduction :

"وَالتِّينِ وَالزَّيْتُونِ وَطُورِ سِينِينَ وَهَذَا الْبَلَدِ الْأَمِينِ
لَقَدْ خَلَقْنَا الْإِنسَانَ فِي أَحْسَنِ تَقْوِيمٍ ثُمَّ رَدَدْنَاهُ أَسْفَلَ سَافِلِينَ إِلَّا الَّذِينَ آمَنُوا وَعَمِلُوا الصَّالِحَاتِ فَلَهُمْ أَجْرٌ غَيْرُ مَمْنُونٍ
فَمَا يُكَذِّبُكَ بَعْدُ بِالدِّينِ أَلَيْسَ اللَّهُ بِأَحْكَمِ الْحَاكِمِينَ"

"Par la figue et l'olive, par le Mont du Sinaï, et par cette Cité Sûre !

Nous avons certes créé l'homme en (lui conférant) le meilleur établissement. Ensuite Nous l'avons ramené au plus bas de ce qui est bas ; à l'exception de ceux qui apportent foi et font les bonnes œuvres : eux auront alors une récompense n'ayant pas d'interruption.

Qu'est-ce qui t'amènerait donc à traiter de mensonge le Dîn ? Dieu n'est-Il pas le plus Sage de ceux qui font le Hukm ?" (Coran, 95/1-8).

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II) Commentaire succinct de cette Sourate :

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Le passage-clef de cette sourate semble être :
"فَمَا يُكَذِّبُكَ بَعْدُ بِالدِّينِ أَلَيْسَ اللَّهُ بِأَحْكَمِ الْحَاكِمِينَ" :
"Qu'est-ce qui t'amènerait donc à traiter de mensonge le Dîn ? Dieu n'est-Il pas le plus Sage de ceux qui font le Hukm ?" (Coran 95/7-8).

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- L'homme naît par essence bon.
- Cependant, par incidence, laissé à lui-même il a tendance à se fourvoyer (dans la croyance et/ou dans l'agir) - ce qui le conduira, dans sa vie après la mort, à la rétribution par le Feu (soit perpétuel, soit temporaire, selon son degré de fourvoiement).
- La solution pour lui est dès lors d'adhérer à la foi et de faire les bonnes œuvres - et, pour cela, de se référer à ce que Dieu lui a fait parvenir de voie droite - Dîn - par le biais de l'un de Ses Messagers - ; celui qui fait ainsi aura alors, dans sa vie après la mort, une récompense n'ayant pas d'interruption : le Paradis : ce sera sa rétribution - Dîn - à lui.

"لَقَدْ خَلَقْنَا الْإِنسَانَ فِي أَحْسَنِ تَقْوِيمٍ ثُمَّ رَدَدْنَاهُ أَسْفَلَ سَافِلِينَ إِلَّا الَّذِينَ آمَنُوا وَعَمِلُوا الصَّالِحَاتِ فَلَهُمْ أَجْرٌ غَيْرُ مَمْنُونٍ" : "Nous avons certes créé l'homme en (lui conférant) le meilleur établissement. Ensuite Nous l'avons ramené au plus bas de ce qui est bas ; à l'exception de ceux qui apportent foi et font les bonnes œuvres : eux auront alors une récompense n'ayant pas d'interruption" (Coran 95/4-6).

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Dieu est reconnu, par tous ceux qui connaissent et reconnaissent Son Existence, comme étant le plus Sage : Il est reconnu comme étant al-Hakîm (cela fait partie de Ses Sifât 'Aqliyya). Or, créer et faire vivre l'homme, être doué de raison et de choix moraux, et ensuite ne pas lui faire parvenir ce qu'il doit croire et faire, et/ou ne pas le rétribuer pour ses choix, cela serait contraire à la sagesse : "فتبين أن التكليف من مقتضيات النوع، وأن الإنسان يسأل ربه بلسان استعداده أن يوجب عليه ما يناسب القوة الملكية، ثم يثيب على ذلك، وأن يحرم عليه الانهماك في البهيمية، ويعاقب على ذلك" (Hujjat ullâh il-bâligha, 1/72).
Comment donc (alors même que d'une part on constate que des hommes se fourvoient et que d'autres croient et font les bonnes actions, et que d'autre part on croit en l'Existence d'un Créateur Sage) peut-on réfuter le Dîn (au premier, et/ou au second sens du terme) ?

"فَمَا يُكَذِّبُكَ بَعْدُ بِالدِّينِ أَلَيْسَ اللَّهُ بِأَحْكَمِ الْحَاكِمِينَ" : "Qu'est-ce qui t'amènerait donc à traiter de mensonge le Dîn ? Dieu n'est-Il pas le plus Sage de ceux qui font le Hukm ?" (Coran 95/7-8).

Le terme "Dîn" renvoie en effet :
--- tantôt à la Voie que Dieu a tracée (en terme de croyances et d'actions) pour les humains : "إِنَّ الدِّينَ عِندَ اللّهِ الإِسْلاَمُ" (Coran 3/19) ; "وَمَن يَبْتَغِ غَيْرَ الإِسْلاَمِ دِينًا فَلَن يُقْبَلَ مِنْهُ وَهُوَ فِي الآخِرَةِ مِنَ الْخَاسِرِينَ" (Coran 3/85) ;
--- et tantôt à la Rétribution que Dieu accordera aux humains après les avoir Jugés : "وَالَّذِينَ يُصَدِّقُونَ بِيَوْمِ الدِّينِ" (Coran 70/26) ; "وَكُنَّا نُكَذِّبُ بِيَوْمِ الدِّينِ" (Coran 74/46) ; "مَلِكِ يَوْمِ الدِّينِ" (Coran 1/3).

Le Hukm de Dieu renvoie lui aussi :
--- tantôt au fait que Dieu décrète les normes : "ذَلِكُمْ حُكْمُ اللَّهِ يَحْكُمُ بَيْنَكُمْ وَاللَّهُ عَلِيمٌ حَكِيمٌ" (Coran 60/10) ; "إِنَّ اللّهَ يَحْكُمُ مَا يُرِيدُ" (Coran 5/1) ; "وَأَنزَلَ مَعَهُمُ الْكِتَابَ بِالْحَقِّ لِيَحْكُمَ بَيْنَ النَّاسِ فِيمَا اخْتَلَفُواْ فِيهِ" (Coran 2/213) ; "يُدْعَوْنَ إِلَى كِتَابِ اللّهِ لِيَحْكُمَ بَيْنَهُمْ" (Coran 3/23) : il s'agit dans ces versets du Hukm Tashrî'î* ;
--- et tantôt au fait que, le Jour dernier, Dieu rendra le Jugement en ce qui concerne les hommes : "فَاللّهُ يَحْكُمُ بَيْنَهُمْ يَوْمَ الْقِيَامَةِ" (Coran 2/113) / "فَاللّهُ يَحْكُمُ بَيْنَكُمْ يَوْمَ الْقِيَامَةِ" (Coran 4/141).
D'ailleurs, ceux qui seront morts avec le minimum de la croyance voulue devront passer sur le Pont qui enjambe la Géhenne, pour arriver au Paradis. Or ce Pont n'est que la manifestation de la Voie Droite.
(* A ne pas confondre avec le Hukm Takwînî, évoqué dans ce verset : "وَاتَّبِعْ مَا يُوحَى إِلَيْكَ وَاصْبِرْ حَتَّىَ يَحْكُمَ اللّهُ وَهُوَ خَيْرُ الْحَاكِمِينَ" - Coran 10/109. Loth - sur lui soit la paix - avait employé la même formule devant son peuple incroyant : "وَإِن كَانَ طَآئِفَةٌ مِّنكُمْ آمَنُواْ بِالَّذِي أُرْسِلْتُ بِهِ وَطَآئِفَةٌ لَّمْ يْؤْمِنُواْ فَاصْبِرُواْ حَتَّى يَحْكُمَ اللّهُ بَيْنَنَا وَهُوَ خَيْرُ الْحَاكِمِينَ" - Coran 7/87. Ruben avait dit pareillement à ses 9 frères : "فَلَنْ أَبْرَحَ الأَرْضَ حَتَّىَ يَأْذَنَ لِي أَبِي أَوْ يَحْكُمَ اللّهُ لِي وَهُوَ خَيْرُ الْحَاكِمِينَ" : Coran 12/80. Omar ibn ul-Khattâb - que Dieu l'agrée - avait employé la même formule devant le Prophète - que Dieu le bénisse et le salue - après que celui-ci ait conclu le pacte de al-Hudaybiya : ""فجاء عمر فقال: "ألسنا على الحق وهم على الباطل؟ أليس قتلانا في الجنة، وقتلاهم في النار؟"، قال: "بلى". قال: "ففيم نعطي الدنية في ديننا، ونرجع ولما يحكم الله بيننا؟" فقال: "يا ابن الخطاب إني رسول الله ولن يضيعني الله أبدا"" : al-Bukhârî, 4563, Muslim, 1785.)

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Pour étayer ces propos (le fait que l'homme se fourvoie ou est sur le Chemin Droit, et le fait qu'il sera alors rétribué pour cela), Dieu en a présenté comme témoins différentes choses :

"وَالتِّينِ وَالزَّيْتُونِ وَطُورِ سِينِينَ وَهَذَا الْبَلَدِ الْأَمِينِ" : "Par la figue et l'olive, par le Mont du Sinaï, et par cette Cité Sûre !" (Coran 95/1-36).

Le Mont du Sinaï et la Cité Sûre (La Mecque) sont deux lieux.
Quant à "la figue et l'olive", j'ai retenu le commentaire selon lequel il s'agit, par métonymie, d'un ou bien de deux lieu(x) où l'un et l'autre de ces deux fruits - ou ces deux fruits à la fois - poussent en abondance. Il s'agit de la terre alentour de Jérusalem ("أرض بيته المقدس" : At-Tib'yân, p. 27). Le professeur Javed Ahmed Ghamidî propose qu'il s'agit plus précisément du village de Bethphagé ("la Maison des Figues") et du Mont des Oliviers (en arabe : "جبل الزيتون", et en anglais : "Mount of Olives"), qui sont deux lieux mentionnés dans le récit de la mission de Jésus.

Ces trois lieux sont ceux qui ont vu des épisodes importants de la mission de chacun de 3 des plus grands prophètes et messagers de Dieu : Jésus, Moïse et Muhammad (que Dieu les bénisse et les salue). Ces derniers ont été évoqués dans un ordre croissant d'importance, vu que Moïse a un grade supérieur à Jésus.

Ces lieux ont été témoins d'une importante partie de la mission de chacun de ces 3 Messagers :
--- Jésus - عليه السلام - faisant son entrée finale à Jérusalem ;
--- Moïse - عليه السلام - recevant les Tables de la Loi ;
--- Muhammad - صلى الله عبيه وسلم - y recevant la base de la révélation du Coran (les sourates mecquoises) et y débutant sa prédication.

Ces lieux sont des témoins qu'une Voie spécifique, agréée par Dieu et révélée par Lui-même, a été présentée aux hommes ; et qu'une Rétribution est promise par Dieu à l'homme selon qu'il aura adhéré à et agi conformément, ou renié et agi contrairement à, ce que le plus Hakîm de tous les Hâkim a ainsi tracé de Voie pour lui.

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III) Quelques commentaires supplémentaires de certains termes de la Sourate :

- "أَسْفَلَ سَافِلِينَ" :
--- un commentaire : "وقد قيل: إن معنى {رددناه أسفل سافلين}: أي رددناه إلى الضلال، كما قال تعالى: {إن الإنسان لفي خسر. إلا الذين آمنوا وعملوا الصالحات} أي إلا هؤلاء، فلا يردون إلى ذلك" (Tafsîr ul-Qurtubî) ;
--- un autre commentaire : "وروى ابن أبي نجيح عن مجاهد: {ثم رددناه أسفل سافلين}: إلى النار"" (Ibid.) (commentaire retenu par Ibn Kathîr).

- "وَالتِّينِ وَالزَّيْتُونِ وَطُورِ سِينِينَ وَهَذَا الْبَلَدِ الْأَمِينِ" :
"قال ابن عباس والحسن ومجاهد وإبراهيم وعطاء بن أبي رباح ومقاتل والكلبي: هو تينكم هذا الذي تأكلونه وزيتونكم هذا الذي تعصرون منه الزيت. قيل: خص التين بالقسم لأنها فاكهة مخلصة لا عجم فيها، شبيهة بفواكه الجنة. وخصص الزيتون لكثرة منافعه، والزيتون شجرة مباركة جاء بها الحديث وهو ثمر ودهن يصلح للاصطباغ والاصطباح. وقال عكرمة: هما جبلان" (Tafsîr ul-Baghawî). "والخامس: أنهما جبلان، قاله عكرمة في رواية. وروي عن قتادة قال: التين: الجبل الذي عليه دمشق، والزيتون: الجبل الذي عليه بيت المقدس" (Zâd ul-massîr).

- "فَمَا يُكَذِّبُكَ بَعْدُ بِالدِّينِ" :
"وقال الضحاك وقتادة: الدين: الجزاء" (Tafsîr uth-Tha'labî, sourate al-Fâtiha).

- "أَلَيْسَ اللَّهُ بِأَحْكَمِ الْحَاكِمِينَ" :
"و"أحكم" يجوز أن يكون مأخوداً من الحكم، أي أقضى القضاة، ومعنى التفضيل أن حكمه أسد وأنفذ. ويجوز أن يكون مشتقاً من الحكمة" (At-Tahrîr wa-t-tanwîr). "و"أحكم" هنا اسم تفضيل وهو مأخوذ من الحكمة، ومن الحكم. فالحكم الأكبر الأعظم الذي لا يعارضه شيء هو حكم الله عز وجل. والحكمة العليا البالغة هي حكمة الله عز وجل" (Tafsîr Ibn ul-Uthaymîn).

- "لَقَدْ خَلَقْنَا الْإِنسَانَ فِي أَحْسَنِ تَقْوِيمٍ ثُمَّ رَدَدْنَاهُ أَسْفَلَ سَافِلِينَ إِلَّا الَّذِينَ آمَنُوا وَعَمِلُوا الصَّالِحَاتِ فَلَهُمْ أَجْرٌ غَيْرُ مَمْنُونٍ" :
--- De par sa nature primordiale (Fit'ra), chaque homme est, par essence, naturellement attiré par Dieu, et par le fait de faire le bien. C'est ce qu'exprime ce célèbre hadîth : "كل إنسان تلده أمه على الفطرة" : "Chaque humain, sa mère le met au monde avec (l'état de) Fit'ra" (al-Bukhârî, 1292 etc., Muslim, 2658), ainsi que cet autre hadîth : "وإني خلقت عبادي حنفاء كلهم، وإنهم أتتهم الشياطين فاجتالتهم عن دينهم، وحرمت عليهم ما أحللت لهم، وأمرتهم أن يشركوا بي ما لم أنزل به سلطانا" (Muslim, 2865).
--- Cependant, à cause de l'influence d'hommes présents avant lui sur Terre et ayant déjà dévié, à cause également des difficultés de la vie sur Terre, à cause enfin de l'élément (présent en l'homme) sensible aux suggestions du Démon ("عن أنس بن مالك أن رسول الله صلى الله عليه وسلم أتاه جبريل صلى الله عليه وسلم وهو يلعب مع الغلمان، فأخذه فصرعه، فشق عن قلبه، فاستخرج القلب، فاستخرج منه علقة، فقال: هذا حظ الشيطان منك، ثم غسله في طست من ذهب بماء زمزم، ثم لأمه، ثم أعاده في مكانه" : Muslim, 162), l'homme est, par incidence (li 'âridh), naturellement sujet au doute et à faire le mal. C'est ce qui explique cet autre hadîth, qudsî : "يا عبادي كلكم ضال إلا من هديته؛ فاستهدوني أهدكم" : "Dieu a dit : "Chacun de vous est égaré, sauf celui que Je guide. Demandez-moi donc la guidance, je vous guiderai"" (Muslim, 2577). Et cet autre hadîth : "عن عبد الله بن الديلمي، قال: سمعت عبد الله بن عمرو، يقول: سمعت رسول الله صلى الله عليه وسلم يقول: "إن الله عز وجل خلق خلقه في ظلمة، فألقى عليهم من نوره؛ فمن أصابه من ذلك النور اهتدى، ومن أخطأه ضل. فلذلك أقول: جف القلم على علم الله" (at-Tirmidhî, 2642).
(Extrait d'un article précédent.)

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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