Celui qui croit mais ne pratique aucune action de bien (تارِكُ جنسِ العمل الصالح), perd-il toute foi ? sera-t-il pardonné par Dieu ?

Lire au préalable :
Que faut-il avoir pour avoir la Foi (أصل الإيمان) ? - Déjà pour "croire", suffit-il de "savoir que c'est vrai", ou faut-il aussi "reconnaître cela comme étant vrai" ? ou bien faut-il autre chose encore ? - Que faut-il donc pour avoir le minimum de Foi (أصل الإيمان) ?

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Ici nous parlerons des actions à faire ; et des actions dont il faut s'abstenir : faire les premières et s'abstenir des dernières est-il une condition pour la validité du Minimum de Foi (Asl ul-îmân) ?

– Le "ارتكاب الكبائر", c'est-à-dire le fait de commettre les actes strictement interdits n'est - à l'unanimité des ulémas sunnites - pas un acte de kufr akbar, mais de fisq asghar : cela diminue gravement la foi, mais ne la fait pas disparaître.
Ainsi, celui qui par exemple boit de l'alcool mais a toujours la croyance que cela est interdit fait un acte de fisq asghar et non pas de kufr akbar. (Seul le fait de déclarer cela licite (istihlâl) est un propos de kufr akbar.)

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– Par contre, le "عدم الالتزام العملي أداءً", c'est-à-dire le fait de n'accomplir (par paresse) aucune action ta'abbudî (ou, pour d'autres ulémas, de ne pas accomplir certaines actions précises, parmi la totalité des actions ta'abbudî) (cela alors même qu'on en connaissait le caractère ta'abbudî et qu'on a eu la possibilité de les accomplir), cela constitue :

--- A) du kufr akbar d'après les Aïmmat ul-Hadîth, et ce car ils incluent le 'Amal dans la définition de al-Îmân : le 'Amal est soit une partie - juz' - du Îmân, soit une implication - lâzim - de celui-ci ;

--- B) du fisq asghar d'après Hammâd ibn Abî Sulaymân, ainsi que les Aïmmat ul-Fiqh Abû Hanîfa et ses deux élèves, car eux définissent al-Îmân comme étant l'adhésion du cœur et l'acceptation par la langue, et n'y incluent pas le 'Amal (lequel est un fruit de la foi, mais pas un fruit nécessaire - lâzim - de celle-ci : le 'Amal est l'effet du Îmân, comme le Sabab Shar'î doit entraîner son Mussabbab : si le Mussabbab ne voit pas le jour, cela n'implique pas que son Sabab aussi soit inexistant).

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En revanche, celui à qui le caractère obligatoire de ces actions n'est pas parvenu n'est évidemment pas responsable de ne les avoir pas pratiquées. Son Asl ul-îmân est donc valide à l'unanimité.
C'est ce qui explique l'échange suivant, entre Hudhayfa et Sila ibn Zufar : Hudhayfa ibn ul-Yamân relate que le Prophète (que Dieu le rapproche de Lui et le salue) a dit : "عن ربعي بن حراش، عن حذيفة بن اليمان، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم : "يَدرُس الإسلام كما يدرس وَشْيُ الثوب، حتى لا يدرى ما صيام ولا صلاة ولا نسك ولا صدقة. وليُسرَى على كتاب الله عز وجل في ليلة، فلا يبقى في الأرض منه آية. وتبقى طوائف من الناس، الشيخ الكبير والعجوز، يقولون: أدركنا آباءنا على هذه الكلمة: لا إله إلا الله، فنحن نقولها". فقال له صلة: "ما تغني عنهم "لا إله إلا الله" وهم لا يدرون ما صلاة ولا صيام ولا نسك ولا صدقة؟" فأعرض عنه حذيفة، ثم ردها عليه ثلاثا، كل ذلك يعرض عنه حذيفة، ثم أقبل عليه في الثالثة، فقال: "يا صلة، تنجيهم من النار"، ثلاثا" :
"L'islam s'effacera comme s'efface le dessin du vêtement, au point qu'on ne saura plus ce qu'est un jeûne, ni une prière, ni un pèlerinage, ni une aumône. Et, une nuit, le Livre de Dieu sera enlevé, de sorte qu'il ne restera sur Terre aucun de ses versets. Demeureront des groupes parmi les hommes – le vieil homme et la vieille femme – disant : "Nous avons vu nos pères dire cette parole "Lâ ilâha ill'Allâh" ; aussi nous la disons." Entendant ce hadîth de la bouche de Hudhayfa, Sila ibn Zufar demanda alors à ce dernier : "A quoi leur servira donc "Lâ ilâha il'Allâh" alors qu'ils ne sauront pas ce qu'est une prière, ni un jeûne, ni un pèlerinage ni une aumône ?" Hudhayfa se détourna de lui. Il répéta sa question trois fois ; Hudhayfa se détourna de lui à chaque fois, puis, à la troisième fois, se tourna vers lui et lui dit par trois fois : "Sila, ("Lâ ilâha ilallâh") les sauvera du Feu" (Ibn Mâja, 4049). Il s'agit en fait de "Lâ ilâha ill'Allah, Muhammadun Rassûlullâh". Cela a été dit concernant bien d'autres hadîths : "المراد بقوله "لا إله إلا الله" في هذا الحديث وغيره: كلمتا الشهادة. فلا يرد إشكال ترك ذكر الرسالة. قال الزين بن المنير: قول لا إله إلا الله لقب جرى على النطق بالشهادتين شرعا" (Fat'h ul-bârî, 3/142) ; "وهذا محمول عند الجماهير على قول الشهادتين، واستغنى بذكر إحداهما عن الأخرى لارتباطهما وشهرتهما" (Shar'h Muslim, an-Nawawî, 1/149).
Lire notre article parlant de ceux à qui des choses
ma'lûm min ad-dîn dharûratan ne sont pas du tout parvenues

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--- Pour les tenants du premier avis (A), les Aïmmat ul-Hadîth :

La prononciation des deux témoignages de foi suffit pour entrer en islam ; si cela est fait avec sincérité du cœur, la personne possède Asl ul-Îmân auprès de Dieu.

Quant aux actions extérieures à accomplir, elles sont elles aussi parties (branches) du Îmân, comme le montre ce hadîth : "عن أبي هريرة قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "الإيمان بضع وسبعون - أو بضع وستون - شعبة. فأفضلها قول لا إله إلا الله، وأدناها إماطة الأذى عن الطريق. والحياء شعبة من الإيمان" (Muslim, 35), "عن أبي هريرة عن رسول الله صلى الله عليه وسلم قال: "الإيمان بضع وستون شعبة - أو بضع وسبعون - شعبة. فأرفعها لا إله إلا الله، وأدناها إماطة الأذى عن الطريق، والحياء شعبة من الإيمان" (Ibn Hibbân, 166).
Ces actions extérieures à accomplir sont pour partie obligatoires, et pour partie recommandées : tout manquement volontaire et fait sans raison valable dans le Kamâl ul-Îmân al-Wâjib fait diminuer le Îmân : en fait tout manquement de ce genre constitue du Kufr Asghar, qui cohabite avec le Asl ul-Îmân et avec d'autres branches du Îmân Kâmil Wâjib. Cependant, si la totalité des Actions Prescrites est négligée (ou bien d'après un autre avis : si certaines Actions Wâjib essentielles sont négligées), alors le Îmân diminue jusqu'à disparaître : c'est le Asl ul-îmân lui-même qui disparaît alors (et ce car l'action, considérée dans sa globalité, est constitutive de la foi).
Ensuite :
----- A.1) pour certains d'entre ces ulémas, c'est le fait de négliger volontairement et sans raison valable n'importe lequel des 4 piliers de l'islam qui fait perdre la foi ;
----- A.2) pour d'autres parmi ces ulémas, c'est le fait de négliger la salât ou de ne pas s'acquitter de la zakât qui fait perdre la foi (lire notre article évoquant ces deux avis) ;
----- A.3) pour d'autres encore parmi ces ulémas, c'est le fait de négliger la salât, volontairement et sans raison valable, qui fait perdre Asl ul-îmân ; cela conformément à ce qui est ainsi relaté : "عن عبد الله بن شقيق العقيلي، قال: "كان أصحاب محمد صلى الله عليه وسلم لا يرون شيئا من الأعمال تركه كفر، غير الصلاة" (at-Tirmidhî, 2622). Ibn Taymiyya écrit : "فإن الإيمان عند أهل السنة والجماعة قول وعمل، كما دل عليه الكتاب والسنة واجمع عليه السلف وعلى ما هو مقرر في موضعه. فالقول تصديق الرسول، والعمل تصديق القول؛ فإذا خلا العبد عن العمل بالكلية لم يكن مؤمنا. والقول الذي يصير به مؤمن قول مخصوص وهو الشهادتان؛ فكذلك العمل هو الصلاة" (Shar'h 'Umdat il-fiqh). Ensuite :
--------- pour certains de ces ulémas, c'est le fait de négliger 1 / 2 / 3 / 5 prière(s) obligatoire(s) (lire ces avis différents) ;
--------- pour d'autres parmi eux (comme Ibn Taymiyya et Ibn ul-Uthaymîn), c'est le fait de négliger l'accomplissement de toutes les salâts (et ce par délaissement et désintéressement, sans en renier pour autant le caractère obligatoire) qui fait perdre Asl ul-Îmân (lire cela dans mon article parlant du fait de négliger l'accomplissement de la prière rituelle) ;
----- A.4 ?) je me demande s'il n'y aurait pas certains ulémas faisant partie du groupe A mais pour lesquels le fait de délaisser l'accomplissement de la prière rituelle ne fait pas perdre la foi : c'est le fait de délaisser l'accomplissement de la totalité des Actions relevant de la catégorie générale "Actions Extérieures" étant particulières (soit dans leur fondement même, soit dans la façon de les faire) à l'islam qui fait perdre Asl ul-Îmân (cela lorsqu'on a eu la possibilité d'en accomplir quelque chose) ; et donc un musulman qui accomplit au moins des jeûnes du type islamique garde Asl ul-Îmân, même s'il néglige l'accomplissement des prières rituelles islamiques. Je me suis demandé cela à la lecture de cet écrit de Ibn Taymiyya : "وقد تبين أن الدين لا بد فيه من قول وعمل وأنه يمتنع أن يكون الرجل مؤمنا بالله ورسوله بقلبه أو بقلبه ولسانه ولم يؤد واجبا ظاهرا ولا صلاة ولا زكاة ولا صياما ولا غير ذلك من الواجبات لا* لأجل أن الله أوجبها (مثل أن يؤدي الأمانة أو يصدق الحديث أو يعدل في قسمه وحكمه من غير إيمان بالله ورسوله: لم يخرج بذلك من الكفر؛ فإن المشركين وأهل الكتاب يرون وجوب هذه الأمور). فلا يكون الرجل مؤمنا بالله ورسوله مع عدم شيء من الواجبات التي يختص بإيجابها محمد صلى الله عليه وسلم. ومن قال بحصول الإيمان الواجب بدون فعل شيء من الواجبات، سواء جعل فعل تلك الواجبات لازما له أو جزءا منه (فهذا نزاع لفظي)، كان مخطئا خطأ بيّنا؛ وهذه بدعة الإرجاء التي أعظم السلف والأئمة الكلام في أهلها وقالوا فيها من المقالات الغليظة ما هو معروف" (MF 7/621) (* la présence de ce "لا" ici ne serait-il pas une erreur du copiste ? le texte m'a semblé être plus pertinent sans ce "لا" ici, qui aurait par contre plus sa place juste avant "مثل أن" ; j'aurais tendance à proposer que le texte originel serait plus compréhensible ainsi : "ولم يؤد واجبا ظاهرا ولا صلاة ولا زكاة ولا صياما ولا غير ذلك من الواجبات لأجل أن الله أوجبها (لا مثل أن يؤدي الأمانة أو يصدق الحديث أو يعدل في قسمه وحكمه من غير إيمان بالله ورسوله، لم يخرج بذلك من الكفر؛ فإن المشركين وأهل الكتاب يرون وجوب هذه الأمور). فلا يكون الرجل مؤمنا بالله ورسوله مع عدم شيء من الواجبات التي يختص بإيجابها محمد صلى الله عليه وسلم") ;
----- A.5 ?) je me demande aussi s'il n'y aurait pas des ulémas faisant partie du groupe A mais qui pensent que c'est le fait de négliger l'accomplissement de toute action de bien avec l'optique de plaire à Dieu et de se rapprocher de Lui qui constitue du Kufr Akbar ; et qui pensent donc qu'accomplir, par volonté de plaire à Dieu, ne serait-ce qu'une des Actions de bien Extérieures, cela permet le maintien de Asl ul-Îmân ; tout cela en vertu de ce hadith : "عن أبي هريرة، عن النبي صلى الله عليه وسلم أنه قال: "إن رجلا لم يعمل خيرا قط، كان يداين الناس، فيقول لرسوله: "خذ ما تيسر، واترك ما عسر، وتجاوز، لعل الله يتجاوز عنا". فلما هلك، قال الله عز وجل له: "هل عملت خيرا قط؟" قال: "لا، إلا أنه كان لي غلام، وكنت أداين الناس، فإذا بعثته يتقاضى، قلت له: خذ ما تيسر، واترك ما عسر، وتجاوز، لعل الله يتجاوز عنا". قال الله عز وجل: "قد تجاوزت عنك" (Ahmad, 8730)...

Il y a également le zâhir du verset suivant : "هَلْ يَنظُرُونَ إِلاَّ أَن تَأْتِيهُمُ الْمَلآئِكَةُ أَوْ يَأْتِيَ رَبُّكَ أَوْ يَأْتِيَ بَعْضُ آيَاتِ رَبِّكَ يَوْمَ يَأْتِي بَعْضُ آيَاتِ رَبِّكَ لاَ يَنفَعُ نَفْسًا إِيمَانُهَا لَمْ تَكُنْ آمَنَتْ مِن قَبْلُ أَوْ كَسَبَتْ فِي إِيمَانِهَا خَيْرًا قُلِ انتَظِرُواْ إِنَّا مُنتَظِرُونَ" : "Attendent-ils (pour apporter foi) que leur viennent les anges, que leur vienne ton Seigneur ou que leur viennent certains signes de Ton Seigneur ? Le jour où certains signes de ton Seigneur viendront, apporter foi ne sera plus utile à une âme qui n'avait pas apporté foi auparavant ou n'avait pas acquis du bien dans sa foi" (Coran 6/158). "أَوْ كَسَبَتْ فِي إِيمانِها خَيْراً} عطف على {آمَنَتْ} والمعنى أنه "لا ينفع الإِيمان حينئذ نفساً غيرَ مقدمةٍ إيمانها، أو مقدمةً إيمانها غيرَ كاسبة في إيمانها خيراً"؛ وهو دليل لمن لم يعتبر الإِيمان المجرد عن العمل. (وللمعتبر تخصيص هذا الحكم بذلك اليوم؛ وحمل الترديد على اشتراط النفع بأحد الأمرين، على معنى: "لا ينفع نفساً خلت عنها إيمانها"؛ والعطف على {لم تكن} بمعنى: "لا ينفع نفساً إيمانها الذي أحدثته حينئذ وإن كسبت فيه خيراً)" (Tafsîr ul-Baydhâwî).

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--- Pour les tenants du second avis (B) (Hammâd ibn Abî Sulaymân, Abû Hanîfa, Abû Yûssuf et Muhammad ibn ul-Hassan) :

Pour eux aussi, la prononciation des deux témoignages de foi suffit pour entrer en islam ; si cela est fait avec sincérité du cœur, la personne possède Asl ul-Îmân.
Quant aux actions extérieures à accomplir, elles ne font pas partie du Îmân : c'est ce que montre le zâhir de la formule coranique : "الَّذِينَ آمَنُوا وَعَمِلُوا الصَّالِحَاتِ", et, surtout, le zâhir de cette autre formule coranique : "فَمَن يَعْمَلْ مِنَ الصَّالِحَاتِ وَهُوَ مُؤْمِنٌ".
Ces actions extérieures à accomplir sont pour partie obligatoires et pour partie recommandées : les accomplir confère du Tafâdhul entre tous ceux qui possèdent Asl ul-îmân ; et tout manquement volontaire et fait sans raison valable dans les actions obligatoires fait du tort au Dîn, à la Piété, de la personne. "ولا نقول لا يضر مع الإيمان ذنب لمن عمله" (At-Tahâwiyya, point 58). "والإيمان واحد؛ وأهله في أصله سواء. والتفاضل بينهم بالخشية والتقى ومخالفة الهوى وملازمة الأولى" (At-Tahâwiyya, point 64). Sur ce point précis, la divergence par rapport aux tenants du premier avis (le 'Amal fait-il partie du Îmân, ou pas ?) est lafzî seulement.

Là où la divergence devient haqîqî avec eux, c'est que, pour les tenants de ce second avis, vu que cette catégorie générale "pratiquer les actions vertueuses extérieures" (Jins ul-'Amal is-Sâlih) est distincte du Îmân, même si ce Kamâl ud-dîn est, ou devient, totalement inexistant, cela ne touche en rien le Asl ul-îmân, lequel demeure : "la croyance présente dans le cœur".
Tant qu'on ne rompt (naqdh) pas ce Îmân par un abandon de la part du cœur, ni par une parole exprimant l'abandon de la part du cœur, ni par une action extérieure exprimant l'abandon de la part du cœur, le Asl ul-îmân demeure, vu que le 'Amal n'entre pas dans sa définition. L'adhésion intérieure et la prononciation des deux témoignages suffisent pour que Asl ul-îmân vienne à l'existence, et demeure.

Ce second avis s'appuie entre autres sur le zâhir du hadîth suivant :

--- Des personnes qui n'auront fait aucune action de bien [autre que le témoignage de foi] seront dans la Géhenne temporairement, puis seront admises au Paradis : "فيقول الله عز وجل: "شفعت الملائكة، وشفع النبيون، وشفع المؤمنون، ولم يبق إلا أرحم الراحمين"، فيقبض قبضة من النار، فيخرج منها قوما لم يعملوا خيرا قط قد عادوا حمما، فيلقيهم في نهر في أفواه الجنة يقال له: نهر الحياة، فيخرجون كما تخرج الحبة في حميل السيل. ألا ترونها تكون إلى الحجر، أو إلى الشجر، ما يكون إلى الشمس أصيفر وأخيضر، وما يكون منها إلى الظل يكون أبيض؟" فقالوا: "يا رسول الله، كأنك كنت ترعى بالبادية". قال: "فيخرجون كاللؤلؤ في رقابهم الخواتم، يعرفهم أهل الجنة: "هؤلاء عتقاء الله الذين أدخلهم الله الجنة بغير عمل عملوه، ولا خير قدموه" (Muslim, 183/302 ; al-Bukhârî, 7001 ; 'an Abî Sa'îd). "فأقول: يا رب ائذن لي فيمن قال لا إله إلا الله، فيقول: وعزتي وجلالي وكبريائي وعظمتي، لأخرجن منها من قال لا إله إلا الله" (al-Bukhârî, 7072, 'an Anas).

--- Or quelqu'un qui sera mort Kâfir ne pourra pas entrer dans le Paradis : "فيقول إبراهيم: "يا رب إنك وعدتني أن لا تخزيني يوم يبعثون، فأي خزي أخزى من أبي الأبعد؟" فيقول الله تعالى: "إني حرمت الجنة على الكافرين". ثم يقال: "يا إبراهيم، ما تحت رجليك؟" فينظر، فإذا هو بذيخ ملتطخ، فيؤخذ بقوائمه فيلقى في النار" (al-Bukhârî).

--- Seul quelqu'un mort avec Asl ul-îmân pourra entrer dans le Paradis :
----- "يا بلال، قم فأذن: لا يدخل الجنة إلا مؤمن، وإن الله ليؤيد هذا الدين بالرجل الفاجر" : "Seul un Mu'min entrera au Paradis" (al-Bukhârî, 3967 ; Muslim, 111).
----- "يا ابن الخطاب، اذهب فناد في الناس أنه لا يدخل الجنة إلا المؤمنون". قال: فخرجت فناديت: "ألا إنه لا يدخل الجنة إلا المؤمنون" (Muslim, 114).
----- "عن ابن كعب بن مالك، عن أبيه، أنه حدثه أن رسول الله صلى الله عليه وسلم بعثه وأوس بن الحدثان أيام التشريق، فنادى أنه "لا يدخل الجنة إلا مؤمن! وأيام منى أيام أكل وشرب" (Muslim, 1142).
----- "عن أبي ذر رضي الله عنه قال: أتيت النبي صلى الله عليه وسلم وعليه ثوب أبيض، وهو نائم، ثم أتيته وقد استيقظ، فقال: "ما من عبد قال: لا إله إلا الله، ثم مات على ذلك إلا دخل الجنة." قلت: وإن زنى وإن سرق؟ قال: "وإن زنى وإن سرق." قلت: وإن زنى وإن سرق؟ قال: "وإن زنى وإن سرق." قلت: وإن زنى وإن سرق؟ قال: "وإن زنى وإن سرق، على رغم أنف أبي ذر." وكان أبو ذر إذا حدث بهذا قال: وإن رغم أنف أبي ذر" : "Tout serviteur qui dit : "Il n'y a de divinité que Dieu", puis meurt sur (cette parole), entrera au Paradis [un jour]." (...) (al-Bukhârî, 5489 ; voir aussi Muslim, 94). Cela ne désigne pas la seule adhésion au Tawhîd, mais l'adhésion au Tawhîd et à la Rissâla (étant parvenue à cette personne), comme cela est connu ("واستغنى بذكر إحداهما عن الأخرى لارتباطهما وشهرتهما" : ShM 1/149), et est prouvé par cet autre hadîth : "والذي نفس محمد بيده، لا يسمع بي أحد من هذه الأمة، يهودي ولا نصراني، ثم يموت ولم يؤمن بالذي أرسلت به، إلا كان من أصحاب النار" (Muslim, 153, 'an Abî Hurayra).
----- "عن قتادة، قال: حدثنا أنس بن مالك أن النبي صلى الله عليه وسلم، ومعاذ رديفه على الرحل، قال: "يا معاذ بن جبل!" قال: لبيك يا رسول الله وسعديك، قال: "يا معاذ!" قال: لبيك يا رسول الله وسعديك، ثلاثا، قال: "ما من أحد يشهد أن لا إله إلا الله وأن محمدا رسول الله، صدقا من قلبه، إلا حرمه الله على النار." قال يا رسول الله: أفلا أخبر به الناس فيستبشروا؟ قال: "إذا يتكلوا". وأخبر بها معاذ عند موته تأثما" : "Il n'est pas une personne qui témoigne, sincèrement de son cœur, qu'il n'est de divinité que Dieu et que Muhammad est le Messager de Dieu, que Dieu lui interdise le Feu [perpétuel]" (al-Bukhârî, 128, et c'est sa version ici reproduite ; Muslim, 32).
----- "أشهد أن لا إله إلا الله، وأني رسول الله، لا يلقى الله بهما عبد غير شاك فيهما، إلا دخل الجنة" : ""Je témoigne qu'il n'y a de divinité que Dieu et que je suis le messager de Dieu" : tout serviteur rencontrant Dieu sans avoir de doute à ce sujet entrera au Paradis [un jour]" (Muslim, 27).

--- Bien que n'ayant fait aucune action de bien, les personnes suscitées seront donc mortes avec Asl ul-îmân. Et ce n'est pas que ces personnes étaient mortes avant d'avoir eu le temps de faire le une action de bien ; c'est qu'elles auront sciemment négligé des actions obligatoires, et/ou dûment commis des actions interdites : c'est bien pourquoi elles seront jusqu'alors châtiées dans la Géhenne (vu que Dieu ne châtie pas quelqu'un qui n'a fait aucun mal).

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Quant au verset 6/158 : "يَوْمَ يَأْتِي بَعْضُ آيَاتِ رَبِّكَ لاَ يَنفَعُ نَفْسًا إِيمَانُهَا لَمْ تَكُنْ آمَنَتْ مِن قَبْلُ أَوْ كَسَبَتْ فِي إِيمَانِهَا خَيْرًا" : "Le jour où certains signes de ton Seigneur viendront, le fait pour elle de faire foi ne sera plus utile à une âme qui n'avait pas apporté foi auparavant ou n'avait pas acquis du bien dans sa foi" (Coran 6/158), le terme "إِيمَانُهَا", "le fait pour elle de faire foi" y désigne :

--- pour la première partie de la proposition subordonnée relative ("لَمْ تَكُنْ آمَنَتْ مِن قَبْلُ" : "qui n'avait pas apporté foi auparavant") : apporter foi, acquérir Asl ul-îmân, et quitter donc le Kufr Akbar, et pour cela prononcer les deux témoignages de foi par la langue (comme expression de ce qu'il y a véritablement dans le cœur) ;

--- et pour la seconde partie de la proposition subordonnée relative ("أَوْ كَسَبَتْ فِي إِيمَانِهَا خَيْرًا" : "ou n'avait pas acquis du bien dans sa foi") : mettre en œuvre toute action de bien appartenant cette fois au Kamâl ul-îmân (exactement comme au verset : "وَمَا كَانَ اللّهُ لِيُضِيعَ إِيمَانَكُمْ" : Coran 2/143, où les termes "votre îmân" désignent : "les Salâts que vous avez accomplies tournés vers Bayt ul-Maqdis, conformément à ce qui était alors institué"). La preuve en est qu'il est bien précisé : "ou n'avait pas acquis du bien dans sa foi" : "أَوْ كَسَبَتْ فِي إِيمَانِهَا خَيْرًا" : cette personne avait donc déjà Asl ul-îmân.

"وقال جمهور أهل التأويل كما تقدم: الآية التي لا تنفع التوبة من الشرك أو من المعاصي بعدها هي طلوع الشمس من المغرب. (...) وقوله: {أو كسبت في إيمانها خيرا} يريد جميع أعمال البر فرضها ونفلها؛ وهذا الفصل هو للعصاة المؤمنين، كما قوله {لم تكن آمنت من قبل} هو للكفار؛ والآية المشار إليها تقطع توبة الصنفين"
(Tafsîr Ibn 'Atiyya).
"فقوله تعالى: {لا ينفع نفسا إيمانها لم تكن آمنت من قبل} أي إذا أنشأ الكافر إيمانا يومئذ، لا يقبل منه. فأما من كان مؤمنا قبل ذلك، فإن كان مصلحا في عمله، فهو بخير عظيم؛ وإن لم يكن مصلحا فأحدث توبة حينئذ، لم تقبل منه توبته، كما دلت عليه الأحاديث المتقدمة، وعليه يحمل قوله تعالى: {أو كسبت في إيمانها خيرا} أي ولا يقبل منها كسب عمل صالح إذا لم يكن عاملا به قبل ذلك" (Tafsîr Ibn Kathîr).

Pour les tenants du second avis, ce verset 6/158 veut donc dire que, après le lever du soleil à l'ouest, le repentir de personne ne sera plus accepté :
--- ni le repentir de ceux qui étaient jusqu'alors dans le
Kufr Akbar et apporteraient Asl ul-Îmân ce jour-là : eux, ce ne sera que le Kufr Akbar qui sera écrit à leur sujet ;
--- ni le repentir de ceux qui, bien qu'ayant déjà
Asl ul-Îmân depuis avant, n'avaient pas acquis du tout, ou pas suffisamment, le Kamâl ud-Dîn al-Wâjib - ayant négligé jusqu'alors l'accomplissement de Farâ'ïdh et/ou commis des Kabâ'ïr tels que Zinâ etc. - et chercheraient à l'acquérir à partir de ce jour-là : le degré de piété que ces gens avaient atteint avant ce jour-là leur sera scellé au point de ne plus pouvoir leur être compté comme ayant augmenté.

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Je suis désormais, au sujet de cette question, du premier avis, le A.
Certes, cela n'est pas l'avis de Hammâd ibn Abî Sulaymân, ni de Abû Hanîfa et ses élèves et les ulémas de l'école hanafite (
radhiyallâhu 'anhum). Néanmoins, c'est l'avis des Sahâba - y compris Ibn Mas'ûd -, ainsi que de 'Alqama et de Ibrâhîm an-Nakha'î (radhiyallâhu anhum).
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Ce que je professe donc est : "عقد القلب ركن أصل الإيمان. والقول شرط للدخول في أصل الإيمان حتى عند الله. والعمل شرط لبقاء أصل الإيمان".
- Le constituant du
Asl ul-îmân est l'adhésion du cœur, conformément aux versets qui décrivent les hypocrites ainsi : "وَمِنَ النَّاسِ مَن يَقُولُ آمَنَّا بِاللّهِ وَبِالْيَوْمِ الآخِرِ وَمَا هُم بِمُؤْمِنِينَ" : "Et parmi les hommes, il en est qui di(sen(t) : "Nous apportons foi en Dieu et au Jour Dernier", alors qu'ils ne sont pas mu'min" (Coran 2/8), et ainsi : "الَّذِينَ قَالُواْ آمَنَّا بِأَفْوَاهِهِمْ وَلَمْ تُؤْمِن قُلُوبُهُمْ" : "ceux qui ont dit par leur bouche : "Nous apportons foi" alors que leur cœur n'a pas apporté foi" (Coran 5/41) ; conformément, aussi, au verset qui, parlant de ceux qui ont foi en Dieu et Son Messager (et les distinguant des hypocrites, évoqués dans le même passage), dit d'eux : "أُوْلَئِكَ كَتَبَ فِي قُلُوبِهِمُ الْإِيمَانَ" : "Eux, Il a établi dans leur cœur la foi" (Coran 58/22).
- Mais le fait de prononcer les deux témoignages une fois par sa langue est la condition d'entrée dans le
Asl ul-îmân, et cela auprès de Dieu même (cela peut être présenté comme la prononciation du contrat d'entrée dans l'Alliance avec Lui).
- Enfin, le fait de ne pas délaisser complètement l'action extérieure est la condition du maintien de ce
Asl ul-îmân.

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Je suis, plus précisément, de l'avis A.3 ; et, plus précisément encore, de l'avis sus-cité de Taymiyya et Ibn ul-Uthaymîn.

C'est à la lumière de cet avis de Ibn Taymiyya et de Ibn ul-Uthaymîn que l'on comprend mieux pourquoi le Prophète (que Dieu le rapproche de Lui et le salue) d'une part a accepté la demande, de la part d'un homme se convertissant à l'islam, de n'accomplir [au début] que 2 des 5 prières rituelles ("عن رجل منهم أنه أتى النبي صلى الله عليه وسلم، فأسلم على أنه لا يصلي إلا صلاتين، فقبل ذلك منه" : Ahmad, 20287), mais par contre et d'autre part a refusé la requête, de la part d'autres personnes - de la tribu des Thaqîf - se convertissant à l'islam, de n'accomplir [au début] aucune des 5 prières rituelles ("لا خير في دين لا ركوع فيه" : Abû Dâoûd, 3026, Ahmad, 17913) (lire cela dans mon article parlant de la progressivité).

Quant aux formules coraniques "الَّذِينَ آمَنُوا وَعَمِلُوا الصَّالِحَاتِ" et "فَمَن يَعْمَلْ مِنَ الصَّالِحَاتِ وَهُوَ مُؤْمِنٌ", certes, le 'amal y est distingué du îmân (إذا عطف عليه العمل كقوله: {إن الذين آمنوا وعملوا الصالحات} فقد ذكر مقيدا بالعطف: فهنا قد يقال: الأعمال دخلت فيه وعطفت عطف الخاص على العام؛ وقد يقال: لم تدخل فيه، ولكن مع العطف. كما في اسم الفقير والمسكين: إذا أفرد أحدهما تناول الآخر؛ وإذا عطف أحدهما على الآخر فهما صنفان - كما في آية الصدقات كقوله: {إنما الصدقات للفقراء والمساكين}؛ وكما في آية الكفارة كقوله: {فكفارته إطعام عشرة مساكين} وفي قوله: {وإن تخفوها وتؤتوها الفقراء فهو خير لكم} فالفقير والمسكين شيء واحد. وهذا التفصيل في الإيمان هو كذلك في لفظ البر والتقوى والمعروف وفي الإثم والعدوان والمنكر: تختلف دلالتها في الإفراد والاقتران لمن تدبر القرآن" : MF 13/39). Cependant, justement, le verset "وَمَا كَانَ اللّهُ لِيُضِيعَ إِيمَانَكُمْ" (Coran 2/143) (dont nous avons déjà vu qu'il évoque l'ensemble des Salats accomplies vers Bayt ul-Maqdis) montre que le terme "Îmân" inclut, comme action extérieure, "la Salât" : al-Bayhaqî écrit que, dans le Coran, Dieu n'a désigné aucune action extérieure autre que la Salât par le terme "Îmân" : ليس من العبادات - بعد الإيمان الرافع للكفر - عبادة سماها الله عز وجل "إيمانا" وسمى رسول الله صلى الله عليه وسلم تركها كفرا، إلا الصلاة" (Shu'ab ul-îmân). C'est là un indice supplémentaire que l'ensemble des prières rituelles fait partie de Asl ul-Îmân, conformément à l'avis A.3.

Quant à 'Amr ibn Uqaysh, qui est tombé en martyr sitôt après sa conversion à l'islam, et dont le Prophète a dit qu'il est au Paradis, cela alors même qu'il n'a de sa vie accompli aucune prière rituelle : "عن ابي هريرة، أن عمرو بن أقيش كان له ربا في الجاهلية فكره أن يسلم حتى يأخذه. فجاء يوم أحد فقال: أين بنو عمي؟ قالوا: بأحد. قال: أين فلان؟ قالوا: بأحد. قال: فأين فلان؟ قالوا: بأحد. فلبس لأمته وركب فرسه ثم توجه قبلهم. فلما رآه المسلمون قالوا: إليك عنا يا عمرو. قال: إني قد آمنت. فقاتل حتى جرح. فحمل إلى أهله جريحا. فجاءه سعد بن معاذ فقال لأخته: "سليه: حمية لقومك، أو غضبا لهم، أم غضبا لله؟" فقال: "بل غضبا لله ولرسوله". فمات، فدخل الجنة وما صلى لله صلاة" (Abû Dâoûd, 2537) (dans la version rapportée par Ahmad - 23634 - on lit son nom ainsi : "'Amr ibn Thâbit ibn Waqsh", et on lit que c'est le Prophète qui a dit qu'il est dans le Paradis : "فذكروه لرسول الله صلى الله عليه وسلم فقال: "إنه لمن أهل الجنة"), c'est tout simplement qu'il n'a connu l'horaire d'aucune prière rituelle obligatoire.

Quant aux hadiths qui promettent le Paradis (fût-ce un jour) / la protection contre la Géhenne (perpétuelle) à celui qui a prononcé les deux témoignages de foi avec sincérité du cœur, ils sont à comprendre comme exposant une partie de Asl ul-Îmân ; cela est comparable à ces autres hadiths qui promettent la même chose à - cette fois - celui qui a prononcé la parole du Tawhîd : tout le monde sait que ces autres hadiths sont à comprendre comme exposant seulement une partie de Asl ul-Îmân, vu qu'une autre partie se constitue de la Rissâla : "واستغنى بذكر إحداهما عن الأخرى لارتباطهما وشهرتهما" (ShM 1/149).

Reste le hadîth qui contient cette phrase : "قوما لم يعملوا خيرا قط" : Ibn Khuzayma en a fait une ta'wîl et le commente ainsi : "فمعنى هذه اللفظة على هذا الأصل: لم يعملوا خيراً قط على التمام والكمال، لا على ما أُوجب عليه وأُمر به" (At-Tawhîd, Ibn Khuzayma). Ibn Khuzayma veut dire qu'il s'agira de personnes qui n'auront accompli aucune action extérieure de façon satisfaisante [soit au niveau de la sincérité, soit au niveau de la conformité de l'accomplissement aux normes shar'î] pour que cela leur ait été comptabilisé comme action de bien dans leur livre de comptes (fin de citation). Le fait est que, comme Dieu l'a relaté de Abel : "إِنَّمَا يَتَقَبَّلُ اللّهُ مِنَ الْمُتَّقِينَ" : "Dieu n'accepte que des pieux" (Coran 5/17) : ce verset signifie que Dieu n'accepte pas l'action dont la forme est bonne mais par rapport à laquelle celui qui l'a faite n'a pas observé la piété en la faisant : la piété consiste à faire l'action avec sincérité et avec conformité : c'est cette bonne action que Dieu fait la faveur d'accepter (MF 7/494-495).
Des personnes mortes avec Asl ul-îmân mais qui auront lésé des créatures et auront dû dédommager leurs victimes le Jour du Jugement en leur laissant leurs bonnes actions, elles aussi  seront dans le même cas : elles n'auront plus aucune bonne action à leur actif. Et quand Dieu décidera de les admettre au Paradis, elles aussi y auront été admises sans avoir de bonne action active : non pas pour les avoir toutes délaissées, mais pour les avoir toute perdues à la faveur du dédommagement de leurs victimes le Jour du Jugement.

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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