Si les prodiges que les vrais prophètes de Dieu réalisent (avec la Permission Takwînî de Dieu) constituent des Signes de leur véracité et de la justesse de leur Voie, comment expliquer que des non-prophètes (des charlatans, voire des opposants déclarés aux vrais prophètes) produisent eux aussi des prodiges (guérisons inexplicables scientifiquement, prédictions d'événements longtemps à l'avance, etc.) ? - ما الفرق بين آيات الأنبياء وكرامات الأولياء وخوارق السحرة والكهنة؟ - (p. 1/2)

Introduction :

Une des choses les plus graves qui soient est qu'un homme se prétende faussement prophète et messager de Dieu, attribuant à Dieu de lui parler :
"وَمَنْ أَظْلَمُ مِمَّنِ افْتَرَى عَلَى اللّهِ كَذِبًا أَوْ قَالَ أُوْحِيَ إِلَيَّ وَلَمْ يُوحَ إِلَيْهِ شَيْءٌ، وَمَن قَالَ سَأُنزِلُ مِثْلَ مَا أَنَزلَ اللّهُ" : "Et qui serait plus injuste que celui qui attribue une fausseté à Dieu, ou dit : "J'ai reçu la révélation" alors que rien ne lui a été révélé, et que celui qui dit : "Je vais faire descendre chose semblable à ce que Dieu a fait descendre"" (Coran 6/93).

Il est donc nécessaire de distinguer le vrai du faux prophète. 

Cela se fait sur la base des Preuves, des Signes, que tout vrai prophète présente.
Cependant, ces Preuves ne se limitent pas à la réalisation de prodiges tels que marcher sur l'eau, prédire l'avenir, etc.

Le concept de "Signes et Preuves de la véracité d'un prophète" est donc plus vaste que ces Prodiges
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Dès lors, réaliser des prodiges n'est pas une condition pour que celui qui se prétend prophète prouve ainsi sa véracité, puisque d'autres types de signes existent qui prouvent celle-ci (An-Nubuwwât, p. 285).

Cependant, les prodiges constituent un type de signes (parmi la totalité des types de "signes du vrai prophète") adressé par Dieu à l'intention des hommes : et il s'agit d'un type de signes que Dieu a accordé à beaucoup de prophètes.

En fait les Signes ont des signifiés différents : les signes de l'Existence et de l'Unicité de Dieu ne constituent pas des signes de la Véracité de tel homme se prétendant prophète de Dieu. Ces derniers sont autres.
Par ailleurs, les signes d'un signifié donné sont de niveaux différents
Mais ici ce sont des signes du Prophétat d'un homme se prétendant prophète de Dieu que nous parlons ; et il s'agit de signes du type B.A.B dans notre autre article consacré au concept de "signe", "آية".

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I) La problématique :

La problématique c'est que alors que les Prodiges sont censés faire partie de l'ensemble des Signes d'un prophète, des Prodiges sont également relatés d'hommes qui ne sont pas prophètes de Dieu et qui n'ont jamais prétendu l'être. Parfois il s'agit de pieux ne revendiquant pas le prophétat. D'autres fois il s'agit de personnes kâfir mais menant une vie de bonté. D'autres fois encore il s'agit de personnes croyantes mais s'adonnant à des actions interdites (fâssiq). Il y a encore le cas des magiciens (je ne parle pas des simples prestidigitateurs mais de personnes ayant recours à la vraie magie), qui réalisent des prodiges incroyables.
Plus encore : il y a même eu des faux prophètes qui ont réalisé certains prodiges, comme al-Aswad al-'Ansî (apparu à la fin de la vie terrestre du prophète Muhammad, sur lui soit la paix) et d'autres.
Enfin, il y aura le faux Messie ("Dajjâl", pour : "Trompeur"), qui réalisera de nombreux prodiges tout en se disant "humain mais empreint de l'étincelle et de la puissance divines", et "en qui repose l'esprit de Dieu".

Dès lors, en quoi le prodige réalisé par un prophète demeure-t-il un signe, de la part de Dieu, de son caractère de "vrai prophète de Dieu" ?
Y aurait-il un critère qui fait la spécificité des "Miracles" que seul un prophète peut réaliser, de sorte que le Prodige qu'un non-prophète réalise puisse en être distingué ?

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A) La réponse de Ibn Hazm à cette problématique ne fait pas dans la demi-mesure : "Seuls les prophètes de Dieu peuvent réaliser (avec la Idhn Takwînî de Dieu) des Prodiges. Quant aux prodiges relatés de tout homme n'étant pas prophète, soit ils ne sont pas établis de façon authentique, soit ils sont établis de façon authentique mais n'ont été qu'illusion, soit ils ne sont pas illusion mais sont néanmoins à effet très limité". Voilà comment Ibn Hazm résout la problématique sus-citée.

Ibn Hazm a considéré seulement le hadîth suivant : "عن أبي هريرة، عن النبي صلى الله عليه وسلم، قال: "ما من الأنبياء نبي إلا أعطي من الآيات ما مثله أومن أو آمن عليه البشر، وإنما كان الذي أوتيت وحيا أوحاه الله إلي، فأرجو أني أكثرهم تابعا يوم القيامة" : "Il n'est de prophète, qu'il n'ait reçu parmi les Signes ce sur chose semblable à quoi les humains apportent foi..." (al-Bukhârî, 6846, Muslim, 152). Il l'a appréhendé selon sa seule littéralité, et en a déduit que les prodiges véritables ne peuvent pas apparaître chez des humains qui ne sont pas prophètes, puisque le prodige fait partie des signes du véritable prophète.
Quant à ce qui est relaté et observé de prodiges chez des humains incroyants ou encore magiciens, ce ne sont en fait, affirme Ibn Hazm, que des illusions (takhyîl), ou des actes aux effets limités (Al-Fissal, tome 3, pp. 168 et suivantes).
Quant à ce qui est relaté de vrais prodiges réalisés par des croyants pieux (awliyâ'), Ibn Hazm en dit que cela n'est pas authentique (Ibid., 3/169-170). 

Ce que les magiciens de Pharaon ont fait devant Moïse, Ibn Hazm souligne que Dieu l'a décrit par le terme de takhyîl ("faire croire") : "فَإِذَا حِبَالُهُمْ وَعِصِيُّهُمْ يُخَيَّلُ إِلَيْهِ مِن سِحْرِهِمْ أَنَّهَا تَسْعَى" : "Et voilà que leurs cordes et leurs bâtons, il lui était fait croire qu'ils bougeaient, à cause de leur magie" (Coran 20/66) : en fait, expose Ibn Hazm, cela n'était que prestidigitation et recours à de la technologie dissimulée (Al-Fissal, 3/170) (cela est aussi l'avis de al-Jassâs parmi les hanafites : FB 10/274, 277). Ces "magiciens" de l'époque de Pharaon auraient eu recours à du mercure et de la chaleur pour faire bouger les cordes et les bâtons qu'ils ont lancés par terre (Al-Fissal, 3/170).

De même, ce que le faux Messie (ad-Dajjâl) produira est annoncé dans des hadîths authentiques, mais tous ses prodiges ne seront qu'illusion, par le recours à des moyens techniques (Al-Fissal, 1/129-131).

En fait, Ibn Hazm mentionne 4 types de "magies" :
--- il cite 2 types de magies qui ne sont respectivement que prestidigitation et techniques dissimulées ; 
--- un 3ème type constitue la mise en branle de forces naturelles, par la combinaison de certaines paroles ;
--- enfin un 4ème type a recours à l'énergie astrale, par le biais de talismans (Al-Fissal, 3/170-171 : j'ai inversé l'ordre de citation).

--- Les 2 premiers types, de la "fausse" magie, sont les tours que l'on voit de nos jours dans les attractions : "وأما التخييل بنوع من الخديعة كسكين مثقوبة النصاب تدخل فيها السكين ويظن من رآها أنها دخلت في جسد المضروب بها في حيل غير هذه من حيل أرباب العجائب والحلاج وأشباهه، فأمر يقدر عليه من تعلمه؛ وتعلمه ممكن لكل من أراده" (Al-Fissal, 1/94).
--- Les 3ème et 4ème types de magie ont recours à des forces que l'on qualifie aujourd'hui de : "ésotériques", ou : "occultes". Ibn Hazm leur reconnaît un effet réel, mais limité : certaines combinaisons de paroles peuvent affecter les attributs non-essentiels d'une chose, par exemple rendre l'envoûté malade, ou provoquer une séparation entre deux époux ("فَيَتَعَلَّمُونَ مِنْهُمَا مَا يُفَرِّقُونَ بِهِ بَيْنَ الْمَرْءِ وَزَوْجِهِ وَمَا هُم بِضَآرِّينَ بِهِ مِنْ أَحَدٍ إِلاَّ بِإِذْنِ اللّهِ" : Coran 2/102), ou encore agir sur certains animaux pour les empêcher de se rendre dans tel lieu ("وأما إحالة الأعراض من الغيرات التي تزول بغير فساد حملها، فقد تكون بالسحر، ومنه طلمسات، كتنفير بعض الحيوان عن مكان ما فلا يقربه أصلا، وكإبعاد البرد ببعض الصناعات، وما أشبه هذا؛ وقد يزيد الأمر ويفشوا العلم ببعض هذا النوع حتى يحسبه أكثر الناس كالطب والاصباغ وما أشبه هذا" : Al-Fissal, 1/94) (voir aussi Al-Fissal 3/170, où Ibn Hazm parle de Saragosse, où, dit-il, des talismans réalisés il y a fort longtemps entraînent qu'aucun serpent n'entre dans la ville, sauf à y être amené de force ; ce point est également relaté de Ibn Hazm par Ibn Hajar in Fat'h ul-bârî 10/273).

Par contre, Ibn Hazm ne reconnaît pas à la magie :  
--- le fait de changer les attributs essentiels de quelque chose (إحالة الذاتيات ومن ذلك صرف الحواس على طبائعها كمن أراك ما لا يراه غيرك أو مسح يده على مريض فأفاق أو سقاه ما يضر علته فبرىء أو أخبر عن الغيوب في الجزئيات عن غير تعديل ولا فكرة فهذه كلها إحالة الذاتيات), par exemple faire voir à quelqu'un ce que les autres ne voient pas, ou guérir par une imposition des mains, etc. (Al-Fissal, 1/94) ; de même, faire voir aux yeux ce qui n'existe pas (Al-Fissal, 3/174) ; faire voler un être humain [ce que Ibn Taymiyya reconnaît pour sa part comme effet de la magie] ;
--- le fait de transformer un être totalement (en changeant son corps, lui donnant le corps d'un être d'une tout autre espèce, ou un corps de la même espèce mais différent) (قلب الأعيان / إحالة نوع إلى نوع آخر دفعة على الحقيقة), ou encore multiplier quelque chose ou le faire apparaître du néant (اختراع الجواهر من ليس إلى أيس) (Al-Fissal, 1/93-94 ; 1/181 ; 3/168, 170).

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Or ce que Ibn Hazm affirme là est erroné :

En effet, les prodiges apparaissent non pas seulement chez les prophètes de Dieu, mais aussi chez des croyants pieux.
--- Le fait qu'un bébé de quelques jours parle, cela est considéré par Ibn Hazm comme relevant de ce qui est impossible (محال بالإضافة) et ne pouvant donc être qu'un vrai miracle, voulu par le Créateur (Al-Fissal, 2/20-21). Or cela s'est produit en faveur de Jurayj (un moine d'une communauté croyante antérieure au prophète Muhammad, sur lui soit la paix), accusé à tort d'être le père illégitime d'un bébé, et pour innocenter qui le bébé de quelques jours parla (al-Bukhârî, Muslim).
--- De même, le fait que de l'eau ou de la nourriture connaisse une multiplication réelle d'elle-même, sans cause physique, cela relève d'après Ibn Hazm de l'impossible (محال بالوجود) et ne peut donc être qu'un vrai miracle (Al-Fissal, 2/20-21). Or cela est arrivé sur la table de Abû Bakr (que Dieu l'agrée) et de son épouse un soir qu'ils recevaient des invités (al-Bukhârî, Muslim).

Plus encore : la magie est capable (bi idhnillâh it-takwînî) de faire d'autres choses encore que ce que Ibn Hazm a énuméré.
--- Car, certes, il y a la prestidigitation et le recours à des techniques dissimulées.
--- Certes, il y a l'affectation du physique (causer l'impuissance, rendre la vue moins nette : "قلت وهذا قد ورد صريحا في رواية بن عيينة في الباب الذي يلي هذا ولفظه: "حتى كان يرى أنه يأتي النساء ولا يأتيهن"؛ وفي رواية الحميدي: "أنه يأتي أهله ولا يأتيهم"؛ قال الداودي: "يرى" بضم أوله أي يظن؛ وقال ابن التين: ضبطت "يرى" بفتح أوله؛ قلت وهو من الرأي لا من الرؤية فيرجع إلى معنى الظن. وفي مرسل يحيى بن يعمر عند عبد الرزاق: "سحر النبي صلى الله عليه وسلم عن عائشة حتى أنكر بصره"؛ وعنده في مرسل سعيد بن المسيب: "حتى كاد ينكر بصره". قال عياض: فظهر بهذا أن السحر إنما تسلط على جسده وظواهر جوارحه لا على تمييزه ومعتقده. (...) وقال عياض: يحتمل أن يكون المراد بالتخيل المذكور أنه يظهر له من نشاطه ما ألفه من سابق عادته من الاقتدار على الوطء، فإذا دنا من المرأة فتر عن ذلك، كما هو شأن المعقود؛ ويكون قوله في الرواية الأخرى: "حتى كاد ينكر بصره": أي صار كالذي أنكر بصره بحيث إنه إذا رأى الشيء يخيل أنه على غير صفته فإذا تأمله عرف حقيقته" : Fat'h ul-bârî, 10/279) (voir aussi Ash-Shifa, 2/161-162).
--- Et, certes, à l'autre extrême, la magie ne peut pas transformer un être en quelque chose d'autre (transformer un humain en animal, ou un bâton en serpent réel), ni multiplier quelque chose ou le faire apparaître du néant (Fat'h ul-bârî, 10/274).
--- Cependant, entre ces deux extrémités, il y a aussi, comme effets de certaines magies :
----- faire voir aux yeux ce qui n'est pas réel ("فَلَمَّا أَلْقَوْاْ سَحَرُواْ أَعْيُنَ النَّاسِ" : Coran 7/116) ; 
----- provoquer des maladies psychiques (pouvant aller jusqu'à des cas de folie) ;
----- provoquer des affectations physiques (pouvant aller jusqu'à la mort : An-Nubuwwât, p. 309) ;
----- faire voler le magicien chevauchant un balai (An-Nubuwwât, p. 9).
(Voir An-Nubuwwât, p. 168, p. 309, p. 413, p. 431.)

En fait, comme Ibn Taymiyya l'a écrit, c'est par l'assistance de djinns incroyants ou non-pieux que le magicien (je ne parle pas du prestidigitateur et de celui qui a recours à des techniques dissimulées) réalise ce qu'il réalise.

Quant au terme "takhyîl" présent dans le verset suscité ("فَإِذَا حِبَالُهُمْ وَعِصِيُّهُمْ يُخَيَّلُ إِلَيْهِ مِن سِحْرِهِمْ أَنَّهَا تَسْعَى" : Coran 20/66), il peut signifier certes : "faire croire quelque chose qui n'est pas réel par simple prestidigitation : ils avaient enduit ces cordes et bâtons de mercure, ce qui les fit bouger" (c'est ce que Ibn Kathîr a retenu ici), mais aussi : "faire croire quelque chose qui n'est pas réel par le recours à des forces occultes" : "ces forces ont fait apparaître des choses devant les yeux des gens" (cela semble être ce que al-Baghawî a retenu ici) ; peut-être même : "ce sont ces forces occultes qui ont fait se mouvoir véritablement ces cordes et bâtons". Au sujet du prodige des magiciens de Pharaon, l'autre verset du Coran décrit le résultat de leur magie ainsi : "فَلَمَّا أَلْقَوْاْ سَحَرُواْ أَعْيُنَ النَّاسِ وَاسْتَرْهَبُوهُمْ وَجَاءوا بِسِحْرٍ عَظِيمٍ" : "Alors, lorsqu'ils jetèrent (leurs cordes et bâtons), ils ensorcelèrent les yeux des gens" (Coran 7/116).

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II) La question qui se pose est donc : Si des non-prophètes aussi peuvent réaliser des prodiges,"خرق العادة", qu'est-ce qui fait donc la spécificité des Signes des prophètes consistant en des prodiges, ces signes étant censés faire partie de l'ensemble des signes permettant de distinguer le vrai prophète du charlatan ?

Comme réponse à cette question fondamentale, voici 3 explications différentes :
l'interprétation des Ulémas Acharites et Maturidites (B) ;
l'interprétation de certains autres Mutakallimun (C) ;
l'interprétation de Ibn Taymiyya (D).

Personnellement, je suis plus convaincu sur ce point par les arguments sur lesquels repose l'interprétation de Ibn Taymiyya (D).

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B) L'explication des Ulémas Acharites et Maturidites : "Des humains non-prophètes peuvent arriver à produire de vrais prodiges, "خرق العادة". Cependant, un homme qui se prétend prophète de Dieu, Dieu ne le laisse (takwînan) réaliser de prodige que s'il est vraiment prophète de Dieu ; sinon, Dieu soit ne laisse pas se produire ce prodige, soit fait réaliser, juste après, ce qui s'oppose au prodige de cet homme. C'est donc " الاقتران بدعوى النبوة مع السلامة من المعارضة" qui permet de distinguer le "خرق العادة" d'un prophète et le "خرق العادة" de l'homme qui n'est pas prophète" : le critère est donc extérieur au prodige lui-même :

C'est l'interprétation la plus répandue chez l'ensemble de ceux des musulmans qui se réclament de l'orthodoxie Sunnite (voir par exemple chez Ibn Hajar : Fath' ul-bârî 6/711 ; chez as-Suyûtî : Al-Itqân, p. 1001).

On peut synthétiser cette interprétation en les termes suivants : "المعجزة هي خارق للعادة يظهر على يد مدعي النبوة وفقًا للتحدي (تحداه الغيرُ بالإتيان به، أو ادعى هو أنه يظهره كآية لصدقه في دعواه) وغير مكذبة للمدّعِي، فيعجز الغير عن المعارضة بالمنع أو بالإتيان بمثله" : "La Mu'jiza (مُعْجِزَة) est quelque chose de contraire aux lois habituelles, qui se réalise par le biais de l'homme qui affirme être prophète de Dieu, et qui se réalise conformément au défi lancé (soit les sceptiques l'avaient mis au défi de produire pareille chose, soit c'est lui qui annonçait pouvoir avec la permission de Dieu réaliser pareille chose) et ne contredisant pas cet homme, et à quoi les autres hommes sont incapables de s'opposer (ni en l'empêchant de se réaliser, ni en produisant chose semblable)".
Si cela s'est produit avant que cet homme reçoive le prophétat, ce prodige est appelé "Ir'hâs" (إرهاص) (note de bas de page n° 4 sur Shar'h ul-Aqîda an-Nassafiyya, p. 145).

Quant à la Karâma (كَرَامَة) il s'agit d'un prodige qui se réalise par le biais d'un homme qui n'affirme pas être prophète et qui est croyant pieux. Cela constitue un miracle du prophète dont il se réclame (Shar'h ul-Aqîda an-Nassafiyya, p. 147 ; Shar'h ul-Fiqh il-akbar, p. 130).
Chez des gens du commun des croyants (pas impies ni spécialement pieux), le prodige les délivrant de dures épreuves est appelé "Ma'ûna" (مَعُوْنَة) (note de bas de page n° 4 sur Shar'h ul-Aqîda an-Nassafiyya, p. 145).

Le Istid'râj (اِسْتِدْرَاج) est le prodige qui se réalise par le biais d'un homme qui n'affirme pas être prophète et qui est incroyant ou est croyant non-pieux, et qui se réalise conformément à ce qu'il annonçait (Shar'h ul-Aqîda an-Nassafiyya, p. 147 ; Shar'h ul-Fiqh il-akbar, p. 134). 
Si le prodige se réalise, mais de façon contraire à ce que cet homme annonçait, cela porte le nom de "Ihâna" (إهانة) (note de bas de page n° 2 sur Shar'h ul-Aqîda an-Nassafiyya, p. 145) (voir aussi Shar'h ul-Fiqh il-akbar, p. 130).
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Un prodige ne peut pas se produire de la part de quelqu'un qui se prétend faussement prophète :
--- soit Dieu l'empêche alors (takwînan) tout simplement de réaliser le prodige qu'il annonçait comme signe de son (prétendu) prophétat : c'est l'empêchement, "المعارضة بالمنع" ;
--- soit Dieu suscite peu après un autre homme qui réalise le même prodige, ce qui "annihile" le prodige précédent en tant que "signe" : c'est l'annihilation du caractère de "signe" du prodige, par la réalisation, par un opposant, d'une chose semblable, "المعارضة بالإتيان بمثله" ;
--- soit Dieu fait se réaliser ce prodige d'une façon qui contredit ce qu'il en annonçait, ce qui fait que son prodige se transforme en humiliation pour lui, "الإهانة" (comme Mussaylima"وذكر علماء التاريخ أنه كان يتشبه بالنبي صلى الله عليه وسلم: بلغه أن رسول الله صلى الله عليه وسلم بصق في بئر فغزر ماؤه، فبصق في بئر، فغاض ماؤه بالكلية؛ وفي أخرى: فصار ماؤه أجاجا؛ وتوضأ وسقى بوضوئه نخلا، فيبست وهلكت؛ وأتى بولدان يبرك عليهم فجعل يمسح رؤوسهم، فمنهم من قرع رأسه، ومنهم من لثغ لسانه؛ ويقال: إنه دعا لرجل أصابه وجع في عينيه، فمسحهما، فعمي" :
Al-Bidâya wa-n-Nihâya, 6/370). Si le prodige se réalise comme annoncé mais qu'ensuite le prodige lui-même dénonce la personne comme étant un charlatan, cela constitue aussi une humiliation, "الإهانة" ; c'est ce à quoi la définition donnée plus haut voulait se prémunir en disant : "وغير مكذبة للمدّعِي".

Pour ces Mutakallimûn, si quelqu'un prétend être non pas prophète de Dieu mais Dieu Lui-même, ou une Incarnation de Dieu, Dieu ne l'empêche pas, takwînan, de réaliser des prodiges (Shar'h ul-fiqh il-akbar, pp. 135-136). Cette interprétation tente d'expliquer comment le Faux Messie, qui se prétendra dépositaire de l'âme divine (yehida ou : yé'hida), pourra réaliser tant de prodiges : lui se prétendra divin, et pas (ou : plus) prophète.
La question est alors : Pourquoi Dieu empêche-t-il takwînan à un homme de réaliser des prodiges s'il se prétend faussement prophète, mais pas s'il se prétend Dieu ou habité de l'Esprit de Dieu ?
Parce que, répondent ces Ulémas, la seconde affirmation est si grosse que nul être humain sensé ne devrait se laisser prendre au piège (Shar'h ul-fiqh il-akbar, pp. 135-136).

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C) L'explication de certains autres Mutakallimûn : "C'est le fait d'être irréalisable par d'autres humains (السلامة من المعارضة) qui constitue le critère définissant le miracle d'un prophète. Par voie d'incidence, c'est l'absence de capacité (عدم القدرة) qui devient le critère" :

Dès lors, il n'est même plus nécessaire qu'il s'agisse d'un prodige, "خرق العادة". Il peut s'agir de quelque chose de courant, que le prophète réalise toujours, mais que ses opposants, parmi ceux à qui il s'adresse, ne peuvent plus réaliser : Dieu retire leur capacité (سلب القدرة) à faire cette chose courante, et ne les laisse alors plus (takwînan) réaliser cette chose, afin que la réalisation de celle-ci par ce prophète soit : "signe du prophète" (relaté de ces Mutakallimûn in An-Nubuwwât, p. 289). "سلب القدرة المعتادة أن يقول رجل: "معجزتي أنكم كلكم لا يقدر أحد منكم على الكلام ولا على الأكل والشرب"؛ فإن المنع من المعتاد كإحداث غير المعتاد" (Al-Jawâb us-sahîh, 4/62).

C'est ce que an-Nazzâm ainsi que certains autres Mutazilites ont avancé quant à l'inimitabilité du Coran sur le plan linguistique : pour eux, les Arabes avaient la capacité de produire un texte du même niveau dans la langue, mais Dieu a détourné leurs cœurs de le produire, ou a enlevé leur capacité à le produire ; c'est ce qu'ils appellent : "الصرفة". Ibn Hazm est du même avis (Al-Fissal, 2/49-51).

Cette explication est cependant erronée : les Arabes n'avaient pas, et n'ont pas, la capacité de produire un texte de ce niveau.
"فيقال: لا يخلو إما أن يكون الناس قادرين على المعارضة أو عاجزين.
فإن كانوا قادرين، ولم يعارضوه، بل صرف الله دواعي قلوبهم ومنعها أن تريد معارضته مع هذا التحدي العظيم، أو سلبهم القدرة التي كانت فيهم قبل تحديه (فإن سلب القدرة المعتادة أن يقول رجل: معجزتي أنكم كلكم لا يقدر أحد منكم على الكلام ولا على الأكل والشرب، فإن المنع من المعتاد كإحداث غير المعتاد)، فهذا من أبلغ الخوارق.

وإن كانوا عاجزين، ثبت أنه خارق للعادة.
فثبت كونه خارقا على تقدير النقيضين: النفي والإثبات. فثبت أنه من العجائب الناقضة للعادة في نفس الأمر. فهذا غاية التنزيل. وإلا فالصواب المقطوع به أن الخلق كلهم عاجزون عن معارضته، لا يقدرون على ذلك، ولا يقدر محمد صلى الله عليه وسلم - نفسه - من تلقاء نفسه على أن يبدل سورة من القرآن، بل يظهر الفرق بين القرآن وبين سائر كلامه لكل من له أدنى تدبر؛ كما قد أخبر الله به في قوله: {قل لئن اجتمعت الإنس والجن على أن يأتوا بمثل هذا القرآن لا يأتون بمثله ولو كان بعضهم لبعض ظهيرا}. وأيضا فالناس يجدون دواعيهم إلى المعارضة حاصلة، لكنهم يحسون من أنفسهم العجز عن المعارضة؛ ولو كانوا قادرين، لعارضوه" (Al-Jawâb us-sahîh, 4/62).

L'enlèvement de la capacité à faire quelque chose de normal (سلب القدرة المعتادة) s'est-il vraiment produit comme miracle ?

Ce qui semble s'être produit c'est que, en tant que signe de la véracité de la voie suivie par un pieux, il y a eu l'empêchement, par Dieu, de gens à faire un tort (pourtant d'ordre habituel) à ce pieux. Cependant, ici il y a eu, sur ordre de Dieu
 (plutôt qu'un réel "سلب القدرة المعتادة"), la mise en intervention d'un empêchant : "المنع". 
Ainsi, à la fin des temps, un jeune croyant sortira de Médine pour dénoncer ouvertement le faux Messie, et, après différentes péripéties, le Trompeur essaiera de le tuer de façon habituelle, mais n'y parviendra pas parce qu'un empêchant verra le jour : "قال: ثم يمشي الدجال بين القطعتين ثم يقول له: "أتؤمن بي؟" فيقول: "ما ازددت إلا بصيرة". قال: ثم يقول: "يا أيها الناس إنه لا يفعل بعدي بأحد من الناس". قال: فيأخذه الدجال ليذبحه، فيجعل ما بين رقبته إلى ترقوته نحاسا، فلا يستطيع إليه سبيلا" (Muslim) ; "فيقول: "والله ما كنت فيك أشد بصيرة مني اليوم!" فيريد الدجال أن يقتله، فلا يسلط عليه" (al-Bukhârî et Muslim).
Cela est également arrivé avec le jeune homme qui faisait des miracles et dont il est dit qu'il adhérait au message de Jésus : le roi envoya des gens le tuer, mais, à chaque fois, ce furent ces gens qui furent détruits par un événement inattendu, et le jeune homme revint sain et sauf auprès du roi : "ثم جيء بالغلام فقيل له ارجع عن دينك، فأبى فدفعه إلى نفر من أصحابه فقال: "اذهبوا به إلى جبل كذا وكذا، فاصعدوا به الجبل، فإذا بلغتم ذروته، فإن رجع عن دينه، وإلا فاطرحوه". فذهبوا به فصعدوا به الجبل، فقال: "اللهم اكفنيهم بما شئت"، فرجف بهم الجبل فسقطوا. وجاء يمشي إلى الملك، فقال له الملك: "ما فعل أصحابك؟" قال: "كفانيهم الله". فدفعه إلى نفر من أصحابه فقال: "اذهبوا به فاحملوه في قرقور، فتوسطوا به البحر، فإن رجع عن دينه، وإلا فاقذفوه". فذهبوا به، فقال: "اللهم اكفنيهم بما شئت"، فانكفأت بهم السفينة فغرقوا. وجاء يمشي إلى الملك، فقال له الملك: "ما فعل أصحابك؟" قال: "كفانيهم الله". فقال للملك: "إنك لست بقاتلي حتى تفعل ما آمرك به". قال: "وما هو؟" قال: "تجمع الناس في صعيد واحد، وتصلبني على جذع، ثم خذ سهما من كنانتي، ثم ضع السهم في كبد القوس، ثم قل: باسم الله رب الغلام، ثم ارمني، فإنك إذا فعلت ذلك قتلتني". فجمع الناس في صعيد واحد، وصلبه على جذع، ثم أخذ سهما من كنانته، ثم وضع السهم في كبد القوس، ثم قال: "باسم الله، رب الغلام"، ثم رماه فوقع السهم في صدغه. فوضع يده في صدغه في موضع السهم فمات. فقال الناس: "آمنا برب الغلام، آمنا برب الغلام، آمنا برب الغلام". فأتي الملك فقيل له: "أرأيت ما كنت تحذر؟ قد والله نزل بك حذرك، قد آمن الناس". فأمر بالأخدود في أفواه السكك، فخدت وأضرم النيران، وقال: "من لم يرجع عن دينه فأحموه فيها، أو قيل له: اقتحم. ففعلوا. حتى جاءت امرأة ومعها صبي لها فتقاعست أن تقع فيها، فقال لها الغلام: "يا أمه اصبري فإنك على الحق "" (Muslim, 3005).

Par contre, d'après le commentaire le plus répandu, un vrai "سلب القدرة المعتادة", s'est produit avec le prophète Zacharie de Abba (sur lui soit la paix) : il lui avait été annoncé à l'avance que, sans que ce soit à cause d'un mal, pendant 3 jours et 3 nuits il ne pourrait pas parler aux gens mais pourrait prononcer des paroles de Pureté et de Louange de Dieu : "قَالَ رَبِّ اجْعَلْ لِي آيَةً قَالَ آيَتُكَ أَلَّا تُكَلِّمَ النَّاسَ ثَلَاثَةَ أَيَّامٍ إِلَّا رَمْزًا وَاذْكُرْ رَبَّكَ كَثِيرًا وَسَبِّحْ بِالْعَشِيِّ وَالْإِبْكَارِ" (Coran 3/41) ; "قَالَ رَبِّ اجْعَل لِّي آيَةً ۚ قَالَ آيَتُكَ أَلَّا تُكَلِّمَ النَّاسَ ثَلَاثَ لَيَالٍ سَوِيًّا فَخَرَجَ عَلَىٰ قَوْمِهِ مِنَ الْمِحْرَابِ فَأَوْحَىٰ إِلَيْهِمْ أَن سَبِّحُوا بُكْرَةً وَعَشِيًّا" (Coran 19/10-11). Cependant, il s'agissait "seulement" du signe que son épouse était devenue enceinte, conformément à l'annonce qui lui avait été faite auparavant : "قوله تعالى: {رب اجعل لي آية} أي: علامة على وجود الحمل. وفي علة سؤاله آية قولان: أحدهما: أن الشيطان جاءه، فقال: هذا الذي سمعت من صوت الشيطان، ولو كان من وحي الله، لأوحاه إليك، كما يوحي إليك غيره، فسأل الآية، ذكره السدي عن أشياخه. والثاني: أنه إنما سأل الآية على وجود الحمل ليبادر بالشكر وليتعجل السرور، لأن شأن الحمل لا يتحقق بأوله، فجعل الله آية وجود الحمل حبس لسانه ثلاثة أيام. فأما الرمز فقال الفراء: الرمز بالشفتين، والحاجبين، والعينين، وأكثره في الشفتين. قال ابن عباس: جعل يكلم الناس بيده، وإنما منع من مخاطبة الناس ولم يحبس عن الذكر لله تعالى. وقال ابن زيد: كان يذكر الله، ويشير إلى الناس. وقال عطاء بن السائب: اعتقل لسانه من غير مرض. وجمهور العلماء على أنه إنما اعتقل لسانه آية على وجود الحمل. وقال قتادة والربيع بن أنس: كان ذلك عقوبة له إذ سأل الآية بعد مشافهة الملائكة بالبشارة" (Zâd ul-massîr). "قوله تعالى: {قال رب اجعل لي آيةأي: علامة أعلم بها وقت حمل امرأتي فأزيد في العبادة شكرا لك. {قال آيتك ألا تكلم الناس}، أي: تكف عن الكلام ثلاثة أيام، وتقبل بكليتك على عبادتي، لا أنه يحبس لسانه عن الكلام، ولكنه نهي عن الكلام وهو صحيح سوي، كما قال في سورة مريم: {ألا تكلم الناس ثلاث ليال سويا}، يدل عليه قوله تعالى: {وسبح بالعشي والإبكار}، فأمره بالذكر ونهاه عن كلام الناس. وقال أكثر المفسرين: عقل لسانه عن الكلام مع الناس ثلاثة أيام" (Tafsîr ul-Baghawî).

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D) L'explication de Ibn Taymiyya : Il s'agit d'utiliser plutôt le terme présent dans le Coran et la Sunna : "آية", "Signe". Et ce signe est, par essence et par nature, quelque chose dont le prodige réalisé par un non-prophète est différent :

Ibn Taymiyya conteste les définitions A (celle de Ibn Hazm), mais aussi B et C du miracle de prophète. Il en fait la takhti'a, "تخطئة".

Parmi les termes usuels suscités : la Mu'jiza (مُعْجِزَة), le Ir'hâs (إرهاص), la Karâma (كَرَامَة), le Istid'râj (اِسْتِدْرَاج), la Ihâna (إهانة) : le terme "آية", "Signe" (présent dans le Coran et la Sunna) s'applique uniquement à ce que les Mutakallimûn (B et C) nomment : Mu'jiza (مُعْجِزَة), Ir'hâs (إرهاص) et Karâma (كَرَامَة).

Ibn Taymiyya n'est pas d'accord avec le concept de "différence entre les prodiges des prophètes et ceux des charlatans par seule "concomitance / coexistence avec l'affirmation d'être prophète", "الاقتران بدعوى النبوة"".
Par ailleurs, il dit qu'il s'agit d'utiliser plutôt le terme présent dans le Coran et la Sunna : "آية", "
Signe", parce que les termes "Mu'jiz" (مُعْجِز) et "Kharq ul-'âdah" (خرق العادة) sont imprécis : ils peuvent englober aussi ce que certains humains surdoués sont capables de faire, ainsi que ce que les djinns réalisent qui est la source des prodiges des magiciens.

D'une part Ibn Taymiyya relate que al-Aswad al-'Ansî, al-Hârith ad-Dimashqî, et Bâbâ ar-Rumî se sont présentés comme prophètes et, bien que ne l'étant évidemment pas, ont pourtant réalisé des prodiges qui n'ont subi aucune mu'âradha (contrairement à ce que les interprétations B et C affirment) (cf. An-Nubuwwât, pp. 282-283).
"والأسود العنسي الذي ادعى النبوة كان له من الشياطين من يخبره ببعض الأمور المغيبة؛ فلما قاتله المسلمون كانوا يخافون من الشياطين أن يخبروه بما يقولون فيه، حتى أعانتهم عليه امرأته لما تبين لها كفره فقتلوه. (...). وأمثال هؤلاء كثيرون، مثل الحارث الدمشقي الذي خرج بالشام زمن عبد الملك بن مروان وادعى النبوة؛ وكانت الشياطين يخرجون رجليه من القيد وتمنع السلاح أن ينفذ فيه؛ وتسبح الرخامة إذا مسحها بيده؛ وكان يرى الناس رجالا وركبانا على خيل في الهواء ويقول: "هي الملائكة"، وإنما كانوا جنا؛ ولما أمسكه المسلمون ليقتلوه طعنه الطاعن بالرمح فلم ينفذ فيه، فقال له عبد الملك: "إنك لم تسم الله!" فسمى الله فطعنه فقتله. وهكذا أهل الأحوال الشيطانية تنصرف عنهم شياطينهم إذا ذكر عندهم ما يطردها مثل آية الكرسي" (MF 11/284-285).
"كما تواترت الأخبار عن الأنبياء صلوات الله عليهم بأنهم يذكرون أن الملائكة تخبرهم بما تخبرهم به؛ وكما تواتر إخبار الجن لبنى آدم تارة بما يسترقونه من خبر السماء وتارة بغير ذلك؛ والعلم بالمغيبات من هذا الوجه هو مما اتفق عليه الأنبياء وأتباعهم المسلمون واليهود والنصارى واتفق عليه جماهير بنى آدم من غير أهل الملل كالمشركين من العرب ومن الهند ومن الكلدانيين وغيرهم: كلهم يذكرون ما تخبر به الأرواح إما مطلقا وإما أن تعين. وقد ذكرنا أن الصابئة نوعان حنفاء ومشركون؛ فالحنفاء هم من المسلمين المؤمنين؛ وأما المشركون كالصابئة الذين بعث الله إليهم الخليل عليه السلام وغيرهم فهؤلاء يقرون بهذا. والصابئة الحرانيون لهم نبي على أصلهم يقال له البابا وله مصحف يذكر فيه كثيرا من الأخبار المستقبلة ويذكرون أن سيدته يعنى روحانية الزهرة أخبرته بذلك. وكثير منها صحيح، كإخبار بدخول المسلمين بلاد حران وغيرها وفتحهم البلاد وإهانتهم لطائفته. وكان بحران بئر يقال لها بئر عزون يعظمونها تعظيما كثيرا وكان يذكر أن الأرواح تجتمع إليها. ويذكر أنواعا من هذه الأمور في مصحف له؛ وهو موجود قد قرأته أنا وغيري. وهذه الأرواح منهم من يطلق عليها اسم الأرواح والروحانيات ولا يفصل؛ ومنهم من يسميها جميعا الملائكة ولا يفرقون بين الجن والملائكة، لا سيما وطائفة من أهل الكلام وغيرهم يجعلون الجن والملائكة جنسا واحدا، وإنما يفرقون بالأعمال الصالحة والفاسدة، كالآدميين (ومن هذا تنازع العلماء في إبليس هل كان من الملائكة أم لا وقد بسط الكلام عليه في غير هذا الموضع)؛ وأما من يعرف حقيقة الأمر من علماء المسلمين فيعلمون أن الأرواح التي تعين المشركين هي الشياطين، ويفرقون بين الملائكة وبين الجن كما هو ثابت بالكتاب والسنة والإجماع" (Ar-Radd 'ala-l-mantiqiyyîn, pp. 403-404).
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D'autre part, Ibn Taymiyya affirme que la spécificité du "signe du prophète" par rapport au prodige réalisé par un non-prophète ne peut pas résider dans le seul fait d'"être coexistant avec l'affirmation d'être prophète", "الاقتران بدعوى النبوة". Car, alors, ce qu'un prophète peut réaliser, un pieux non-prophète, et même un magicien ou un impie aussi pourrait en soi le réaliser, la différence n'étant pas "par essence, par nature" (بالذات), mais "par incidence" (بالعرض), "pour raison extrinsèque à la chose" (بسبب خارج)
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Ibn Taymiyya affirme avec force que, tout au contraire, les prodiges qui constituent les signes des prophètes sont, de par leur nature même, irréalisables par des non-prophètes.

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III) Avant d'étudier cette explication de Ibn Taymiyya plus en détail, il nous faut aborder la question de la nature du prodige : en quoi consiste ce dernier exactement ?

Pour répondre à cette question, nous devrons voir 3 découpages...

Un premier découpage : Les Catégories a, b et c, qui correspondent à des Niveaux de possibilité ou d'impossibilité des événements terrestres se produisant comme effets d'actions.

Un second découpage : Comme nous l'avons vu un peu plus haut, Ibn Taymiyya distingue les prodiges faits avec l'Assistance de Dieu, ou de Ses Anges, ou des Causes Naturelles ; et les prodiges réalisés avec l'assistance de djinns incroyants. Il nous faudra donc distinguer les différents Niveaux de Capacité dont les créatures disposent, ou ne disposent pas.

Un troisième découpage : Comme nous le verrons plus bas, al-Qushayrî et Ibn Taymiyya distinguent deux types de prodiges : les prodiges très grands, et les prodiges moins grands.

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IV) Le premier découpage : Il y a : ce qui est habituel et normal ; ce qui n'est pas impossible d'après les lois régissant ce monde mais ne se produit qu'exceptionnellement ; ce qui est en soi possible mais est impossible de façon relative ; ce qui est en soi possible mais est impossible de façon inconditionnelle, d'après les lois régissant ce monde ; ce qui est en soi impossible :

Ibn Hazm a distingué, au sein de l'ensemble de ce que l'usage des hommes nomme : "chose impossible" (محال), les 4 catégories qui vont suivre, que je vais citer mais faire précéder d'une catégorie humblement rajoutée par moi (il s'agit de la a). Ce qui nous donne en tout 5 catégories :

La Catégorie a : ce qui, bien qu'étant du domaine du possible en ce monde, n'y voit qu'exceptionnellement, très rarement, le jour (الممكن الخارج عن المعتاد) : qu'un humain exprime le souhait qu'il pleuve, et il se met à pleuvoir immédiatement, mais depuis des nuages.
La Catégorie b) ce qui, de façon relative, est impossible d'exister en ce monde (المحال الإضافي في هذا العالم باعتبار ما بنى الله عليه العالم) : qu'un humain né il y a seulement quelques jours parle (cela est relatif car en grandissant l'être humain se met normalement à parler). 
La Catégorie c) ce qui est impossible d'exister par rapport aux lois régissant ce monde (المحال المطلق في هذا العالم باعتبار ما بنى الله عليه العالم) : par exemple que la pierre ou l'arbre parle (certes, dans l'au-delà même des choses inertes parleront, mais en ce monde cela est impossible) ; ou qu'une petite quantité d'eau, présente dans un petit récipient, soit multipliée au point de connaître comme un jaillissement et suffise à abreuver des centaines de personnes ; ou qu'un bâton se transforme en vrai serpent puis redevienne bâton.
La Catégorie d) ce qui est impossible d'exister car induisant une imperfection chez Dieu (المحال المطلق باعتبار ذات الباري تعالى) : par exemple que Dieu ait un associé dans Son caractère divin.
La Catégorie e) ce qui est impossible d'exister en soi (المحال المطلق باعتبار العقل) : par exemple que quelque chose soit, qui existe, et qui dans le même temps n'existe pas.
(Cf. Al-Fissal, 2/20-21 ; dans ma relation des 4 catégories citées par Ibn Hazm, et ici désignées par les lettres b, c, d et e, j'ai sciemment interverti l'ordre des catégories d et e, telles que l'érudit andalou les a, lui, exposées.)

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Les deux catégories d et e
, qui sont réellement des choses qui ne peuvent pas exister, donc qui sont en soi "impossibles d'existence" (محال الوجود في نفسه), dira-t-on que Dieu est malgré tout capable de les faire exister, ou ne dira-t-on pas cela ?

A ce sujet, lire mon article : "Dieu est capable de toute chose" : "إِنَّ اللَّه عَلَى كُلِّ شَيْءٍ قَدِيرٌ" (Coran). Que recouvre ici la formule "Capable de toute chose" : "Capable de ce qu'Il veut faire se réaliser" (إن الله على كل شيء} شاءه {قدير), ou : "Capable de bien plus que ce qu'Il veut faire se réaliser" ? - Par ailleurs : Dira-t-on que Dieu a aussi la Capacité de créer une divinité autre que Lui, ou ne peut-on pas dire cela ?.

ِQuant aux deux catégories citées ici comme b et c, elles sont impossibles dans le sens où elles contredisent les lois que Dieu a mises en place régissant la création (ممتنع الوجود باعتبار ما بنى الله عليه العالم) ; cependant, elles demeurent possibles en soi (ممكن الوجود في نفسه).
C'est dans la catégorie a, ainsi que dans ces catégories b et c, que les miracles opérés par les pieux non-prophètes ainsi que les prophètes prennent place, constituant alors des Signes Particuliers (du type B.A.B dans notre autre article).

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--- Un vendredi, pendant le sermon de la mi-journée, un bédouin lui en ayant fait la requête, le prophète Muhammad (sur lui soit la paix) invoqua Dieu de faire pleuvoir ; alors que le ciel était jusqu'alors dégagé, des nuages apparurent immédiatement, et la pluie se fit. Le vendredi suivant, requête lui fut adressée d'invoquer Dieu de faire cesser de pleuvoir, ce que le Prophète fit, et immédiatement il cessa de pleuvoir au-dessus de la ville de Médine (Catégorie a). "عن أنس رضي الله عنه، أن رجلا جاء إلى النبي صلى الله عليه وسلم يوم الجمعة، وهو يخطب بالمدينة، فقال: قحط المطر، فاستسق ربك. فنظر إلى السماء وما نرى من سحاب، فاستسقى، فنشأ السحاب بعضه إلى بعض، ثم مطروا حتى سالت مثاعب المدينة، فما زالت إلى الجمعة المقبلة ما تقلع، ثم قام ذلك الرجل أو غيره، والنبي صلى الله عليه وسلم يخطب، فقال: غرقنا، فادع ربك يحبسها عنا، فضحك ثم قال: "اللهم حوالينا ولا علينا" مرتين أو ثلاثا، فجعل السحاب يتصدع عن المدينة يمينا وشمالا، يمطر ما حوالينا ولا يمطر منها شيء، يريهم الله كرامة نبيه صلى الله عليه وسلم وإجابة دعوته" (al-Bukhârî, 5742). 

--- Jésus nouveau-né parla ; or, un humain ne peut parler que lorsqu'il a atteint l'âge de quelques mois (Catégorie b).

--- Des pierres ainsi que des arbres ont parlé en présence du prophète Muhammad (sur lui soit la paix), devant des Compagnons ; or, la pierre et l'arbre ne parlent pas (Catégorie c). En quelques fois, face à un manque d'eau, le prophète Muhammad (sur lui soit la paix) prit une écuelle d'eau, y plaça ses doigts, et l'eau jaillit (se multipliant à partir d'elle-même, dans le volume d'eau situé entre ses doigts) : or de l'eau ne se multiplie pas à partir d'elle-même. De même, le bâton de Moïse (sur lui soit la paix) se transforma en un vrai serpent quand il le jeta par terre, alors qu'un morceau de bois ne se transforme pas en animal.

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Toutes les choses qui relèvent des catégories b et c sont possibles en soi, et Dieu a la Capacité de les faire se réaliser
 :

--- une partie Il a déjà fait se réaliser (il y a des miracles réalisés par Ses différents prophètes, il y a aussi des miracles réalisés par des pieux se réclamant du message du prophète de leur époque) ;
--- une autre partie Dieu va faire se réaliser (il s'agit de miracles devant se produire dans le futur) ;
--- et une autre partie encore Il a choisi, pour une sagesse que Lui connaît, de ne jamais faire se réaliser.

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Cependant, ces choses des Catégories b et c sont impossibles d'après les lois naturelles que Dieu Lui-même a mises en place dans ce monde :

"فبإذ ذلك كذلك، فقد وجب أن كل ما في العالم مما قد رتبه الله على ما هو عليه من فصوله الذاتية وأنواعه وأجناسه فلا يتبدل شيء منه قطعا إلا حيث قام البرهان على تبدله. وليس ذلك إلا على أحد وجهين: إما استحالة معهودة جارية على رتبة واحدة وعلى ما بنى الله تعالى عليه العالم من استحالة المني حيوانا والنوى والبزور نباتا وسائر الاستحالات المعهودات؛ وإما إستحالة ما لم تعهد قط ولا بنى الله تعالى العالم عليها؛ ولذلك قد صح للانبياء عليهم السلام شواهد لهم على صحة نبوتهم وجود ذلك بالمشاهدة ممن شهدهم ونقله إلى من لم يشاهدهم بالتواتر الموجب للعلم الضروري، فوجب الإقرار بذلك. وبقي ما عدا أمر الأنبياء عليهم السلام على الامتناع فلا يجوز البتة وجود ذلك لا من ساحر ولا من صالح بوجه من الوجوه لأنه لم يقم برهان بوجود ذلك ولا صح به نقل. وهو ممتنع في العقل كما قدمنا. ولو كان ذلك ممكنا لاستوى الممتنع والممكن والواجب وبطلت الحقائق كلها(Al-Fissal, 3/169).
"قال أبو محمد: وكل هذه الوجوه التي ذكرناها ليست من باب معجزات الأنبياء عليهم السلام، ولا من باب ما يدعيه أهل الكذب للسحرة والصالحين؛ لأن معجز الأنبياء هو خارج عن الرتب وعن طبائع كل ما في العالم وعن بنية العالم، لا يجري شيء من ذلك على قانون ولا على سنن معلوم. لكن قلب عين وإحالة صفات ذاتية كشق القمر وفلق البحر واختراع طعام وماء وقلب العصا حية وإحياء ميت قد أرم وإخراج ناقة من صخرة ومنع الناس من أن يتكلموا بكلام مذكور أو من أن يأتوا بمثله وما أشبه هذا، من إحالة الصفات الذاتية التي بوجودها تستحق الأسماء ومنها تقوم الحدود؛ وهذا بعينه هو الذي يدعيه المبطلون للساحر والفاضل. قال أبو محمد: وإنما يلوح الفرق جدا بين هذين السبيلين لأهل العلم بحدود الأسماء والمسميات وبطبائع العالم وانقسامه من مبدئه من أجناس إلى أنواعه إلى أشخاصه وما هو عليه من أعراضه ذاتي وما هو منها غيري وما يسرع الاستحالة والزوال من الغيري منها وما يبطيء زواله منها وما يثبت منها ثبات الذاتي وان لم يكن ذاتيا والفرق بين البرهان وبين ما نظن أنه برهان وليس برهانا والحمد لله على ما وهب وأنعم به علينا لا إله إلا هو" (Al-Fissal, 3/171).
"فـالمحال بالإضافة مثل نبات اللحية لابن ثلاث سنين وإحباله امرأة وكلام الأبله الغبي في دقائق المنطق وصوغه الشعر العجيب وما أشبه هذا؛ فهذه المعاني موجودة في العالم مـمن هي ممكنة منه، ممتنعة من غيرهم. وأما المحال في الوجود فكانقلاب الجماد حيوانا والحيوان جمادا أو حيوانا آخر وكنطق الحجر واختراع الأجسام وما أشبه هذا؛ فإن هذا كله ليس ممكنا عندنا البتة ولا موجودا، ولكنه متوهم في العقل متشكل في النفس كيف كان يكون لو كان. وبهذين القسمين تأتي الأنبياء عليهم السلام في معجزاتهم الدالة على صدقهم في النبوة" (Al-Fissal, 2/20-21).

Ces lois naturelles induisent une nature et des propriétés intrinsèques à chaque chose :

Par rapport à la perception des Acharites disant que "les choses ne possèdent pas de nature et de propriété propre", Ibn Hazm exprime - à juste titre - son désaccord : "قال أبو محمد: ذهبت الأشعرية إلى إنكار الطبائع جملة وقالوا: ليس في النار حر، ولا في الثلج برد، ولا في العالم طبيعة أصلا. وقالوا: إنما حدث حر النار جملة وبرد الثلج عند الملامسة. قالوا: ولا في الخمر طبيعة إسكار، ولا في المني قوة يحدث بها حيوان، ولكن الله عز وجل يخلق منه ما شاء، وقد كان ممكنا أن يحدث من مني الرجال جملا، ومن مني الحمار إنسانا، ومن زويعة الكزبر نخلا. قال أبو محمد: (...) وقد ناظرت بعضهم في ذلك فقلت له إن اللغة التي نزل بها القرآن تبطل قولكم لأن" (Al-Fissal, 1/183).

Par contre, pour ce qui est de l'emploi (par les Acharites) de la formule "kharq ul-'âda", contre lequel Ibn Hazm s'élève, insistant pour employer plutôt "mumtani'" : "قال أبو محمد: وهذا المذهب الفاسد حداهم على أن سموا ما تأتي به الأنبياء عليهم الصلاة والسلام من الآيات المعجزات: "خرق العادة"، لأنهم جعلوا امتناع شق القمر وشق البحر وامتناع إحياء الموتى وإخراج ناقة من صخرة وسائر معجزاتهم: إنما هي عادات فقط. قال أبو محمد: معاذ الله من هذا! ولو كان ذلك عادته لما كان فيها إعجاز أصلا، لأن العادة في لغة العرب والدأب والدين والديدن والهجيري ألفاظ مترادفة على معنى واحد وهي ما كثر استعمال الإنسان له مما لا يؤمن من تركه إياه ولا ينكر زواله عنده، بل هو ممكن وجود غيره ومثله؛ بخلاف الطبيعة، التي الخروج عنها ممتنع" (Al-Fissal, 3/184), pour ce qui est de cet emploi, la divergence pourrait être qualifiée de "littérale seulement" (lafzî) (les Acharites voulant parler de : "non-impossible à réaliser pour Dieu, mais seulement contraire à la normalité").

Lire : Il existe une réelle causalité (سببية) entre les choses de ce monde : telle cause (سبب) entraîne tel effet (مُسبَّب), et possède donc une réelle incidence (تأثير). Par ailleurs, Dieu a conféré à chaque chose une essence (طبيعة) et des caractéristiques (خواصّ).

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Irâdat ullâh at-takwîniyya, Amr ullâh at-takwînî et Idhn ullâh at-takwînî :

Aucune chose concrète ('ayn) ne vient à l'existence sans que ce soit parce que Dieu a voulu (Irâda Takwîniyya) qu'elle existe.
Aucune chose concrète ('ayn) ne fait une action (hadath) sans que ce soit parce que Dieu a voulu qu'elle fasse cette action.
Rien n'arrive ('aradh) à une chose concrète ('ayn) sans que ce soit parce que Dieu a voulu que cela lui arrive.

Dieu fait donc exister (Takwîn) toute chose et tout ce qui arrive à toute chose. Et Il a voulu (Irâda Takwîniyya) que cela existe.

Ce qui va suivre, où est évoquée la réalisation de certains miracles, parle donc de choses qui, elles aussi, ne se produisent que par la Irâda Takwîniyya et le Idhn Takwînî de Dieu :
"وَمَا كَانَ لِرَسُولٍ أَن يَأْتِيَ بِآيَةٍ إِلاَّ بِإِذْنِ اللّهِ" (Coran 13/38 ; 40/78).
"وَرَسُولاً إِلَى بَنِي إِسْرَائِيلَ أَنِّي قَدْ جِئْتُكُم بِآيَةٍ مِّن رَّبِّكُمْ أَنِّي أَخْلُقُ لَكُم مِّنَ الطِّينِ كَهَيْئَةِ الطَّيْرِ فَأَنفُخُ فِيهِ فَيَكُونُ طَيْرًا بِإِذْنِ اللّهِ وَأُبْرِىءُ الأكْمَهَ والأَبْرَصَ وَأُحْيِي الْمَوْتَى بِإِذْنِ اللّهِ وَأُنَبِّئُكُم بِمَا تَأْكُلُونَ وَمَا تَدَّخِرُونَ فِي بُيُوتِكُمْ إِنَّ فِي ذَلِكَ لآيَةً لَّكُمْ إِن كُنتُم مُّؤْمِنِينَ " (Coran 3/49).

Cependant, et parallèlement, les miracles se distinguent par rapport à un point : l'absence de Capacité (Qud'ra), accordée par Dieu à l'humain, au djinn ou à la cause naturelle, de faire se réaliser ces choses ; ou la très faible probabilité que la cause naturelle entraîne ces choses

C'est ce caractère supra-normal qui fait le miracle
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Le miracle ne peut être reconnu que si on reconnaît l'existence d'une normalité dans le fonctionnement de la création de Dieu, normalité qui, elle aussi, ne peut se dérouler qu'avec la permission de Dieu (Idhn Takwînî), mais par rapport à laquelle le miracle constitue une exception (elle aussi voulue par Dieu). 

Ainsi, dans le cas de Abraham (sur lui soit la paix), si le feu dans lequel il a été jeté ne l'a pas du tout brûlé, c'est aussi par la Volonté de Dieu ; cependant cela constitue un miracle...

... un événement où Dieu a voulu (Irâda Takwîniyya) que la causalité soit suspendue, et où il y a eu un Amr ullâh at-Takwînî particulier, par le biais d'un Qawl ullâh at-Takwînî : un "Sois !" : Dieu a alors dit à ce feu de ne pas brûler : "قَالُوا ابْنُوا لَهُ بُنْيَانًا فَأَلْقُوهُ فِي الْجَحِيمِ فَأَرَادُوا بِهِ كَيْدًا فَجَعَلْنَاهُمُ الْأَسْفَلِينَ" (Coran 37/97-98) ; "قَالُوا حَرِّقُوهُ وَانصُرُوا آلِهَتَكُمْ إِن كُنتُمْ فَاعِلِينَ قُلْنَا يَا نَارُ كُونِي بَرْدًا وَسَلَامًا عَلَى إِبْرَاهِيمَ وَأَرَادُوا بِهِ كَيْدًا فَجَعَلْنَاهُمُ الْأَخْسَرِينَ" : "Nous dîmes : "Feu, sois fraîcheur et paix sur Abraham !"" (Coran 21/68-70).

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V) Voici le Second découpage : Les différents Niveaux de Capacité dont différentes catégories de créatures bénéficient normalement (sauf cas exceptionnel, voulu par Dieu), ou ne bénéficient pas :

Le Niveau 1.1) Ce que Dieu a accordé à l'homme (en tant que tel) la capacité (Qud'ra) de faire de lui-même (bien que certains hommes soient diminués et n'aient même pas cette capacité) (ما هو مقدور لجنس البشر، وفيهم اختيار، فيفعله معظم أفراد البشر باختيارهم) :

--- Marcher sur ses pieds.
--- Voir des êtres physiques qui passent près de lui, alors qu'il y a la clarté.
--- Disposer d'une technologie basique.

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Le Niveau 1.2) Ce que Dieu a accordé à certains hommes seulement la capacité de faire (en terme de qualité) d'eux-mêmes, alors que la quasi-totalité des humains ne peuvent pas le faire à un tel niveau (ما هو مقدور لجنس البشر، لكن لا يستطيع أن يصل إليه إلا أفراد قليلون منهم، فيفعلونه باختيارهم) :

--- Soulever un poids très lourd, etc.
--- Vaincre une dizaine d'attaquants.
--- Avoir une mémoire prodigieuse.
--- Envisager, par expérience et connaissance des groupes, comment vont réagir tel et tel groupes d'hommes.
--- Certains pouvoirs du cerveau humain sont encore à découvrir, et le pouvoir d'auto-suggestion est aujourd'hui légèrement plus connu qu'auparavant, qui entraîne la guérison de son propre corps - bi idhnillâh - par effet du cerveau sur le physique.
--- Par ailleurs, certains praticiens travaillent sur le lien existant entre la psyché et le soma, soignant (bi idhnillâh) certaines affections physiques par la résolution d'un trauma remontant à très longtemps dans la vie du malade.
--- Disposer d'une technologie de très haut niveau et qui n'est connue que de quelques humains.

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Le Niveau 2) Ce que Dieu n'a accordé à nul humain la capacité de faire de lui-même, mais qu'il a accordé la capacité aux Djinns de réaliser d'eux-mêmes. Lorsque pareille chose se réalise dans le monde des humains par le biais d'un d'entre ces humains, cela est dû à l'assistance qu'un ou plusieurs Djinn(s) lui a(ont) apportée (ما ليس من مقدور البشر، ولكنه مقدور لجنس الجنّ، وفيهم اختيار، فيفعله أفرادهم باختيارهم) :

--- Voler dans les airs sans machine.
--- Se déplacer très rapidement.
--- Prendre temporairement l'apparence d'un humain, ou d'un animal, et apparaître aux yeux d'humains ainsi.
--- Découvrir des objets cachés du regard des hommes ; lire ce qui est écrit sur un papier enfermé dans une caisse cadenassée.
--- Prédire certaines choses de l'avenir après les avoir entendues d'anges qui en discutent au niveau des nuages.
--- Provoquer certaines maladies (psychiques ou physiques) chez l'homme, et ce par intervention directe sur son intérieur.
--- Soigner, par intervention directe sur l'intérieur du malade, certaines affections physiques ou psychosomatiques.

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Le Niveau 3) Ce que Dieu a créé comme effet possible des Causes Naturelles : cet effet est exceptionnel mais demeure de l'ordre du possible (soit la catégorie a suscitée) ; mais il ne devient effectif que suite à l'Ordre de Dieu (Amr Takwînî), adressé directement à la Cause, ou adressé à l'ange chargé de faire intervenir cette Cause (ما هو ممكن كأثر للأسباب الطبيعية؛ والأسباب الطبيعية لا اختيار فيها؛ ولا يظهر الأثر غير المعتاد إلا إذا أمر الله السبب به) :

Ce sont parfois des Anges que Dieu charge de faire intervenir telle Cause naturelle, de telle façon et de telle intensité. 

Je me demande cependant si l'ange a plus de force que certains éléments naturels, ou si ces derniers peuvent en avoir plus qu'eux : le fait est que l'un des commentaires est que le Vent déchaîné sur les incroyants de 'Âd échappa au contrôle des anges étant en charge de lui ("عتت على الخزان").

Le Niveau 3') Ce que Dieu crée comme effet des décisions et actions d'ensembles humains (ما هو ممكن كأثر لأعمال أناس آخرين، ينصر به الله تعالى إنسانًا مخصوصًا) :

Cela relève par rapport à un individu ou à un groupe d'individu précis , du résultat de l'interaction de volontés et actions de toute une collectivité humaine : ces volontés et actions ne voient le jour elles aussi que par la Volonté de Dieu, et Dieu a fait que ces différentes volontés et actions de cette collectivité d'humains ont entraîné des événements qui ont servi – ou au contraire desservi – (et ce, sur le court terme, sur le moyen terme ou bien sur le long terme) tel individu ou tel groupe d'individus. (Lire aussi : Ce que Dieu aime et qui rapproche ou est proche de Lui - Ce que Dieu aime sans que cela rapproche ou soit proche de Lui -Ce qu'Il n'aime pas sans que cela éloigne ou soit loin de Lui - Ce qu'Il n'aime pas et qui éloigne ou est loin de Lui.)

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Le Niveau 4) Ce que Dieu n'a accordé à nul humain ni djinn la capacité de réaliser de lui-même, mais qu'Il a accordé aux Anges la capacité de réaliser d'eux-mêmes (ما ليس من مقدور البشر ولا الجن، ولكنه مقدور للملائكة؛ وفيهم اختيار، لكن لا يفعله أحد منهم إلا إذا أمره الله به) :

--- Voler.
--- Se déplacer très rapidement.
--- Prendre temporairement l'apparence d'un humain, ou d'un animal, et apparaître aux yeux d'humains ainsi.
--- Etc.

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Le Niveau 5) Ce que Dieu n'a accordé ni à un humain ni à un djinn ni à un ange la capacité de réaliser. C'est Lui Seul qui a la Capacité de réaliser ce genre de chose (ما ليس من مقدور البشر ولا الجن ولا الأسباب الطبيعية ولا الملائكة، وليس إلا من مقدورات الله تعالى) :

Par exemple :
--- changer le corps d'un être véritablement, en le transformant en le corps d'un être d'une tout autre espèce, ou en le corps d'un être différent tout en étant de la même espèce ;
--- faire revivre ce qui est réellement mort ;
--- faire apparaître quelque chose du néant.

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VI) Et voici le troisième découpage : Signes Extrêmements Grands (الآيات الكبرى) ; Signes Moins Grands (الآيات الصغرى) ; Prodiges d'incroyants ou d'impies (خوارق الكفرة والفسقة) :

Ce sont al-Qushayrî et Ibn Taymiyya qui ont exprimé cette distinction : certains signes, seuls des prophètes peuvent les réaliser, et même pas des adeptes de prophètes ; ne parlons pas des impies et incroyants (cf. Fat'h ul-bârî 7/478-479 ; Shar'h ul-fiqh il-akbar, p. 131). 

Il existe des signes extrêmement grands (âyât kub'râ), et, eux, Dieu a fait, takwînan, que seuls des prophètes peuvent les réaliser (et même pas des croyants pieux étant adeptes du prophète du moment) : ressusciter quelqu'un qui est déjà mort ; donner vie à quelque chose d'inerte ; transformer un bâton en véritable serpent (An-Nubuwwât, p. 296). Le Coran parle bien de : "وَاضْمُمْ يَدَكَ إِلَى جَنَاحِكَ تَخْرُجْ بَيْضَاء مِنْ غَيْرِ سُوءٍ آيَةً أُخْرَى لِنُرِيَكَ مِنْ آيَاتِنَا الْكُبْرَى" (Coran 20/22-23) ; "لَقَدْ رَأَى مِنْ آيَاتِ رَبِّهِ الْكُبْرَى" (Coran 53/18). 

Et puis il existe des signes moins grands (âyât sugh'râ), qui sont communs (de par leur nature) aux prophètes et à ceux qui les suivent. Cependant, le croyant pieux qui réalise un prodige, ce prodige constitue lui aussi un Signe du prophète dont ce croyant se réclame, puisque ce croyant affirme alors : "Je n'ai pu réaliser ce prodige que par la permission takwînî de Dieu, et Il a permis que je le fasse parce que j'adhère au message de tel prophète de Dieu" (An-Nubuwwât, p. 8). Par ailleurs, dans ce genre de signes communs de par leur nature, aux prophètes et à ceux qui les suivent, les signes des prophètes sont plus grands en intensité que les signes des croyants qui les suivent (Ibid., p. 8, p. 296). "الثامن: أن هذه لا يقدر عليها مخلوق، فلا تكون مقدورة للملائكة، ولا للجن، ولا للإنس، وإن كانت الملائكة قد يكون لهم فيها سبب؛ بخلاف تلك، فإنها إما مقدورة للإنس، أو للجن، أو مما يمكنهم التوصل إليها بسبب. وأما كرامات الصالحين فهي من آيات الأنبياء - كما تقدم -، ولكن ليست من آياتهم الكبرى، ولا يتوقف إثبات النبوة عليها؛ وليست خارقة لعادة الصالحين، بل هي معتادة في الصالحين من أهل الملل في أهل الكتاب والمسلمين. وآيات الأنبياء التي يختصون بها خارقة لعادة الصالحين" (Ibid., p. 427). 

–--- Quant aux prodiges que des incroyants ou des impies font, Ibn Taymiyya explique que même si au premier regard ces prodiges sont semblables à certains Signes Moins Grands (âyât sugh'râ) de prophètes et de leurs adeptes, en réalité ils leur sont différents de par leur nature même ; cela dans la mesure où ces incroyants les réalisent grâce à l'assistance de djinns qui ne sont pas pieux, alors que les prodiges faits par les prophètes et les pieux qui se réclament de ces prophètes sont réalisés différemment (nous y reviendrons au point suivant). "وكل من الساحر والكاهن يستعين بالشياطين؛ فإن الكهان تنزل عليهم الشياطين تخبرهم، والسحرة تعلمهم الشياطين. (...) والساحر لا يتجاوز سحره الأمور المقدورة للشياطين" (An-Nubuwwât, p. 33).
C'est bien pourquoi, dès qu'ils virent que le bâton de Moïse, s'étant transformé en grand serpent, avait avalé ce que eux montraient au public comme des serpents, les magiciens de Pharaon adhérèrent immédiatement à son message et dirent : "Nous croyons en le dieu de Moïse et de Aaron" : "فَأَلْقَوْا حِبَالَهُمْ وَعِصِيَّهُمْ وَقَالُوا بِعِزَّةِ فِرْعَوْنَ إِنَّا لَنَحْنُ الْغَالِبُونَ فَأَلْقَى مُوسَى عَصَاهُ فَإِذَا هِيَ تَلْقَفُ مَا يَأْفِكُونَ فَأُلْقِيَ السَّحَرَةُ سَاجِدِينَ قَالُوا آمَنَّا بِرَبِّ الْعَالَمِينَ رَبِّ مُوسَى وَهَارُونَ قَالَ آمَنتُمْ لَهُ قَبْلَ أَنْ آذَنَ لَكُمْ إِنَّهُ لَكَبِيرُكُمُ الَّذِي عَلَّمَكُمُ السِّحْرَ فَلَسَوْفَ تَعْلَمُونَ لَأُقَطِّعَنَّ أَيْدِيَكُمْ وَأَرْجُلَكُم مِّنْ خِلَافٍ وَلَأُصَلِّبَنَّكُمْ أَجْمَعِينَ قَالُوا لَا ضَيْرَ إِنَّا إِلَى رَبِّنَا مُنقَلِبُونَ إِنَّا نَطْمَعُ أَن يَغْفِرَ لَنَا رَبُّنَا خَطَايَانَا أَن كُنَّا أَوَّلَ الْمُؤْمِنِينَ" (Coran 26/44-51) : ayant déjà entendu parler de Moïse et de Aaron et sachant déjà ce qu'ils prétendaient être, ayant constaté chose que, , en tant qu'experts de la magie, ils savaient la magie (aussi grande soit-elle) incapable de réaliser (le bâton est apparu être un serpent, mais ensuite a avalé leurs bâtons et leurs cordes), ils comprirent immédiatement que c'était le Créateur de l'Univers qui avait fait se réaliser cela.

On le voit : même si, d'un regard extérieur rapide, quelqu'un pourrait les voir constituer la même chose (dans le cas du prophète Moïse et comme dans le cas des magiciens, il s'agissait de serpents se mouvant), en fait le Signe d'un prophète est différent, de par sa nature même, du prodige d'un magicien :
--- le second prodige est réalisé par l'assistance de djinns, contrairement au premier, qui est réalisé par l'assistance d'anges, ou même par la Parole "Sois !" de Dieu ;
--- cela entraîne que le second prodige n'atteint jamais le degré du premier.
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Bien sûr, rien ne se déroule ni ne voit le jour sans qu'il ait été voulu par Dieu (
murâd ullâh irâdatan takwîniyyatan) et soit créé par Lui (maf'ûl ullâh) : et dans la réalisation de tout ce dont Dieu a voulu qu'il se réalise, il y a une sagesse.
Cependant, le prodige d'un prophète ou d'un pieux non-prophète de la Catégorie
b ou c est le résultat direct (mussabbab mubâshir) d'une Parole de Dieu (kalimatu "Kun" min-Allâh), ou le résultat direct d'un acte d'un Ange (fi'l ul-malak), ou le résultat d'un Acte de Création, de la part de Dieu, Qui réalise l'effet créé par un moyen autre que celui des lois naturelles, que Lui-même a mises en place pour le fonctionnement de ce monde (fi'l ul-khalq bi sababin yu'aththiru atharan ghayr alladhî buniya 'alayhi-l-'âlam). Et leur prodige de la Catégorie a est le résultat direct d'une Parole de Dieu (kalimatu "Kun" min-Allâh), d'un acte d'un Ange (fi'l ul-malak), ou le résultat d'un Acte de Création, de la part de Dieu, qui réalise l'effet créé par un moyen correspondant à celui des lois naturelles (fi'l ul-khalq bi sababin lahû atharun muwâfiqun li mâ buniya 'alayhi-l-'âlam).
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Alors que le prodige du magicien est toujours le résultat direct (
mussabbab mubâshir) d'un acte d'un djinn non-pieux (fi'l ul-jinn il-kâfir) (bien que ce prodige soit lui aussi créé par Dieu). Ceci car, nous l'avons vu : "والساحر لا يتجاوز سحره الأمور المقدورة للشياطين" (An-Nubuwwât, p. 33).

Ceci a pour incidence que si, pendant la réalisation d'un prodige par un magicien, un pieux croyant présent dans l'assemblée récite les formules d'évocation de Dieu qui font fuir les djinns qui ne sont pas croyants pieux, le prodige de l'incroyant cesse immédiatement. Ce qui n'est évidemment pas le cas du prodige fait par un pieux (prophète, ou adepte de prophète).

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Ainsi, les devins arrivent à prédire certaines choses devant arriver dans le futur (c'est "l'art" de la mancie ; il y a les : astromancie ; chiromancie ; cristallomancie ; cartomancie). Or les prophètes prédisent eux aussi certaines choses devant arriver (que l'on pense seulement aux annonces de châtiments terrestres que des prophètes avaient faites à leur peuple, et qui sont relatées dans le Coran).
En fait, si en apparence les deux prodiges sont comparables, en réalité ils sont très différents :
--- celui du devin se fait par l'assistance d'un djinns non-pieux qui l'en informe après avoir saisi, à la dérobée, des discussions d'anges, au niveau des nuages, relatives à certains décrets de Dieu ;
--- et celui du prophète se fait parce que Dieu lui a fait connaître de façon occasionnelle (juz'î) certaines des choses qu'Il a décidé de faire se réaliser (et ce, soit en le lui inspirant directement, soit en dépêchant un ange venant l'en informer).

De même, les devins sont capables d'indiquer à quelqu'un ce que, chez lui, il vient de manger et ce qu'il a gardé pour le consommer le lendemain. Or le Coran présente la même chose comme l'un des miracles du prophète Jésus : "وَرَسُولاً إِلَى بَنِي إِسْرَائِيلَ أَنِّي قَدْ جِئْتُكُم بِآيَةٍ مِّن رَّبِّكُمْ أَنِّي أَخْلُقُ لَكُم مِّنَ الطِّينِ كَهَيْئَةِ الطَّيْرِ فَأَنفُخُ فِيهِ فَيَكُونُ طَيْرًا بِإِذْنِ اللّهِ وَأُبْرِىءُ الأكْمَهَ والأَبْرَصَ وَأُحْيِي الْمَوْتَى بِإِذْنِ اللّهِ وَأُنَبِّئُكُم بِمَا تَأْكُلُونَ وَمَا تَدَّخِرُونَ فِي بُيُوتِكُمْ إِنَّ فِي ذَلِكَ لآيَةً لَّكُمْ إِن كُنتُم مُّؤْمِنِينَ" (Coran 3/49).
Ici encore, si en apparence les deux prodiges sont comparables, en réalité ils sont très différents :
--- celui du devin se fait par l'assistance de djinns non-pieux ;
--- et celui de Jésus se faisait par l'assistance d'anges.
Dès lors :
--- les devins ne pouvaient pas fournir ce genre d'informations au sujet des lieux où leurs djinns ne pouvaient pas se rendre (comme la maison ayant été refermée avec la prononciation du Nom de Dieu) ;
--- contrairement à Jésus, qui pouvait, avec la permission de Dieu, fournir cette information même dans ce cas de figure (cf. An-Nubuwwât, pp. 401-402).

Les "Prodiges Très Grands" (Ayât Kub'râ) relèvent tous de la "Catégorie c". Cela est certain.
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Mais qu'en est-il des "Prodiges Moindres" (
Ayât Sugh'râ) :
--- Certains d'entre eux relèvent de la "Catégorie
a" et même de l'Impossible ("Catégorie b"), mais certains autres relèvent-ils pour leur part de la "Catégorie c" (ce qui impliquerait de distinguer 2 sous-catégories à l'intérieur de cette Catégorie c, l'une étant c.b, particulière aux prophètes et formant les Ayât Kub'râ, et l'autre étant c.a, commune aux prophètes et aux pieux et formant donc les Ayât Sugh'râ) ?
J'ai cru comprendre que
Oui.
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Et qu'en est-il encore des prodiges des charlatans (
Istid'râjât) ?
--- C
ertains de ces prodiges relèvent bien sûr de la "Catégorie a", mais certains autres (par exemple le fait que certains djinns impies "opèrent" le physique de certains humains malades) relèvent-ils de l'Impossible ("Catégorie b") ?
Cela dépend de ce que l'on considère comme relevant des "
lois régissant ce monde" (ما بنى الله تعالى العالم عليه) :
----- Si on considère que cela recouvre les lois physiques matérielles que l'on connaît mais non pas les lois régissant la dimension des djinns, alors, Oui, certaines des choses que les magiciens réalisent peuvent être considérées comme relevant de l'
Impossible ("Catégorie b"), vu qu'ils contredisent les lois physiques matérielles ; et c'est ce qu'affirme l'observateur non-averti, neutre ;
----- Par contre, si on considère que cela recouvre les lois physiques matérielles que l'on connaît ainsi que les lois régissant la dimension des djinns, alors ce que les magiciens réalisent est certes "
khâriq li 'âdati mu'zam in-nâs", mais n'est pas impossible, vu que cela ne dépasse jamais les lois régissant ce monde. Et c'est ce qu'affirme l'observateur avisé. Cela est comparable à ce que certains humains peuvent faire que la plupart des humains ne peuvent pas : avoir une mémoire prodigieuse, être très fort physiquement, etc. A la seule différence que la magie s'acquiert par apprentissage, et que la force physique ou la mémoire peut être travaillée et améliorée, mais seulement jusqu'à un certain point. Ibn Taymiyya écrit : "فصل في معنى خرق العادة، وأن الإعتبار أن تكون خارقة لعادة غير الأنبياء مطلقا، بحيث تختص بالأنبياء، فلا توجد  إلا مع الإخبار بنبوتهم. وأما إخبار الكهان ببعض الأمور الغائبة لإخبار الشياطين لهم بذلك، وسحر السحرة بحيث يموت الإنسان من السحر أو يمرض ويمنع من النكاح ونحو ذلك مما هو بإعانة الشياطين: فهذا أمر موجود في العالم، كثير، معتاد، يعرفه الناس؛ ليس هذا من خرق العادة [أي عادة جميع الناس سوى الأنبياء]، بل هو من العجائب الغريبة التي يختص بها بعض الناس؛ كما يختص قوم بخفة اليد والشعبذة، وقوم بالسباحة الغريبة حتى يضطجع أحدهم على الماء؛ وكما يختص قوم بالقيافة، حتى يباينوا بها غيرهم؛ وكما يختص قوم بالعيافة، ونحو ذلك مما هو موجود.
ولهذا كان مكذبوا الرسل يجعلون آياتهم من جنس السحر، وهذا مستقر في نفوسهم: أن الساحر ليس برسول ولا نبي؛ كما في قصة موسى لما قالوا: {إن هذا لساحر عليم يريد أن يخرجكم من أرضكم بسحره فماذا تأمرون}، قال تعالى: {كذلك ما أتى الذين من قبلهم من رسول إلا قالوا ساحر أو مجنون}؛ وهذا لحيرتهم وضلالتهم، تارة ينسبون إلى الجنون وعدم العقل؛ وتارة إلى الحذق والخبرة التي ينال بها السحر؛ فإن السحر لا يقدر عليه ولا يحسنه كل أحد؛ لكن العجائب والخوارق المقدورة للناس، منها ما سببه من الناس بحذقهم في ذلك الفن؛ كما يحذق الرجل في صناعة من الصناعات، وكما يحذق الشاعر، والخطيب في شعره وخطابته وعلمه؛ وكما يحذق بعض الناس في رمي النشاب وعمل الرمح وركوب الخيل؛ فهذه كلها قد يأتي الشخص منها بما لا يقدر عليه أهل البلد، بل أهل الإقليم، لكنها مع ذلك مقدورة مكتسبة معتادة بدون النبوة، قد فعل مثلها ناس آخرون قبلهم أو في مكان أخر؛ فليست هي خارقة لعادة غير الأنبياء مطلقا، بل توجد معتادة لطائفة من الناس وهم لا يقولون إنهم أنبياء ولا يخبر أحد عنهم بأنهم أنبياء.

ومن هنا دخل الغلط على كثير من الناس؛ فإنهم لما رأوا آيات الأنبياء خارقة للعادة لم يعتد الناس مثلها، أخذوا مسمى خرق العادة، ولم يميزوا بين ما يختص به الأنبياء ومن أخبر بنبوتهم، وبين ما يوجد معتادا لغيرهم. واضطربوا في مسمى هذا الاسم؛ كما اضطربوا في مسمى المعجزات.
ولهذا لم يسمها الله في كتابه إلا آيات وبراهين: فإن ذلك اسم يدل على مقصودها ويختص بها لا يقع على غيرها؛ لم يسمها معجزة ولا خرق عادة، وإن كان ذلك من بعض صفاتها؛ فهي لا تكون آية وبرهانا حتى تكون قد خرقت العادة وعجز الناس عن الإتيان بمثلها؛ لكن هذا بعض صفاتها، وشرط فيها، وهو من لوازمها. لكن شرط الشيء ولازمه قد يكون أعم منه.
وهؤلاء جعلوا مسمى المعجزة وخرق العادة هو: الحد المطابق لها طردا وعكسا .كما أن بعض الناس يجعل اسمها أنها عجائب.
وآيات الأنبياء إذا وصفت بذلك، فينبغي أن يقيد بـ"ما يختص بها"؛ فيقال: "العجائب التي أتت بها الأنبياء"، و"خوارق العادات والمعجزات التي ظهرت على أيديهم"، أو "التي لا يقدر عليها البشر"، أو "لا يقدر عليها أحد إلا الله"، بمعنى أنه لا يقدر عليه أحد بحيلة واكتساب كما يقدرون على السحر والكهانة. فبذلك تتميز آياتهم عما ليس من آياتهم؛ وإلا، فلفظ العجائب قد يدخل فيه بعض الناس الشعبذة ونحوها.
والتعجب في اللغة يكون من أمر خرج عن نظائره؛ وما خرج عن نظائره فقد خرق تلك العادة المعينة في نظائره، فهو أيضا خارق للعادة.
وهذا شرط في آيات الأنبياء: أن لا يكون لها نظير لغير الأنبياء ومن يصدقهم. فاذا وجد نظيرها من كل وجه لغير الأنبياء ومن شهد لهم بالنبوة، لم تكن تلك من آياتهم، بل كانت مشتركة بين من يخبر بنبوتهم ومن لا يخبر بنبوتهم، كما يشترك هؤلاء وهؤلاء في الطب والصناعات.

وأما السحر والكهانة، فهو من إعانة الشياطين لبني آدم. فإن الكاهن تخبره الجن. وكذلك الساحر إنما يقتل ويمرض ويصعد في الهواء ونحو ذلك بإعانة الشياطين له؛ فأمورهم خارجة عما اعتاده الإنس بإعانة الشياطين لهم، قال تعالى: {ويوم يحشرهم جميعا يا معشر الجن قد استكثرتم من الإنس وقال أولياؤهم من الإنس ربنا استمتع بعضنا ببعض وبلغنا أجلنا الذي أجلت لنا قال النار مثواكم خالدين فيها إلا ما شاء الله}؛ فالجن والإنس قد استمتع بعضهم ببعض, فاستخدم هؤلاء هؤلاء، وهؤلاء هؤلاء، في أمور كثيرة، كل منهم فعل للآخر ما هو غرضه، ليعينه على غرضه. والسحر والكهانة من هذا الباب.

وكذلك ما يوجد لعباد الكفار من المشركين وأهل الكتاب، ولعباد المنافقين والملحدين من المظهرين للإسلام والمبتدعين منهم، كلها بإعانة الجن والشياطين. لكن الشياطين تظهر عند كل قوم بما لا ينكرونه؛ فإذا كان القوم كفارا لا ينكرون السحر والكهانة (كما كانت العرب؛ وكالهند، والترك، والمشركين)، ظهروا بهذا الوصف، لأن هذا معظم عند تلك الأمة؛ وإن كان هذا مذموما عند أولئك (كما قد ظهر ذم هؤلاء عند أهل الملل من المسلمين، واليهود، والنصارى)، أظهرته الشياطين فيمن يظهر العبادة ولا يكون مخلصا لله في عبادته متبعا للأنبياء، بل يكون فيه شرك ونفاق وبدعة، فتظهر له هذه الأمور التي ظهرت للكهان والسحرة، حتى يظن أولئك أن هذه من كرامات الصالحين، وأن ما هو عليه هذا الشخص من العادة هو طريق أولياء الله، وإن كان مخالفا لطريق الأنبياء، حتى يعتقد من يعتقد أن لله طريقا يسلكها إليه أولياؤه، غير الإيمان بالأنبياء وتصديقهم، وقد يعتقد بعض هؤلاء أن في هؤلاء من هو أفضل من الأنبياء.
وحقيقة الأمر: أن هؤلاء عارضوا الأنبياء، كما كانت تعارضهم السحرة والكهان؛ كما عارضت السحرة لموسى؛ وكما كان كثير من المنافقين يتحاكمون إلى بعض الكهان دون النبي صلى الله عليه وسلم، ويجعلونه نظير النبي
" (An-Nubuwwât, pp. 309-312).

"وإذا قال القائل [من الأشاعرة]: "آيات الأنبياء لا يقدر عليها إلا الله، أو أن الله يخترعها ويبتدئها بقدرته، أو أنها من فعل الفاعل المختار"، ونحو ذلك.
قيل له: هذا كلام مجمل. فقد يقال عن كل ما يكون: "إنه لا يقدر عليه إلا الله"؛ فإن الله خالق كل شيء، وغيره لا يستقل بإحداث شيء؛ وعلى هذا، فلا فرق بين المعجزات وغيرها.
وقد يقال: لا يقدر عليها إلا الله: أي هي خارجة عن مقدورات العباد؛ فإن مقدوراته على قسمين: منها ما يفعله بواسطة قدرة العباد، كأفعال العباد وما يصنعونه؛ ومنها ما يفعله بدون ذلك، كإنزال المطر. فإن أراد هذا القائل: أنها خارجة عن مقدور الإنس، بمعنى: أنه لا يقع منهم، لا بإعانة الجن ولا بغير ذلك، فهذا كلام صحيح. وإن أراد أنه خارج عن مقدورهم فقط، وإن كان مقدورا للجن، فهذا ليس بصحيح؛ فإن الرسل أرسلوا إلى الإنس والجن؛ والسحر والكهانة وغير ذلك تقدر الجن على إيصالها إلى الإنس، وهي مناقضة لآيات الأنبياء، كما قال تعالى: {هل أنبئكم على من تنزل الشياطين تنزل على كل أفاك أثيم}. وإن أراد أنها خارجة عن مقدور الملائكة والإنس والجن، أو أن الله يفعلها [دائمًا] بلا سبب: فهذا أيضا باطل. فمن أين له أن الله يخلقها بلا سبب؟ ومن أين له أنه لا يخلقها بواسطة الملائكة الذين هم رسله في عامة ما يخلقه؟ فمن أين له أن جبريل لم ينفخ في مريم حتى حملت بالمسيح؟ وقد أخبر الله بذلك، وهو وأمه مما جعلهما آية للعالمين، قال تعالى: {وجعلنا ابن مريم وأمه آية وآويناهما إلى ربوة ذات قرار ومعين}. وخلق المسيح بلا أب من أعظم الآيات، وكان بواسطة نفخ جبريل. (...) وكذلك طمس أبصار قوم لوط كان بواسطة الملائكة. والذي عنده علم من الكتاب، لما قال عفريت من الجن لسليمان: {أنا آتيك به قبل أن تقوم من مقامك وإني عليه لقوي أمين قال الذي عنده علم من الكتاب أنا آتيك به قبل أن يرتد إليك طرفك}، أتته به الملائكة؛ كذلك ذكره المفسرون عن ابن عباس وغيره: أن الملائكة أتته به أسرع مما كان يأتي به العفريت" (An-Nubuwwât, pp. 417-418).

"فإن قيل: فحينئذ لا يعرف أن الآية مختصة بالنبي، حتى تعرف النبوة! قيل: أما بعد وجود الأنبياء في العالم، فهكذا هو! ولهذا يبين الله عز وجل نبوة محمد في غير موضع باعتبارها بنبوة من قبله؛ و تارة يبين أنه لم يرسل ملائكة بل رجالا من أهل القرى، ليبين أن هذا معتاد معروف ليس هو أمرا لم تجر به عادة الرب" (An-Nubuwwât, p. 25).
"العاشر: أن النبي قد خلت من قبله أنبياء يعتبر بهم، فلا يأمر إلا بما أمرت به الأنبياء، من عبادة الله وحده، والعمل بطاعته، والتصديق باليوم الآخر، والإيمان بجميع الكتب والرسل. فلا يمكن خروجه عـما اتفقت عليه الأنبياء.
وأما السحرة والكهان والمشركون وأهل البدع من أهل الملل، فإنهم يخرجون عـما اتفقت عليه الأنبياء؛ فكلهم يشركون مع تنوعهم، ويكذبون ببعض ما جاء به الأنبياء. والأنبياء كلهم منزهون عن الشرك وعن التكذيب بشيء من الحق الذي بعث الله به نبيا" (An-Nubuwwât, p. 428).

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Note supplémentaire : Une autre classification, selon Ibn Taymiyya, des Prodiges réalisés par les prophètes (آيات الأنبياء) : il y a les prodiges des prophètes qui sont uniquement des Signes de leur caractère de prophète (الآيات المجردة) ; et il y a les prodiges qui sont surtout des moyens par lesquels Dieu montre qu'Il honore le prophète chez qui ils se produisent (الآيات التي يُكرِم الله بها نبيَّه) :

"التاسع: أن خوارق غير الأنبياء: الصالحين، والسحرة والكهان وأهل الشرك والبدع: تنال بأفعالهم، كعبادتهم ودعائهم، وشركهم وفجورهم، ونحو ذلك.
وأما آيات الأنبياء فلا تحصل بشيء من ذلك، بل الله يفعلها آية وعلامة لهم. وقد يكرمهم بمثل كرامات الصالحين، وأعظم من ذلك، مـما يقصد به إكرامهم؛ لكن هذا النوع يقصد به الإكرام والدلالة. بخلاف الآيات المجردة، كانشقاق القمر، وقلب العصا حية، وإخراج يده بيضاء، والإتيان بالقرآن، والإخبار بالغيب الذي يختص الله به: فأمر الآيات إلى الله، لا إلى اختيار المخلوق؛ والله يأتي بها بحسب علمه وحكمته وعدله ومشيئته ورحمته، كما ينزل ما ينزله من آيات القرآن، وكما يخلق من يشاء من المخلوقات. بخلاف ما حصل باختيار العبد، إما لكونه يفعل ما يوجبه، أو يدعو الله به فيجيبه؛ فالخوارق التي ليست آيات: تارة تكون بدعاء العبد، والله تعالى يجيب دعوة المضطر إذا دعاه، وإن كان كافرا، لكن للمؤمنين من إجابة الدعاء ما ليس لغيرهم؛ وتارة تكون بسعيه في أسبابها، مثل توجهه بنفسه وأعوانه، وبمن يطيعه من الجن والإنس في حصولها. وأما آيات الأنبياء: فلا تحصل بشيء من ذلك" (An-Nubuwwât, pp. 427-428).
Ce fut le cas avec le signe de l'acceptation de la demande de pluie : "عن أنس رضي الله عنه، أن رجلا جاء إلى النبي صلى الله عليه وسلم يوم الجمعة، وهو يخطب بالمدينة، فقال: قحط المطر، فاستسق ربك. فنظر إلى السماء وما نرى من سحاب، فاستسقى، فنشأ السحاب بعضه إلى بعض، ثم مطروا حتى سالت مثاعب المدينة، فما زالت إلى الجمعة المقبلة ما تقلع، ثم قام ذلك الرجل أو غيره، والنبي صلى الله عليه وسلم يخطب، فقال: غرقنا، فادع ربك يحبسها عنا، فضحك ثم قال: "اللهم حوالينا ولا علينا" مرتين أو ثلاثا، فجعل السحاب يتصدع عن المدينة يمينا وشمالا، يمطر ما حوالينا ولا يمطر منها شيء، يريهم الله كرامة نبيه صلى الله عليه وسلم وإجابة دعوته" (al-Bukhârî, 5742).

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VII) Comment donc les prodiges (qu'ils soient miracles de prophètes et de pieux non-prophètes, ou qu'ils soient prodiges de charlatan) voient-ils le jour ?

Pour le découvrir : lire la suite de l'article.

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

 

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