5 choses qui sont toutes désignées par le terme : "Parole de Dieu" (parfois : "Coran") dans le Coran ou la Sunna

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Note : Ne sera évoquée ci-après que la Kalâm (Parole) qui se fait par le biais de Lafz (Mots) ; et pas la Kalâm qui se fait par un rêve, par exemple.

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I) La problématique :

- Dieu a prononcé les mots qui composent le Coran.
- L'ange Gabriel les a entendus, retenus, et prononcés (= répétés) devant le prophète Muhammad (sur lui soit la paix).
- Le prophète Muhammad (sur lui soit la paix) les a entendus, retenus et prononcés (= répétés) devant ses Compagnons (que Dieu les agrée).
- Ces Compagnons (que Dieu les agrée) les ont entendus, retenus et prononcés (= répétés) devant leurs élèves.

Deux questions se posent alors :

1) Le fait de prononcer ainsi (at-talaffuz) ces mots composant le Coran : est-ce :
--- un acte incréé (quand c'est Dieu qui l'a fait) ?
--- ou bien créé (quand c'est Dieu qui l'a fait) ?
--- ou encore incréé (quand c'est Dieu qui l'a fait) mais créé (quand ce sont des créatures qui le font) ?
----- La réponse correcte est qu'il s'agit d'un acte incréé quand c'est Dieu qui l'a fait (et cela contrairement à ce que les Jahmites, les Mutazilites etc. prétendent), et créé quand ce sont des créatures qui le font (et cela contrairement à ce que les Lafziyya Muthbita affirment).

2) Et la Parole ayant ainsi été prononcée par Dieu (kalâm malfûz) (c'est-à-dire le résultat de l'action de prononciation) : cette Parole est-elle :
--- incréée (dans le cas de Dieu) ?
--- ou bien créée (dans le cas de Dieu) ?
--- ou encore incréée (dans le cas de Dieu) mais créée (quand ce sont les créatures qui la répètent) ?
----- La bonne réponse est qu'il s'agit d'une parole qui est incréée dans le cas de Dieu et qui demeure incréée même lorsque ce sont des créatures qui la récitent.

Toute action (Fi'l) que Dieu fait est incréée, puisqu'elle est faite par Lui. Fa mâ qâma bi dhât illâh, fa huwa ghayru makhlûq.

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Le résultat d'un Fi'l de Dieu est dit : le Maf'ûl de Dieu.

Pour tout Fi'l de Dieu autre que la Kalâm, le Maf'ûl en résultant est pour sa part créé. Ainsi en est-il du résultat de l'action de Façonner : si l'Action divine de façonner est incréée, en revanche le résultat de cette action est pour sa part créé.

Mais la parole, kalâm, est quelque chose d'unique en son genre : "وأما الإنسان إذا قال ما هو كلام لغيره يقصد تبليغه وتأديته أو التكلم به معتقدا أنه إنما قصد التكلم بكلام غيره الذي هو الآمر بأمره المخبر بخبره المتكلم ابتداء بحروفه ومعانيه، فهنا الكلام كلام الأول قطعا، ليس كلاما للثاني بوجه من الوجوه، وإنما وصل إلى الناس بواسطة الثاني. وليس للكلام نظير من كل وجه فيشتبه به؛ وإنما هو أمر معقول بنفسه" (MF 12/414).

En fait la réalité d'une Parole est d'ordre verbal en même temps qu'intellectuel (car les mots servent de vecteur à des idées, et entrent en jeu pour la transmission de ces idées à autrui).
De fait, un son ayant été émis vocalement mais qui n'a aucun sens, cela n'est pa
s un mot ; cela n'est donc pas une parole.

Le fait de parler (Takallum) est une action (Fi'l). Cette action implique un Kalâm Malfûz, par le biais d'une Sawt (Voix).

Dans le cas de Dieu, cette Voix, étant un Attribut, est incréée.
Et le Kalâm Malfûz est lui aussi incréé.

Dieu Lui-même, nous pourrons Le voir directement, par le biais de ces yeux physiques, pendant notre vie dans l'autre monde ; et, pendant notre vie actuelle, nous ne pouvons certes pas Le voir, mais ce parce qu'Il en a décidé ainsi (et pour cause de faiblesse physique), bien que cela ne soit pas impossible rationnellement parlant.
Qu'on puisse donc entendre Sa Voix directement, bien que celle-ci soit incréée, et ce par le biais de ces oreilles physiques, cela est chose encore plus aisée à comprendre : Moïse l'a d'ailleurs entendue pendant cette vie terrestre, en étant sur Terre (mais il n'a pas vu Dieu) ; quant au prophète Muhammad (sur lui soit la paix), c'est lors de al-isrâ' wa-l-mi'râj qu'il a conversé directement avec Dieu.

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II) Différents sens du terme "Parole de Dieu" (parfois : Qur'ân") dans des textes du Coran ou de la Sunna :

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A & B) Les termes "Parole de Dieu" ont été employés pour désigner : "la Prononciation, par Dieu (مرتبته اللفظية الإنشائية), d'une Parole (مرتبته الخارجيّة)". Les termes "كلام الله" signifient alors respectivement : "تلفّظ الله بالكلام", et : "كلام الله المتلفّظ به". Si cette Parole est destinée aux hommes de sorte que le fait de la réciter constitue un acte cultuel, cette Parole constitue du Coran :

--- Aïcha (que Dieu l'agrée) a dit : "عن عائشة قالت: ولكني والله ما كنت أظن أن الله ينزل في براءتي وحيا يتلى؛ ولشأني في نفسي كان أحقر من أن يتكلّم الله في بأمر يتلى. ولكني كنت أرجو أن يرى رسول الله صلى الله عليه وسلم في النوم رؤيا يبرئني الله بها. فأنزل الله تعالى: {إن الذين جاءوا بالإفك} العشر الآيات" : "J'étais à mes yeux trop insignifiante pour que Dieu parle à mon sujet de quelque chose devant être récité. Mais j'espérais que le Messager de Dieu voit pendant son sommeil un rêve par lequel Dieu m'innocentait" (al-Bukhârî, 7061, Muslim, 2770).
Aïcha espérait donc seulement que Dieu révélerait son innocence au Prophète (sur lui la paix) par une autre voie de la Révélation, par exemple un rêve. Elle ne s'attendait pas à ce que cela soit par la voie de la Révélation qui consiste en du texte coranique, destiné à être récité par les croyants jusqu'à la fin des temps.
L'ensemble
des phrases que Dieu a prononcées, "takallama", "تكلّم", pour l'innocenter, Aïcha a les désignées par les termes : "أمر يُتلى", "Amr Yutlâ", "quelque chose, destiné à être récité par les hommes" : elle voulait dire : une partie du texte coranique. Une autre version a d'ailleurs exprimé cela en les termes suivants : "ولكن والله ما ظننت أن ينزل في شأني وحيا، ولأنا أحقر في نفسي من أن يتكلّم بالقرآن في أمري، ولكني كنت أرجو أن يرى رسول الله صلى الله عليه وسلم في النوم رؤيا يبرئني الله، فوالله ما رام مجلسه ولا خرج أحد من أهل البيت، حتى أنزل عليه الوحي" (al-Bukhârî, 2518).

Il y a ici 2 choses :
----- A) l'acte de prononciation par Dieu : le "Takallum", comme l'a dit Aïcha ;
----- B) lequel acte implique une parole prononcée : il s'agit de la "Kalâm Lafzî" ; c'est ce que Aïcha a désigné par le terme : "Amr". Et lorsque cette Kalâm Lafzî est destinée à faire partie du texte coranique, il s'agit, pour reprendre le terme de Aïcha, de : "Amr Yutlâ".

Dans le cas de Dieu, les 2 sont : incréés.
----- Le "Takallum" que Dieu fait, par Sa "Sawt" (Voix), est incréé ;
----- et la "Kalâm Lafzî" de Dieu est elle aussi incréée.

Cette "Kalâm Lafzî" est constituée des Mots comportant les Sens que ceux-ci véhiculent. C'est lorsque ce qui est dans le 'Ilm est prononcé (Talaffuz) par la Voix (Sawt) que cela induit du Kalam Lafzî. (Le Talaffuz n'est qu'une forme du Takallum.)

--- Le "Takallum" que Dieu fait est un 'Aradh.
--- La "Kalâm Lafzî" de Dieu n'est pas un 'Ayn. Serait-ce un 'Aradh du type Ma'nâ Mahdh (non pas au sens littéral de "Sens Pur" – puisqu'une Parole c'est : "Sens et Mots le véhiculant" –, mais au sens istilâhî où on l'entend dans notre classification Ayn / 'Aradh, dont Ma'nâ Mah'dh) ?
Je ne sais pas (لا أدري).

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– C'est la Voix de Dieu qui ne ressemble pas aux voix des créatures ("وفي هذا دليل أن صوت الله لا يشبه أصوات الخلق، لأن صوت الله جل ذكره يسمع من بعد كما يسمع من قرب، وأن الملائكة يصعقون من صوته، فإذا تنادى الملائكة لم يصعقوا. وقال عز وجل: {فلا تجعلوا لله أندادا} فليس لصفة الله ند، ولا مثل، ولا يوجد شيء من صفاته في المخلوقين" : Khalqu af'âl il-'ibâd, après la relation n° 364).
– Pour ce qui est de la Parole de Dieu ayant été ainsi prononcée (al-kalâm alladhî talaffaz'Allâhu bihî), elle est parfois de contenu et de forme (choix des mots et des tournures) qu'aucun humain ne peut produire, mais elle est d'autres fois (considérée en petite quantité) de contenu et de forme (choix des mots et des tournures) qu'un humain peut lui aussi produire : c'est notamment le cas de tous les passages du Coran où Dieu a relaté ce que des humains ont dit, ayant introduit cela par : "Et ils ont dit" / "Il dit". C'est aussi le cas de phrases coraniques telles que : "يَا يَحْيَى خُذِ الْكِتَابَ بِقُوَّةٍ". Dire cela ne constitue nullement du Tamthîl. Lire mon article parlant de la quantité mu'jiz du texte du Coran.

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C) Le terme "Parole de Dieu" / "Coran" a été employé pour désigner : "la Connaissance que l'on a, dans son Intellect, de cette Parole (B) de Dieu" : "les mots composant cette Parole qui ont été mémorisés par la créature (ces mots véhiculant du sens)" (مرتبته الذهنية). Le terme "القرآن" signifie alors : "العلم بالقرآن" :

- La connaissance ('ilm) que l'on a ainsi de la Parole de Dieu est : créée dans le cas des humains.
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- A l'autre extrême il y a la chose dont on a ainsi connaissance (ma'lûm 'anh) : la Parole de Dieu (B) ; et elle est incréée, comme nous l'avons déjà dit.
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- Entre les deux, il y a : ce que - de cette chose (
ma'lûm 'anh : la Parole de Dieu : B) - on a en son for intérieur ("الصورة الحاصلة من الشيء عند العقل") : il s'agit du ma'lûm (C).
Ici, distinguer ce
ma'lûm (C) de la chose ma'lûm 'anh (B) n'est pas chose aisée, vu que cette chose ma'lûm 'anh consiste ici en une parole (et non pas en un être) ; or la parole prononcée est à la fois mots ainsi que sens (et un sens est toujours d'ordre intellectuel).

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--- "قُلْ أَيُّ شَيْءٍ أَكْبَرُ شَهَادةً قُلِ اللّهِ شَهِيدٌ بِيْنِي وَبَيْنَكُمْ وَأُوحِيَ إِلَيَّ هَذَا الْقُرْآنُ لأُنذِرَكُم بِهِ وَمَن بَلَغَ" : "Dis : "(...). Et ce Coran m'a été révélé afin que par son moyen je vous avertisse ainsi que celui à qui il parviendra" (Coran 6/19). Lorsqu'on dit que la parole de quelqu'un parvient à quelqu'un d'autre, c'est la connaissance de cette parole qui lui parvient, et ce par le fait que cette parole est entendue et mémorisée, et ensuite répétée devant cet autre.

--- "عن جابر، قال: كان النبي صلى الله عليه وسلم قد يعرض نفسه بالموقف، فقال: "ألا رجل يحملني إلى قومه؟ فإن قريشا قد منعوني أن أبلّغ كلام ربي" : "Y aurait-il quelqu'un qui me transporterait jusqu'aux siens ? Car les Quraysh m'ont empêché de transmettre la Parole de mon Seigneur" (at-Tirmidhî, 2925, Abû Dâoûd, 4734). Cette Parole de Dieu est : "les mots que je connais avoir été prononcés par Dieu".

--- "عن أبي مالك الأشعري قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "(...) والقرآن حجة لك أو عليك" : "Le Coran sera un argument pour toi ou contre toi" (Muslim, 223).
--- "عن عبد الرحمن بن عوف عن النبي صلى الله عليه وسلم قال: "ثلاثة تحت العرش يوم القيامة: القرآن، يحاج العباد، له ظهر وبطن؛ والأمانة؛ والرحم تنادي: ألا من وصلني وصله الله، ومن قطعني قطعه الله" (al-Baghawî in Shar'h us-Sunna : Mishkât ul-massâbîh, n° 2133 : hadîth dha'îf d'après al-Albânî).
Le Coran, compris comme parole prononcée par Dieu, n'argumentera pas de lui-même avec les hommes (car un Attribut de Dieu n'est pas séparé de Lui). C'est la connaissance que les hommes auront eue de cette Parole de Dieu qui argumentera avec eux, leur demandant des comptes quant à savoir s'ils auront agi ou pas selon elle. Et cette connaissance est une action humaine. Cela comme tant d'autres actions humaines viendront, matérialisées, le Jour du Jugement.

--- Parlant d'un événement de la Fin des temps (cela se passera après le retour de Jésus sur Terre, après qu'il y aura déjà régné, et alors qu'il y sera déjà mort et enterré), le prophète Muhammad (sur lui soit la paix) a dit : "En une nuit, le Livre de Dieu sera emporté, il ne restera de lui sur Terre aucun verset" : "عن حذيفة بن اليمان، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "يدرس الإسلام كما يدرس وشي الثوب، حتى لا يدرى ما صيام، ولا صلاة، ولا نسك، ولا صدقة. وليسرى على كتاب الله عز وجل في ليلة، فلا يبقى في الأرض منه آية؛ وتبقى طوائف من الناس الشيخ الكبير والعجوز، يقولون: أدركنا آباءنا على هذه الكلمة، لا إله إلا الله، فنحن نقولها." فقال له صلة: "ما تغني عنهم لا إله إلا الله، وهم لا يدرون ما صلاة، ولا صيام، ولا نسك، ولا صدقة؟" فأعرض عنه حذيفة، ثم ردها عليه ثلاثا، كل ذلك يعرض عنه حذيفة، ثم أقبل عليه في الثالثة، فقال: "يا صلة، تنجيهم من النار" ثلاثا" (Ibn Mâja, 4049). "Livre de Dieu" ne désigne pas ici : "le support sur lequel est transcrite la Parole de Dieu" (E), mais : "la parole de Dieu" ; cependant, ce sera précisément : "la connaissance que les humains ont de cette parole" qui sera emportée (C) : cette parole ne sera plus connue : elle sera complètement effacée des mémoires. Dans le droit fil de ce hadîth, Is'hâq ibn Râhawayh a dit : "وإليه يعود" : "Le Coran retournera vers Dieu à la fin des temps" (Al-Asmâ' wa-s-sifât, al-Bayhaqî, pp. 345-346), et il voulait en fait dire : "وإليه يعود علمه" la connaissance de cette parole qu'est le Coran retournera vers Dieu : aucun humain présent sur Terre n'aura alors plus connaissance des Mots constituant cette parole (Al-Fatâwâ al-kubrâ, Ibn Taymiyya, 5/16 dans l'édition que je possède).

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C') Le terme "Parole de Dieu" / "Coran" a été employé pour désigner : "la Connaissance de cette Parole (B) de Dieu qui figure dans un support matériel" : "les mots composant cette Parole qui ont été écrits dans un support (par le biais de tracés représentant les sons de ces mots : par le biais d'une écriture phonétique)" (مرتبته الكتابية). Le terme "القرآن" signifie alors : "كتابة القرآن". Ce support sera pour sa part évoqué plus bas, en E :

--- "حم وَالْكِتَابِ الْمُبِينِ إِنَّا جَعَلْنَاهُ قُرْآنًا عَرَبِيًّا لَّعَلَّكُمْ تَعْقِلُونَ وَإِنَّهُ فِي أُمِّ الْكِتَابِ لَدَيْنَا لَعَلِيٌّ حَكِيمٌ" : "Hâ Mîm. Par le Livre clair ! Nous en avons fait un Coran arabe, afin que vous raisonniez. Et il se trouve dans le Livre [= Support d'Ecriture] originel auprès de Nous, certes élevé, (empli de) sagesse" (Coran 43/1-4). Quand il est dit que telle parole verbale (B) ayant été transcrite est "dans" tel support (E), cela signifie que dans ce support (E) se trouvent des tracés (C') ; ces tracés sont en fait des signes (C') désignant cette parole (B) et pouvant être déchiffrés intellectuellement par celui qui a connaissance du lien entre ce genre de tracés (en tant que signifiants) et la parole (en tant que signifiée).

--- Dans le hadîth sus-cité où la disparition du Coran de sur la Terre est évoquée, cela englobe également le fait que, des pages où elle était transcrite, cette Parole disparaîtra : Ibn Mas'ûd (que Dieu l'agrée) l'a dit : "عن ابن مسعود، قال: "ليسرين على القرآن ذات ليلة، ولا يترك آية في مصحف ولا في قلب أحد إلا رفعت" (ad-Dârimî dans son Sunan, 3386).
Ibn Taymiyya écrit : "فإنه يسرى به فى آخر الزمان من المصاحف والصدور، فلا يبقى فى الصدور منه كلمة، ولا فى المصاحف منه حرف" (MF 3/198).

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D) Le terme "Parole de Dieu" / "Coran" a été employé pour désigner : "la Répétition, par une créature, de cette Parole (A) de Dieu" (مرتبته اللفظية الإعادية). Le terme "القرآن" signifie alors : "القراءة" :

--- "إِنَّ قُرْآنَ الْفَجْرِ كَانَ مَشْهُودًا" : "Le Coran de l'aube est assisté" (Coran 17/78). Il est évident qu'il n'existe pas un Coran de l'aube et un Coran de la nuit ! "Le Coran de l'aube" veut dire : "la récitation du Coran qui est faite à l'aube" (il s'agit plus précisément de la récitation du Coran qui est faite pendant la prière de l'aube). Des anges assistent à la prière de l'aube : c'est cela qui est signifié ici par la seconde partie de la phrase.

--- "عن زيد، أنه سمع أبا سلام، يقول: حدثني أبو أمامة الباهلي، قال: سمعت رسول الله صلى الله عليه وسلم، يقول: "اقرءوا القرآن فإنه يأتي يوم القيامة شفيعا لأصحابه. اقرءوا الزهراوين، البقرة وسورة آل عمران، فإنهما تأتيان يوم القيامة كأنهما غمامتان، أو كأنهما غيايتان، أو كأنهما فرقان من طير صواف، تحاجان عن أصحابهما. اقرءوا سورة البقرة، فإن أخذها بركة، وتركها حسرة، ولا تستطيعها البطلة" : "Récitez le Coran, il viendra, le jour du jugement, intercesseur pour ses gens" (Muslim 804). Le Coran, compris comme parole prononcée par Dieu, ne viendra pas intercéder auprès de Dieu en faveur des hommes qui l'auront récité (car un Attribut de Dieu n'est pas séparé de Lui). C'est en fait la récitation (القراءة) que les hommes faisaient du Coran qui viendra intercéder pour eux auprès de Dieu (cf. Shar'h ul-'aqida at-tahâwiyya, p. 94).

Dans ce cas de la créature répétant (D), par sa voix à elle, la Parole (B) que Dieu a prononcée (A) par Sa Voix à Lui (par exemple : le Coran ; mais cela est valable pour d'autres paroles de Dieu aussi), la croyance correcte est comme suit...
--- "La Voix est ici celle de l'homme. Mais la Parole (Kalâm) demeure celle de Dieu" : "الصوت صوت الإنسان، والكلام كلام الرحمن".
--- "Le Talaffuz que l'homme fait du Coran est : créé. Mais la Parole (Kalâm) qu'il prononce ainsi demeure pour sa part : incréée".
--- On voit cela au travers de ces versets : "وَإِنْ أَحَدٌ مِّنَ الْمُشْرِكِينَ اسْتَجَارَكَ فَأَجِرْهُ حَتَّى يَسْمَعَ كَلاَمَ اللّهِ ثُمَّ أَبْلِغْهُ مَأْمَنَهُ" : "Et si l'un de ces Polycultistes te demandent la protection, accorde-la lui afin qu'il entende la Parole de Dieu, puis fais-le parvenir à son lieu de sécurité" (Coran 9/6). "أَفَتَطْمَعُونَ أَن يُؤْمِنُواْ لَكُمْ وَقَدْ كَانَ فَرِيقٌ مِّنْهُمْ يَسْمَعُونَ كَلاَمَ اللّهِ ثُمَّ يُحَرِّفُونَهُ مِن بَعْدِ مَا عَقَلُوهُ وَهُمْ يَعْلَمُونَ" : "Eh bien, souhaitez-vous qu'ils vous croient, alors qu'un groupe d'entre eux entendaient la Parole de Dieu ensuite la détournaient après qu'ils l'eut comprise, alors qu'ils savaient ?" (Coran 2/75) : or le groupe des fils d'Israël ici évoqué n'ont pas entendu la Parole de Dieu lorsque prononcée par Celui-ci, mais seulement la Parole de Dieu ayant été répétée par des humains devant eux (Tafsîr ul-Qurtubî, 2/1-2) : cela resta donc la Parole de Dieu, même lorsque prononcée par répétition par des créatures de Dieu.

La difficulté avec le terme "Lafz", c'est qu'il peut désigner :
----- tantôt : "at-talaffuz bi-l-kalâm",
----- et tantôt : "al-kalâm al-malfûz".

C'est bien pourquoi Ahmad ibn Hanbal disait :
"من قال: "لفظي بالقرآن مخلوق"، فهو جهمي.
ومن قال:
"لفظي بالقرآن غير مخلوق"، فهو مبتدع" :
"Celui qui dit : "Le Lafz que je fais du Coran est créé", celui-là est un Jahmite.
Et celui qui dit : "Le Lafz que je fais du Coran est incréé", celui-là est Mubtadi'"
.

Ce propos de Ahmad en a dérouté plus d'un. Son contemporain Hussein al-Karâbîssî disait pour sa part : "Le Coran est incréé, (mais) le Lafz que j'en fais est créé" (il voulait dire : "Talaffuzî bi-l-qur'ân : makhlûq", ce qui est vrai). Mais lorsqu'il apprit que Ahmad désapprouvait ce sien propos, al-Karâbîssî s'exclama : "Nous ne savons que faire avec ce jeune homme ! Si nous disons "créé", il clame : "Bid'a !", et si nous disons : "incréé", il clame : "Bid'a !"" (Mas'alatu khalq il-qur'ân wa atharu-hâ fî sufûf ir-ruwât..., Abû Ghudda, p. 16).

Mais en fait le propos de Ahmad se comprend par le fait que le terme "Lafz" peut désigner le Talaffuz, comme il peut désigner le Kalâm Malfûz. Il pourrait donc y avoir méprise.
----- En effet, quelqu'un peut dire : "Le Lafz que je fais du Coran est créé" en voulant désigner alors : "Kalâm ullâh, alladhî atalaffazu bihî", ce qui en fait la croyance des Jahmites ("La Parole de Dieu est créée").
----- A l'inverse, quelqu'un peut dire : "Le Lafz que je fais du Coran est incréé" en voulant désigner alors : "Talaffuzî bi-l-qur'ân", ce qui en fait la croyance des Lafziyya Muthbita ("Ma récitation de la Parole de Dieu est incréée"). Les Lafziyya Muthbita se fondaient d'une part sur l'affirmation de l'orthodoxie sunnite selon laquelle "le qur'ân est incréé", et d'autre part sur le zâhir de textes tels que le hadîth suscité, appelant "qur'ân" : "la récitation que l'homme fait du texte coranique" : ils en ont déduit que cette récitation là aussi est incréée. En fait ils n'ont pas réussi à comprendre que le terme "qur'ân" a 2 sens : l'un est : "kalâm ullâh al-maqrû'", et l'autre est : "qirâ'at ul-insâni kalâmallâh" : seule la première chose est incréée... Ahmad ibn Hanbal a qualifié cette croyance de : Bid'a.

"ولهذا كان الإمام أحمد بن حنبل وغيره من أئمة السنة يقولون: "من قال اللفظ بالقرآن أو لفظي بالقرآن مخلوق فهو جهمي؛ ومن قال إنه غير مخلوق فهو مبتدع" وفي بعض الروايات عنه: "من قال لفظي بالقرآن مخلوق يعني به القرآن فهو جهمي".
لأن اللفظ يراد به مصدر لفظ يلفظ لفظا، ومسمى هذا فعل العبد، وفعل العبد مخلوق.
ويراد باللفظ القول الذي يلفظ به اللافظ، وذلك كلام الله لا كلام القارئ، فمن قال إنه مخلوق فقد قال إن الله لم يتكلم بهذا القرآن. (...)
وأما صوت العبد فهو مخلوق. وقد صرح أحمد وغيره بأن الصوت المسموع صوت العبد؛ ولم يقل أحمد قط: "من قال: "إن صوتي بالقرآن مخلوق"، فهو جهمي"
(MF 12/74).

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E) Le terme "Coran" a été employé pour désigner : "le support sur lequel est transcrit cette Parole de Dieu (C')" (مرتبته الكتابية). Le terme "القرآن" signifie alors : "المحلّ الذي كُتب فيه القرآن" :

--- "عن عبد الله بن عمر رضي الله عنهما: أن رسول الله صلى الله عليه وسلم نهى أن يسافر بالقرآن إلى أرض العدو" : "Le Prophète a défendu qu'on emporte le Coran en voyage en terre d'ennemi" (al-Bukhârî, 2828, Muslim, 1869). Il s'agit d'une mesure de précaution, afin que l'ennemi n'outrage pas un ou des exemplaire(s) du Coran.

Ce support est : créé.
La parole de Dieu qui y est transcrite (B) est : incréée.

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Un Sens Figuré) Le terme "Coran" a été employé pour désigner : "la mention du Coran" :

"Et il se trouve dans les livres des anciens" (Coran 26/196) : "وَإِنَّهُ لَـتَنزِيلُ رَبِّ الْعَالَمِينَ نَزَلَ بِهِ الرُّوحُ الْأَمِينُ عَلَى قَلْبِكَ لِتَكُونَ مِنَ الْمُنذِرِينَ بِلِسَانٍ عَرَبِيٍّ مُّبِينٍ وَإِنَّهُ لَفِي زُبُرِ الْأَوَّلِينَ أَوَلَمْ يَكُن لَّهُمْ آيَةً أَن يَعْلَمَهُ عُلَمَاء بَنِي إِسْرَائِيلَ" (Coran 26/192-197).
Ce verset ne signifie pas que le contenu du Coran (B) est intégralement présent dans les Livres révélés antérieurement à lui (comme par exemple la Sahîfa de Hammâm ibn Munabbih est intégralement présente dans le Musnad de Ahmad ibn Hanbal, qui renferme encore d'autres choses).
Ce verset ne signifie pas non plus que le Coran est consigné dans un support qui est : les Livres des Anciens, comme c'est ce que cela signifie dans le verset déjà cité plus haut : "وَإِنَّهُ فِي أُمِّ الْكِتَابِ لَدَيْنَا لَعَلِيٌّ حَكِيمٌ" : "Et il se trouve dans le Livre [= Support d'Ecriture] originel auprès de Nous, certes élevé, (empli de) sagesse" (Coran 43/4)..
Ce verset signifie seulement que mention du Coran est présente dans les Livres révélés antérieurement à lui : ceux-ci annonçaient la révélation future du Coran.

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Un autre Sens Figuré) Le terme "Coran" a été employé pour désigner : "l'équivalent du Coran pour tel prophète antérieur" :

Le prophète Muhammad (sur lui soit la paix) a dit : "خُفِّفَ على داود القرآن" : "Avait été rendu aisé pour David : le Qur'ân" (al-Bukhârî, 3235, 4436).

Il est évident que, dans cette phrase, le terme "al-Qur'ân" (القرآن) ne peut pas signifier "le Coran", puisque ce Livre ayant été révélé au prophète Muhammad au début du VIIè siècle chrétien, le prophète-roi David, ayant vécu plusieurs siècles auparavant, ne pouvait bien évidemment pas le réciter.

Pour Ibn Hajar, le terme "al-Qur'ân" (القرآن) ici employé signifie en fait : "al-qirâ'ah" (القراءة) , c'est-à-dire "l'action de récitation" (D) (Fat'h ul-bârî 8/504 ; 6/554). Le hadîth est alors à traduire ainsi : "Avait été rendue aisée pour David : l'action de réciter [le livre de son époque, c'est-à-dire les Psaumes]".

Pour Ibn Taymiyya, le terme "al-Qur'ân" (القرآن) désigne bien, ici, le livre religieux qui est récité : "al-kalâm al-maqrû'" (الكلام المقروء) (B). Seulement, ce terme "al-Qur'ân" désigne ici le Livre religieux qui correspond, pour l'époque de David, à ce que le Coran représente pour l'époque de Muhammad ; autrement dit : "az-Zabûr", les Psaumes : "ولفظ التوراة والإنجيل والقرآن والزبور قد يراد به الكتب المعينة؛ ويراد به الجنس، فيعبر بلفظ القرآن عن الزبور وغيره، كما في الحديث الصحيح عن النبي صلى الله عليه وسلم: "خفف على داود القرآن فكان ما بين أن تسرج دابته إلى أن يركبها يقرأ القرآن": والمراد به: "قرآنه" وهو الزبور، ليس المراد به: "القرآن الذي لم ينزل إلا على محمد". وكذلك ما جاء في صفة أمة محمد: "أناجيلهم في صدورهم" فسمى الكتب التي يقرءونها - وهي القرآن: "أناجيل" (Al-Jawâb us-sahîh 3/224). Le hadîth est alors à traduire ainsi : "Avait été rendue aisé pour David : le Coran [de son époque, c'est-à-dire les Psaumes]". Le résultat final est le même que celui qu'induit l'interprétation de Ibn Hajar, mais c'est la traduction qui change.

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Un autre Sens Figuré encore) Le terme "Parole de Dieu" a été employé pour désigner : "le résultat créé par une Parole de Dieu, en l'occurrence par Sa Parole "Sois !"" :

Le prophète Jésus fils de Marie a ainsi été qualifié de "Parole de Dieu" : "إِنَّمَا الْمَسِيحُ عِيسَى ابْنُ مَرْيَمَ رَسُولُ اللّهِ وَكَلِمَتُهُ أَلْقَاهَا إِلَى مَرْيَمَ وَرُوحٌ مِّنْهُ" (Coran 4/171). Un autre verset précise bien que Jésus est une parole provenant de Dieu : "إِذْ قَالَتِ الْمَلآئِكَةُ يَا مَرْيَمُ إِنَّ اللّهَ يُبَشِّرُكِ بِكَلِمَةٍ مِّنْهُ اسْمُهُ الْمَسِيحُ عِيسَى ابْنُ مَرْيَمَ وَجِيهًا فِي الدُّنْيَا وَالآخِرَةِ وَمِنَ الْمُقَرَّبِينَ" (Coran 3/45).
Or Jésus est en réalité non pas la Parole de Dieu elle-même, mais le résultat de la Parole de Dieu "Sois !"
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III) Nous avons évoqué ce qui suit dans notre article sur le Langage Humain :

Réalité, Représentation mentale, et Signe de communication :

Un arbre, c'est quelque chose de palpable.

3 choses entrent en jeu par rapport à lui :

--- 1) la réalité concrète (الوجود الخارجيّ) de l'arbre : il s'agit de la chose concrète de la nature, que l'on connaît bien, et qui est dotée d'un tronc et de branches ;

--- 2) l'homme a l'image de l'arbre dans son esprit : c'est le niveau mental (المرتبة الذهنيةّ) de la réalité de l'arbre ;

--- 3) l'homme emploie un signe pour communiquer au sujet de cet arbre avec un autre homme.
Quel est ce signe ?
----- 3.0) soit l'homme fait un signe du doigt vers l'arbre qui est devant lui et l'autre homme ;
----- 3.1) soit l'homme dessine de la façon la plus réaliste qu'il peut, un arbre sur un support : c'est
le niveau dessiné (المرتبة الرسميّة) de la réalité de l'arbre ;
----- 3.2) soit l'homme fait un signe corporel qui représente de façon très stylisée l'arbre : c'est
le niveau gestuel (المرتبة الإشاريّة) ;
----- 3.3) soit l'homme prononce un son qui représente l'arbre dans la langue par laquelle il communique avec la personne : le son qu'il prononce (en français : "ar-bre", en arabe : "sha-ja-ra") est un symbole, un signe, qui renvoie à l'image mentale (2) ; c'est
le niveau verbal oral (المرتبة اللفظيّة) de la réalité de l'arbre ;
----- 3.4) soit l'homme trace sur un support un symbole qui représente l'arbre : c'est
le niveau verbal écrit (المرتبة الكتابيّة) de la réalité de l'arbre. L'écriture est seulement de la parole transcrite.

Ces quatre moyens 3.1, 3.2, 3.3 et 3.4 constituent des représentations (المرتبة الدلاليّة), par l'homme-source, de la réalité extérieure. Ces représentations sont des signes, et elles servent à faire venir, dans l'esprit de l'homme-cible, l'image de l'arbre.

Ces représentations servent à l'homme à communiquer, à transmettre à un autre homme que lui l'idée de l'arbre, et ce par le fait que cette représentation évoque, dans l'esprit de cet autre homme, cette image mentale que celui-ci a déjà en lui (niveau 2), image qui correspond, dans le monde extérieur, à l'objet cité en 1.

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Après avoir mentionné ces niveaux 1, 2, 3.3 et 3.4, Ibn ul-Qayyim écrit que le cas de la Parole (comme celui de la Connaissance) est différent de celui de la plupart des autres Actions Humaines :

"وهذه المراتب الأربعة تظهر في الأعيان القائمة بنفسها، كالشمس مثلا، وفي أكثر الأعراض أيضا كالألوان وغيرها. ويعسر تمييزه في بعضها كالعلم والكلام.
أما العلم، فلا يكاد يحصل الفرق بين مرتبته في الخارج ومرتبته في الذهن؛ بل وجوده الخارجي: مماثل لوجوده الذهني.
وأما الكلام، فإن وجوده الخارجي: ما قام باللسان، ووجوده الذهني: ما قام بالقلب، ووجوده الرسمي: ما أظهر الرسم؛ فأما وجوده اللفظي: فقد اتحدت فيه المرتبتان الخارجية واللفظية. ومن مواقع الاشتباه أيضا أن الصوت الذي يحصل له إنشاء الكلام مثل الصوت الذي يحصل به أداؤه وتبليغه. وكذلك الحرف"
:
"Ces 4 niveaux apparaissent de façon claire dans les Choses Concrètes ('Ayn), comme le soleil, par exemple, ainsi que dans la plupart des Accidents ('Aradh), comme les couleurs et autres.
(Par contre), ils sont difficiles à distinguer dans certains Accidents ('Aradh) comme la Connaissance et la Parole.
Pour ce qui est de la Connaissance, (...) son niveau de Réalité est la même chose que son niveau Mental.
Quant à la Parole, (...), son niveau de Réalité et son niveau Verbal sont unifiés"
(Mukhtasar as-Sawâ'ïq il-mursala, p. 659. Voir aussi : pp. 672-674).

Dès lors :
- A & B) X prononce des mots, devant Y, et ce pour signifier à Y quelque chose que lui, X, a dans sa connaissance.
- C) Ces mots sont entendus ; compris (mentalement) ; et mémorisés par Y.
- D) Si Y répète ces mots en étant seul, ou bien répète ces mots devant Z, alors Y prononce la parole de X (l'être qui est l'auteur originel de ces mots). Et si Y retransmet ces mots à Z, on dit que "Y a fait parvenir la parole de X jusqu'à Z".
- E) Ces mots que X a prononcés et que Y a entendus et mémorisés, X ou bien Y les transcrit sur un support.

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Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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