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Pouvait-on demander au Prophète (que Dieu le rapproche de Lui et le salue), lorsqu'il était vivant de cette vie terrestre, et qu'on se trouvait devant lui : "Ô Prophète, je te demande de me faire entrer au Paradis" ?
Et peut-on lui demander cela maintenant, devant sa tombe ?
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Tout dépend du sens que la personne donne à cette phrase qui s'adresserait au Prophète (que Dieu le rapproche de Lui et le salue) :
--- Si quelqu'un adresse cela au Prophète en conférant à cette phrase le sens de demande de décider de faire entrer au Paradis, alors cela constitue du Shirk Akbar. Cela sera évoqué plus bas en I.
--- Si par contre quelqu'un lui adresse cela en conférant à cette phrase le sens de demande d'être la cause de l'entrée au Paradis, et ce par le fait qu'il intercède auprès de Dieu pour que Celui-ci décide - s'Il le veut - de faire entrer au Paradis, alors :
----- quand le Prophète était de ce monde, cela était peut-être autorisé (en vertu de la version du 3ème hadîth que nous verrons plus bas : Ahmad, 22025) (si cela était autorisé, il fallait impérativement qu'on garde à l'esprit que c'est Dieu qui décide, et que la formule "Ô Prophète, je te demande de me faire entrer au Paradis" est au sens figuré seulement - Majâz 'Aqlî -, et ce dans la mesure où le Prophète peut être la cause de la Décision de Dieu allant en ce sens, et ce par le biais d'une intercession que Dieu voudra bien accepter : celui qui lui disait alors : "Ô Prophète, je te demande de me faire entrer au Paradis" voulait en fait lui dire : "Ô Prophète, je te demande d'intercéder pour moi auprès de Dieu afin que Celui-ci décide, Lui, de me faire entrer au Paradis") ;
----- mais maintenant que le Prophète n'est plus de ce monde, lui demander cela, même en ayant conféré à cette demande un sens purement figuré (Majâz 'Aqlî), et même lorsqu'on se trouve devant sa tombe, cela est de toutes façons bid'a.
Cela sera évoqué plus bas en II et II'.
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I) Certaines personnes ont cru, sur la base des 2 premiers hadîths qui vont suivre, que le Prophète (sur lui soit la paix) dispose bel et bien de la prérogative d'accorder le Pardon, c'est-à-dire la rémission de tous les péchés ; ainsi que, sur la base des 2 autres hadîths qui vont être cités, de celle de décider de lui-même de faire entrer quelqu'un au Paradis :
--- Le 1er hadîth : Ayant émigré de La Mecque à Médine, 'Amr ibn ul-Âs (que Dieu l'agrée) dit au Prophète (sur lui soit la paix), au moment de lui faire allégeance : "Messager de Dieu, je te fais allégeance sur le fait que tu me pardonnes ce qui précède de mon péché". Le Prophète lui répondit : "'Amr, fais allégeance. Car la conversion à l'islam efface ce qui a été commis avant elle, et la hijra efface ce qui a été commis avant elle" : "ثم دنوت، فقلت: "يا رسول الله، إني أبايعك على أن تغفر لي ما تقدم من ذنبي" - ولا أذكر: "وما تأخر" -. قال: فقال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "يا عمرو، بايع، فإن الإسلام يجب ما كان قبله، وإن الهجرة تجب ما كان قبلها". قال: فبايعته ثم انصرفت"" (Ahmad, 17777 ; voir aussi 17813 et 17827).
--- Le 2nd hadîth : Aïcha (que Dieu l'agrée) avait acheté un coussin sur lequel il y avait des images d'êtres animés. Allant entrer chez lui, le Prophète, ayant vu ce coussin, resta debout sur le seuil de la porte, et Aïcha vit à l'expression de son visage qu'il n'apprécia pas ce qu'il vit. Aïcha lui dit alors : "Messager de Dieu, je fais Tawba vers Allah et vers Son Messager ; quel péché ai-je fait ?". Il lui répondit : "Comment se fait-il que ce coussin soit ici ?" (...)" : "عن القاسم بن محمد، عن عائشة أم المؤمنين رضي الله عنها: أنها أخبرته أنها اشترت نمرقة فيها تصاوير، فلما رآها رسول الله صلى الله عليه وسلم قام على الباب، فلم يدخله، فعرفت في وجهه الكراهية، فقلت: "يا رسول الله أتوب إلى الله وإلى رسوله صلى الله عليه وسلم؛ ماذا أذنبت؟" فقال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "ما بال هذه النمرقة؟" قلت: اشتريتها لك لتقعد عليها وتوسدها، فقال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "إن أصحاب هذه الصور يوم القيامة يعذبون، فيقال لهم أحيوا ما خلقتم." وقال: "إن البيت الذي فيه الصور لا تدخله الملائكة" (al-Bukhârî, 1999, Muslim, 2107). Lire la suite de ce hadîth ainsi que son interprétation dans mon article consacré à la question de faire, ou de garder chez soi, des représentations d'être animés.
--- Le 3ème hadîth : Ayant reçu de Dieu le choix entre le fait que la moitié de sa Ummat ul-ijâba soit admise (directement) au Paradis, et le droit d'intercéder (en la faveur de sa Umma), le Prophète (sur lui soit la paix) a choisi le droit d'intercéder. Ayant entendu cela, Mu'âdh ibn Jabal et Abû Mûssâ (que Dieu les agrée) lui dirent : "Nous te demandons, au nom du droit (que confère le fait que nous adhérons nous aussi à) l'islam et du droit (que confère le fait que nous avons bénéficié de) ta compagnie, que tu nous fasses entrer au Paradis". Plus tard, un grand nombre de Compagnons lui firent la même demande. Le Prophète dit alors : "Je consacrerai mon intercession à celui (de ma Umma) qui mourra ne commettant pas de Shirk billâh" : "عن معاذ بن جبل وعن أبي موسى، قالا: كان رسول الله صلى الله عليه وسلم إذا نزل منزلا كان الذي يليه المهاجرين. قال: فنزلنا منزلا، فقام النبي صلى الله عليه وسلم ونحن حوله، قال: فتعاررت من الليل أنا ومعاذ، فنظرنا قال: فخرجنا نطلبه، إذ سمعنا هزيزا كهزيز الأرحاء، إذ أقبل. فلما أقبل نظر، قال: "ما شأنكم؟" قالوا: "انتبهنا فلم نرك حيث كنت، خشينا أن يكون أصابك شيء، جئنا نطلبك". قال: "أتاني آت في منامي فخيرني بين أن يدخل الجنة نصف أمتي، أو شفاعة؛ فاخترت لهم الشفاعة". فقلنا: "فإنا نسألك بحق الإسلام وبحق الصحبة لما أدخلتنا الجنة". قال: فاجتمع عليه الناس، فقالوا له مثل مقالتنا، وكثر الناس، فقال: "إني أجعل شفاعتي لمن مات لا يشرك بالله شيئا"" (Ahmad, 22025).
--- Le 4ème hadîth : Rabî'a ibn Ka'b (que Dieu l'agrée) servait le Prophète (sur lui soit la paix), lui apportant de l'eau pour ses ablutions, ainsi que ce dont il avait besoin. Un jour, le Prophète lui dit [peut-être pour le récompenser pour ses services] : "أو في مقام المكافأة للخدمة: "سل" أي: اطلب مني حاجة" : Mirqât ul-mafâtîh] : "Demande(-moi quelque chose dont tu as besoin)". Rabî'a lui répondit : "Je te demande ta compagnie au Paradis". Après s'être assuré qu'il ne désirait pas autre chose, le Prophète lui dit : "Eh bien aide-moi par rapport à ta personne par de nombreuses prosternations" : "عن ربيعة بن كعب الأسلمي، قال: كنت أبيت مع رسول الله صلى الله عليه وسلم فأتيته بوضوئه وحاجته فقال لي: "سل" فقلت: "أسألك مرافقتك في الجنة". قال: "أو غير ذلك؟" قلت: "هو ذاك". قال: "فأعني على نفسك بكثرة السجود" (Muslim, 489).
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Selon ces personnes :
--- les 2 premiers hadîths montrent que le Prophète (sur lui soit la paix) a reçu de Dieu la prérogative de décider d'accorder le Pardon complet, de sa part, à la personne qu'il veut (la seule condition étant qu'elle soit croyante) ;
--- et les 2 derniers hadîths montrent que le Prophète (sur lui soit la paix) a reçu de Dieu la prérogative de décider de faire entrer directement dans le Paradis la personne qu'il veut (la seule condition étant qu'elle soit croyante).
On peut donc demander au Prophète (sur lui soit la paix) qu'il nous accorde, lui, la Maghfira pour tous les péchés que nous avons commis (au moins ceux commis antérieurement), et qu'il décide de nous faire entrer directement dans le Paradis.
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Or cette déduction est erronée.
Le Pardon (Ghuf'rân) pour les péchés, seul Dieu peut décider de l'accorder à quelqu'un : "وَالَّذِينَ إِذَا فَعَلُواْ فَاحِشَةً أَوْ ظَلَمُواْ أَنْفُسَهُمْ ذَكَرُواْ اللّهَ فَاسْتَغْفَرُواْ لِذُنُوبِهِمْ وَمَن يَغْفِرُ الذُّنُوبَ إِلاَّ اللّهُ" (Coran 3/135). "عن أبي بكر الصديق رضي الله عنه: أنه قال لرسول الله صلى الله عليه وسلم: علمني دعاء أدعو به في صلاتي، قال: "قل: اللهم إني ظلمت نفسي ظلما كثيرا، ولا يغفر الذنوب إلا أنت، فاغفر لي مغفرة من عندك، وارحمني إنك أنت الغفور الرحيم" (al-Bukhârî, 799, Muslim, 2705). "عن علي بن أبي طالب، عن رسول الله صلى الله عليه وسلم، أنه كان إذا قام إلى الصلاة، قال: "وجهت وجهي للذي فطر السماوات والأرض حنيفا، وما أنا من المشركين، إن صلاتي ونسكي ومحياي ومماتي لله رب العالمين، لا شريك له، وبذلك أمرت وأنا من المسلمين، اللهم أنت الملك لا إله إلا أنت أنت ربي، وأنا عبدك، ظلمت نفسي، واعترفت بذنبي، فاغفر لي ذنوبي جميعا، إنه لا يغفر الذنوب إلا أنت" (Muslim, 771).
Incidemment, le Repentir (Tawba) ne se fait que vers Dieu : "وَتُوبُوا إِلَى اللَّهِ جَمِيعًا أَيُّهَا الْمُؤْمِنُونَ لَعَلَّكُمْ تُفْلِحُونَ" (Coran 24/31). Le Prophète (sur lui soit la paix) lui-même a dit faire Tawba vers Allah, et Istighfâr plus de 70 fois dans la journée : "عن أبي هريرة قال: سمعت رسول الله صلى الله عليه وسلم يقول: "والله إني لأستغفر الله وأتوب إليه في اليوم أكثر من سبعين مرة" (al-Bukhârî, 5948). Comment donc pourrait-on faire Tawba de ses péchés vers le Prophète, alors que lui-même éprouvait le besoin de le faire plusieurs fois dans la journée vis-à-vis de Dieu ?
Pareillement, Dieu S'est réservé la prérogative de décider de faire entrer au Paradis telle et telle personnes. Le Prophète (sur lui soit la paix) a clairement dit qu'il ne pourrait lui-même pas entrer au Paradis sauf si Dieu le couvre de Sa Faveur et de Sa Miséricorde : "عن أبي هريرة، قال: سمعت رسول الله صلى الله عليه وسلم يقول: "لن يدخل أحدا عمله الجنة". قالوا: "ولا أنت يا رسول الله؟" قال: "لا، ولا أنا، إلا أن يتغمدني الله بفضل ورحمة. فسددوا وقاربوا" (al-Bukhârî, 5349, Muslim, 2816). Ce n'est donc qu'intercéder auprès de Dieu en faveur d'une ou plusieurs personne(s), que le Prophète peut faire, afin que Dieu accepte son intercession et la(les) admette au Paradis ; et encore, le Prophète ne peut intercéder que dans la mesure où Dieu le lui autorise ; et, même après l'intercession du Prophète, la Décision finale reste celle de Dieu.
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Conférer l'une de ces deux prérogatives à Autre que Dieu, c'est tomber dans le Shirk Akbar.
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Maintenant, pour ce qui est du 1er hadîth ci-dessus : "Messager de Dieu, je te fais allégeance sur le fait que tu me pardonnes ce qui a passé de mon péché" : "فقلت: "يا رسول الله، إني أبايعك على أن تغفر لي ما تقدم من ذنبي" - ولا أذكر "وما تأخر" -. قال: فقال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "يا عمرو، بايع، فإن الإسلام يجب ما كان قبله، وإن الهجرة تجب ما كان قبلها". قال: فبايعته ثم انصرفت" (Ahmad, 17777) :
--- Si 'Amr a bien dit ce que Ahmad a rapporté dans sa version à lui : "que tu me pardonnes ce qui a passé de mon péché", alors : les termes "mon péché" n'y désignent que les fautes que 'Amr avait commises vis-à-vis du Prophète (huqûq ul-'abd) avant d'entrer en islam : il s'était opposé à lui en tant que Prophète, avait voyagé en Abyssinie pour essayer de monter le Négus contre ses Compagnons, avait participé à des batailles contre lui. 'Amr évoqua donc comme condition que le Prophète lui accorde son pardon pour tout le mal qu'il lui avait fait jusqu'à présent.
Les versets coraniques suivants n'emploient-ils pas ce terme "Ghuf'rân" pour le pardon accordé par des hommes à d'autres hommes, au sujet des fautes commises par les seconds à l'égard des premiers :
--- "قُل لِّلَّذِينَ آمَنُوا يَغْفِرُوا لِلَّذِينَ لا يَرْجُون أَيَّامَ اللَّهِ لِيَجْزِيَ قَوْمًا بِما كَانُوا يَكْسِبُونَ" (Coran 45/4) ; "قال ابن عباس ومقاتل: نزلت في عمر بن الخطاب رضي الله تعالى عنه؛ وذلك أن رجلا من بني غفار شتمه بمكة، فهم عمر - رضي الله تعالى عنه - أن يبطش به؛ فأنزل الله هذه الآية، وأمره أن يعفو عنه" (Tafsîr ul-Baghawî).
--- "وَالَّذِينَ يَجْتَنِبُونَ كَبَائِرَ الْإِثْمِ وَالْفَوَاحِشَ وَإِذَا مَا غَضِبُوا هُمْ يَغْفِرُونَ" (Coran 42/37).
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Et les hadîths suivants n'emploient-ils pas ce terme "Dhanb" pour désigner également des fautes liées aux Droits de créatures :
--- "يغفر للشهيد كل ذنب إلا الدين" (Muslim, 1886) ;
--- "كل ذنب عسى الله أن يغفره، إلا من مات مشركا، أو مؤمن قتل مؤمنا متعمدا" (Abû Dâoûd, 4270) ;
--- "ما من ذنب أجدر أن يعجل الله تعالى لصاحبه العقوبة في الدنيا، مع ما يدخر له في الآخرة مثل البغي وقطيعة الرحم" (Abû Dâoûd, 4902, at-Tirmidhî, 2511, Ibn Mâja, 4211) ;
--- "كل الذنوب يؤخر الله ما شاء منها إلى يوم القيامة إلا عقوق الوالدين فإن الله تعالى يعجله لصاحبه في الحياة قبل الممات" (al-Hâkim, 7263, dha'îf).
Les fautes que 'Amr avait commises vis-à-vis des Droits du Prophète étaient elles aussi pardonnées par sa conversion à l'islam, car 'Amr avait commis celles-ci vis-à-vis du Prophète en étant Harbî, puis était venu de lui-même repentant (même s'il avait fait Sabb du Prophète, ce Sabb lui aurait été automatiquement pardonné par sa conversion et sa hijra, vu qu'il était ainsi venu de lui-même jusqu'au Prophète, et se trouvait donc dans le cas numéroté "2.3" dans notre article parlant du Sabb : - "سبّ حينما كان حربيًّا، ثم جاء تائبًا").
Quant aux manquements vis-à-vis de Dieu en termes de Ishrâk bihî etc. (huqûq ullâh), elles étaient elles aussi pardonnées par sa conversion à l'islam. En fait 'Amr s'était alors déjà converti à l'islam : il l'avait fait avant cela, en Abyssinie, sur les mains du Négus, comme cela est dit dans la même relation : "قال: قلت: "أيها الملك أكذاك هو؟" فقال: "ويحك يا عمرو، أطعني واتبعه، فإنه والله لعلى الحق؛ وليظهرن على من خالفه كما ظهر موسى على فرعون وجنوده". قال: قلت: "فبايعني له على الإسلام". قال: "نعم". فبسط يده وبايعته على الإسلام. ثم خرجت إلى أصحابي وقد حال رأيي عما كان عليه، وكتمت أصحابي إسلامي، ثم خرجت عامدا لرسول الله صلى الله عليه وسلم لأسلم، فلقيت خالد بن الوليد، وذلك قبيل الفتح، وهو مقبل من مكة" (Ahmad, 17777).
Cependant, cette fois il avait fait hijra vers le Prophète, et lui faisait allégeance.
Et c'est pourquoi 'Amr n'évoqua que ses "fautes passées" (et pas "ses fautes futures" aussi).
C'est peut-être aussi pourquoi le Prophète lui répondit que la conversion à l'islam efface les péchés antérieurs, mais aussi que la hijra les efface : "'Amr, fais allégeance. Car la conversion à l'islam efface ce qui a été commis avant elle, et la hijra efface ce qui a été commis avant elle" : "ثم دنوت، فقلت: "يا رسول الله، إني أبايعك على أن تغفر لي ما تقدم من ذنبي" - ولا أذكر: "وما تأخر" -. قال: فقال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "يا عمرو، بايع، فإن الإسلام يجب ما كان قبله، وإن الهجرة تجب ما كان قبلها". قال: فبايعته، ثم انصرفت".
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--- Il se peut même que nous n'ayons là qu'une riwâya bi-l-ma'nâ ; et qu'en fait 'Amr n'a pas dit exactement ces termes au Prophète (sur lui soit la paix) ; il lui a seulement dit ce que Muslim a pour sa part rapporté de cet échange : "Je veux stipuler une condition. - Tu stipules comme condition quoi donc ? - Que le Pardon me soit accordé" : "فلما جعل الله الإسلام في قلبي أتيت النبي صلى الله عليه وسلم، فقلت: "ابسط يمينك فلأبايعك"، فبسط يمينه، قال: فقبضت يدي، قال: "ما لك يا عمرو؟" قال: قلت: "أردت أن أشترط". قال: "تشترط بماذا؟" قلت: "أن يُغفَر لي"، قال: "أما علمت أن الإسلام يهدم ما كان قبله؟ وأن الهجرة تهدم ما كان قبلها؟ وأن الحج يهدم ما كان قبله؟" (Muslim, 121). Dans ce cas il s'agit du Pardon de Dieu ("le Pardon"), et pas de celui du Prophète. Nous expliquerons cette version plus bas, en II.
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Quant au 2nd hadîth : "Messager de Dieu, je fais Tawba vers Allah et vers Son Messager ; quel péché ai-je fait ?" : "يا رسول الله أتوب إلى الله وإلى رسوله صلى الله عليه وسلم؛ ماذا أذنبت؟" (al-Bukhârî, 1999, Muslim, 2107) :
Il faut savoir que :
--- sur le plan littéral, Tawba veut dire seulement : "revenir dans le vrai, quittant son erreur" ;
--- par contre, sur le plan shar'î, Tawba veut dire : "se repentir", en d'autres termes : "revenir à Dieu après avoir péché" (ce retour, Tawba, se fait par le coeur, tandis que le Istighfâr se fait par la langue et consiste à demander pardon à Dieu pour le péché commis).
Lorsque Aïcha a vu que le Prophète était mécontent, n'en connaissant pas la raison, elle a dit cette parole : "Quel péché ai-je fait ? Je me repens à Allah du péché que j'ai sûrement fait - car je vois l'effet du mécontentement sur ton visage, ô Messager de Dieu. Et je reviens vers toi - toi qui vas me dire quelle est cette erreur - quittant l'erreur - khata' - que j'ai dû faire - en croyant cela n'être pas un péché".
La Tawba vers Allah est une 'ibâdah, qui ne peut être faite que vis-à-vis de Lui.
La Tawba vers le Messager était seulement au sens littéral : revenir de son erreur.
C'est pourquoi Aïcha a séparé les deux par la répétition de la particule "Ilâ" : "أتوب إلى الله وإلى رسوله".
Ibn ul-'Uthaymîn dit ainsi : "ما يتعلق بالعبادة: ما هي بللرسول. ولهذا قال عز وجل: {وَلَو أَنَّهُم رَضوا ما ءاتاهُمُ اللَّهُ وَرَسولُهُ وَقالوا حَسبُنَا اللَّهُ}: ما قال: "ورسوله". فالشيء الذي لله: لله؛ ما يكون للرسول فيه حق. والتوبة عبادة من أعظم العبادات، ولهذا علّق الله عليها المحبة فقال: {إِنَّ اللَّهَ يُحِبُّ التَّوّابينَ وَيُحِبُّ المُتَطَهِّرينَ} فالتوبة لاشك أنها عبادة. لكن التوبة اللغوية تكون عبادة وغير عبادة" (alathar.net).
La Tawba au sens littéral, vers le Messager, on ne pouvait dire cela que lorsqu'il était de ce monde : c'est parce qu'il allait montrer ce qu'était l'erreur. Depuis qu'il n'est plus de ce monde, la question ne se pose pas.
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Pour ce qui est du 3ème hadîth sus-cité : "Nous te demandons, à cause du droit (que confère le fait que nous adhérons nous aussi à) l'islam et du droit (que confère le fait que nous avons bénéficié de) ta compagnie, que tu nous fasses entrer au Paradis" : "فإنا نسألك بحق الإسلام وبحق الصحبة لما أدخلتنا الجنة". قال" (Ahmad, 22025) :
Une autre version (qui, en sus, est plus authentique que celle-ci) précise qu'en fait, les termes que les Compagnons présents lui ont adressés étaient plutôt : "Nous te demandons, à cause de Dieu et (du fait que nous avons bénéficié de) ta compagnie, que tu nous rendes parmi les gens (qui bénéficieront) de ton intercession" : "عن عوف بن مالك الأشجعي قال: عرس بنا رسول الله صلى الله عليه وسلم ذات ليلة، فافترش كل رجل منا ذراع راحلته، قال: فانتهيت إلى بعض الإبل، فإذا ناقة رسول الله صلى الله عليه وسلم ليس قدامها أحد قال: فانطلقت أطلب رسول الله صلى الله عليه وسلم، فإذا معاذ بن جبل وعبد الله بن قيس قائمان، قلت: أين رسول الله؟ قالا: ما ندري غير أنا سمعنا صوتا بأعلى الوادي، فإذا مثل هزيز الرحل قال: امكثوا يسيرا، ثم جاءنا رسول الله صلى الله عليه وسلم فقال: "إنه أتاني الليلة آت من ربي، فخيرني بين أن يدخل نصف أمتي الجنة، وبين الشفاعة، فاخترت الشفاعة"، فقلنا: "ننشدك الله والصحبة لما جعلتنا من أهل شفاعتك"، قال: "فإنكم من أهل شفاعتي". قال: فأقبلنا معانيق إلى الناس، فإذا هم قد فزعوا، وفقدوا نبيهم، وقال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "إنه أتاني الليلة من ربي آت، فخيرني بين أن يدخل نصف أمتي الجنة وبين الشفاعة، وإني اخترت الشفاعة". قالوا: يا رسول الله، "ننشدك الله والصحبة لما جعلتنا من أهل شفاعتك." قال: فلما أضبوا عليه قال: "فأنا أشهدكم أن شفاعتي لمن لا يشرك بالله شيئا من أمتي" (Ahmad, 24002).
Dans la version sus-citée (Ahmad 22025), "Nous te demandons que tu nous fasses entrer au Paradis" est donc seulement une riwâya bi-l-ma'nâ (puisqu'il s'agit du même événement).
Et, de toutes façons, l'attribution du verbe "faire entrer au Paradis" au Prophète est au sens figuré : leur demande signifiait seulement : "Nous te demandons que tu sois le moyen, par ton intercession en notre faveur auprès de Dieu, qu'Il décide de nous faire entrer directement au Paradis, la Décision restant la sienne". Même dans cette autre version, la réponse finale du Prophète ne laissait aucune place au doute : il leur répondit bien : "Je consacrerai mon intercession à celui (parmi ma Umma) qui mourra ne commettant pas de Shirk billâh".
Par ailleurs, on voit ici que, suite à la demande qu'ils lui ont faite, le Prophète n'a même pas promis à tous ces Compagnons précis qu'il intercéderait en leur faveur, ni ne leur a garanti que son intercession sera forcément acceptée par Dieu. Oui, nous espérons que, en faveur de tous ses Compagnons comme de tant d'autres personnes, elle sera acceptée par Dieu au point qu'aucun Compagnon ne fera même un séjour temporaire dans la Géhenne. Cependant, le Prophète ne leur a pas répondu : "Dieu sera tenu d'accepter mon intercession en votre faveur, et je vous ferai donc entrer dans le Paradis, soyez tranquilles". Et, comme nous venons de le dire, il ne leur a même pas promis qu'en faveur d'eux tous il intercéderait le Jour du Jugement.
Il leur a seulement répondu : "Je consacrerai mon intercession à celui (parmi ma Umma) qui mourra ne commettant pas de Shirk billâh".
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Reste le 4ème hadîth sus-cité, dans lequel l'échange suivant eut lieu entre Rabî'a ibn Ka'b et le Prophète (sur lui soit la paix) : "Je te demande ta compagnie au Paradis. (...) - Eh bien aide-moi par rapport à ta personne par de nombreuses prosternations" : "أسألك مرافقتك في الجنة". قال: "أو غير ذلك؟" قلت: "هو ذاك". قال: "فأعني على نفسك بكثرة السجود" (Muslim, 489) :
En fait, il s'agit là de seulement une des relations de ce hadîth.
En effet, dans d'autres relations (riwâyât), il est précisé que Rabî'a lui a dit ceci : "Je te demande d'intercéder pour moi auprès de Dieu pour qu'Il m'épargne du Feu".
--- "عن ربيعة بن كعب قال: كنت أخدم رسول الله صلى الله عليه وسلم وأقوم له في حوائجه نهاري أجمع، حتى يصلي رسول الله صلى الله عليه وسلم العشاء الآخرة، فأجلس ببابه إذا دخل بيته، أقول: لعلها أن تحدث لرسول الله صلى الله عليه وسلم حاجة. فما أزال أسمعه يقول رسول الله صلى الله عليه وسلم: "سبحان الله، سبحان الله، سبحان الله وبحمده"، حتى أملّ فأرجع، أو تغلبني عيني فأرقد. قال: فقال لي يوما لما يرى من خفتي له وخدمتي إياه: "سلني يا ربيعة أعطك". قال: فقلت: "أنظر في أمري يا رسول الله، ثم أعلمك ذلك". قال: ففكرت في نفسي فعرفت أن الدنيا منقطعة زائلة، وأن لي فيها رزقا سيكفيني ويأتيني، قال: فقلت: أسأل رسول الله صلى الله عليه وسلم لآخرتي فإنه من الله عز وجل بالمنزل الذي هو به. قال: فجئت فقال: "ما فعلت يا ربيعة؟"، قال: فقلت: "نعم يا رسول الله، أسألك أن تشفع لي إلى ربك فيعتقني من النار". قال: فقال: "من أمرك بهذا يا ربيعة؟"، قال: فقلت: "لا والله الذي بعثك بالحق، ما أمرني به أحد، ولكنك لما قلت "سلني أعطك"، وكنت من الله بالمنزل الذي أنت به، نظرت في أمري، وعرفت أن الدنيا منقطعة وزائلة وأن لي فيها رزقا سيأتيني، فقلت: أسأل رسول الله صلى الله عليه وسلم لآخرتي". قال: فصمت رسول الله صلى الله عليه وسلم طويلا، ثم قال لي: "إني فاعل، فأعني على نفسك بكثرة السجود" (Ahmad, 16579).
--- "عن ربيعة بن كعب قال: قال لي رسول الله صلى الله عليه وسلم: "سلني أعطك"، قلت: "يا رسول الله، أنظرني، أنظر في أمري". قال: "فانظر في أمرك". قال: فنظرت فقلت: إن أمر الدنيا ينقطع، فلا أرى شيئا خيرا من شيء آخذه لنفسي لآخرتي، فدخلت على النبي صلى الله عليه وسلم فقال: "ما حاجتك؟"، فقلت: "يا رسول الله، اشفع لي إلى ربك عز وجل، فليعتقني من النار". فقال: "من أمرك بهذا؟"، فقلت: "لا والله يا رسول الله، ما أمرني به أحد، ولكني نظرت في أمري، فرأيت أن الدنيا زائلة من أهلها، فأحببت أن آخذ لآخرتي". قال: "فأعني على نفسك بكثرة السجود" (Ahmad, 16578).
--- "عن زياد بن أبي زياد مولى بني مخزوم، عن خادم للنبي صلى الله عليه وسلم، رجل أو امرأة، قال: كان النبي صلى الله عليه وسلم مما يقول للخادم: "ألك حاجة؟" قال: حتى كان ذات يوم فقال: "يا رسول الله، حاجتي". قال: "وما حاجتك؟" قال: "حاجتي أن تشفع لي يوم القيامة". قال: "ومن دلك على هذا؟" قال: "ربي". قال: "إما لا، فأعني بكثرة السجود" (Ahmad, 16076).
Dès lors...
--- Pour ce qui est d'être écarté du Feu et d'être admis au Paradis, Rabî'a a seulement demandé au Prophète d'intercéder en sa faveur le Jour du Jugement, afin que Dieu décide de lui accorder cela, à lui, Rabî'a.
Et ce fut après un long silence que le Prophète lui répondit : "Je le ferai" (Ahmad, 16579) : ce silence fut probablement dû au fait que le Prophète attendit, et, suite à une révélation, sut que Rabî'a mourrait avec Asl ul-îmân (et avec du Kamâl ul-îmân), et qu'il bénéficierait donc de son intercession le Jour du Jugement, conformément à ce qu'il a dit en ces termes : "أسعد الناس بشفاعتي يوم القيامة: من قال "لا إله إلا الله" خالصا من قلبه - أو: نفسه" (al-Bukhârî, 99, 6201).
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--- Et pour ce qui est du fait de bénéficier de la compagnie du Prophète au Paradis ("أسألك مرافقتك في الجنة"), cela concerne :
----- soit la "Ma'iyya" du type B : dans ce cas, cela relève de nouveau de la simple demande d'intercession : Rabî'a aura ici demandé au Prophète d'être la cause (par son intercession) du fait que Dieu décide de l'épargner du Feu et de l'accepter au Paradis, et, en sus, de l'y admettre au Firdaws, qui sera le Grade dans lequel le Prophète se trouvera ; cela revient alors au même type de demande que celle qui sera évoquée en II : la demande de l'obtention de la chose, sans attribution du verbe au Prophète : il ne lui a pas dit : "Je te demande que tu m'acceptes dans ta compagnie au Paradis", mais seulement : "Je te demande (que j'obtienne) ta compagnie au Paradis", c'est-à-dire : "Je te demande d'intercéder en ma faveur afin que, en sus d'être épargné du Feu et d'être admis au Paradis, Dieu m'y accorde le grade le plus élevé, le Firdaws, où je serai alors dans ta compagnie". Le Prophète lui répondit alors que, pour l'aider à faire accepter son intercession par Dieu à ce sujet, il devrait accomplir quantité de prosternations devant Dieu : "وفيه أن مرافقة النبي صلى الله عليه وسلم في الجنة لا تحصل إلا بقرب من الله تعالى، كذا ذكره الطيبي" : Mirqât ul-mafâtîh, 'Alî al-qârî ; "وفيه: إشارة إلى أن هذه المرتبة العليا لا تحصل بمجرد السجود، بل به مع دعائه - عليه الصلاة والسلام - له إياها من الله تعالى" : Shar'h ul-massâbîh, Ibn ul-Malik ; "فههنا معناه: كن عونا لي في إصلاح نفسك، واجعلها طاهرة مستحقة لما تطلب؛ فإني أطلب إصلاح نفسك من الله، وأطلب منه أيضا إصلاحها بكثرة السجود" : Al-Mafâtîh fî shar'h il-massâbîh).
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----- soit la "Ma'iyya" du type C. Si c'est le cas, alors, en lui disant : "Je te demande ta compagnie au Paradis", Rabî'a aura demandé au Prophète ce qui relève bel et bien des prérogatives de celui-ci : choisir de venir le rencontrer régulièrement au Paradis. Le fait est que tout habitant du Paradis y logeant à un grade élevé aura la prérogative de décider de lui-même de venir rendre visite souvent à une personne précise, y habitant le même grade, ou un grade moins élevé (alors que l'inverse n'est pas vrai : la personne habitant un grade donné n'aura pas la prérogative de décider d'elle-même d'aller rendre visite à l'habitant d'un grade plus élevé, dans son grade à lui) : "وقال الدورقي: حدثنا أبو سلمة التبوذكي حدثنا سليمان بن المغيرة عن حميد بن هلال قال: "بلغنا أن أهل الجنة يزور الأعلى الأسفل، ولا يزور الأسفل الأعلى" (Hâdi-l-arwâh, pp. 371-372). Le Prophète demanda alors à Rabî'a de le motiver davantage à faire cela une fois au Paradis, et ce en faisant en ce monde quantité de prières surérogatoires, cela afin d'acquérir une plus grande proximité avec Dieu.
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II) Certaines autres personnes disent qu'il est autorisé de dire au Prophète (sur lui soit la paix) non pas : "Ô Prophète, accorde-moi ton pardon pour tous mes péchés" (ce type de demande, elles le savent être réservé à Dieu, comme exposé en I), mais seulement : "Je te demande LE Pardon pour tous mes péchés" : cette phrase a le sens de : "Je te demande que j'obtienne le Pardon de Dieu pour tous mes péchés", c'est-à-dire : "Je te demande d'être la cause que Dieu m'accorde Son Pardon, et ce par le fait que tu intercèdes pour moi auprès de Lui pour qu'Il décide de m'accorder ce Pardon". Ces personnes se sont fondées pour cela sur la version qui va suivre du 1er hadîth, avec 'Amr ibn ul-'Âs (l'autre version avait été citée plus haut), ainsi que sur le 4ème hadîth, avec Rabî'a :
--- 'Amr ibn ul-'Âs relate : "Je me rendis auprès du Prophète et lui dis : "Etends ta main, que je te fasse allégeance". Le Prophète étendit alors la main droite. Je ramenai la mienne. Il me dit : "Qu'as-tu, 'Amr ? - Je veux stipuler une condition. - Tu stipules comme condition quoi donc ? - Que le Pardon me soit accordé. - Ne sais-tu pas que la conversion à l'islam efface ce qui a été commis avant elle ? que la hijra efface ce qui a été commis avant elle ? que le hajj efface ce qui a été commis avant lui ?" : "فلما جعل الله الإسلام في قلبي أتيت النبي صلى الله عليه وسلم، فقلت: "ابسط يمينك فلأبايعك"، فبسط يمينه، قال: فقبضت يدي، قال: "ما لك يا عمرو؟" قال: قلت: "أردت أن أشترط". قال: "تشترط بماذا؟" قلت: "أن يُغفَر لي"، قال: "أما علمت أن الإسلام يهدم ما كان قبله؟ وأن الهجرة تهدم ما كان قبلها؟ وأن الحج يهدم ما كان قبله؟" (Muslim, 121).
Ici, "Je veux stipuler comme condition que le Pardon me soit accordé" a certes été explicitement formulé devant le Prophète (sur lui soit la paix), mais ce qui est sous-entendu c'est : "que le Pardon me soit accordé par Dieu" : cela est présenté au Prophète comme résultat souhaité, provenant de Dieu.
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--- Il y a une demande comparable dans le 4ème hadîth, avec Rabî'a : "Je te demande (que j'obtienne) la compagnie de ta (personne) au Paradis. (...) - Eh bien aide-moi par rapport à ta personne par de nombreuses prosternations" : "أسألك مرافقتك في الجنة". قال: "أو غير ذلك؟" قلت: "هو ذاك". قال: "فأعني على نفسك بكثرة السجود" (Muslim, 489).
Ici, "Je te demande (que j'obtienne) la compagnie de ta (personne) au Paradis" a certes été explicitement demandé au Prophète (sur lui soit la paix), mais s'il s'agit de compagnie du type B, alors, ce qui est sous-entendu c'est : "Je te demande que Dieu m'accorde d'être dans le même Grade que toi au Paradis, et ce par ton intercession en ma faveur auprès de Lui" : cela est demandé au Prophète comme résultat souhaité, provenant de la Décision de Dieu.
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Ces personnes ont déduit de tout cela qu'il est mashrû' de demander au Prophète une chose que Seul Dieu a la prérogative d'accorder, mais sans affilier le verbe d'attribution de cette chose au Prophète ; il s'agit de lui dire : "Je te demande l'admission au Paradis".
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Or faire cette demande au Prophète, avec le verbe n'étant pas affilié au Prophète, cela n'était lui aussi possible que lorsque le Prophète était vivant sur Terre, et ne sera possible que le Jour de la Résurrection. Par contre, cela est bid'a (de niveau interdit) une fois que le Prophète est décédé. Ce caractère se justifie d'autant plus que, vis-à-vis d'un être qui est dans le ghayb par rapport à soi, cette formulation est trop ambigüe : des enfants entendant leur père faire cette demande au Prophète se mettraient aisément, peu à peu, à croire que le Prophète est capable d'accorder lui-même cela.
Par ailleurs, quand on entend certaines de ces personnes dire que, suite à leur demande adressée à ce défunt, elles ont vu ensuite - en rêve, voire en état de veille - l'âme du défunt venir souffler sur elles et les guérir par ce moyen, on voit bien que ces personnes ne sont pas au Niveau 2.a - comme elles le prétendent -, mais au moins au Niveau 3.a (يعتقدون أنّ الميت يتصرّف بنفسه تصرُّفًا مقيّدًا بإرادة الله).
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Par ailleurs encore, la réponse faite par le Prophète à 'Amr ibn ul-Âs signifie tout simplement que le fait de bénéficier du Pardon pour même les péchés liés aux Purs Droits de Dieu, cela est l'effet systématique de l'action de conversion à l'islam lorsqu'elle est sincère : les péchés antérieurs en relation avec les Droits de Dieu en deviennent systématiquement pardonnés. En fait, 'Amr ibn ul-'Âs ne le savait pas, et, ayant voulu spécifier cela comme condition personnelle, il s'est entendu répondre que c'est là l'effet systématique de ces 3 actions (conversion, hijra, hajj) lorsqu'elles sont faites sincèrement pour Dieu.
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II') Pareillement, d'autres personnes ont, du 3ème hadîth, relatif à l'Intercession, et du 4ème hadîth, avec Rabî'a), compris selon l'explication fournie plus haut en I, déduit qu'on peut demander au Prophète : "Ô Prophète, fais-moi entrer au Paradis", mais, justement, cela au sens de : "Ô Prophète, sois la cause de mon entrée au Paradis, par le fait que tu intercèdes pour moi auprès de Dieu afin qu'Il décide de me faire entrer au Paradis". Le fait est qu'il est possible d'attribuer l'action à celui qui a été la cause par laquelle le Sujet véritable a entrepris cette action :
Ainsi le Messager de Dieu (que Dieu le rapproche de Lui et le salue) a-t-il dit : "(...) Et que soit avili un homme dont les deux parents ont, ou l'un d'eux a, atteint la vieillesse auprès de lui, et, alors, ils ne l'ont pas fait entrer au Paradis" : "عن أبي هريرة، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "رغم أنف رجل ذكرت عنده فلم يصل علي. ورغم أنف رجل دخل عليه رمضان ثم انسلخ قبل أن يغفر له. ورغم أنف رجل أدرك عنده أبواه الكبر فلم يدخلاه الجنة" (at-Tirmidhî, 3545).
Ce hadîth parle du fait de bien se comporter, et s'occuper, de ses père et mère, particulièrement une fois qu'ils sont âgés : le faire sera la cause de l'admission au Paradis : c'est là le sens de : "ils le font entrer au Paradis" : c'est-à-dire : "ils sont la cause de son entrée au Paradis". Et non pas qu'ils décideraient eux-mêmes de le faire entrer au Paradis.
Pareillement à ce hadîth, disent ces personnes, on peut demander au Prophète de nous faire entrer au Paradis : l'attribution de cette action ("faire entrer") au Prophète est seulement au sens figuré (majâz 'aqlî), dans la mesure où il est la cause, de par son intercession, du fait que Dieu décide de faire entrer au Paradis.
D'ailleurs, dans la Sunna il est explicitement dit que le Prophète (sur lui soit la paix) fera sortir du Feu ceux qui auront en eux tel poids de foi, et les fera entrer au Paradis ; de nouveau, c'est dans le sens qu'il sera la cause de cela, suite à une intercession agréée par Dieu : "فأستأذن على ربي في داره فيؤذن لي عليه، فإذا رأيته وقعت ساجدا، فيدعني ما شاء الله أن يدعني، فيقول: ارفع محمد، وقل يسمع، واشفع تشفع، وسل تعط، قال: فأرفع رأسي، فأثني على ربي بثناء وتحميد يعلمنيه، ثم أشفع فيحد لي حدا، فأخرج، فأدخلهم الجنة، - قال قتادة: وسمعته أيضا يقول: فأخرج، فأخرجهم من النار، وأدخلهم الجنة" (al-Bukhârî, 7002, Muslim, 193 : hadîthu Anas).
Du reste, cela a été dit dans la Sunna au sujet des autres croyants aussi : ils feront sortir du Feu ceux qui auront en eux tel poids de foi : "فما أنتم بأشد لي مناشدة في الحق قد تبين لكم، من المؤمن يومئذ للجبار، وإذا رأوا أنهم قد نجوا، في إخوانهم، يقولون: "ربنا إخواننا، كانوا يصلون معنا، ويصومون معنا، ويعملون معنا"، فيقول الله تعالى: "اذهبوا، فمن وجدتم في قلبه مثقال دينار من إيمان فأخرجوه"، ويحرم الله صورهم على النار، فيأتونهم وبعضهم قد غاب في النار إلى قدمه، وإلى أنصاف ساقيه، فيخرجون من عرفوا، ثم يعودون، فيقول: اذهبوا فمن وجدتم في قلبه مثقال نصف دينار فأخرجوه، فيخرجون من عرفوا، ثم يعودون، فيقول: اذهبوا فمن وجدتم في قلبه مثقال ذرة من إيمان فأخرجوه، فيخرجون من عرفوا" (al-Bukhârî, 7001, Muslim, 183 : hadîthu Abî Sa'îd) : il va de soi que cela sera au sens de leur intercession, d'autant plus que cela est dit explicitement dans ce hadîth ("فما أنتم بأشد لي مناشدة في الحق قد تبين لكم، من المؤمن يومئذ للجبار، وإذا رأوا أنهم قد نجوا، في إخوانهم، يقولون: "ربنا إخواننا، كانوا يصلون معنا، ويصومون معنا، ويعملون معنا""), ainsi que dans la version suivante : "فيقول الله عز وجل: شفعت الملائكة، وشفع النبيون، وشفع المؤمنون، ولم يبق إلا أرحم الراحمين، فيقبض قبضة من النار، فيخرج منها قوما لم يعملوا خيرا قط قد عادوا حمما" (Muslim 183/302, al-Bukhârî 7001 : hadîthu Abî Sa'îd).
On demande au Prophète donc de nous faire entrer au Paradis, non pas dans le sens de décider de nous y faire entrer, mais, comme ces hadîths eux-mêmes l'ont dit, au sens d'être la cause, par son intercession, du fait que Dieu décide de nous y faire entrer.
C'est bien ce que des Compagnons ont dit dans le 3ème hadîth sus-cité : Mu'âdh ibn Jabal et Abû Mûssâ et d'autres encore ont bien dit au Prophète (sur lui soit la paix) : "Nous te demandons, au nom du droit (que confère le fait que nous adhérons nous aussi à) l'islam et du droit (que confère le fait que nous avons bénéficié de) ta compagnie, que tu nous fasses entrer au Paradis". Et le Prophète a répondu : "Je consacrerai mon intercession à celui (parmi ma Umma) qui mourra ne commettant pas de Shirk billâh" : "عن معاذ بن جبل وعن أبي موسى، قالا: كان رسول الله صلى الله عليه وسلم إذا نزل منزلا كان الذي يليه المهاجرين. قال: فنزلنا منزلا، فقام النبي صلى الله عليه وسلم ونحن حوله، قال: فتعاررت من الليل أنا ومعاذ، فنظرنا قال: فخرجنا نطلبه، إذ سمعنا هزيزا كهزيز الأرحاء، إذ أقبل. فلما أقبل نظر، قال: "ما شأنكم؟" قالوا: "انتبهنا فلم نرك حيث كنت، خشينا أن يكون أصابك شيء، جئنا نطلبك". قال: "أتاني آت في منامي فخيرني بين أن يدخل الجنة نصف أمتي، أو شفاعة؛ فاخترت لهم الشفاعة". فقلنا: "فإنا نسألك بحق الإسلام وبحق الصحبة لما أدخلتنا الجنة". قال: فاجتمع عليه الناس، فقالوا له مثل مقالتنا، وكثر الناس، فقال: "إني أجعل شفاعتي لمن مات لا يشرك بالله شيئا"" (Ahmad, 22025).
Voilà ce que disent ce second groupe de personnes.
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Or faire cette demande, avec ce sens figuré, au Prophète, cela était certes possible, mais uniquement lorsqu'il était vivant, et cela sera possible le Jour de la Résurrection. Par contre, cela est bid'a (de niveau interdit) une fois que le Prophète est décédé. Ce caractère interdit se justifie d'autant plus que, vis-à-vis d'un être qui est dans le ghayb par rapport à soi (puisqu'il se trouve dans le Barzakh, et la personne en ce Dunyâ), cette formulation est trop ambigüe : des enfants entendant leur père faire cette demande au Prophète se mettraient aisément à croire peu à peu que le Prophète est capable d'accorder lui-même.
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Par ailleurs, primo le Prophète n'intercède pas quand il le veut comme il le veut ; c'est Dieu qui lui donne l'autorisation d'intercéder, et, alors seulement, il le fait.
On le voit dans le célèbre hadîth où le Prophète s'est adressé à différents clans de la tribu des Quraysh (l'un d'eux étant son propre clan, les Banû Hâshim, et même les Banû 'Abd il-Muttalib), ainsi qu'à sa tante Safiyya et à sa fille Fâtima, pour leur dire : "Sauvez vos personnes du Feu, car je ne suis maître de rien en votre faveur par rapport à Dieu. Je n'ai à votre égard qu'un lien de parenté que j'entretiendrai [en ce monde]" :
--- ce hadîth semble parler d'acquérir Asl ul-îmân (vu qu'il a été prononcé juste après la révélation du verset ordonnant au Prophète : "Et avertis ta famille proche") : le Prophète voulait dire qu'une personne qui meurt dans le Kufr Akbar, il ne pourra même pas intercéder pour elle le Jour du Jugement ;
--- par ailleurs, ne pas être maître de quoi que ce soit au sujet de ses proches, par rapport à Dieu, cela veut aussi dire : "ne pas pouvoir imposer quoi que ce soit face à la Décision de Dieu". Car même ceux d'entre eux qui seront morts avec Asl ul-îmân, le Prophète ne fera qu'intercéder pour eux auprès de Dieu ; d'une part, la Décision Finale n'appartiendra qu'au Créateur ; en sus, le Messager ne pourra procéder à une intercession qu'après que le Créateur lui en aura donné l'autorisation (c'est ce qui explique cet autre hadîth : "لا ألفين أحدكم يوم القيامة على رقبته شاة لها ثغاء، على رقبته فرس له حمحمة، يقول: "يا رسول الله أغثني"، فأقول: "لا أملك لك شيئا، قد أبلغتك" : al-Bukhârî 2908, Muslim 1831 : cet échange aura lieu avant l'autorisation d'intercéder en faveur des gens ayant commis des péchés moindres que le Kufr Akbar : "أي: لا أملك لك مغفرة ولا شفاعة إلا إذا أذن الله له في الشفاعة. (...) ثم إنه صلى الله عليه وسلم بما قد جبله الله تعالى عليه من الرأفة والرحمة والخلق الكريم لا يزال يدعو الله تعالى ويرغب إليه في الشفاعة حتى يأذن الله تعالى له في الشفاعة، فيشفع في جميع أهل الكبائر من أمته" : Al-Muf'him).
On le voit aussi dans les hadîths qui parlent du moment où des musulmans auront déjà été envoyés dans le Feu : d'abord le Prophète ira se prosternera devant Dieu et fera Ses louanges, ensuite Celui-ci lui donnera l'autorisation d'intercéder, et alors seulement il intercédera : à chaque fois, cela sera accepté en faveur d'un groupe de musulmans subissant le châtiment dans le Feu : "فأستأذن على ربي، فيؤذن لي، ويلهمني محامد أحمده بها لا تحضرني الآن، فأحمده بتلك المحامد، وأخر له ساجدا، فيقول: يا محمد ارفع رأسك، وقل يسمع لك، وسل تعط، واشفع تشفع، فأقول: يا رب، أمتي أمتي، فيقول: انطلق فأخرج منها من كان في قلبه مثقال شعيرة من إيمان، فأنطلق فأفعل" (al-Bukhârî, 7072), "فأنطلق فأستأذن على ربي، فيؤذن لي، فأقوم بين يديه فأحمده بمحامد لا أقدر عليه الآن، يلهمنيه الله، ثم أخر له ساجدا، فيقال لي: يا محمد، ارفع رأسك، وقل: يسمع لك، وسل تعطه، واشفع تشفع، فأقول: رب، أمتي أمتي، فيقال: انطلق، فمن كان في قلبه مثقال حبة من برة، أو شعيرة من إيمان، فأخرجه منها، فأنطلق فأفعل" (Muslim, 193/326) (hadîthu Anas) (les autres versions de al-Bukhârî indiquent un ordre différent : d'abord la prosternation du Prophète, ensuite l'autorisation divine d'intercéder, ensuite les louanges faites par le Prophète avant son intercession).
Secundo : Il est bon ici de rappeler que, certes, l'attribution du verbe "faire entrer au Paradis" est possible au sens figuré (majâz 'aqlî), et que, certes, demander cela avec ce verbe était possible durant sa vie terrestre à condition d'être bien compris comme étant au sens figuré. Par contre, cela n'est pas possible pour le verbe "pardonner" : ce verbe ne peut pas être attribué à celui qui n'en a été que la cause.
Ce genre d'attribution du verbe à celui qui en a été la cause est possible pour seulement certaines actions : "faire entrer" / "faire sortir" / "donner à manger" / "donner à boire" / "faire vivre" / "guérir".
Tertio : Il ne faut pas négliger avec ce genre de formules - et cela même quand l'utilisation de celle-ci est autorisée - le risque demeurant, que certaines personnes comprennent mal l'attribution de l'un de ces verbes à autre que Dieu. Or le Prophète (sur lui soit la paix) a lui-même recommandé de faire attention aux formules qu'on emploie à son sujet.
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).