- En ce Monde, pardonner à celui qui a commis une injustice à notre égard (ظُلْم, lésion de droit) relève du Fadhl (faveur). Demander réparation, voire lui rendre la pareille, relève du 'Adl (être juste) - أخذ حقك عن الغير عدل؛ والتنازل عن حقك فضل - Faisons en sorte, nous, de ne pas venir, le Jour du Jugement, avec des lésions aux droits d'autrui. Sinon nous devrons, à ce moment-là, nous en acquitter, par dédommagement, afin que le 'Adl soit rétabli. Des dettes supérieures à nos disponibilités nous conduiraient même, alors, à la faillite ! (6/6)

Pour que les Hassanât (bonnes actions) soient agréées par Dieu, il faut déjà qu'en sus d'avoir Asl ul-îmân, on les ait pratiquées avec sincérité et conformité, et qu'on ne les ait pas fait annuler par certaines Sayyi'ât (mauvaises actions). Alors ces Hassanât (bonnes actions) figureront dans notre Livre de Compte.

Or il ne faudrait pas qu'à côté d'avoir fait ces bonnes actions avec tant d'effort, on ait lésé (Zulm, ou Dhulm) les droits (Haqq) reconnus de créatures, car alors, ces créatures seront en droit de réclamer réparation le Jour du Jugement. Et ce seront alors les Hassanât (autres que le Asl ul-Îmân) et les Sayyi'ât (autres que le Kufr Akbar) qui constitueront la monnaie d'échange.

Il a bien été précisé qu'il faut qu'il y ait eu : "lésion réelle de ses droits reconnus".
Car parfois on voit telle personne considérer comme un droit (haqq) qu'elle a sur telle autre personne ce qui, en réalité, relève seulement d'une faveur (fadhl) que cette personne pourrait lui faire - et non pas : "doit lui faire".
D'autres fois on voit tel homme considérer qu'il y a eu réellement lésion (zulm) de son droit de la part de telle personne, alors que c'est cet homme qui s'appuie sur des on-dits ou des conjectures personnelles, cette personne n'a rien fait de mal.

Lire : "فأعط كل ذي حق حقه" ("Donne son droit à chaque détenteur de ce droit") – Tu as des devoirs vis-à-vis de plusieurs êtres : Dieu, tes parents, ton épouse, ton enfant, ta famille, tes voisins, les humains, les animaux, etc. – Et par rapport à un devoir qui t'incombe vis-à-vis d'un être précis, ont en fait un droit sur toi : le bénéficiaire de ce devoir ; Dieu, qui a institué sur toi ce devoir ; enfin, l'objet par rapport à quoi ce devoir s'applique à toi.
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Qu'est-ce que le Zulm (ou : Dhulm) ?
C'est faire preuve d'un manquement (
nuqsân) dans le fait de s'acquitter des droits qu'autrui a sur soi : "كِلْتَا الْجَنَّتَيْنِ آتَتْ أُكُلَهَا وَلَمْ تَظْلِمْ مِنْهُ شَيْئًا" (Coran 18/33) : "أي لم تنقص" (Tafsîr ul-Qurtubî). Ce manquement se réalise :
--- soit par une totale absence (
'adam) ou au moins une insuffisance (nuqsân) de ce qu'il a le droit qu'on le lui fournisse ;
--- soit par un excès (
ziyâda) dans le tort qu'on lui inflige : soit qu'il ne méritait aucune sanction de notre part, soit qu'il méritait une sanction inférieure à celle qu'on lui a infligée.

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Les droits qu'autrui a sur toi (haqq ul-ghayr 'alaynâ) :
- Faire le
Zulm (ou : Dhulm) c'est manquer dans l'acquittement de tes devoirs vis-à-vis d'autrui, donc des droits qu'autrui a sur toi.
- Faire le 'Adl c'est t'acquitter de ses devoirs vis-à-vis d'autrui, donc des droits (haqq) qu'autrui a sur toi.
- Faire le Fadhl, c'est accorder à autrui un surplus, en sus de tes devoirs vis-à-vis de lui ; ou ne pas appliquer à autrui ce que tu avais le droit de lui appliquer comme sanction. Ne pas accorder à autrui ce surplus, et te contenter de s'acquitter des droits qu'il a sur toi, ce n'est pas faire le Zulm à son égard, c'est faire le 'Adl seul à son égard .
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Les droits que tu as sur autrui
(haqqunâ 'ala-l-ghayr) :
- Ne pas appliquer à autrui ce que tu as le droit de lui appliquer comme sanction / Passer (totalement ou partiellement) sur le droit ('Afw 'an il-Haqq) que tu as sur autrui, cela revient à lui faire un Fadhl.
- Appliquer à autrui ce que tu as le droit de lui appliquer / Exiger d'autrui qu'il te fournisse le droit que tu as réellement sur lui (Akhdh ul-Haqq), cela est un droit (haqq) que tu as sur cet autrui. Et faire cela, c'est donc agir avec 'Adl seulement vis-à-vis de lui, et ne pas lui faire de Fadhl ; mais ce n'est pas faire le Zulm à son égard.
- Appliquer à autrui ce que tu n'avais pas le droit de lui appliquer / Forcer autrui à ce qu'il te fournisse ce dont il n'avait pas le devoir de te fournir, cela constitue du
Zulm sur lui.

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Les Hassanât si patiemment acquises et conservées seront accordées, à titre de réparation, à ceux et celles dont les droits auront été lésés par nous sur Terre, et ce à la mesure des injustices que nous aurons commises. Ces Hassanât acquises par nous seront alors pesées en leur faveur, pas en la nôtre. Il se peut aussi que des Sayyi'ât de nos victimes nous soient données, en guise de compensation :

Le Prophète (sur lui soit la paix) a dit que Dieu proclamera le jour de la résurrection : "Je suis le Roi, Je suis Celui qui prend les Comptes.
Il ne convient à personne d'entre les gens destinés au Feu d'entrer dans le Feu alors qu'il a un droit sur quelqu'un destiné au Paradis, tant que Je ne lui ai pas accordé réparation de lui.
Et il ne convient à personne d'entre les gens destinés au Paradis d'entrer dans le Paradis alors que quelqu'un destiné au Feu possède un droit sur lui, tant que Je ne lui ai pas accordé réparation de lui, même s'il s'agit d'une gifle."

Des Compagnons demandèrent : "Comment (cette réparation sera-t-elle possible), alors que nous viendrons (devant) Dieu nus, incirconcis et n'ayant rien ?"
Le Prophète (sur lui soit la paix) répondit : "Par les Hassanât et les Sayyi'ât" :
"عن عبد الله بن محمد بن عقيل، أنه سمع جابر بن عبد الله، يقول: بلغني حديث عن رجل سمعه من رسول الله صلى الله عليه وسلم فاشتريت بعيرا، ثم شددت عليه رحلي، فسرت إليه شهرا، حتى قدمت عليه الشام فإذا عبد الله بن أنيس، فقلت للبواب: قل له: جابر على الباب. فقال: ابن عبد الله؟ قلت: نعم. فخرج يطأ ثوبه فاعتنقني واعتنقته. فقلت: حديثا بلغني عنك أنك سمعته من رسول الله صلى الله عليه وسلم في القصاص، فخشيت أن تموت أو أموت قبل أن أسمعه. قال: سمعت رسول الله صلى الله عليه وسلم يقول: "يحشر الناس يوم القيامة - أو قال: العباد - عراة غرلا بهما." قال: قلنا: وما بهما؟ قال: "ليس معهم شيء. ثم يناديهم بصوت يسمعه من [بعد كما يسمعه من] قرب: "أنا الملك، أنا الديان. ولا ينبغي لأحد من أهل النار أن يدخل النار وله عند أحد من أهل الجنة حق، حتى أقصه منه. ولا ينبغي لأحد من أهل الجنة أن يدخل الجنة ولأحد من أهل النار عنده حق، حتى أقصه منه، حتى اللطمة." قال: قلنا: كيف وإنا إنما نأتي الله عز وجل عراة غرلا بهما؟ قال: "بالحسنات والسيئات" (Ahmad, 16042).

Il y aura, ce jour-là, une telle expression de la Justice, que, au sein d'une même espèce animale, l'individu qui était défavorisé sur terre (par exemple le caprin n'ayant pas vu ses cornes pousser) par rapport à un autre (le caprin normalement pourvu de cornes) seront ramenés tous deux à la vie, afin que le premier puisse prendre sa revanche sur le second ; mais, en tant qu'animaux, eux seront ensuite faits de nouveau poussière, contrairement aux humains et aux djinns : "عن أبي هريرة، أن رسول الله صلى الله عليه وسلم، قال: "لتؤدن الحقوق إلى أهلها يوم القيامة، حتى يقاد للشاة الجلحاء من الشاة القرناء" : "Le Jour de la Résurrection, vous vous acquitterez assurément des droits (en leur rendant) à ceux à qui ils revenaient. (Ce jour-là, la Justice se manifestera) au point que à la chèvre sans corne il sera accordé le talion sur la chèvre cornue" (Muslim, 2852).

Le Prophète (sur lui soit la paix) a dit : "عن جابر بن عبد الله، أن رسول الله صلى الله عليه وسلم، قال: "اتقوا الظلم، فإن الظلم ظلمات يوم القيامة، واتقوا الشح، فإن الشح أهلك من كان قبلكم، حملهم على أن سفكوا دماءهم واستحلوا محارمهم" : "Préservez-vous de faire du Zulm, car le Zulm sera (la cause de) difficultés le Jour de la Résurrection. (...)" (Muslim, 2578). "عن عبد الله بن عمر رضي الله عنهما، عن النبي صلى الله عليه وسلم قال: "الظلم ظلمات يوم القيامة" (al-Bukhârî, 2315, Muslim, 2579).

Certains croyants ayant fait sur Terre quantité d'actions cultuelles (ibâdat ullâh, au sens particulier) auront par ailleurs tellement lésé les droits d'autrui sur Terre que le Jour du Jugement ils seront mis en faillite : "عن أبي هريرة، أن رسول الله صلى الله عليه وسلم، قال: "أتدرون ما المفلس؟" قالوا: المفلس فينا من لا درهم له ولا متاع. فقال: "إن المفلس من أمتي يأتي يوم القيامة بصلاة، وصيام، وزكاة، ويأتي قد شتم هذا، وقذف هذا، وأكل مال هذا، وسفك دم هذا، وضرب هذا، فيعطى هذا من حسناته، وهذا من حسناته، فإن فنيت حسناته قبل أن يقضى ما عليه أخذ من خطاياهم فطرحت عليه، ثم طرح في النار" : "Savez-vous ce qu'est un homme en faillite ? - L'homme en faillite parmi nous est celui qui n'a (plus) ni pièce en argent, ni marchandise. - L'homme en faillite dans ma Umma (est celui qui) viendra le Jour de la Résurrection avec prières, jeûnes et aumônes, (mais) qui viendra ayant (également) dit des mots à celui-ci, ayant calomnié celui-là, ayant mangé le bien de celui-ci, ayant versé le sang de celui-là, et ayant frappé cet autre. A celui-ci il sera donné de ses Hassanât, et à celui-là de ses Hassanât. Si ses Hassanât seront terminées avant que ce qu'il doit ait été réglé, on prendra les Sayyi'ât de (ses victimes), elles seront jetées sur lui, ensuite il sera jeté dans le Feu" (Muslim, 2581).
L'homme mis en faillite est ici l'homme qui avait fondé un commerce et qui, de par son chiffre d'affaires important, disposait apparemment de nombreux biens matériels, mais qui avait par ailleurs contracté tellement de dettes que, un jour, ses créanciers étant venus réclamer leur dû, l'homme s'est vu devoir payer ceux-ci par la vente forcée de tout ce qu'il possédait dans son commerce. Il n'a depuis lors plus rien possédé : ni marchandise, ni monnaie (si ce n'est de la menue monnaie, pour qu'il puisse assurer ses besoins les plus élémentaires). Pareillement, ce croyant gardera le Asl ul-îmân, ce qui le garantit contre le séjour perpétuel dans la Géhenne, mais il perdra tout du Kamâl, de ce pour quoi il avait tellement fait d'efforts. Ibn Qudâma écrit : "والمفلس في عرف الفقهاء: من دينه أكثر من ماله، وخرجه أكثر من دخله؛ وسموه مفلسا وإن كان ذا مال لأن ماله مستحق الصرف في جهة دينه، فكأنه معدوم. وقد دل عليه تفسير النبي صلى الله عليه وسلم مفلس الآخرة، فإنه أخبر أن له حسنات أمثال الجبال، لكنها كانت دون ما عليه، فقسمت بين الغرماء وبقي لا شيء له. ويجوز أن يكون سمي بذلك لما يئول إليه من عدم ماله بعد وفاء دينه. ويجوز أن يكون سمي بذلك لأنه يمنع من التصرف في ماله، إلا الشيء التافه الذي لا يعيش إلا به، كالفلوس ونحوها" (Al-Mughnî).

C'est une telle réalité qu'exprime le hadîth suivant : "عن أبي هريرة، قال: قال رجل: "يا رسول الله، إن فلانة يذكر من كثرة صلاتها، وصيامها، وصدقتها، غير أنها تؤذي جيرانها بلسانها." قال: "هي في النار." قال: "يا رسول الله، فإن فلانة يذكر من قلة صيامها، وصدقتها، وصلاتها، وإنها تصدق بالأثوار من الأقط، ولا تؤذي جيرانها بلسانها." قال: "هي في الجنة" : Quelqu'un vint trouver le Prophète (sur lui soit la paix) et lui dit : "O Messager de Dieu, telle dame, on parle de la quantité de ses prières [surérogatoires], de ses jeûnes [surérogatoires] et de ses aumônes [surérogatoires], sauf qu'elle fait du tort à ses voisins par sa langue." Le Prophète fit : "Elle sera dans le Feu." L'homme poursuivit : "Et telle dame, on parle de la petite quantité de ses jeûnes [surérogatoires], de ses aumônes [surérogatoires] et de ses prières [surérogatoires] ; [mais] elle donne en aumône des morceaux de aqit [= sorte de caillé] et ne fait pas de tort à ses voisins par sa langue." Le Prophète fit : "Elle sera dans le Paradis" (Ahmad, 9675 ; également cité dans Mishkât ul-massâbîh, 4992).

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Quant au hadîth : "عن أبي  سعيد الخدري رضي الله عنه قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "يخلص المؤمنون من النار، فيحبسون على قنطرة بين الجنة والنار، فيقص لبعضهم من بعض مظالم كانت بينهم في الدنيا. حتى إذا هذبوا ونقوا أذن لهم في دخول الجنة. فوالذي نفس محمد بيده، لأحدهم أهدى بمنزله في الجنة منه بمنزله كان في الدنيا" (al-Bukhârî, 6170), il parle d'une étape ultérieure aux réparations que nous venons de voir. Ce qu'il évoque est seulement l'enlèvement, des cœurs, de toute trace de rancune.
--- Les réparations évoquées dans les hadîths suscités (par échange de Hassanât, voire de Sayyi'ât) auront lieu dans la Plaine du Jugement, avant le passage sur le Pont (Sirât). Cependant, ces réparations rétabliront la Justice, mais n'enlèveront pas des cœurs les petites rancunes et animosités inhérentes à la vie en société, surtout entre les personnes qui auront dû dédommager d'autres pour des petites injustices qu'elles auront commises vis-à-vis d'elles.
--- Aussi, après le passage sur le Pont (Sirât), c'est-à-dire après avoir franchi celui-ci et n'être pas tombé dans la Géhenne, et avant d'entrer dans le Paradis, aura lieu ce qui est évoqué dans le hadîth ci-dessus : cette fois il s'agira seulement de la purification des cœurs de toute trace de rancune et d'animosité : "وهذا القصاص غير القصاص الأول الذي في عرصات القيامة، لأن هذا قصاص أخص، لأجل أن يذهب الغل والحقد والبغضاء التي في قلوب الناس، فيكون هذا بمنزلة التنقية والتطهير. وذلك لأن ما في القلوب لا يزول بمجرد القصاص. فهذه القنطرة التي بين الجنة والنار لأجل تنقية ما في القلوب، حتى يدخلوا الجنة وليس في قلوبهم غل؛ كما قال الله تعالى: {وَنَزَعْنَا مَا فِي صُدُورِهِمْ مِنْ غِلٍّ إِخْوَانًا عَلَى سُرُرٍ مُتَقَابِلِينَ} [الحجر: 47]. قوله: "فإذا هُذِّبوا ونُقُّوا، أُذِن لهم في دخول الجنة". هكذا رواه البخاري من حديث أبي سعيد الخدري رضي الله عنه. إذا هذبوا مما في قلوبهم من العداوة والبغضاء ونقوا منها، فإنه يؤذن لهم في دخول الجنة" (Shar'h ul-'aqîda al-wâssitiyya, Ibn ul-Uthaymîn, p. 403).

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Si nous sommes l'auteur de quelque injustice envers autrui : il nous faut alors, en ce Monde même, nous faire pardonner par ceux que nous avons lésés :

Si nous avons lésé le droit d'une personne (soit que nous l'avons frappée, soit que nous avons dérobé son argent, soit que nous lui devons de l'argent et possédons de quoi la rembourser mais nous ne le faisons pas, soit que nous entravons le fait que cette personne touche un droit qui est le sien, soit que nous avons fait de cette personne une critique qui est totalement déplacée, ou excessive par rapport à ce qu'elle méritait d'après le hukm ullâh, soit autre encore), nous devons la dédommager en ce monde même, et lui demander de nous pardonner.

Car le Jour de la Résurrection, lorsque chacun sera tellement soucieux qu'il fera tout pour essayer de s'en sortir, croyons-nous que quelqu'un dont on aura lésé le droit ne demandera pas réparation, en ce Jour-là, auprès de Dieu ?

"عن أبي هريرة رضي الله عنه، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "من كانت له مظلمة لأخيه من عرضه أو شيء، فليتحلله منه اليوم، قبل أن لا يكون دينار ولا درهم، إن كان له عمل صالح أخذ منه بقدر مظلمته، وإن لم تكن له حسنات أخذ من سيئات صاحبه فحمل عليه" : "Celui qui a [à son passif] une injustice (qu'il a commise) sur son frère, qu'elle soit relative à sa dignité sociale ('irdh) ou autre, qu'il la fasse effacer de lui aujourd'hui, avant que ne (vienne le jour où) il n'y aura plus ni pièce d'or ni pièce d'argent. Alors s'il aura quelque bonne action, on en prendra de la quantité de son injustice. Et s'il n'aura pas de Hassanât, on prendra des Sayyi'ât de l'autre, et cela sera chargé sur lui" (al-Bukhârî, 2317 ; Riyâdh us-sâlihîn, 208).

Certes, il se peut que Dieu décide de dédommager la victime de Sa part dans l'Au-delà, sans qu'il y ait besoin de recourir alors au dédommagement par prélèvement sur le compte de l'injuste (c'est ce qui explique le hadîth 20 de Riyâdh us-sâlihîn, avec l'homme qui avait assassiné 100 personnes puis s'est repenti).
Mais qui peut être sûr de bénéficier d'une telle faveur ?

Il faut donc se faire pardonner de la personne qu'on a lésée.

Seule exception : le cas de la médisance interdite :
Si la personne avait eu connaissance de ce qu'on avait dit à son sujet (peut-être même qu'on avait manoeuvré habilement pour dire cela devant des hommes dont on savait qu'ils iraient le répéter à la personne concernée, histoire de "faire bouillir" celle-ci), alors, oui, il faut aller la voir et lui demander pardon. C'est ainsi que se comprend ce que an-Nawawî a mentionné dans Riyâdh us-sâlihîn, chapitre 2 (التوبة واجبة من كل ذنب. فإن كانت المعصية بين العبد وبين الله تعالى لا تتعلق بحق آدمي، فلها ثلاثة شروط: أحدها: أن يقلع عن المعصية. والثاني: أن يندم على فعلها. والثالث: أن يعزم أن لا يعود إليها أبدا. فإن فقد أحد الثلاثة لم تصح توبته. وإن كانت المعصية تتعلق بآدمي، فشروطها أربعة: هذه الثلاثة، وأن يبرأ من حق صاحبها؛ فإن كانت مالا أو نحوه رده إليه، وإن كانت حد قذف ونحوه مكنه منه أو طلب عفوه، وإن كانت غيبة استحله منها).
Si par contre la personne n'en avait pas eu connaissance, alors il ne faut pas, pour se faire pardonner d'elle, l'informer de ce qu'on a dit sur elle et lui demander ensuite de nous pardonner, pareille démarche risquant fort de provoquer sa colère et de conduire au contraire de l'effet escompté (Dalîl ul-fâlihîn li turuqi Riyâdh is-sâlihîn, Muhammad ibn 'Allân ; Zâd ul-muttaqîn fî shar'hi Riyâdh is-sâlihîn, Ibn ul-'Uthaymîn). En pareil cas, comme l'ont dit Ibn Taymiyya et d'autres ulémas, il faut que le médisant :
- primo demande à Dieu d'accorder Son Pardon à la personne qu'il a médite,
- et secundo fasse les éloges de cette personne devant les mêmes personnes que celles devant qui il l'avait médite ("وهذه المسألة فيها قولان للعلماء - هما روايتان عن الإمام أحمد - وهما: هل يكفي في التوبة من الغيبة الاستغفار للمغتاب، أم لا بد من إعلامه وتحليله؟
والصحيح أنه لا يحتاج إلى إعلامه، بل يكفيه الاستغفار له وذكره بمحاسن ما فيه في المواطن التي اغتابه فيها؛ وهذا اختيار شيخ الإسلام ابن تيمية وغيره. والذين قالوا: "لا بد من إعلامه"، جعلوا الغيبة كالحقوق المالية. والفرق بينهما ظاهر: فإنّ الحقوق المالية ينتفع المظلوم بعود نظير مظلمته إليه، فإن شاء أخذها وإن شاء تصدق بها؛ وأما في الغيبة فلا يمكن ذلك ولا يحصل له بإعلامه إلا عكس مقصود الشارع صلى الله عليه وسلم؛ فإنه يوغر صدره ويؤذيه إذا سمع ما رمى به، ولعله يهيج عداوته ولا يصفو له أبدا. وما كان هذا سبيله فإن الشارع الحكيم صلى الله عليه وسلم لا يبيحه ولا يجوزه، فضلا عن أن يوجبه ويأمر به" : Al-Wâbil us-sayyib, Ibn ul-Qayyim, pp. 189-190).

-
Et si, à l'inverse, nous avons, sur autrui, des droits qui demeurent (cas d'une créance), ou nous avons des droits qui ont été lésés par autrui (cas de violence physique, ou de calomnie, etc.) : avons-nous le devoir de pardonner ('Afw, qui est une ramification du Fadhl) ? ou bien avons-le droit de rendre la pareille, ou encore de demander recouvrement de notre droit / réparation pour la lésion ('Adl) ?

Pour le premier cas (créance : droit d'être payé par celui qui nous doit de l'argent) comme pour les autres (droit de demeurer à l'abri de - حق السلامة من الإيذاء - ce qui blesse ou cause des douleurs à son corps physique, de toute atteinte aux biens matériels déjà en sa possession, et de toute atteinte à sa dignitié sociale, 'irdh), c'est la même règle que Dieu a formulée : Il recommande (nadb, istihbâb) à l'individu de pardonner ('Afw, qui est une ramification du Fadhl) ; et Il autorise (jawâz) à réclamer son droit / la réparation pour la lésion de son droit / rendre la pareille ('Adl).

- A propos des biens matériels que quelqu'un nous doit (la créance) :
--- "وَإِن كَانَ ذُو عُسْرَةٍ فَنَظِرَةٌ إِلَى مَيْسَرَةٍ وَأَن تَصَدَّقُواْ خَيْرٌ لَّكُمْ إِن كُنتُمْ تَعْلَمُونَ" (Coran 2/280) ;
--- "وَإِن طَلَّقْتُمُوهُنَّ مِن قَبْلِ أَن تَمَسُّوهُنَّ وَقَدْ فَرَضْتُمْ لَهُنَّ فَرِيضَةً فَنِصْفُ مَا فَرَضْتُمْ إَلاَّ أَن يَعْفُونَ أَوْ يَعْفُوَ الَّذِي بِيَدِهِ عُقْدَةُ النِّكَاحِ وَأَن تَعْفُواْ أَقْرَبُ لِلتَّقْوَى وَلاَ تَنسَوُاْ الْفَضْلَ بَيْنَكُمْ إِنَّ اللّهَ بِمَا تَعْمَلُونَ بَصِيرٌ" (Coran 2/237) ;
--- "وَدِيَةٌ مُّسَلَّمَةٌ إِلَى أَهْلِهِ إِلاَّ أَن يَصَّدَّقُواْ" (Coran 4/92).

- A propos des lésions de droits que nous avons subies :
--- "وَالَّذِينَ إِذَا أَصَابَهُمُ الْبَغْيُ هُمْ يَنتَصِرُونَ وَجَزَاء سَيِّئَةٍ سَيِّئَةٌ مِّثْلُهَا فَمَنْ عَفَا وَأَصْلَحَ فَأَجْرُهُ عَلَى اللَّهِ إِنَّهُ لَا يُحِبُّ الظَّالِمِينَ وَلَمَنِ انتَصَرَ بَعْدَ ظُلْمِهِ فَأُوْلَئِكَ مَا عَلَيْهِم مِّن سَبِيلٍ إِنَّمَا السَّبِيلُ عَلَى الَّذِينَ يَظْلِمُونَ النَّاسَ وَيَبْغُونَ فِي الْأَرْضِ بِغَيْرِ الْحَقِّ أُوْلَئِكَ لَهُم عَذَابٌ أَلِيمٌ وَلَمَن صَبَرَ وَغَفَرَ إِنَّ ذَلِكَ لَمِنْ عَزْمِ الْأُمُورِ" (Coran 42/39-43) ;
--- "وَإِنْ عَاقَبْتُمْ فَعَاقِبُواْ بِمِثْلِ مَا عُوقِبْتُم بِهِ وَلَئِن صَبَرْتُمْ لَهُوَ خَيْرٌ لِّلصَّابِرينَ وَاصْبِرْ وَمَا صَبْرُكَ إِلاَّ بِاللّهِ" (Coran 16/126-127) ;
--- "وَلَا تَسْتَوِي الْحَسَنَةُ وَلَا السَّيِّئَةُ ادْفَعْ بِالَّتِي هِيَ أَحْسَنُ فَإِذَا الَّذِي بَيْنَكَ وَبَيْنَهُ عَدَاوَةٌ كَأَنَّهُ وَلِيٌّ حَمِيمٌ وَمَا يُلَقَّاهَا إِلَّا الَّذِينَ صَبَرُوا وَمَا يُلَقَّاهَا إِلَّا ذُو حَظٍّ عَظِيمٍ وَإِمَّا يَنزَغَنَّكَ مِنَ الشَّيْطَانِ نَزْغٌ فَاسْتَعِذْ بِاللَّهِ إِنَّهُ هُوَ السَّمِيعُ الْعَلِيمُ" (Coran 41/34-36) ;

Certains coreligionnaires ont cru que rendre la pareille (sur le plan verbal : nous le verrons plus bas) est mal.
Or cela ne peut pas être un mal : Dieu l'a déclaré autorisé, bien que Dieu ait, parallèlement, déclaré mieux de pardonner. Il a été clair : aucun reproche ne peut être fait à celui qui a rendu la pareille (pour les cas où cela est légal) :
"وَالَّذِينَ إِذَا أَصَابَهُمُ الْبَغْيُ هُمْ يَنتَصِرُونَ؛ وَجَزَاء سَيِّئَةٍ سَيِّئَةٌ مِّثْلُهَا؛ فَمَنْ عَفَا وَأَصْلَحَ فَأَجْرُهُ عَلَى اللَّهِ إِنَّهُ لَا يُحِبُّ الظَّالِمِينَ؛ وَلَمَنِ انتَصَرَ بَعْدَ ظُلْمِهِ فَأُوْلَئِكَ مَا عَلَيْهِم مِّن سَبِيلٍ.
إِنَّمَا السَّبِيلُ عَلَى الَّذِينَ يَظْلِمُونَ النَّاسَ وَيَبْغُونَ فِي الْأَرْضِ بِغَيْرِ الْحَقِّ أُوْلَئِكَ لَهُم عَذَابٌ أَلِيمٌ.
وَلَمَن صَبَرَ وَغَفَرَ إِنَّ ذَلِكَ لَمِنْ عَزْمِ الْأُمُورِ"
(Coran 42/39-43).
Oui, le prophète Muhammad (sur lui soit la paix) a, la plupart du temps, pardonné : "عن عائشة رضي الله عنها، أنها قالت: "(...) وما انتقم رسول الله صلى الله عليه وسلم لنفسه، إلا أن تنتهك حرمة الله فينتقم لله بها" (B 3367, M 2327). Il a donc pratiqué la plupart du temps ce qui est recommandé (voir As-Sârim ul-maslûl quant aux occasions où il a pris réparation pour cas de sabb, alors que prendre cela relève de son droit : haqquhu-l-mughallab). Mais il n'a nullement interdit que l'on demande réparation ou que l'on rende la pareille. Comment aurait-il pu déclarer "interdit" ou "mal" ce que Dieu a déclaré autorisé...

Même le prophète Jésus (sur lui soit la paix) ne peut pas avoir voulu dire qu'il serait mauvais de "rendre la pareille" ou demander réparation et qu'il serait obligatoire de pardonner pour ses droits personnels. Car, écrit Ibn Taymiyya, si c'était là ce qu'il a voulu dire, cela impliquerait une double injustice sur la personne lésée : lésée une première fois par celui qui a été injuste (zulm), elle serait lésée une seconde fois (par le fait d'être cataloguée de "agissant mal") pour avoir seulement voulu réparation par rapport à son zâlim !

En fait :
--- autant dans la Shar' de Moïse et dans la Shar' de Muhammad, que dans la Réforme de la Shar'u Mûssâ apportée par Jésus (sur eux tous soit la paix), la demande de 'Adl de la part de la personne lésée (mazlûm) a été déclarée "possible" / "instituée" (mashrû' / jâ'ïz) ;
--- de même, dans ces 3 Messages, le choix, de la part de la personne lésée, du 'Afw a été recommandé (mandûb).

Simplement :
Dans la Loi de Moïse, l'accent a été mis sur l'institution du 'Adl (mais sans nier la recommandation du 'Afw : "وَكَتَبْنَا عَلَيْهِمْ فِيهَا أَنَّ النَّفْسَ بِالنَّفْسِ وَالْعَيْنَ بِالْعَيْنِ وَالأَنفَ بِالأَنفِ وَالأُذُنَ بِالأُذُنِ وَالسِّنَّ بِالسِّنِّ وَالْجُرُوحَ قِصَاصٌ فَمَن تَصَدَّقَ بِهِ فَهُوَ كَفَّارَةٌ لَّهُ" : Coran 5/45) (sauf quand l'affaire parvenait aux autorités judiciaires : à ce stade-là, dans la Shar' de Moïse, peut-être que ce n'était alors plus à l'individu lésé de décider : c'est le cas dans la Shar'u Muhammad pour le qadhf d'après l'interprétation des hanafites).
– Quelques siècles plus tard, pour rappeler la plus grande valeur de l'autre aspect, Jésus a, sans nier pour autant la possibilité de 'Adl, mis l'accent sur le 'Afw (utilisant un impératif, lequel a eu valeur de recommandation, et non pas d'obligation). Exactement comme, quelques siècles plus tard encore, le prophète Muhammad a, sans nier la légalité du talion ('Adl), mis l'accent sur le 'Afw dans le récit suivant, par une parole sibylline : "عن وائل قال: إني لقاعد مع النبي صلى الله عليه وسلم إذ جاء رجل يقود آخر بنسعة، فقال: "يا رسول الله، هذا قتل أخي." فقال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "أقتلته؟" فقال: "إنه لو لم يعترف أقمت عليه البينة." قال: "نعم قتلته." قال: "كيف قتلته؟" قال: "كنت أنا وهو نختبط من شجرة، فسبني، فأغضبني، فضربته بالفأس على قرنه، فقتلته." فقال له النبي صلى الله عليه وسلم: "هل لك من شيء تؤديه عن نفسك؟" قال: "ما لي مال إلا كسائي وفأسي." قال: "فترى قومك يشترونك؟" قال: "أنا أهون على قومي من ذاك." فرمى إليه بنسعته، وقال: "دونك صاحبك." فانطلق به الرجل، فلما ولى قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "إن قتله فهو مثله!" فرجع، فقال: "يا رسول الله، إنه بلغني أنك قلت: إن قتله فهو مثله! وأخذته بأمرك!" فقال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "أما تريد أن يبوء بإثمك، وإثم صاحبك؟" قال: "يا نبي الله - لعله قال - بلى!" قال: "فإن ذاك كذاك". قال: فرمى بنسعته وخلى سبيله" (Muslim 1680) : voir l'explication de cette parole "إن قتله فهو مثله" dans notre article : Peut-on, à une personne, donner comme Fatwa que l'action est Autorisée, et à une autre que la même Action est Interdite ? - Distinguer les cas de réel Double Discours, et les cas des Différences de Réponses dues à des Différences de Situations (هل يمكن تغيير الفتوى بتغير الواقع؟) (il s'agit du cas 2.1).

Ce que nous venons de voir, Ibn Taymiyya l'a formulé ainsi :
"Le fait que le Messie a fait
amr au Mazlûm de pardonner au Zâlim : il ne s'y trouve pas ce qui indiquerait que cela relève de l'Obligatoire, de sorte que celui qui ne fait pas ainsi mériterait le blâme et la punition ; cela relève du Recommandé, qui est tel que celui qui le fait mérite l'éloge et la récompense"
: "وأمر المسيح عليه السلام للمظلوم بالعفو عن الظالم: ليس فيه ما يدل على أنه من الواجب الذي من تركه استحق الذم والعقاب، بل هو من المرغب فيه الذي من فعله استحق المدح والثواب"
(Al-Jawâb us-sahîh, 3/205).
"Sinon, si on dit : "le Messie a rendu obligatoire sur le Mazlûm de pardonner au Zâlim, de sorte que s'il ne lui pardonne pas, il mérite le blâme, cela impliquerait que toute personne qui prend réparation par rapport à celui qui a fait Zulm sur elle, en deviendrait Zâlim, méritant blâme et sanction (dans l'autre monde) ! Cela constituerait un second Zulm à son égard : le Zâlim a commis un premier Zulm contre lui ; et quand elle prend réparation, on lui fait un Second Zulm (en la blâmant pour cela) !" : "وإلا فلو قيل: إن المسيح عليه السلام أوجب على المظلوم العفو عن الظالم، بمعنى أنه يستحق الوعيد والذم والعقاب إن لم يعف عنه، لزم من هذا أن يكون كل من انتصف من الظالم: ظالما مستحقا للذم والعقاب؛ وهذا ظلم ثان للمظلوم الذي انتصف! فإن الظالم ظلمه أوّلًا؛ فلما انتصف منه، ظُلِمَ ظلما ثانيا؛ فهو ظُلمُ العادل انتصف من ظالمه" (Ibid., 3/206).
"Si on ordonnait à toute personne parente de celui qui a été assassiné de pardonner au meurtrier, à toute personne créancière de ne pas réclamer son dû mais de le laisser, à toute personne qui a été insultée ou frappée de ne jamais prendre justice, alors il n'y aurait rien qui retiendrait les abuseurs, les forts abuseraient sur les faibles, et la Terre deviendrait mauvaise : "Si Dieu ne repoussait pas les hommes l'un par l'autre, la Terre deviendrait mauvaise". Il faut donc une loi qui englobe la (possibilité de) rendre justice, et, avec cela, recommande aux hommes de pardonner" : "ولو أمرنا كل ولي مقتول أن لا يقتص من القاتل، وكل صاحب دين أن لا يطالب غريمه بل يدعه على اختياره، وكل مشتوم ومضروب أن لا ينتصف من ظالمه، لم يكن للظالمين زاجر يزجرهم، وظَلمَ الأقوياء الضعفاء، وفسدت الأرض: قال تعالى: {ولولا دفع الله الناس بعضهم ببعض لفسدت الأرض}. فلا بد من شرع يتضمن الحكم بالعدل، ولا بد مع ذلك من ندب الناس إلى العفو والأخذ بالفضل" (Ibid., 3/203).

Ibn ul-Arabî relate la distinction entre :
--- le cas de qui a fait du tort une seule fois, ou qui a mal agi par erreur et a ensuite exprimé ses regrets,
--- et le cas de celui qui fait du tort continuellement, croyant pouvoir agir impunément.
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Il relate que :
--- dans le premier cas, il est mieux de "passer sur" le tort qu'il a fait, comme le dit la lettre du texte coranique ;
--- par contre, dans le second cas, il est mieux [li 'âridh] de lui "rendre la pareille" / d'exiger réparation", afin qu'il cesse :
"فيها مسألتان: المسألة الأولى: ذكر الله الانتصار في البغي في معرض المدح، وذكر العفو عن الجرم في موضع آخر في معرض المدح؛ فاحتمل أن يكون أحدهما رافعا للآخر، واحتمل أن يكون ذلك راجعا إلى حالتين: إحداهما أن يكون الباغي معلنا بالفجور وقحا في الجمهور مؤذيا للصغير والكبير: فيكون الانتقام منه أفضل. وفي مثله قال إبراهيم النخعي: "يكره للمؤمنين أن يذلوا أنفسهم فيجترئ عليهم الفساق.
الثاني أن تكون الفلتة، أو يقع ذلك ممن يعترف بالزلة ويسأل المغفرة: فالعفو هاهنا أفضل، وفي مثله نزلت: {وأن تعفوا أقرب للتقوى} وقوله تعالى: {فمن تصدق به فهو كفارة له}. وقوله: {وليعفوا وليصفحوا ألا تحبون أن يغفر الله لكم" (Ahkâm ul-qur'ân 4/92-93).

Cela parce que cerner ce qui, d'après la situation, il est mieux de faire ('Adl ? ou Fadhl ?), et agir en fonction, cela constitue la Sagesse (Hikma), laquelle peut être définie ainsi : "Parvenir à ce qu'il est mieux de faire selon la situation, et ce sur la base de la connaissance et de la réflexion" : "الحكمة: إصابة أفضل الأشياء بالنسبة للحال، وذلك بالعلم والعقل".

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Recouvrer notre droit en terme de créance :

Cela est un droit établi, bien sûr. Quelqu'un est venu réclamer au Prophète (sur lui soit la paix) le règlement de ce qu'il lui devait ; le Prophète (sur lui soit la paix) dit : "Le détenteur du droit a le droit de réclamer" : "عن أبي هريرة رضي الله عنه قال: كان لرجل على رسول الله صلى الله عليه وسلم دين، فهم به أصحابه، فقال: "دعوه، فإن لصاحب الحق مقالا." وقال: "اشتروا له سنا، فأعطوها إياه." فقالوا: إنا لا نجد سنا إلا سنا هي أفضل من سنه، قال: "فاشتروها، فأعطوها إياه، فإن من خيركم أحسنكم قضاء" (al-Bukhârî, 2465, etc., Muslim, 1601). "عن أبي هريرة رضي الله عنه: أتى النبي صلى الله عليه وسلم رجل يتقاضاه، فأغلظ له، فهم به أصحابه، فقال: "دعوه فإن لصاحب الحق مقالا" (B 2271).

Un mot ici quant au fait de se rembourser soi-même ce que quelqu'un nous doit, non pas par la violence et le vol de ses biens, mais dans la mesure où une somme d'argent qui lui est destinée nous transite entre les mains : peut-on se servir, au montant de la créance qu'on a sur lui ?
C'est ce qu'on appelle "mas'alat uz-zafar" : "مسألة الظفر". Il y a divergence entre les Mujtahidûn sur cette question.
Questionné par Hind au sujet des dépenses liées au ménage : "Abû Sufyân ne me donne pas, comme argent, ce qui suffit à moi et mes enfants", le Prophète (sur lui soit la paix) lui répondit : "Prends ce qui vous suffit, à toi et tes enfants, selon le convenable" : "عن عائشة، أن هند بنت عتبة، قالت: يا رسول الله إن أبا سفيان رجل شحيح وليس يعطيني ما يكفيني وولدي، إلا ما أخذت منه وهو لا يعلم، فقال: "خذي ما يكفيك وولدك، بالمعروف" : (al-Bukhârî, Muslim). En fait la divergence est due à la question de savoir si le Prophète a, disant ceci à Hind, parlé :
en tant que shâri' shar'an 'âmman, ce qui entraîne que ce qu'il a dit est d'ordre général, applicable sans besoin du jugement d'un juge ;
ou bien en tant que qâdhî (auquel cas il a alors rendu un qadhâ), et il faut donc à chaque fois un jugement dûment rendu par un juge pour que la personne puisse prendre sans l'accord du propriétaire ce dont il est établi (d'après les lois) que ce propriétaire lui doit réellement. Cependant, Abû Sufyân n'était pas présent, alors que le juge ne peut pas rendre de jugement en l'absence de l'une des deux parties ; ceux qui sont de cet avis ont expliqué cela en disant que le Prophète connaissait la situation de Hind, et le juge peut donc rendre le jugement d'après ce qu'il sait (du moins en matière de droits humains).
(Cf. Al-Ihkâm fî tamyîz il-fatwâ 'an il-ahkâm, al-Qarâfî, pp. 112-114.)
Voir l'avis de al-Qarâfî sur le sujet in : Al-Furûq (farq 36 et farq 224).

"قال علماؤنا: وهذا دليل على أن لك أن تبيح دم من أباح دمك، وتحل مال من استحل مالك، ومن أخذ عرضك فخذ عرضه بمقدار ما قال فيك، ولذلك كله تفصيل.
(...)
وأما من أخذ مالك
، فخذ ماله إذا تمكنت منه إذا كان من جنس مالك: طعاما بطعام، وذهبا بذهب، وقد أمنت من أن تعد سارقا.
وأما إن تمكنت من ماله بما ليس من جنس مالك فاختلف العلماء؛ فمنهم من قال:لا يؤخذ إلا بحكم حاكم، ومنهم من قال: يتحرى قيمته ويأخذ مقدار ذلك، وهو الصحيح عندي.
(...)
وإن مطلك وهو غني دون عذر قل: يا ظالم، يا آكل أموال الناس. قال النبي صلى الله عليه وسلم في الصحيح: "لي الواجد يحل عرضه وعقوبته": أما عرضه فبما فسرناه، وأما عقوبته فبالسجن حتى يؤدي. وعندي أن العقوبة هي أخذ المال كما أخذ ماله.
وأما إن جحدك وديعة وقد استودعك أخرى فاختلف العلماء فيه؛ فمنهم من قال: اصبر على ظلمه وأد إليه أمانته، لقول النبي صلى الله عليه وسلم: "أد الأمانة إلى من ائتمنك، ولا تخن من خانك"؛ ومنهم من قال: اجحده كما جحدك؛ لكن هذا [الحديث] لم يصح سنده؛ ولو صح فله معنى صحيح، وهو إذا أودعك مائة وأودعته خمسين فجحد الخمسين فاجحده خمسين مثلها، فإن جحدت المائة كنت قد خنت من خانك فيما لم يخنك فيه، وهو المنهي عنه. وبهذا الأخير أقول، والله أعلم" (Ahkâm ul-qur'ân 1/158-160).

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Demander réparation pour les coups et blessures ayant été subis :

Sur le moment, quand quelqu'un nous attaque, c'est un droit pour nous de nous défendre pour repousser l'agresseur.

– Mais ici, nous parlons seulement de demander réparation pour une agression qu'on a déjà subie.
Et la règle est qu'on peut demander réparation pour cela, mais pas se faire justice soi-même.

Le Coran reconnaît le droit au talion (applicable en pays musulman). Cependant, s'il s'agit d'un cas de meurtre d'un proche, c'est aux autorités judiciaires et exécutives, et non pas à la famille de la victime, que revient le droit d'appliquer concrètement le talion (quand cette application est en soi possible) (Al-Mughnî 11/421). La même chose peut être dite à propos des coups volontaires ayant entraîné des blessures ou des dommages physiques : d'après ce qui semble être l'avis pertinent sur le sujet, c'est aux autorités judiciaires et exécutives, et non à la victime ou à sa famille, que le droit d'appliquer le talion revient (Al-Mughnî 11/445).
Ibn ul-'Arabî a formulé cela ainsi : "أما من أباح دمك، فمباح دمه لك، لكن بحكم الحاكم، لا باستطالتك وأخذ لثأرك بيدك، ولا خلاف فيه" (Ahkâm ul-qur'ân 1/158-160).

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Rendre la pareille à celui qui nous a fait du tort par sa langue : par exemple nous a calomnié, ou nous a menti, ou nous a traité de "kâfir" :

Parole pour parole, rendre la pareille est autorisé (mais le pardon recommandé). Avec quelques nuances que nous allons voir...

Si on sait (preuves à l'appui) qu'une personne a dit du mal à notre sujet (alors qu'elle n'a pas le droit de dire cela d'après le hukm ullâh), alors, si on choisit de lui rendre la pareille en disant nous aussi du mal à son sujet (devant le même nombre de personnes), on n'est pas fautif, et réparation aura été obtenue en ce monde même.

Il y a aussi le fait que Mistah (que Dieu l'agrée) ayant participé activement à la calomnie contre Aïcha (que Dieu l'agrée), le père de cette dernière, Abû Bakr (que Dieu l'agrée), dit qu'il ne lui donnerait alors plus jamais l'aide financière qu'il lui donnait auparavant. Il lui en voulait d'avoir calomnié sa fille d'avoir trompé son mari : quel père n'en voudrait pas à quelqu'un pour pareils propos ? Mais Dieu rappela à Abû Bakr qu'il s'agissait de pardonner et de passer dessus, et c'est ce qu'il fit donc, rétablissant le versement de son aide : "وَلَا يَأْتَلِ أُوْلُوا الْفَضْلِ مِنكُمْ وَالسَّعَةِ أَن يُؤْتُوا أُوْلِي الْقُرْبَى وَالْمَسَاكِينَ وَالْمُهَاجِرِينَ فِي سَبِيلِ اللَّهِ وَلْيَعْفُوا وَلْيَصْفَحُوا أَلَا تُحِبُّونَ أَن يَغْفِرَ اللَّهُ لَكُمْ وَاللَّهُ غَفُورٌ رَّحِيمٌ" (Coran 24/22).
Cependant il ne faut pas oublier que c'était une seule fois que Mistah s'était mal comporté de la sorte, puis il a regretté ; par ailleurs, la sanction temporelle pour calomnie lui avait déjà été appliquée par le Prophète (sur lui soit la paix). Et, comme nous l'avons déjà vu plus haut, Ibn ul-Arabî distingue le cas de qui fait du tort une seule fois, ou qui a fait une erreur et a exprimé ses regrets, et le cas de celui qui fait du tort continuellement, car croyant pouvoir agir impunément : dans ce second cas, dit Ibn ul-'Arabî, il est mieux [li 'âridh] de lui rendre la pareille / d'exiger réparation, afin qu'il cesse :
"فيها مسألتان: المسألة الأولى: ذكر الله الانتصار في البغي في معرض المدح، وذكر العفو عن الجرم في موضعآخر في معرض المدح؛ فاحتمل أن يكون أحدهما رافعا للآخر، واحتمل أن يكون ذلك راجعا إلى حالتين: إحداهما أن يكون الباغي معلنا بالفجور وقحا في الجمهور مؤذيا للصغير والكبير: فيكون الانتقام منه أفضل. وفي مثله قال إبراهيم النخعي: "يكره للمؤمنين أن يذلوا أنفسهم فيجترئ عليهم الفساق.
الثاني أن تكون الفلتة، أو يقع ذلك ممن يعترف بالزلة ويسأل المغفرة: فالعفو هاهنا أفضل، وفي مثله نزلت: {وأن تعفوا أقرب للتقوى} وقوله تعالى: {فمن تصدق به فهو كفارة له}. وقوله: {وليعفوا وليصفحوا ألا تحبون أن يغفر الله لكم}" (Ahkâm ul-qur'ân 4/92-93).

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Ainsi, quand Aïcha fut prise à partie injustement par Zaynab bint Jahsh, elle resta silencieuse, jusqu'à ce qu'elle comprit que le Prophète lui donnait son assentiment à ce qu'elle réponde ; alors elle s'en prit à son tour à Zaynab, jusqu'à ce que cette dernière ne put plus rien dire. Le Prophète exprima alors son approbation. "عن عائشة رضي الله عنها أن نساء رسول الله صلى الله عليه وسلم كن حزبين، فحزب فيه عائشة وحفصة وصفية وسودة، والحزب الآخر أم سلمة وسائر نساء رسول الله صلى الله عليه وسلم، وكان المسلمون قد علموا حب رسول الله صلى الله عليه وسلم عائشة، فإذا كانت عند أحدهم هدية يريد أن يهديها إلى رسول الله صلى الله عليه وسلم، أخرها حتى إذا كان رسول الله صلى الله عليه وسلم في بيت عائشة، بعث صاحب الهدية بها إلى رسول الله صلى الله عليه وسلم في بيت عائشة، فكلم حزب أم سلمة فقلن لها: كلمي رسول الله صلى الله عليه وسلم يكلم الناس، فيقول: من أراد أن يهدي إلى رسول الله صلى الله عليه وسلم هدية، فليهده إليه حيث كان من بيوت نسائه. (...). فأرسلن زينب بنت جحش، فأتته، فأغلظت، وقالت: إن نساءك ينشدنك الله العدل في بنت ابن أبي قحافة، فرفعت صوتها حتى تناولت عائشة وهي قاعدة فسبتها، حتى إن رسول الله صلى الله عليه وسلم لينظر إلى عائشة هل تكلم. قال: فتكلمت عائشة ترد على زينب حتى أسكتتها. قالت: فنظر النبي صلى الله عليه وسلم إلى عائشة، وقال: "إنها بنت أبي بكر" (al-Bukhârî, 2442). "قالت عائشة: فأرسل أزواج النبي صلى الله عليه وسلم زينب بنت جحش زوج النبي صلى الله عليه وسلم. وهي التي كانت تساميني منهن في المنزلة عند رسول الله صلى الله عليه وسلم. ولم أر امرأة قط خيرا في الدين من زينب. وأتقى لله وأصدق حديثا، وأوصل للرحم، وأعظم صدقة، وأشد ابتذالا لنفسها في العمل الذي تصدق به، وتقرب به إلى الله تعالى، ما عدا سورة من حدة كانت فيها، تسرع منها الفيئة. قالت: فاستأذنت على رسول الله صلى الله عليه وسلم، ورسول الله صلى الله عليه وسلم مع عائشة في مرطها، على الحالة التي دخلت فاطمة عليها وهو بها. فأذن لها رسول الله صلى الله عليه وسلم. فقالت: "يا رسول الله إن أزواجك أرسلنني إليك يسألنك العدل في ابنة أبي قحافة". قالت: ثم وقعت بي، فاستطالت علي، وأنا أرقب رسول الله صلى الله عليه وسلم، وأرقب طرفه، هل يأذن لي فيها. قالت: فلم تبرح زينب حتى عرفت أن رسول الله صلى الله عليه وسلم لا يكره أن أنتصر. قالت: فلما وقعت بها لم أنشبها حتى أنحيت عليها، قالت: فقال رسول الله صلى الله عليه وسلم، وتبسم: "إنها ابنة أبي بكر" (Muslim, 2442). "عن عروة بن الزبير، قال: قالت عائشة: ما علمت حتى دخلت علي زينب بغير إذن وهي غضبى، ثم قالت: يا رسول الله، أحسبك إذا قلبت بنية أبي بكر ذريعتيها، ثم أقبلت علي، فأعرضت عنها، حتى قال النبي صلى الله عليه وسلم: "دونك، فانتصري"، فأقبلت عليها، حتى رأيتها وقد يبس ريقها في فيها، ما ترد علي شيئا؛ فرأيت النبي صلى الله عليه وسلم يتهلل وجهه" (Ibn Mâja, 1981). "عن ابن عون، قال: كنت أسأل عن الانتصار {ولمن انتصر بعد ظلمه فأولئك ما عليهم من سبيل}، فحدثني علي بن زيد بن جدعان، عن أم محمد امرأة أبيه، قال ابن عون: وزعموا أنها كانت تدخل على أم المؤمنين؛ قالت: قالت أم المؤمنين: دخل علي رسول الله صلى الله عليه وسلم وعندنا زينب بنت جحش، فجعل يصنع شيئا بيده، فقلت بيده، حتى فطنته لها، فأمسك؛ وأقبلت زينب تقحم لعائشة رضي الله عنها فنهاها، فأبت أن تنتهي؛ فقال لعائشة: "سبيها"، فسبتها، فغلبتها. فانطلقت زينب إلى علي رضي الله عنه فقالت: "إن عائشة رضي الله عنها وقعت بكم، وفعلت"، فجاءت فاطمة فقال لها: "إنها حبة أبيك ورب الكعبة"؛ فانصرفت، فقالت لهم: "أني قلت له كذا وكذا"، فقال لي كذا وكذا، قال: وجاء علي رضي الله عنه إلى النبي صلى الله عليه وسلم فكلمه في ذلك" (Abû Dâoûd, 4898, dha'îf ul-isnâd d'après al-Albânî).

--- Par contre, quand Abû Bakr fut pris à partie par quelqu'un, il resta tout d'abord silencieux ; à la troisième fois, quand il se mit à lui répondre, le Prophète (sur lui soit la paix) exprima sa désapprobation : "حدثنا يحيى، عن ابن عجلان، قال: حدثنا سعيد بن أبي سعيد، عن أبي هريرة، أن رجلا شتم أبا بكر والنبي صلى الله عليه وسلم جالس، فجعل النبي صلى الله عليه وسلم يعجب ويتبسم. فلما أكثر رد عليه بعض قوله، فغضب النبي صلى الله عليه وسلم وقام. فلحقه أبو بكر، فقال: يا رسول الله كان يشتمني وأنت جالس، فلما رددت عليه بعض قوله، غضبت وقمت؟" قال: "إنه كان معك ملك يرد عنك، فلما رددت عليه بعض قوله، وقع الشيطان، فلم أكن لأقعد مع الشيطان". ثم قال: "يا أبا بكر ثلاث كلهن حق: ما من عبد ظلم بمظلمة فيغضي عنها لله عز وجل، إلا أعز الله بها نصره؛ وما فتح رجل باب عطية، يريد بها صلة، إلا زاده الله بها كثرة؛ وما فتح رجل باب مسألة، يريد بها كثرة، إلا زاده الله عز وجل بها قلة" (Ahmad, 9624).

Pourquoi cette différence ?
Lire mon article expliquant cela.

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De même, si on sait (preuves à l'appui) qu'une personne a dit du mal à notre sujet (alors même qu'elle n'a pas le droit de dire cela d'après le hukm ullâh), alors, si on choisit de lui rendre la pareille (à la même proportion) en disant nous aussi du mal à son sujet (devant le même nombre de personnes), on n'est pas fautif, et justice aura été faite dans ce monde même (dans l'au-delà il n'y aura alors plus de dédommagement en notre faveur pour cela).
Cependant, il faut être certain que c'est bien cette personne qui avait commencé et pas nous. Il faut aussi être certain que, si c'est bien elle qui avait commencé, on ne lui aura pas rendu plus que ce qu'elle nous avait fait (par exemple : on ne l'aura pas calomniée, alors qu'elle nous avait seulement médit ; on n'aura pas mentionné 2 de ses défauts, alors qu'elle n'en avait mentionné qu'un nous concernant ; on n'aura pas mentionné un de ses défauts devant 20 personnes alors qu'elle n'avait mentionné l'un des nôtres que devant 2 personnes). Car dans tous ces cas, on s'est soi-même rendu coupable d'une injustice.
Le Prophète (sur lui soit la paix) a dit : "عن أبي هريرة، أن رسول الله صلى الله عليه وسلم، قال: "المستبان ما قالا فعلى البادئ، ما لم يعتد المظلوم" : "Les deux personnes qui se disent des mots : (tout) ce qu'elles se disent sera à la charge de la personne qui a commencé, tant que la personne lésée ne dépasse pas" (Muslim, 2587, Abû Dâoûd, at-Tirmidhî).

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En pareil cas (surtout quand le litige perdure et s'installe dans la durée), ce sera la Balance qui tranchera le Jour du Jugement quant aux éventuels excès, à l'instar de ce que dit ce hadîth pour un cas voisin (celui d'esclaves, qui existaient à l'époque) : Un jour un homme vint trouver le Prophète et lui déclara : "J'ai des esclaves ; ils me mentent, me trompent et me désobéissent. (Alors) je leur dis des mots (durs) et les frappe. Quelle est ma situation par rapport à eux ?"
Le Prophète lui dit ceci : "(Le jour du jugement) on évaluera leurs trahisons, désobéissances et mensonges, et la punition que tu leur as infligée :
- si celle-ci aura été à la mesure de leurs fautes, alors ce sera à égalité, rien pour toi et rien contre toi ;
- si la punition que tu leur as infligée aura été moindre que leurs fautes, alors tu auras un surplus ;
- et si la punition que tu leur as infligée aura été supérieure à leurs fautes, alors on prendra de toi le surplus, par talion"
.
L'homme se plaça alors de côté, et se mit à pleurer et à crier.
Le Prophète lui dit : "N'as-tu pas lu le Livre de Dieu : "Et Nous placerons les balances justes le jour de la résurrection, et alors aucune âme ne sera en rien lésée. Et si (l'action) sera du poids d'un grain de moutarde, nous la ferons venir. Et Nous sommes suffisant comme Preneur de compte" [Coran 21/47]" ?"
L'homme dit alors : "Messager de Dieu, je ne vois rien de meilleur pour moi et ces (esclaves) que la séparation. Je te prends à témoin qu'ils sont tous affranchis" :
"عن عائشة، أن رجلا قعد بين يدي النبي صلى الله عليه وسلم فقال: يا رسول الله، إن لي مملوكين يكذبونني ويخونونني ويعصونني، وأشتمهم وأضربهم فكيف أنا منهم؟ قال: "يحسب ما خانوك وعصوك وكذبوك وعقابك إياهم؛ فإن كان عقابك إياهم بقدر ذنوبهم كان كفافا، لا لك ولا عليك؛ وإن كان عقابك إياهم دون ذنوبهم كان فضلا لك؛ وإن كان عقابك إياهم فوق ذنوبهم اقتص لهم منك الفضل". قال: فتنحى الرجل فجعل يبكي ويهتف. فقال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "أما تقرأ كتاب الله {ونضع الموازين القسط ليوم القيامة فلا تظلم نفس شيئا وإن كان مثقال} الآية". فقال الرجل: والله يا رسول الله ما أجد لي ولهم شيئا خيرا من مفارقتهم، أشهدك أنهم أحرار كلهم"
(at-Tirmidhî, 3165 ; Mishkât, 5561).

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Cependant, s'il s'agit d'un droit de soi avec lequel un droit de Dieu se trouve mêlé, alors on ne peut pas lui rendre la pareille par la même action : on ne pourra lui rendre la pareille qu'en ne transgressant pas à son tour cette limite.

Ainsi, si quelqu'un nous a menti, nous ne pourrons pas, ayant choisi de lui rendre la pareille, lui mentir, car cela comporte un manquement dans les droits de Dieu Lui-même.
Pareillement, si quelqu'un nous calomnie (donc ment à notre sujet), nous avons le droit de le médire (dire un défaut qui est vrai à son sujet) mais pas celui de le calomnier (car mentir est interdit vis-à-vis de Dieu Lui-même).

Ibn ul-'Arabî écrit ainsi : "وأما إن أخذ عرضك، فخذ عرضه، لا تتعداه إلى أبويه ولا إلى ابنه أو قريبه. لكن ليس لك أن تكذب عليه، وإن كذب عليك؛ فإن المعصية لا تقابل بالمعصية؛ (...)؛ وإن قال لك: "يا زان"، فقصاصك أن تقول: "يا كذاب"، "يا شاهد زور"؛ ولو قلت له: "يا زان"، كنت كاذبا فأثمت في الكذب، وأخذت فيما نسب إليك من ذلك، فلم تربح شيئا، وربما خسرت" (Ahkâm ul-qur'ân 1/158-160).

Pareillement, Ibn Taymiyya écrit que si un musulman nous traite de "kâfir", on ne peut pas le traiter de kâfir pour lui rendre la pareille, car, justement, cela contient ce qui relève des Droits de Dieu.
Ibn Taymiyya fait valoir que Alî (que Dieu l'agrée) a été considéré "kâfir" par tous les Kharijites : "قال الأشعري وغيره: "أجمعت الخوارج على تكفير علي بن أبي طالب رضي الله عنه". Et : "في الخوارج الحرورية أهل النهروان الذين استفاضت الأحاديث الصحيحة عن النبي صلى الله عليه وسلم في ذمهم والأمر بقتالهم، وهم يكفرون عثمان وعليا ومن تولاهما؛ فمن لم يكن معهم كان عندهم كافرا ودارهم دار كفر؛ فإنما دار الإسلام عندهم هي دارهم".
Et pourtant, dit-il aussi, malgré cela il a refusé, lui, de les traiter de "kâfir" : "وأصحاب الرسول صلى الله عليه وسلم - علي بن أبي طالب وغيره - لم يكفروا الخوارج الذين قاتلوهم". Et : "وقد اتفق الصحابة والعلماء بعدهم على قتال هؤلاء؛ فإنهم بغاة على جميع المسلمين سوى من وافقهم على مذهبهم؛ وهم يبدءون المسلمين بالقتال، ولا يندفع شرهم إلا بالقتال؛ فكانوا أضر على المسلمين من قطاع الطريق؛ فإن أولئك إنما مقصودهم المال، فلوأعطوه لم يقاتلوا، وإنما يتعرضون لبعض الناس؛ وهؤلاء يقاتلون الناس على الدين حتى يرجعوا عما ثبت بالكتاب والسنة وإجماع الصحابة إلى ما ابتدعه هؤلاء بتأويلهم الباطل وفهمهم الفاسد للقرآن. ومع هذا فقد صرح علي رضي الله عنه بأنهم مؤمنون ليسوا كفارا ولا منافقين." Il cite de nombreux propos de 'Alî, dont le célèbre : "عن طارق بن شهاب قال: "كنت عند علي حين فرغ من قتال أهل النهروان، فقيل له: أمشركون هم؟ قال: من الشرك فروا. فقيل: فمنافقون؟ قال: المنافقون لا يذكرون الله إلا قليلا. قيل: فما هم؟ قال: قوم بغوا علينا فقاتلناهم".

En fait, conclut Ibn Taymiyya, déclarer quelqu'un kâfir relève des droits liés à Dieu, et pas des droits de la personne :
"ومع هذا فقد صرح علي رضي الله عنه بأنهم مؤمنون، ليسوا كفارا ولا منافقين.
وهذا بخلاف ما كان يقوله بعض الناس، كأبي إسحاق الإسفراييني ومن اتبعه، يقولون: "لا نكفر إلا من يكفر".
فإن الكفر ليس حقا لهم، بل هو حق لله
. وليس للإنسان أن يكذب على من يكذب عليه، ولا يفعل الفاحشة بأهل من فعل الفاحشة بأهله؛ بل ولو استكرهه رجل على اللواطة، لم يكن له أن يستكرهه على ذلك؛ ولو قتله بتجريع خمر أو تلوط به، لم يجز قتله بمثل ذلك، لأن هذا حرام لحق الله تعالى. ولو سب النصارى نبينا، لم يكن لنا أن نسب المسيح" (Minhâj us-Sunna 3/94-95).

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Si nous avons été lésés dans certains de nos droits, pouvons-nous invoquer Dieu contre celui qui nous a lésé ?

Oui, cela relève du 'Adl, et est autorisé, bien que ne pas le faire ('Afw, donc Fadhl) soit mieux.

Le Prophète (sur lui soit la paix) avait dit à Mu'âdh, alors qu'il l'envoyait comme gouverneur au Yémen : "واتق دعوة المظلوم، فإنه ليس بينه وبين الله حجاب" : "Et préserve-toi de l'invocation (adressée à Dieu) par le lésé, car il n'y a pas de voile entre lui et Dieu" (al-Bukhârî, 1425, Muslim, 19).
Il y a aussi ce hadîth, avec une précision supplémentaire : "عن أنس بن مالك قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "اتقوا دعوة المظلوم، وإن كان كافرا، فإنه ليس دونها حجاب" : "Préservez-vous de l'invocation (adressée à Dieu) par le lésé, fût-il kâfir, car il n'y a pas de voile face à cette (invocation)" (Ahmad, 12549 ; Silsilat ul-ahâdîth is-sahîha, n° 767).

Sa'd ibn Abî Waqqâs a invoqué Dieu contre l'homme qui a menti à son sujet (disant qu'il avait été injuste quand il était gouverneur de la ville de Kûfa) : "عن جابر بن سمرة، قال: شكا أهل الكوفة سعدا إلى عمر رضي الله عنه، فعزله، واستعمل عليهم عمارا، فشكوا حتى ذكروا أنه لا يحسن يصلي، فأرسل إليه، فقال: يا أبا إسحاق إن هؤلاء يزعمون أنك لا تحسن تصلي، قال أبو إسحاق: أما أنا والله فإني كنت أصلي بهم صلاة رسول الله صلى الله عليه وسلم ما أخرم عنها، أصلي صلاة العشاء، فأركد في الأوليين وأخف في الأخريين. قال: ذاك الظن بك يا أبا إسحاق. فأرسل معه رجلا أو رجالا إلى الكوفة، فسأل عنه أهل الكوفة ولم يدع مسجدا إلا سأل عنه، ويثنون معروفا. حتى دخل مسجدا لبني عبس، فقام رجل منهم يقال له أسامة بن قتادة يكنى أبا سعدة قال: "أما إذ نشدتنا فإن سعدا كان لا يسير بالسرية، ولا يقسم بالسوية، ولا يعدل في القضية." قال سعد: "أما والله لأدعون بثلاث: اللهم إن كان عبدك هذا كاذبا، قام رياء وسمعة، فأطل عمره وأطل فقره وعرضه بالفتن." وكان بعد إذا سئل يقول: "شيخ كبير مفتون، أصابتني دعوة سعد." قال عبد الملك: فأنا رأيته بعد، قد سقط حاجباه على عينيه من الكبر، وإنه ليتعرض للجواري في الطرق يغمزهن" (al-Bukhârî, 722).

Sa'îd ibn Zayd l'a lui aussi fait contre une femme qui l'a accusé injustement d'avoir usurpé un morceau de son terrain à elle, et qui a porté cette affaire devant l'autorité : "عن عروة، أن أروى بنت أويس ادعت على سعيد بن زيد أنه أخذ شيئا من أرضها، فخاصمته إلى مروان بن الحكم، فقال سعيد: "أنا كنت آخذ من أرضها شيئا بعد الذي سمعت من رسول الله صلى الله عليه وسلم؟" قال: وما سمعت من رسول الله صلى الله عليه وسلم؟ قال: سمعت رسول الله صلى الله عليه وسلم يقول: "من أخذ شبرا من الأرض ظلما، طوقه إلى سبع أرضين." فقال له مروان: لا أسألك بينة بعد هذا. فقال: "اللهم، إن كانت كاذبة، فعم بصرها واقتلها في أرضها." قال: فما ماتت حتى ذهب بصرها، ثم بينا هي تمشي في أرضها، إذ وقعت في حفرة فماتت" (Muslim, 1610/139). "عن عمر بن محمد، أن أباه حدثه عن سعيد بن زيد بن عمرو بن نفيل أن أروى خاصمته في بعض داره، فقال: "دعوها وإياها، فإني سمعت رسول الله صلى الله عليه وسلم، يقول: "من أخذ شبرا من الأرض بغير حقه، طوقه في سبع أرضين يوم القيامة." اللهم، إن كانت كاذبة، فأعم بصرها واجعل قبرها في دارها." قال: فرأيتها عمياء تلتمس الجدر تقول: أصابتني دعوة سعيد بن زيد، فبينما هي تمشي في الدار مرت على بئر في الدار، فوقعت فيها، فكانت قبرها" (Muslim, 1610/138).

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Si nous avons été lésés dans certains de nos droits, pouvons-nous nous dire intérieurement, voire dire à la personne qui nous a fait l'injustice : "On règlera cette affaire devant Dieu le Jour du Jugement" ?

Cela relève également du 'Adl, et cela est donc autorisé.
Passer dessus constitue le
'Afw (qui relève du Fadhl), et est mieux.

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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