Echange entre le prophète-roi Salomon (عليه السلام) et la reine de Saba', Balqîs (رحمها الله)

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Le passage du Coran qui parle de cet échange se trouve dans sourate an-Naml (27ème sourate du Coran) :

"وَتَفَقَّدَ الطَّيْرَ فَقَالَ مَا لِيَ لَا أَرَى الْهُدْهُدَ أَمْ كَانَ مِنَ الْغَائِبِينَ {27/20} لَأُعَذِّبَنَّهُ عَذَابًا شَدِيدًا أَوْ لَأَذْبَحَنَّهُ أَوْ لَيَأْتِيَنِّي بِسُلْطَانٍ مُّبِينٍ {27/21} فَمَكَثَ غَيْرَ بَعِيدٍ فَقَالَ أَحَطتُ بِمَا لَمْ تُحِطْ بِهِ وَجِئْتُكَ مِن سَبَإٍ بِنَبَإٍ يَقِينٍ {27/22} إِنِّي وَجَدتُّ امْرَأَةً تَمْلِكُهُمْ وَأُوتِيَتْ مِن كُلِّ شَيْءٍ وَلَهَا عَرْشٌ عَظِيمٌ {27/23} وَجَدتُّهَا وَقَوْمَهَا يَسْجُدُونَ لِلشَّمْسِ مِن دُونِ اللَّهِ وَزَيَّنَ لَهُمُ الشَّيْطَانُ أَعْمَالَهُمْ فَصَدَّهُمْ عَنِ السَّبِيلِ فَهُمْ لَا يَهْتَدُونَ {27/24} أَلَّا يَسْجُدُوا لِلَّهِ الَّذِي يُخْرِجُ الْخَبْءَ فِي السَّمَاوَاتِ وَالْأَرْضِ وَيَعْلَمُ مَا تُخْفُونَ وَمَا تُعْلِنُونَ {27/25} اللَّهُ لَا إِلَهَ إِلَّا هُوَ رَبُّ الْعَرْشِ الْعَظِيمِ {27/26} قَالَ سَنَنظُرُ أَصَدَقْتَ أَمْ كُنتَ مِنَ الْكَاذِبِينَ {27/27} اذْهَب بِّكِتَابِي هَذَا فَأَلْقِهْ إِلَيْهِمْ ثُمَّ تَوَلَّ عَنْهُمْ فَانظُرْ مَاذَا يَرْجِعُونَ {27/28} قَالَتْ يَا أَيُّهَا المَلَأُ إِنِّي أُلْقِيَ إِلَيَّ كِتَابٌ كَرِيمٌ {27/29} إِنَّهُ مِن سُلَيْمَانَ وَإِنَّهُ بِسْمِ اللَّهِ الرَّحْمَنِ الرَّحِيمِ {27/30} أَلَّا تَعْلُوا عَلَيَّ وَأْتُونِي مُسْلِمِينَ {27/31} قَالَتْ يَا أَيُّهَا المَلَأُ أَفْتُونِي فِي أَمْرِي مَا كُنتُ قَاطِعَةً أَمْرًا حَتَّى تَشْهَدُونِ {27/32} قَالُوا نَحْنُ أُوْلُوا قُوَّةٍ وَأُولُوا بَأْسٍ شَدِيدٍ وَالْأَمْرُ إِلَيْكِ فَانظُرِي مَاذَا تَأْمُرِينَ {27/33} قَالَتْ إِنَّ الْمُلُوكَ إِذَا دَخَلُوا قَرْيَةً أَفْسَدُوهَا وَجَعَلُوا أَعِزَّةَ أَهْلِهَا أَذِلَّةً وَكَذَلِكَ يَفْعَلُونَ {27/34} وَإِنِّي مُرْسِلَةٌ إِلَيْهِم بِهَدِيَّةٍ فَنَاظِرَةٌ بِمَ يَرْجِعُ الْمُرْسَلُونَ {27/35} فَلَمَّا جَاء سُلَيْمَانَ قَالَ أَتُمِدُّونَنِ بِمَالٍ فَمَا آتَانِيَ اللَّهُ خَيْرٌ مِّمَّا آتَاكُم بَلْ أَنتُم بِهَدِيَّتِكُمْ تَفْرَحُونَ {27/36} ارْجِعْ إِلَيْهِمْ فَلَنَأْتِيَنَّهُمْ بِجُنُودٍ لَّا قِبَلَ لَهُم بِهَا وَلَنُخْرِجَنَّهُم مِّنْهَا أَذِلَّةً وَهُمْ صَاغِرُونَ {27/37} قَالَ يَا أَيُّهَا المَلَأُ أَيُّكُمْ يَأْتِينِي بِعَرْشِهَا قَبْلَ أَن يَأْتُونِي مُسْلِمِينَ {27/38} قَالَ عِفْريتٌ مِّنَ الْجِنِّ أَنَا آتِيكَ بِهِ قَبْلَ أَن تَقُومَ مِن مَّقَامِكَ وَإِنِّي عَلَيْهِ لَقَوِيٌّ أَمِينٌ {27/39} قَالَ الَّذِي عِندَهُ عِلْمٌ مِّنَ الْكِتَابِ أَنَا آتِيكَ بِهِ قَبْلَ أَن يَرْتَدَّ إِلَيْكَ طَرْفُكَ فَلَمَّا رَآهُ مُسْتَقِرًّا عِندَهُ قَالَ هَذَا مِن فَضْلِ رَبِّي لِيَبْلُوَنِي أَأَشْكُرُ أَمْ أَكْفُرُ وَمَن شَكَرَ فَإِنَّمَا يَشْكُرُ لِنَفْسِهِ وَمَن كَفَرَ فَإِنَّ رَبِّي غَنِيٌّ كَرِيمٌ {27/40} قَالَ نَكِّرُوا لَهَا عَرْشَهَا نَنظُرْ أَتَهْتَدِي أَمْ تَكُونُ مِنَ الَّذِينَ لَا يَهْتَدُونَ {27/41} فَلَمَّا جَاءتْ قِيلَ أَهَكَذَا عَرْشُكِ قَالَتْ كَأَنَّهُ هُوَ وَأُوتِينَا الْعِلْمَ مِن قَبْلِهَا وَكُنَّا مُسْلِمِينَ {27/42} وَصَدَّهَا مَا كَانَت تَّعْبُدُ مِن دُونِ اللَّهِ إِنَّهَا كَانَتْ مِن قَوْمٍ كَافِرِينَ {27/43} قِيلَ لَهَا ادْخُلِي الصَّرْحَ فَلَمَّا رَأَتْهُ حَسِبَتْهُ لُجَّةً وَكَشَفَتْ عَن سَاقَيْهَا قَالَ إِنَّهُ صَرْحٌ مُّمَرَّدٌ مِّن قَوَارِيرَ قَالَتْ رَبِّ إِنِّي ظَلَمْتُ نَفْسِي وَأَسْلَمْتُ مَعَ سُلَيْمَانَ لِلَّهِ رَبِّ الْعَالَمِينَ {27/44}"

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"20) Et (Salomon) passa en revue les oiseaux ; il dit alors : "Que m'arrive-t-il que je ne vois pas la huppe ? Ou alors est-ce qu'elle fait partie des absents ? 21) Je la châtierai sévèrement, ou je l'égorgerai, à moins qu'elle m'apporte une preuve claire."
22) (La huppe) resta peu éloignée, puis [vint et] dit : "J'ai su ce que tu n'as pas su, et je te rapporte de Saba' une nouvelle sûre. 23) J'ai trouvé une femme les gouverner ; elle a reçu de toute chose ; et elle possède un trône magnifique. 24) Je l'ai trouvée, elle et son peuple, se prosternant devant le soleil en deçà de Dieu. Et le Diable leur a embelli leurs actions, et les a détournés du chemin ; ils ne trouvent donc pas la guidance 25) quant au fait de se prosterner devant Dieu - Celui qui fait sortir ce qui est caché dans les cieux et la terre, et qui sait ce que vous cachez et aussi ce que vous divulguez. 26) Dieu, pas de divinité à part Lui, le Seigneur du Trône Immense -."
27) (Salomon) dit : "Nous allons voir si tu as dis la vérité, ou si tu étais parmi les menteurs. 28) Emporte ma lettre que voici, et lance-la à eux ; ensuite tiens-toi à l'écart d'eux, et regarde alors qu'est-ce qu'ils répondent".

29) (La reine) dit : "Ô assemblée, une noble lettre m'a été lancée ; 30) elle provient de Salomon ; et elle (dit ceci) : "Au nom de Dieu, le Tout Miséricordieux, le Miséricordieux. 31) Ne vous élevez pas au-dessus de moi, et venez à moi en étant soumis". 32). Elle dit : "Ô assemblée, conseillez-moi quant à ma décision : je ne suis pas à trancher une décision jusqu'à ce que vous m'ayez assistée". 33) Ils dirent : "Nous sommes des gens dotés de force et des gens d'une puissance terrible. Et la décision te revient. Regarde donc ce que tu ordonnes". 34) Elle dit : "Les rois, quand ils entrent dans une cité, la ravagent, et rendent humiliés ses habitants honorables. Et c'est ainsi qu'ils agissent. 35) Et je vais leur envoyer un présent, puis vais voir ce que les envoyés ramènent".

36) Alors, lorsque [l'émissaire] arriva auprès de Salomon, celui-ci dit : "Est-ce que vous me pourvoyez en biens ? Eh bien ce que Dieu m'a donné est meilleur que ce qu'Il vous a donné. Mais plutôt vous vous enorgueillissez de votre présent ! 37) Retourne auprès d'eux. Nous viendrons à eux avec des armées par rapport auxquelles ils n'auront aucune capacité, et nous les expulserons de (leur cité) humiliés, en étant assujettis".

38) Il dit : "Ô assemblée, qui parmi vous m'apportera son trône avant qu'ils ne viennent à moi soumis ?" 39) Un djinn très fort dit : "Je te l'apporterai avant que tu ne te lèves de ta place : je suis par rapport à cela fort, digne de confiance". 40) Celui qui avait une connaissance du Livre dit : "Je te l'apporterai avant que tu n'aies cligné de l'œil". Quand, alors, Salomon vit le trône installé auprès de lui, il dit : "Cela relève de la faveur de mon Seigneur, pour m'éprouver est-ce que je fais preuve de reconnaissance ou est-ce que je fais preuve d'ingratitude. Celui qui fait preuve de reconnaissance, il ne le fait que pour lui-même. Et quiconque fait preuve d'ingratitude, alors mon Seigneur Se suffit à Lui-même et est Généreux". 41) (Salomon) dit : "Rendez son trône méconnaissable pour elle ; nous verrons alors si elle se guidera ou si elle sera du nombre de ceux qui ne sont pas guidés".

42) Alors, quand (la reine) fut venue, il lui fut dit : "Est-ce que ton trône est ainsi ?" Elle dit : "On dirait que c'est lui. Le savoir nous avait été donné avant cela ; et nous étions à nous soumettre". 43) Et l'empêcha ce qu'elle adorait en deçà de Dieu : elle faisait partie d'un peuple mécréant.

44) Il lui fut dit : "Entre dans l'(espace du) dallage". Quand elle le vit alors, elle le prit pour de l'eau profonde et se découvrit les jambes. [Salomon] lui dit alors : "Ceci est un dallage pavé de cristal". Elle dit : "Seigneur, je me suis fait du tort à moi-même ; et (maintenant) je me soumets avec Salomon à Dieu, Seigneur des Mondes"".

(Coran 27/20-44)

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Quelques points de commentaire :

Salomon était un prophète-roi (عليه السلام).

Il avait reçu de Dieu une royauté qui s'étendait aux djinns et aux oiseaux. Miraculeusement il pouvait également parler à ces djinns et à ces oiseaux (comme on le voit dans cet épisode).
Le vent lui avait également été assujetti.
"وَلَقَدْ فَتَنَّا سُلَيْمَانَ وَأَلْقَيْنَا عَلَى كُرْسِيِّهِ جَسَدًا ثُمَّ أَنَابَ قَالَ رَبِّ اغْفِرْ لِي وَهَبْ لِي مُلْكًا لَّا يَنبَغِي لِأَحَدٍ مِّنْ بَعْدِي إِنَّكَ أَنتَ الْوَهَّابُ" (Coran 38/34-35). "وَوَرِثَ سُلَيْمَانُ دَاوُودَ وَقَالَ يَا أَيُّهَا النَّاسُ عُلِّمْنَا مَنطِقَ الطَّيْرِ وَأُوتِينَا مِن كُلِّ شَيْءٍ إِنَّ هَذَا لَهُوَ الْفَضْلُ الْمُبِينُ وَحُشِرَ لِسُلَيْمَانَ جُنُودُهُ مِنَ الْجِنِّ وَالْإِنسِ وَالطَّيْرِ فَهُمْ يُوزَعُونَ" (Coran 27/16-17).

A la tête d'un royaume puissant se situant à Shâm (avec Jérusalem comme capitale), au nord-ouest de la Péninsule Arabique, on le voit ici échanger avec la reine de Saba', dont le royaume est situé au sud-ouest de la Péninsule Arabique, au Yémen.

Le peuple de Saba' rendaient alors le culte - par prosternation - au soleil ; c'est ce que la huppe révéla à Salomon (fin de citation). Est-ce qu'il s'agissait, de leur part :
--- d'une volonté de seulement se dévouer spirituellement au soleil (celui-ci ayant été alors élevé par ce peuple au rang de "ilâh" mais pas de "rabb") ?
--- ou bien de la croyance en le fait que le soleil est capable d'exaucer les demandes qu'on lui adresse et donc d'une volonté d'obtenir des avantages temporels de sa part (le soleil ayant été dans ce cas élevé par ce peuple au rang de "ilâh wa rabb") ?
Je ne sais pas (لا أدري).

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D'après la relation de la Bible, le règne de Salomon (sur lui soit la paix) a duré 40 années. L'existence d'un roi nommé Salomon n'est pour le moment pas attestée par une source autre que la Bible et le Coran. Néanmoins, la Bible mentionne que 5 ans après le décès de Salomon, le roi d'Egypte Sheshong Ier attaqua l'Etat de Juda (1er Livre des Rois, 14/25-26). Or ce fait est attesté par l'inscription sur un bas-relief à Karnak, avec la liste des cités de Canaan ainsi conquises. Or encore, Sheshong Ier régna de - 943 à - 922 ; et la victoire de Sheshong Ier sur Juda est datée par des historiens de : - 925.
Ce qui entraîne que, ramenée aux données bibliques, la royauté de Salomon aurait duré jusqu'en - 930, ayant donc débuté en - 970.

Ce serait donc pendant cette séquence de temps que l'échange avec la reine de Saba' a eu lieu.

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Dans le passage coranique sus-cité, on voit le prophète-roi Salomon demander à la reine de Saba', dans sa lettre adressée à celle-ci, qu'elle reconnaisse la suzeraineté de son royaume, et qu'elle et son peuple se soumettent à Dieu, c'est-à-dire se convertissent à la vraie religion : "Au nom de Dieu, le Tout Miséricordieux, le Miséricordieux. Ne vous élevez pas au-dessus de moi, et venez à moi en étant soumis" (Coran 27/30-31), c'est-à-dire : "à Dieu".

Ayant reçu de Salomon sa missive, et n'en ayant compris qu'un ordre à accepter sa suzeraineté temporelle, la reine de Saba' consulte au préalable son assemblée. Les gens de celle-ci lui témoignent de toute leur confiance pour prendre la bonne décision, lui ayant seulement suggéré de refuser la tutelle de Salomon, car se percevant comme un peuple doté de suffisamment de force et de puissance pour lui résister.
Mais la reine, craignant que son peuple connaisse le même sort que celui qu'elle n'a que trop entendu au sujet d'autres cités ayant résisté et ayant été vaincues par tant de rois, opte pour une attitude prudente et conciliante : elle préfère envoyer un présent afin de voir la suite des événements.

Salomon ne se laisse guère impressionner par le présent - aussi coûteux et précieux soit-il -, qui pourrait s'apparenter dans le cas présent à une tentative de gagner son cœur afin qu'il renonce à son entreprise d'élévation temporelle sur les royaumes avoisinants. Il charge donc l'émissaire de transmettre à sa reine une mise en garde plus explicite : "Retourne à eux. Nous viendrons à eux avec des armées par rapport auxquelles ils n'auront aucune capacité, et nous les expulserons de (leur cité) humiliés, en étant assujettis" (Coran 27/37).

La reine de Saba' décide alors de venir à la rencontre du grand roi, en toute courtoisie mais surtout en toute docilité : elle veut reconnaître officiellement la suzeraineté.

Salomon va profiter de l'occasion pour faire comprendre à la reine qu'elle fait fausse route en ne réservant pas le culte à Dieu.
Mais au lieu de lui dire directement cela, il veut le lui faire comprendre par des symboles ; n'oublions pas que Salomon est réputé pour sa sagesse (comme on le voit dans le célèbre épisode avec les deux mères dont le loup avait emporté l'enfant de l'une d'elles, ainsi qu'avec l'épisode du champ d'un homme ravagé par les bêtes d'un autre).
Il va donc avoir recours à deux symboles.

Le premier est le trône de la reine, dont il va faire modifier des éléments de l'apparence par ses gens.
On lit dans le passage sus-cité : "(Salomon) dit : "Rendez son trône méconnaissable pour elle ; nous verrons alors si elle se guidera ou si elle sera du nombre de ceux qui ne sont pas guidés". Alors, quand (la reine) fut venue, il lui fut dit : "Est-ce que ton trône est ainsi ?" Elle dit : "On dirait que c'est lui" (Coran 27/41-42).
Il s'agit en fait d'un élément d'analogie pour le soleil.
Le peuple de la reine dans son ensemble ont paré verbalement l'astre du jour des qualificatifs de la divinité, au point que la perception naturelle que chacun peut en avoir s'en trouve modifiée chez les gens de Saba'. Pourtant, si on regarde bien et qu'on distingue les rajouts intellectuels de la réalité sous-jacente, le soleil n'est qu'une créature - comme nous-mêmes le sommes -, créée par notre Créateur à tous, Lui Seul être divin ; le soleil n'est pas une divinité : il ne peut rien décider de lui-même et ne possède donc rien de la rubûbiyya (comment donc pourrions-nous, humains, lui demander de satisfaire nos besoins et, ainsi, le prendre comme rabb ?) ; de plus, il a été placé là par Dieu pour notre bienfait (comment donc pourrions-nous, humains, nous humilier spirituellement devant lui et, ainsi, le prendre comme ilâh ?).
Or, comme toi, ô reine de Saba', as su parvenir à la réalité des choses en percevant que c'est bien ton trône malgré ce qu'on lui a adjoint d'éléments artificiels, tu devrais parvenir à percevoir la réalité du soleil malgré ce que ton peuple en dit et malgré ce que tu as donc appris et à quoi tu as été éduquée : le soleil n'est rien de plus qu'une étoile, une étoile très bénéfique pour nous humains, certes, mais nullement une divinité : au contraire, Dieu l'a placé là pour notre service, afin que pour notre part nous soyons à Son service : à Son adoration.

La reine était intelligente et perspicace : elle comprit que c'était son trône. Par contre elle ne comprit pas l'analogie. Elle dit seulement à Salomon : "Le savoir nous avait été donné avant cela ; et nous étions à nous soumettre" (Coran 27/42) : elle voulut dire que, même avant d'avoir vu ce tour de force extraordinaire (قبل هذه المعجزة) que d'avoir fait venir son trône depuis le Yémen, elle savait déjà que Salomon était doté d'aptitudes hors du commun, pour en avoir reçu l'information de tant de personnes. Et que, de toutes façons, même sans ce tour de force, elle avait l'intention d'accepter sa suzeraineté sur son royaume. En fait, le contenu de la missive (présenté aux versets 27/30-31 : "Au nom de Dieu, le Tout Miséricordieux, le Miséricordieux. Ne vous élevez pas au-dessus de moi, et venez à moi en étant soumis"), signifiait : "D'une part ne cherchez pas à vous élever au-dessus de mon royaume ; acceptez plutôt la suzeraineté de celui-ci sur le vôtre. D'autre part venez à moi en vous étant soumis à Dieu - en ayant accepté le Dîn de Dieu, la soumission à Lui, islam - et en ayant donc abandonné l'adoration du soleil". Mais la reine et son assemblée ne comprirent de ses deux phrases qu'une seule chose : la soumission à sa suzeraineté temporelle. C'est pourquoi elle dit seulement : "et nous étions à nous soumettre", c'est-à-dire : "à ton royaume, ô Salomon".
Dieu fait cette remarque juste après : "L'empêcha [de saisir ce que Salomon voulait lui faire comprendre, et donc d'apporter foi] ce qu'elle adorait en deçà de Dieu : elle faisait partie d'un peuple mécréant" (Coran 27/32).

Le second symbole mis en place par Salomon est un dallage fait de pavés de cristal. Devant le fouler, la reine a cru les pavés de cristal être un cours d'eau, et a donc soulevé son vêtement pour ne pas s'en mouiller le bas. C'est lorsque Salomon lui dit que ce ne sont que des pavés de cristal qu'elle comprend son erreur... sa double erreur, puisqu'alors elle comprend la symbolique que Salomon a mise en place, ainsi que le message qu'il veut lui faire passer.
Elle avait pris le soleil, qui apporte du bienfait aux hommes - étant source de lumière et de chaleur - pour une divinité à qui adresser ses actes de dévotion. Or la présence de certains attributs qui sont - au premier regard - communs à une première chose et à une seconde chose, cela ne devrait pas nous amener à croire que la première chose est comme la seconde : ni dans l'intensité de cet attribut, ni dans la base d'autres attributs encore. Le fait que le cristal soit transparent et reflète les choses - comme le fait l'eau - t'a induite en erreur, et tu l'as pris pour de l'eau. Eh bien comprends aussi que le fait que le soleil apporte de grands bienfaits aux hommes et soit si puissant à nos yeux d'humains, cela n'implique pas que le soleil soit une divinité et que nous puissions donc lui vouer un culte : le fait que le soleil apporte de grands bienfaits aux hommes t'a induite en erreur, et tu l'as cru - suivant en cela ce que ton peuple t'a transmis - être divin. Or il n'est pas divin.
Tout ce qui reflète n'est pas de l'eau.
Tout ce qui est plus puissant que nous humains, et nous apporte du profit, n'en est pas pour autant divin.
Seul le Créateur est divin, et Lui Seul est divinisable.

Le fait est que...
--- Il existe les attributs de perfection que Dieu possède, mais que des créatures possèdent elles aussi, bien entendu à un degré bien moindre que celui auquel Dieu les possède (la vie, la vue, la force, etc.). Parmi ces attributs, ont particulièrement troublé certains humains : les attributs de force, ainsi que du caractère "profitable" ou "destructeur", qu'aucun humain ne possède mais que des djinns, ou des entités naturelles (eau, vent, volcans, soleil, etc.), possèdent. Le Takbîr se rapporte à ces attributs-là. "الله أكبر" : "Dieu est plus grand" ; c'est-à-dire : "Dieu est Plus Grand que tout autre dans la possession de ces attributs-là".
--- Et puis il existe les Attributs que Dieu Seul possède : il s'agit de tous les attributs liés au caractère divin (le fait d'être unique, le fait d'être capable de créer, etc.). Le Tahlîl se rapporte à ces attributs-là. "لا إله إلا الله" : "Pas de divinité sauf Dieu" ; c'est-à-dire : "Dieu est le Seul à posséder ces attributs-là".

Lire également : Quelques argumentations coraniques quant à l'Unicité de Dieu dans le caractère divin - بعض حُجج القرآن في نفْي وجود إله غير الله، فَنَفْي استحقاق مَن سواه العبادة.

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Cette explication de ces deux stratagèmes de Salomon (sur lui soit la paix) est globalement celle de cheikh Mahmûd ul-Hassan ad-Deobandî (dit "Cheikh ul-Hind") ; elle a été relatée de lui par son élève cheikh Hussein Ahmad Madanî, et est visible in Qassas ul-qur'ân, par cheikh Hifz ur-Rahmân Seohârwî (2/149-155).
J'ai écrit "globalement" dans la mesure où certains détails que j'ai proposés plus haut sont différents de ceux que Cheikh ul-Hind a pour sa part exposés (lui parle du fait que le trône est "maz'har" de la royauté de Balqîs).

Une explication très voisine du second symbole - les pavés de cristal - est visible dans Qassas un-nabiyyîn, par Abu-l-Hassan 'Alî an-Nadwî.

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Qui est "celui auprès de qui il y avait une connaissance du Livre" ? Et quel est ce "Livre" ?

Ces deux points font l'objet de commentaires différents.

Celui auquel va mon humble préférence est qu'il s'agissait d'un homme qui restait dans la compagnie de Salomon (voir Zâd ul-massîr ; Tafsîr ul-Qurtubî ; etc.) ; et il s'agissait en fait non pas d'un livre en particulier, mais de l'ensemble de l'Ecriture révélée ("علم من الكتاب} من الكتاب المنزل، وهو علم الوحى والشرائع" : Tafsîr uz-Zamakhsharî).

En fait cet homme connaissait al-ism ul-a'zam (Tafsîr ul-Qurtubî).
Suite à l'invocation qu'il fit à Dieu, et que Dieu accepta, ce furent des anges qui transportèrent en un clin d'œil le trône de Balqîs depuis le Yémen jusque là où Salomon se trouvait alors (Kitâb un-nubuwwât, p. 418).

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Dans le TaNaKh :

La rencontre de la reine de Saba' avec Salomon est relatée dans deux livres du TaNaKh. Cependant, certains détails sont très différents de ce qui est présent dans le Coran.

Dans le TaNaKh, il est dit que cette rencontre eut lieu à Jérusalem, où la reine se rendit.

Il y est dit aussi que des richesses étaient versées au royaume de Salomon par différents rois : "Le poids de l’or qui arrivait à Salomon chaque année était de six cent soixante-six talents d’or,
outre ce qu’il retirait des négociants et du trafic des marchands, de tous les rois d’Arabie, et des gouverneurs du pays" (1Rois 10/14-15) ; "Le poids de l’or qui arrivait chaque année à Salomon était de six cent soixante-six talents d’or, outre ce qu’il retirait des négociants et des marchands qui en apportaient, de tous les rois d’Arabie et des gouverneurs du pays, qui apportaient de l’or et de l’argent à Salomon" (2Chroniques 9/13-14).

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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