Pourquoi peut-on demander son aide à un ami mais pas à un pieux défunt ? - La différence entre le Simple Mas'ala et le Du'â ul-Mas'ala - الفرق بين مجرَّد المسألة ودعاء المسألة

Question :

Quand on sait qu'il n'est pas interdit de demander à son ami de nous offrir telle chose, pourquoi serait-il interdit de se rendre sur la tombe d'un pieux - lequel est aussi une sorte d'ami, un confident - pour lui demander de nous accorder la même chose ?

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Réponse :

Ce qu'il ne faut pas oublier c'est que notre croyance est que ce qu'il nous est demandé avant toute chose c'est le monothéisme (tawhîd ullâh fi-l-ulûhiyya / tawhîd ullâh bi-l-'ibâda). Or il y a une grande différence entre la simple demande et la demande qui constitue un acte de divinisation.

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--- i) Au sens littéral du terme, "du'â'" signifie seulement : "appeler" ("الدعاء كالنداء" : Muf'radât ur-Râghib). On le voit très bien dans le verset suivant, où les humains qui entendent le Coran mais ne croient pas sont comparés aux créatures qui entendent l'appel mais ne comprennent même pas son contenu ; or les termes désignant l'appel sont : "du'â'" et "nidâ'" : "وَمَثَلُ الَّذِينَ كَفَرُواْ كَمَثَلِ الَّذِي يَنْعِقُ بِمَا لاَ يَسْمَعُ إِلاَّ دُعَاء وَنِدَاء صُمٌّ بُكْمٌ عُمْيٌ فَهُمْ لاَ يَعْقِلُونَ" (Coran 2/171).
Dans le verset qui suit, le terme "
du'â'" signifie bien : "appeler" : "إِذْ تُصْعِدُونَ وَلاَ تَلْوُونَ عَلَى أحَدٍ وَالرَّسُولُ يَدْعُوكُمْ فِي أُخْرَاكُمْ" (Coran 3/153). De même en est-il de cet autre verset : "لَا تَجْعَلُوا دُعَاء الرَّسُولِ بَيْنَكُمْ كَدُعَاء بَعْضِكُم بَعْضًا" (Coran 24/63) : ici il peut être question de l'appel que des musulmans adressaient au Prophète, ou de l'appel que le Prophète faisait à des musulmans. Ce "du'â" fait vis-à-vis d'autre que Dieu ne constitue nullement un culte rendu à cet autre que Dieu : "الثاني: أنهم أمروا أن يقولوا: يا رسول الله، ونهوا أن يقولوا: يا محمد؛ قاله سعيد بن جبير، وعلقمة، والأسود، وعكرمة، ومجاهد. والثالث: أنه نهي لهم عن الإبطاء إذا أمرهم والتأخر إذا دعاهم؛ حكاه الماوردي" (Zâd ul-massîr).
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Mais ce n'est pas de ce sens littéral (i) que nous parlons ici.

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--- ii) Dans cet article, c'est seulement le sens particulier, shar'î, de "du'â'" qui nous intéresse : "appel constituant du culte".
C'est bien ce que le Prophète (sur lui soit la paix) a ainsi formulé : "الدعاء هو العبادة" : "L'adoration c'est le du'â'" (at-Tirmidhî, 2969, Abû Dâoûd, 1479).

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Et, en ce sens shar'î (ii), dans le Coran, le terme "du'a'" a deux significations :

-------- ii.i) il signifie normalement ce que nous venons de voir : "appel constituant du culte", ce que l'on traduit par : "invocation". C'est de façon indéniable que, dans le verset suivant, on voit que des appels sont adressés à Autre que Dieu, et sont destinés à être entendus par cet Autre que Dieu ; et que ces appels constituent du culte ('Ibâda) rendu à cet Autre que Dieu, donc du Shirk :
------------ "وَالَّذِينَ تَدْعُونَ مِنْ دُونِهِ مَا يَمْلِكُونَ مِنْ قِطْمِيرٍ إِنْ تَدْعُوهُمْ لَا يَسْمَعُوا دُعَاءَكُمْ؛ وَلَوْ سَمِعُوا مَا اسْتَجَابُوا لَكُمْ؛ وَيَوْمَ الْقِيَامَةِ يَكْفُرُونَ بِـشِرْكِكُمْ" : "Ceux que vous appelez en dehors de Lui ne possèdent (même) pas une pellicule de noyau de datte ; si vous les appelez, ils n'entendent pas votre appel. Et s'ils l'entendaient, ils ne vous répondraient pas. Et le jour de la résurrection ils renieront le fait que vous (les ayez) associés (à Dieu)" (Coran 35/13-14).

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-------- ii.ii) enfin, parfois, le terme "du'â" signifie : "'ibâda au sens large du terme", incluant alors non plus seulement l'invocation, mais aussi la prosternation : c'est le cas dans ce verset : "وَأَنَّ الْمَسَاجِدَ لِلَّهِ فَلَا تَدْعُوا مَعَ اللَّهِ أَحَدًا" (Coran 72/18), dont voici deux commentaires : "فلا تسجدوا بها لغيره" (Tafsîr Ibn Kathîr) et : "فلا تعبدوا فيها غيره" (Mahâssin ut-ta'wîl, qui précise : "تعريض بما كان عليه المشركون من عبادتهم غيره تعالى بمسجده الحرام ونصبهم فيه التماثيل والأنصاب، وبما عليه أهل الكتاب").
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C'est le du'a' en son sens ii.i qui nous intéresse ici.

Les termes du hadîth sus-cité étant : "الدعاء هو العبادة" (et non pas : "إنما الدعاء عبادة"), le sens en est : "L'Adoration, c'est le Du'â [et pas autre chose que le Du'â]" ("وأغرب ابن حجر حيث قال: "وقال شارح: "العبادة ليست غير الدعاء" مقلوب، وصوابه: "إن الدعاء ليس غير العبادة"" اهـ. وهو خطأ منه، والصواب الأول؛ لأنه الدال على المبالغة بطريق الحصر المطلوبة المستفادة من ضمير الفصل، وإتيان الخبر المعرف باللام، كما هو مقرر في علم المعاني والبيان" : Mirqât ul-mafâtîh).
Or l'Adoration recouvre d'autres actions que l'Invocation (Du'â) : il y a encore la Prosternation, le Jeûne, et bien d'autres actions encore ("وقال العلامة تقي الدين السبكي: الأولى حمل الدعاء في الآية على ظاهره؛ وأما قوله بعد ذلك "عن عبادتي" فوجه الربط أن الدعاء أخص من العبادة، فمن استكبر عن العبادة، استكبر عن الدعاء؛ وعلى هذا فالوعيد إنما هو في حق من ترك الدعاء استكبارا، ومن فعل ذلك كفر" : Shar'h ul-Qastalânî).
Mais en fait cela a été dit par hyperbole (mubâlagha), parce que le Du'â occupe une place centrale, essentielle, au sein de toute l'Adoration de Dieu : en fait elle est constitutive de toutes les formes d'Adoration ("وقال ميرك: أتى بضمير الفصل والخبر المعرف باللام ليدل على الحصر في أن العبادة ليست غير الدعاء مبالغة؛ ومعناه أن الدعاء معظم العبادة؛ كما قال صلى الله عليه وسلم: "الحج عرفة"، أي: معظم أركان الحج الوقوف بعرفة" : Mirqât ul-mafâtîh) ("يعني: أن الدعاء هو خالص العبادة كما في حديث أنس عند الترمذي أن النبي صلى الله عليه وسلم قال: "الدعاء مخ العبادة" . والمعنى أن العبادة لا تقوم إلا بالدعاء، كما أن الإنسان لا يقوم إلا بالمخ" : Tat'rîzu riyâdh is-sâlihîn).

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Or le du'a' en son sens ii.i se subdivise en deux :
-------- ii.i.i) le du'â' uth-thanâ' : l'appel élogieux consistant en de la 'idâba ;
-------- ii.i.ii) le du'â' ul-mas'ala : l'appel constituant demande de quelque chose et consistant en de la 'ibâda.

Du ii.i.i, nous avons parlé dans un autre article.

C'est du du'a' en son sens ii.i.ii que cet article parle : le du'â' ul-mas'ala. "ودعوته: إذا سألته، وإذا استغثته" (Muf'radât ur-Râghib).

Dans les versets suivants, on voit de façon indéniable qu'ils parlent de du'a' ul-mas'ala : un appel à délivrer d'un grand malheur ; on voit que celui-ci ne doit être adressé qu'à Dieu en toutes circonstances, alors que les Polycultistes le font vis-à-vis d'autres que Lui pour les choses de la vie quotidienne, tombant alors dans le Shirk Akbar :
------------ "حَتَّى إِذَا كُنتُمْ فِي الْفُلْكِ وَجَرَيْنَ بِهِم بِرِيحٍ طَيِّبَةٍ وَفَرِحُواْ بِهَا جَاءتْهَا رِيحٌ عَاصِفٌ وَجَاءهُمُ الْمَوْجُ مِن كُلِّ مَكَانٍ وَظَنُّواْ أَنَّهُمْ أُحِيطَ بِهِمْ دَعَوُاْ اللّهَ مُخْلِصِينَ لَهُ الدِّينَ: "لَئِنْ أَنجَيْتَنَا مِنْ هَذِهِ لَنَكُونَنِّ مِنَ الشَّاكِرِينَ". فَلَمَّا أَنجَاهُمْ إِذَا هُمْ يَبْغُونَ فِي الأَرْضِ بِغَيْرِ الْحَقِّ" : "Jusqu'à ce que, lorsque vous êtes en bateau, que ceux-ci les emmènent par bon vent, et qu'ils sont contents de cela, un vent violent vient à eux, la mort vient à eux provenant de tout lieu, et ils pensent qu'ils vont être cernés ; ils appellent Dieu en gardant purement pour Lui le culte : "Si Tu nous sauves de ceci, nous serons assurément parmi les reconnaissants". Puis, lorsqu'Il les sauve, voilà qu'ils font preuve d'injustice sur la terre, sans droit" (Coran 10/22-23) ;
------------ "فَإِذَا رَكِبُوا فِي الْفُلْكِ دَعَوُا اللَّهَ مُخْلِصِينَ لَهُ الدِّينَ. فَلَمَّا نَجَّاهُمْ إِلَى الْبَرِّ إِذَا هُمْ يُشْرِكُونَ لِيَكْفُرُوا بِمَا آتَيْنَاهُمْ وَلِيَتَمَتَّعُوا فَسَوْفَ يَعْلَمُونَ" : "Alors, lorsqu'ils montent sur le bateau, ils appellent Dieu en gardant purement pour Lui le culte. Puis, lorsqu'Il les sauve (en les ramenant) à la terre sèche, voilà qu'ils associent (...)" (Coran 29/65-66) ;
------------ "قُلْ أَرَأَيْتُكُم إِنْ أَتَاكُمْ عَذَابُ اللّهِ أَوْ أَتَتْكُمُ السَّاعَةُ أَغَيْرَ اللّهِ تَدْعُونَ إِن كُنتُمْ صَادِقِينَ بَلْ إِيَّاهُ تَدْعُونَ فَيَكْشِفُ مَا تَدْعُونَ إِلَيْهِ إِنْ شَاء، وَتَنسَوْنَ مَا تُشْرِكُونَ" : "Dis : "Avez-vous considéré si le châtiment de Dieu vient à vous, ou que l'Heure vient à vous : est-ce Autre que Dieu que vous appellerez, si vous êtes véridiques ? C'est plutôt Lui que vous appellerez - et alors Il fera disparaître s'Il le veut ce que vous (Lui) demanderez de (faire disparaître) -, et vous oublierez ce que vous (Lui) associez" [jusqu'alors]" (Coran 6/40-41).

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Il est donc impératif de distinguer "la demande constituant invocation, ce qui est acte de culte" (sens ii.i.ii), de "la simple demande ne constituant pas acte de culte", et ce afin d'établir quelle demande on ne peut adresser à Autre que Dieu, sous peine de tomber dans une parole de Shirk Akbar.

--- Car il y a des demandes d'aide (istinsâr) ou de secours (istighâtha) qui constituent un acte de culte. Or le culte ne peut être rendu qu'à Dieu. Et ce n'est pas qu'il est seulement permis, c'est qu'il est recommandé, et même globalement obligatoire, de demander à Dieu ce dont on a besoin (du'â ul-mas'ala). Une telle demande adressée à Autre que Dieu est interdite, constituant du polycultisme, shirk akbar.
--- Par contre, la simple demande d'aide habituelle (istinsâr) ou de secours normal (istighâtha) à un ami vivant relève des relations humaines et est donc en soi permise vis-à-vis d'un Autre que Dieu. Le Coran emploie ces deux termes "istinsâr" et "istighâtha" à propos d'une demande d'aide qui est autorisée :
------- "وَالَّذِينَ آمَنُواْ وَلَمْ يُهَاجِرُواْ مَا لَكُم مِّن وَلاَيَتِهِم مِّن شَيْءٍ حَتَّى يُهَاجِرُواْ وَإِنِ اسْتَنصَرُوكُمْ فِي الدِّينِ فَعَلَيْكُمُ النَّصْرُ إِلاَّ عَلَى قَوْمٍ بَيْنَكُمْ وَبَيْنَهُم مِّيثَاقٌ" (Coran 8/72) (un terme synonyme étant : "isti'âna", الاستعانة) ;
------- "فَاسْتَغَاثَهُ الَّذِي مِن شِيعَتِهِ عَلَى الَّذِي مِنْ عَدُوِّهِ فَوَكَزَهُ مُوسَى" (Coran 28/15).

--- Il en est de même de se mettre sous la protection d'une créature (isti'âdha) : il y a des cas de cette action qui constituent du shirk akbar ; d'autres qui sont autorisées. C'est la même chose que "istijâra", ou "talab ul-jiwâr". "الاستعاذة: الالتجاء، والاعتصام، والتحرز. وحقيقتها: الهرب من شيء تخافه إلى من يعصمك منه؛ ولهذا يسمى المستعاذ به معاذًا وملجأ ووزرًا" (Taysîr ul-'Azîz il-Hamîd) ; "وقال ابن كثير: الاستعاذة هي الالتجاء إلى الله والالتصاق بجنابه من شر كل ذي شر. والعياذ يكون لدفع الشر؛ واللياذ لطلب الخير" (Ibid.).
Sulaymân ibn Abdillâh ibn Muhammad ibn 'Abd il-Wahhâb écrit : "فإذا تحقق العبد بهذه الصفات - الرب والملك والإله - وامتثل أمر الله واستعاذ به، فلا ريب أن هذه عبادة من أجل العبادات، بل هو من حقائق توحيد الإلهية. فإن استعاذ بغيره، فهو عابد لذلك الغير؛ كما أن من صلى لله وصلى لغيره يكون عابدًا لغير الله، كذلك في الاستعاذة، ولا فرق؛ إلا أن المخلوق يطلب منه ما يقدر عليه ويستعاذ به فيه، بخلاف ما لا يقدر عليه إلا الله، فلا يستعاذ فيه إلا بالله؛ كالدعاء، فإن الاستعاذة من أنواعه" (Taysîr ul-'Azîz il-Hamîd).
Voici quelques âthâr et hadîths : "عن أبي مسعود، أنه كان يضرب غلامه، فجعل يقول: "أعوذ بالله"، قال: فجعل يضربه. فقال: "أعوذ برسول الله"، فتركه. فقال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "والله لله أقدر عليك منك عليه". قال: فأعتقه" (Muslim, 1659). "عن عائشة، قالت: بعثت صفية إلى رسول الله صلى الله عليه وسلم بطعام قد صنعته له وهو عندي، فلما رأيت الجارية، أخذتني رعدة حتى استقلّني أَفْكَل، فضربت القصعة، فرميت بها. قالت: فنظر إلي رسول الله صلى الله عليه وسلم، فعرفت الغضب في وجهه، فقلت: "أعوذ برسول الله أن يلعنني اليوم". قالت: قال: "أولى". قالت: قلت: "وما كفارته يا رسول الله؟" قال: "طعام كطعامها، وإناء كإنائها" (Ahmad, 26366). "فقلت: "يا رسول الله، إن رأيت أن تجعل بيننا وبين بني تميم حاجزا، فاجعل الدهناء". فحميت العجوز، واستوفزت، قالت: "يا رسول الله، فإلى أين تضطر مضرك؟". قال: قلت: "إنما مثلي ما قال الأول: "معزاة حملتْ حتفها". حملْتُ هذه ولا أشعر أنها كانت لي خصما. أعوذ بالله ورسوله أن أكون كوافد عاد". قال: "هيه، وما وافد عاد؟" وهو أعلم بالحديث منه، ولكن يستطعمه" (Ahmad, 15954). "عن جابر، أن امرأة من بني مخزوم سرقت. فأتي بها النبي صلى الله عليه وسلم، فعاذت بأم سلمة زوج النبي صلى الله عليه وسلم. فقال النبي صلى الله عليه وسلم: "والله لو كانت فاطمة لقطعت يدها"، فقطعت" (Muslim, 1689).
Ibn ul-Uthaymîn écrit : "أما الاستعاذة بالمخلوق، ففيها تفصيل. فإن كان المخلوق لا يقدر عليه، فهي من الشرك. قال شيخ الإسلام ابن تيمية: "لا يجوز الاستعاذة بالمخلوق عند أحد من الأئمة"، وهذا ليس على إطلاقه، بل مرادهم: "مما لا يقدر عليه إلا الله"، لأنه لا يعصمك من الشر الذي لا يقدر عليه إلا الله سوى الله. ومن ذلك أيضا الاستعاذة بأصحاب القبور، فإنهم لا ينفعون ولا يضرون، فالاستعاذة بهم شرك أكبر، سواء كان عند قبورهم أم بعيدا عنهم. أما الاستعاذة بمخلوق فيما يقدر عليه، فهي جائزة؛ وقد أشار إلى ذلك الشارح الشيخ سليمان في "تيسير العزيز الحميد"، وهو مقتضى الأحاديث الواردة في صحيح مسلم لمّا ذكر النبي صلى الله عليه وسلم الفتن، قال: "فمن وجد من ذلك ملجأ، فليعذ به"؛ وكذلك قصة المرأة التي عاذت بأم سلمة، والغلام الذي عاذ بالنبي صلى الله عليه وسلم، وكذلك في قصة الذين يستعيذون بالحرم والكعبة، وما أشبه ذلك. وهذا هو مقتضى النظر، فإذا اعترضني قطاع طريق، فعذت بإنسان يستطيع أن يخلصني منهم، فلا شيء فيه. لكن تعليق القلب بالمخلوق لا شك أنه من الشرك، فإذا علقت قلبك ورجاءك وخوفك وجميع أمورك بشخص معين، وجعلته ملجأ فهذا شرك، لأن هذا لا يكون إلا لله. وعلى هذا، فكلام الشيخ رحمه الله في قوله: "إن الأئمة لا يجوزون الاستعاذة بمخلوق" مقيد بما لا يقدر عليه إلا الله؛ ولولا أن النصوص وردت بالتفصيل، لأخذنا الكلام على إطلاقه، وقلنا: لا يجوز الاستعاذة بغير الله مطلقا" (Al-Qawl ul-mufîd, pp. 249-250).

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Comment distinguer donc la simple demande et la demande constituant invocation (du'â') ?

Nous allons le voir ensemble un peu plus bas, à travers les différents types de demandes pouvant exister...

Mais avant tout, voici quelques passages coraniques qui montrent que certaines demandes d'aide constituent, même adressées à un ange ou à un prophète défunt, du Shirk Akbar :

Dans chacun des 3 passages suivants, ceux dont le passage dit que des humains, leur adressant le du'â', font du shirk, incluent : les prophètes et les anges (comme on peut le vérifier dans les tafsîr qui suivent, en arabe) :
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 "قُلِ ادْعُوا الَّذِينَ زَعَمْتُمْ مِنْ دُونِهِ فَلَا يَمْلِكُونَ كَشْفَ الضُّرِّ عَنْكُمْ وَلَا تَحْوِيلًا أُولَئِكَ الَّذِينَ يَدْعُونَ يَبْتَغُونَ إِلَى رَبِّهِمُ الْوَسِيلَةَ أَيُّهُمْ أَقْرَبُ وَيَرْجُونَ رَحْمَتَهُ وَيَخَافُونَ عَذَابَهُ إِنَّ عَذَابَ رَبِّكَ كَانَ مَحْذُورًا" :
"Dis : "Invoquez ceux dont vous prétendez (qu'ils sont divins) autres que Lui ! Ils ne possèdent pas (le pouvoir) d'enlever le tort de vous, ni de (le) détourner (de vous)." Ceux qu'ils invoquent recherchent le moyen pour (se rapprocher) de leur Pourvoyeur, lequel sera plus proche, espèrent Sa Miséricorde et redoutent Son châtiment. Le châtiment de ton Pourvoyeur est redouté" (Coran 17/56-57 : Al-Isra').
"والمعنى: قل ادعوا الذين زعمتم أنهم آلهة، فلا يملكون كشف الضر عنكم ولا تحويلا له إلى غيركم. قوله تعالى: {أولئك الذين يدعون} في المشار إليهم بـ"أولئك" ثلاثة أقوال: أحدها: أنهم الجن الذين أسلموا؛ والثاني: الملائكة؛ وقد سبق بيان القولين؛ والثالث: أنهم المسيح وعزير والملائكة والشمس والقمر، قاله ابن عباس" (
Zâd ul-massîr).
Ce 1er passage parle explicitement de du'â' ul-mas'ala.
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"وَمَنْ أَضَلُّ مِمَّنْ يَدْعُو مِنْ دُونِ اللَّهِ مَنْ لَا يَسْتَجِيبُ لَهُ إِلَى يَوْمِ الْقِيَامَةِ؛ وَهُمْ عَنْ دُعَائِهِمْ غَافِلُونَ؛ وَإِذَا حُشِرَ النَّاسُ كَانُوا لَهُمْ أَعْدَاءً وَكَانُوا بِعِبَادَتِهِمْ كَافِرِينَ" : "Et qui serait plus déviant que celui qui invoque, en dehors de Dieu, qui ne lui répondra pas jusqu'au jour de la Résurrection ; qui sont inconscients de leur invocation ; et qui, lorsque les hommes seront rassemblés, seront pour eux des ennemis et renieront le culte qu'ils faisaient" (Coran 46/5-6 : Al-Ahqâf).
"واختلفوا فيه. فالأكثرون على أنه تعالى يحيي هذه الأصنام يوم القيامة وهي تظهر عداوة هؤلاء العابدين وتتبرأ منهم؛ وقال بعضهم: بل المراد عبدة الملائكة وعيسى فإنهم في يوم القيامة يظهرون عداوة هؤلاء العابدين. فإن قيل: ما المراد بقوله تعالى: {وهم عن دعائهم غافلون}؟ وكيف يعقل وصف الأصنام وهي جمادات بالغفلة ؟ وأيضا كيف جاز وصف الأصنام بما لا يليق إلا بالعقلاء، وهي لفظة من وقوله هم غافلون ؟ قلنا: إنهم لما عبدوها ونزلوها منزلة من يضر وينفع، صح أن يقال فيها إنها بمنزلة الغافل الذي لا يسمع ولا يجيب. وهذا هو الجواب أيضا عن قوله إن لفظة من ولفظة هم كيف يليق بها؛ وأيضا يجوز أن يريد كل معبود من دون الله من الملائكة وعيسى وعزير والأصنام إلا أنه غلب غير الأوثان على الأوثان" (
Tafsîr ur-Râzî).
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"وَالَّذِينَ تَدْعُونَ مِنْ دُونِهِ مَا يَمْلِكُونَ مِنْ قِطْمِيرٍ إِنْ تَدْعُوهُمْ لَا يَسْمَعُوا دُعَاءَكُمْ؛ وَلَوْ سَمِعُوا مَا اسْتَجَابُوا لَكُمْ؛ وَيَوْمَ الْقِيَامَةِ يَكْفُرُونَ بِشِرْكِكُمْ" : "Ceux que vous invoquez en dehors de Lui ne possèdent (même) pas une pellicule de noyau de datte. Si vous les invoquez, ils n'entendent pas votre invocation. Et s'ils l'entendaient, ils ne vous répondraient pas. Et le jour de la résurrection ils renieront le fait que vous (les ayez) associés (à Dieu)" (Coran 35/13-14 : Fâtir).
"ويوم القيامة يكفرون بشرككم} أي يجحدون أنكم عبدتموهم، ويتبرءون منكم. ثم يجوز أن يرجع هذا إلى المعبودين مما يعقل، كالملائكة والجن والأنبياء والشياطين؛ أي يجحدون أن يكون ما فعلتموه حقا وأنهم أمروكم بعبادتهم، كما أخبر عن عيسى بقوله: "ما يكون لي أن أقول ما ليس لي بحق". ويجوز أن يندرج فيه الأصنام أيضا، أي يحييها الله حتى تخبر أنها ليست أهلا للعبادة" (Tafsîr ul-Qurtubî).

Dans un autre article encore, il est exposé que tout ce qui constitue dûment une invocation (du'â') et donc du culte ('ibâda kub'râ) et est adressé à un autre que Dieu, cela "tombe" sur un djinn.

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D'emblée 2 cas se présentent :
A) Demander quelque chose dont la réalisation requiert un pouvoir dont Dieu seul dispose (comme la guérison instantanée, l'aide métaphysique pour remporter la victoire, la rémission des péchés, etc.) ;
B) Demander quelque chose dont la réalisation relève d'un pouvoir qui est tel que, en soi, Dieu l'a conféré à une ou plusieurs créatures.

Ces 2 cas de figure sont évoqués dans cet écrit de Ibn Taymiyya :
"وتفصيل القول: أن مطلوب العبد إن كان من الأمور التي لا يقدر عليها إلا الله تعالى، مثل أن يطلب شفاء مريضه من الآدميين والبهائم أو وفاء دينه من غير جهة معينة أو عافية أهله وما به من بلاء الدنيا والآخرة وانتصاره على عدوه وهداية قلبه وغفران ذنبه أو دخوله الجنة أو نجاته من النار أو أن يتعلم العلم والقرآن أو أن يصلح قلبه ويحسن خلقه ويزكي نفسه وأمثال ذلك" (MF 27/67-68) ;
"وأما ما يقدر عليه العبد" (MF 27/68).

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Comment distinguer ce qui relève des pouvoirs dont dispose réellement autre que Dieu (B) et ce dont ne dispose que Dieu (A) ?

La réponse se trouve dans ces 2 propos de Shâh Waliyyullâh :
"المعترف بانصرام سلسلة الإمكان إلى واجب لا يحتاج إلى غيره، يضطر إلى جعل هذه الصفات التي يتمادحون بها على درجتين: ـ درجة لما هنالك؛ ـ ودرجة لما يشبهه بنفسه"
(Hujjat ullâh il-bâligha, 1/181).

"حقيقة الشرك أن يعتقد إنسان في بعض المعظمين من الناس أن الآثار العجيبة الصادرة منه إنما صدرت لـكونه متصفا بـصفة من صفات الكمال مما لم يعهد في جنس الإنسان بل يختص بالواجب جل مجده، لا يوجد في غيره إلا أن يخلع هو خلعة الألوهية على غيره، أو يفني غيره في ذاته ويبقى بذاته، أو نحو ذلك مما يظنه هذا المعتقد من أنواع الخرافات" (Hujjat ullâh il-bâligha, 1/183-184).

Humblement, je propose de formuler le même propos en y ajoutant ce que j'écris entre crochets ci-après : "حقيقة الشرك أن يعتقد إنسان في بعض المعظمين من الناس أن الآثار العجيبة الصادرة منه إنما صدرت لـكونه متصفا بـصفة من صفات الكمال مما لم يعهد في جنس الإنسان [ولا في جنس من المخلوقات من الجنّ والسبب الطبيعي والملك]، بل يختص بالواجب جل مجده، لا يوجد في غيره إلا أن يخلع هو خلعة الألوهية على غيره".

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A) Demander quelque chose dont la réalisation requiert un pouvoir dont Dieu seul dispose (comme la guérison instantanée, l'aide métaphysique pour remporter la victoire, la rémission des péchés, l'admission au Paradis, etc.) :

Demander ce genre de choses relève systématiquement de l'invocation et ne peut donc être fait qu'à Dieu.

Adresser ce genre de demande à un être autre que Dieu relève systématiquement de l'associationnisme (shirk fi-r-rubûbiyya et donc aussi shirk fi-l-ulûhiyya)...
Et cela, que cet être soit visible ou invisible (qu'il soit ange, djinn ou humain)...
qu'il soit présent ou absent...
qu'il soit vivant ou défunt.

Dans le célèbre hadîth relaté par Suhayb et parlant du jeune homme réalisant des miracles, on lit cet échange : "فسمع جليس للملك كان قد عمي، فأتاه بهدايا كثيرة، فقال: "ما هاهنا لك أجمع، إن أنت شفيتني."، فقال: "إني لا أشفي أحدا. إنما يشفي الله. فإن أنت آمنت بالله دعوت الله فشفاك." فآمن بالله فشفاه الله" : "Je ne guéris personne [de mon propre pouvoir]. Ce n'est que Dieu qui guérit. Si tu apportes foi en Dieu, je Le prierai, et alors Il te guérira" (Muslim, 3005). Croire que ce jeune homme pieux disposait de la prérogative autonome d'accorder la guérison, cela serait du Shirk Akbar.

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Ibn Taymiyya écrit : "وتفصيل القول: أن مطلوب العبد إن كان من الأمور التي لا يقدر عليها إلا الله تعالى، مثل أن يطلب شفاء مريضه من الآدميين والبهائم أو وفاء دينه من غير جهة معينة أو عافية أهله وما به من بلاء الدنيا والآخرة وانتصاره على عدوه وهداية قلبه وغفران ذنبه أو دخوله الجنة أو نجاته من النار أو أن يتعلم العلم والقرآن أو أن يصلح قلبه ويحسن خلقه ويزكي نفسه وأمثال ذلك: فهذه الأمور كلها لا يجوز أن تطلب إلا من الله تعالى، ولا يجوز أن يقول لملك ولا نبي ولا شيخ - سواء كان حيا أو ميتا -: "اغفر ذنبي"، ولا: "انصرني على عدوي"، ولا: "اشف مريضي"، ولا: "عافني" أو: "عاف أهلي" أو "دابتي"، وما أشبه ذلك. ومن سأل ذلك مخلوقا كائنا من كان، فهو مشرك بربه من جنس المشركين الذين يعبدون الملائكة والأنبياء والتماثيل التي يصورونها على صورهم ومن جنس دعاء النصارى للمسيح وأمه" (MF 27/67-68).

Shâh Waliyyullâh écrit : "ونحن نريد أن ننبهك على أمور جعلها الله تعالى في الشريعة المحمدية - على صاحبها الصلوات والتسليمات - مظنات للشرك، فنهى عنها.
فمنها (...). ومنها أنهم كانوا يستعينون بغير الله في حوائجهم من شفاء المريض وغناء الفقير، وينذرون لهم يتوقعون إنجاح مقاصدهم بتلك النذور، ويتلون اسماءهم رجاء بركتها. فأوجب الله تعالى عليهم أن يقولوا في صلاتهم: {إياك نعبد وإياك نستعين}. وقال تعالى: {فلا تدعوا مع الله أحدا}؛ وليس المراد من "الدعاء": العبادة - كما قاله المفسرون -، بل هو الاستعانة، لقوله تعالى: {بل إياه تدعون فيكشف ما تدعون" (Hujjat ulllâh il-bâligha, 1/184-185).

C'est ce qui explique le verset où Dieu relate qu'un groupe de djinns, ayant entendu la récitation du Coran que le Prophète (sur lui soit la paix) faisait, retournèrent vers les leurs puis leur dirent (entre tant d'autres choses) : et leur dirent (entre autres) : "وَأَنَّهُ كَانَ رِجَالٌ مِّنَ الْإِنسِ يَعُوذُونَ بِرِجَالٍ مِّنَ الْجِنِّ فَزَادُوهُمْ رَهَقًا" : "Il y avait des individus parmi les humains qui cherchaient la protection d'individus parmi les djinns, ils les augmentèrent alors en rahaq" (Coran 72/6). D'après l'un des commentaires, "rahaq" veut dire ici "kufr", ou "rébellion" ; les pronoms "ils" et "les" – dans "ils les augmentèrent" – désignent, de façon croisée, soit "ces humains" soit "ces djinns" : les deux combinaisons sont possibles (cf. Tafsîr ul-Qurtubî). Ce verset fait allusion au fait que, avant la venue de l'islam, des Arabes, frappés par la sécheresse, envoyaient l'un d'eux chercher un lieu où il y avait de l'eau et de l'herbe ; ayant trouvé pareil lieu, ils prenaient soin, avant de s'y installer, de s'adresser aux djinns du lieu en ces termes : "Nous recherchons la protection du seigneur de ce oued contre le fait qu'une calamité nous atteigne" : "وقال آخرون: كان أهل الجاهلية إذا قحطوا، بعثوا رائدهم؛ فإذا وجد مكانا فيه كلأ وماء، رجع إلى أهله فيناديهم؛ فإذا انتهوا إلى تلك الأرض، نادوا: "نعوذ برب هذا الوادي من أن يصيبنا آفة" - يعنون الجن -؛ فإن لم يفزعهم أحد، نزلوا؛ وربما تفزعهم الجن، فيهربون" (Tafsîr ur-Râzî). Or ce ne peut être qu'à Dieu qu'on demande la protection contre une calamité (du genre d'une sécheresse, ou d'une crue, ou d'une tornade, ou de l'attaque d'ennemis, etc.). Ce genre de demande constitue du shirk akbar de la part de ces humains. Cela ne fit qu'attiser l'arrogance de ces djinns.
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En fait, demander à un Etre Autre que Dieu de réaliser ce genre de choses, cela revient de facto à croire que cet être dispose de la gestion autonome (اسْتِقْلال) de quelque chose de l'univers, même si on croit bon d'ajouter : "Mais c'est Dieu qui lui a conféré cette faculté, et c'est Dieu qui crée le résultat de cela" .

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B) Demander à un être autre que Dieu quelque chose dont la réalisation relève d'un pouvoir qui est tel que, en soi, Dieu l'a conféré à d'Autres que Lui aussi :

A propos de cela, Ibn Taymiyya a écrit que faire ce genre de demande est dans certains cas autorisé, dans d'autres cas interdit : "وأما ما يقدر عليه العبد فيجوز أن يطلب منه في بعض الأحوال دون بعض؛ فإن مسألة المخلوق قد تكون جائزة وقد تكون منهيا عنها" (MF 27/68).

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Il faut ici d'abord découvrir :
Ce dont Dieu a accordé la capacité à telle catégorie (جنس) de Ses créatures et pas à telle autre, et ce dont Il n'a accordé la capacité à aucune créature... Il y a les capacités de : 1) l'homme ; 2) le djinn ; 3) les éléments physiques naturels ; 4) les anges ; 5) Dieu Seul - ما أقدر الله به هذا الجنس من مخلوقاته، دون ذلك؛ وما لم يقدر به جنسًا من مخلوقاته.

Ensuite il faut comprendre que 3 cas se présentent :
B.1) adresser une demande à un être qui est physiquement absent, et par la voie "métaphysique" (pas par téléphone) ;
B.2) demander à un Être Autre que Dieu, qui est vivant et qui est présent physiquement, ce que Dieu a conféré à cet être la faculté de faire ;
B.3) demander à un Être Autre que Dieu ce que Dieu a conféré à d'autres créatures la faculté de faire, mais pas à cet être-ci (soit parce que cette faculté n'a été donnée par Dieu qu'à un type de créatures autres que le sien, soit parce que cet être précis n'est plus de ce monde).

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B.1) Adresser pareille demande à un être qui est physiquement absent, mais on croit qu'il nous entend de partout, et on lui adresse donc cette demande "dans la dimension métaphysique" :

Qu'il s'agisse d'une istikhdâm (ordre) ou d'une iltimâs (requête), cela est interdit, car cela relève de l'invocation (sens ii.i), qui ne peut être adressée qu'à Dieu.
Et, même si l'objet de la demande relève de la capacité de cet être, lui faire cette demande constitue un associationnisme dans le caractère divin (shirk fi-l-ulûhiyya).

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B.2) Demander, à un être autre que Dieu mais qui est vivant et qui est présent physiquement, ce que Dieu a par principe octroyé à cet être la capacité de faire :

Il y a ici 3 cas possibles :
soit cet être est un humain,
soit c'est un djinn,
soit c'est un ange.

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–--- B.2.1) S'il s'agit d'un être humain :

Que la demande qu'on lui fait (et qui porte sur quelque chose relevant des Capacités que Dieu a octroyées à l'humain vivant) consiste en l'ordre d'un maître à son serviteur (khâdim) ou en la requête d'un égal à un égal ou d'un serviteur à son maître (istikhdâm aw iltimâs), cela est bien sûr autorisé, et n'est pas de l'associationnisme (shirk).

Relève de ce cas de figure le fait que d'ordonner à son serviteur de nous apporter un renseignement ; de demander à un ami de nous prêter sa machine ; de demander à un homme qui nous est de statut supérieur une aide financière. (Il est vrai que la mendicité est interdite s'il n'y a pas nécessité ; cependant, même alors cela constitue un péché mais pas un acte de shirk.) Des Compagnons venaient ainsi demander au prophète Muhammad (sur lui soit la paix) son aide : soit des biens matériels, soit autre chose du même genre.

Cependant, pour être complet il faut ici préciser que si demander ce genre d'aide à un humain est en soi autorisé ("jâ'ïz"), le mieux ("al-afdhal") est de demander même ce genre de choses à Dieu en premier lieu. Le Prophète n'avait-il pas dit à Ibn Abbâs : "Lorsque tu demandes, demande à Dieu ; et lorsque tu demandes de l'aide, demande à Dieu Son aide" : "عن ابن عباس، قال: كنت خلف رسول الله صلى الله عليه وسلم يوما، فقال: "يا غلام إني أعلمك كلمات. احفظ الله يحفظك، احفظ الله تجده تجاهك. إذا سألت فاسأل الله، وإذا استعنت فاستعن بالله، واعلم أن الأمة لو اجتمعت على أن ينفعوك بشيء لم ينفعوك إلا بشيء قد كتبه الله لك، ولو اجتمعوا على أن يضروك بشيء لم يضروك إلا بشيء قد كتبه الله عليك، رفعت الأقلام وجفت الصحف" (at-Tirmidhî, 2516) (cf. Al-Iqtidhâ', pp. 409-410). Le Prophète avait un jour demandé à des Compagnons de lui prêter serment d'allégeance sur le fait qu'ils n'adoreraient que Dieu sans rien Lui associer, qu'ils feraient les cinq prières quotidiennes, qu'ils feraient preuve d'obéissance et qu'ils ne demanderaient rien aux hommes : le fouet de l'un de ces Compagnons tombait, celui-ci ne demandait pas aux gens de le ramasser pour lui : "عن أبي مسلم الخولاني، قال: حدثني الحبيب الأمين، أما هو فحبيب إلي، وأما هو عندي، فأمين عوف بن مالك الأشجعي، قال: كنا عند رسول الله صلى الله عليه وسلم، تسعة أو ثمانية أو سبعة، فقال: "ألا تبايعون رسول الله؟" وكنا حديث عهد ببيعة، فقلنا: قد بايعناك يا رسول الله، ثم قال: "ألا تبايعون رسول الله؟" فقلنا: قد بايعناك يا رسول الله، ثم قال: "ألا تبايعون رسول الله؟" قال: فبسطنا أيدينا وقلنا: قد بايعناك يا رسول الله، فعلام نبايعك؟ قال: "على أن تعبدوا الله ولا تشركوا به شيئا، والصلوات الخمس، وتطيعوا - وأسر كلمة خفية - ولا تسألوا الناس شيئا". فلقد رأيت بعض أولئك النفر يسقط سوط أحدهم، فما يسأل أحدا يناوله إياه" (Muslim, 1043, Abû Dâoûd, 1642). La laisse tombait des mains de Abû Bakr alors qu'il se trouvait sur son chameau. Il faisait alors s'asseoir l'animal et ramassait lui-même l'objet tombé. On lui dit : "Si tu nous avais dit de la donner !". Il répondit : "Mon bien aimé le Prophète m'a ordonné de ne rien demander aux hommes" : "عن ابن أبي مليكة، قال: كان ربما سقط الخطام من يد أبي بكر الصديق رضي الله عنه، قال: فيضرب بذراع ناقته فينيخها فيأخذه، قال: فقالوا له: أفلا أمرتنا نناولكه؟ فقال: إن حبي رسول الله صلى الله عليه وسلم أمرني أن لا أسأل الناس شيئا" (Ahmad, 65, dh'aîf) (cf. Qâ'ïda jalîla fi-t-tawassul wa-l-wassîla, p. 52).
Préférer s'abstenir – bien que le contraire soit permis – de demander des choses de ce genre à un autre que Dieu relève d'une perfection dans le monothéisme. Et le jour du jugement, les personnes ayant réalisé pareil degré de perfection dans leur adhésion au monothéisme au point que sur terre ils "ne demandaient pas qu'on leur récite la ruqya, ne se faisaient pas faire des cautérisations, ne tiraient pas de mauvais augure et portaient toute leur confiance sur Dieu" entreront au paradis sans rendre de compte et le visage resplendissant comme la lune (le Hadîth est bien connu).
Cependant, s'abstenir de demander même ce genre de choses aux hommes est déconseillé pour ceux dont la foi n'est pas suffisamment forte pour leur permettre de supporter les rigueurs que cela peut entraîner matériellement ou physiquement.

Le jour du Jugement, certains musulmans, étant en fâcheuse posture (devant porter sur leur dos l'objet qu'ils avaient dérobé sur terre), et voyant ensuite le Prophète (sur lui soit la paix) devant eux, lui diront : "Secoure-moi" ; mais le Prophète répondra alors qu'il ne peut rien pour lui et qu'il lui avait fait parvenir le message : "لا ألفين أحدكم يوم القيامة على رقبته شاة لها ثغاء، على رقبته فرس له حمحمة، يقول: "يا رسول الله، أغثني"، فأقول: "لا أملك لك شيئا، قد أبلغتك" (al-Bukhârî 2908, Muslim 1831). Cette réponse, alors, sera due au fait que nul ne pourra alors modifier de ses mains quoi que ce soit, et que l'autorisation d'intercéder ne lui aura pas encore été donnée.

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–--- B.2.2) Si cet être est un djinn :

Lui adresser une demande qui relève d'un pouvoir que Dieu lui a conféré, cela est autorisé à 4 conditions :

premièrement que la demande qu'on lui fait concerne ce qui relève de ses aptitudes ;
deuxièmement que cette demande consiste en une istikhdâm, c'est-à-dire une demande faite à un serviteur, et non pas en une iltimâs, requête d'un serviteur à son maître ;
troisièmement que le djinn soit présent auprès de soi (ce qui fait qu'il se manifeste, même si ce n'est pas selon la visibilité humaine),
et quatrièmement que l'objet de cette demande soit autorisé.
Ibn Taymiyya a ainsi mentionné le récit selon lequel, une fois, cherchant partout le calife Omar ibn ul-Khattâb, Abû Mûssâ al-ash'arî finit par demander à une dame de Médine qui avait un serviteur (khâdim) djinn d'envoyer celui-ci vérifier où le calife se trouvait. La dame l'envoya alors le faire, et obtint de lui l'information que Omar se trouvait à tel endroit, occupé à marquer les chameaux donnés en aumône (Majmû' ul-fatâwâ 19/63, voir aussi Al-Qawl ul-mufîd, Ibn ul-'Uthaymîn, pp. 534, 546). Ibn Taymiyya a aussi parlé de l'autorisation d'employer des djinns pour des travaux autorisés (MF 11/307, 13/87) du moment bien sûr qu'il n'y a pas de pacte revenant à diviniser ce djinn et que celui-ci agit ainsi parce qu'il est assujetti à cet homme, ou bien parce qu'il a de l'affection pour lui et veut donc lui rendre ce service, ou parce que le travail qu'il fournit en collaborant avec cet homme lui permet de combattre le mal que des djinns fâssiq ou kâfir font à des humains. Lire notre article sur le sujet.
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Si n'importe laquelle de ces 4 conditions vient à manquer, alors adresser une demande à un djinn est interdit.

Ainsi :
si le djinn n'accomplit ce genre de choses qu'avec comme condition préalable qu'on lui fasse une offrande (immolation d'un animal en son nom, offrandes placées pour lui en tel lieu, etc.), , alors, lui faire cette offrance constitue de l'associationnisme (shirk fi-l-ulûhiyya) et est interdit (c'est ce qui se passe avec Expédit) ;
si le djinn n'accomplit ce genre de choses que suite au fait qu'on lui offre un avantage tel que fornication etc., cela constitue également quelque chose de formellement interdit bien que n'étant pas du shirk ;
si la demande adressée au djinn concerne quelque chose d'interdit, comme le fait de voler quelque chose, ou de tuer quelqu'un, alors cela est interdit bien que n'étant pas du shirk, même si les deux autres conditions sont respectées ;
– enfin, si l'objet de la demande est autorisé mais que le djinn n'est pas là et qu'on lui adresse la demande par la "voie métaphysique", on tombe de nouveau dans le cas B.1 évoqué plus haut, qui constitue de l'associationnisme (shirk fi-l-ulûhiyya).

(Rappelons que nous parlons de la demande de réaliser ce que Dieu a mis en le pouvoir d'un djinn – même si un être humain ne pourrait, lui, pas le faire.
Nous ne parlons pas de ce qui relève des Facultés que Dieu n'a données à personne, en étant le Seul Détenteur, et qui donc relèverait du cas A : cela constitue de l'associationnisme.
De même, demander à un djinn ce que Dieu n'a donné la capacité de faire qu'à un ange est systématiquement interdit.)

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–--- B.2.3) Si cet être est un ange :

Lui adresser une demande est autorisé à 3 conditions :

que l'objet de la demande relève des capacités que Dieu a conférées à l'ange ;
que l'ange soit présent auprès de soi ;
et que l'ange ait reçu de Dieu l'ordre de faire cette action lorsque l'humain lui demande de la faire. Car l'ange, ne faisant qu'exécuter ce que Dieu lui ordonne de faire, n'a pas le pouvoir de prendre l'initiative de faire quelque chose. Il faut donc que Dieu ait donné explicitement à cet ange l'ordre de faire telle action si tel humain, présent devant lui, le lui demande, pour pouvoir lui adresser cette demande.
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Si n'importe laquelle de ces 3 conditions vient à manquer, alors adresser une demande à un ange est interdit.

Ainsi :
– si l'ange n'est pas présent auprès de soi et qu'on lui adresse la demande par la "voie métaphysique", on tombe dans le cas B.1 évoqué plus haut, qui constitue de l'associationnisme (shirk fi-l-ulûhiyya). S'adresser à l'ange Michel et lui dire : "O toi, Michel, apporte-nous la pluie", c'est de l'invocation adressée à un autre qu'à Dieu, et donc du shirk ;
– de même, si l'ange n'a pas reçu de Dieu l'ordre de faire telle action lorsqu'un homme le lui demande, alors il n'est pas autorisé de le lui demander.

Par contre, si l'ange est présent auprès de soi, et a été dépêché par Dieu ou a été chargé par Dieu de répondre à telle demande précise lorsqu'un homme le lui demande, alors il est autorisé de lui adresser la demande pour laquelle Dieu l'a dépêché ou par rapport à laquelle Dieu l'a chargé de répondre.

Ainsi, l'ange Gabriel a un jour présenté au Prophète l'ange responsable des montagnes et lui a dit que Dieu l'a dépêché auprès de lui pour qu'il lui ordonne de faire ce qu'il voudrait : l'ange des montagnes dit alors au Prophète qu'il pouvait, s'il le désirait, lui demander de faire tomber les deux montagnes sur les habitants de la cité de at-Tâ'ïf pour se venger d'eux. Mais le Prophète déclina l'offre : "عن عائشة رضي الله عنها، زوج النبي صلى الله عليه وسلم، أنها قالت للنبي صلى الله عليه وسلم: هل أتى عليك يوم كان أشد من يوم أحد، قال: "لقد لقيت من قومك ما لقيت. وكان أشد ما لقيت منهم يوم العقبة، إذ عرضت نفسي على ابن عبد ياليل بن عبد كلال. فلم يجبني إلى ما أردت، فانطلقت وأنا مهموم على وجهي، فلم أستفق إلا وأنا بقرن الثعالب. فرفعت رأسي، فإذا أنا بسحابة قد أظلتني، فنظرت فإذا فيها جبريل، فناداني فقال: إن الله قد سمع قول قومك لك، وما ردوا عليك، وقد بعث إليك ملك الجبال لتأمره بما شئت فيهم، فناداني ملك الجبال فسلم علي، ثم قال: يا محمد، فقال، ذلك فيما شئت، إن شئت أن أطبق عليهم الأخشبين؟ فقال النبي صلى الله عليه وسلم: بل أرجو أن يخرج الله من أصلابهم من يعبد الله وحده، لا يشرك به شيئا" (al-Bukhârî 3059, Muslim 1795). Le fait de voir, en état de veille et durant son vivant, un ange venu proposer son aide, ou venu délivrer une information quant au futur, cela ne se produit cependant que par rapport à un prophète ou à une prophétesse (cliquez ici et ici) ; les autres personnes ne peuvent pas être certaines qu'il ne s'agit pas plutôt d'un djinn qui se fait passer pour un ange.

De même, Agar a dit : "Tu t'es fait entendre. Secoure, si tu as du secours" : "فلما أشرفت على المروة سمعت صوتا، فقالت صه - تريد نفسها -، ثم تسمعت، فسمعت أيضا، فقالت: "قد أسمعت إن كان عندك غواث". فإذا هي بالملك عند موضع زمزم، فبحث بعقبه، أو قال بجناحه، حتى ظهر الماء" (al-Bukhârî, 3184) / "فإذا هي بصوت، فقالت: "أغث إن كان عندك خير". فإذا جبريل، قال: فقال بعقبه هكذا، وغمز عقبه على الأرض، قال: فانبثق الماء، فدهشت أم إسماعيل، فجعلت تحفز" (al-Bukhârî, 3185). Cependant, elle a dit cela à celui qu'elle ne voyait pas encore mais dont elle avait entendu la voix, et dont elle savait donc qu'il était physiquement présent non loin d'elle.

Il est un hadîth qui dit : "عن ابن عباس عن النبي صلى الله عليه وسلم قال: "إن لله تعالى ملائكة في الأرض سوى الحفظة يكتبون ما يسقط من ورق الشجر، فإذا أصابت أحدكم عرجة بأرض فلاة فليناد: يا عباد الله أعينوني" : "Dieu a des anges sur la Terre qui sont autres que les (anges) protecteurs ; ils prennent note des feuilles qui tombent des arbres. Lorsque l'un d'entre vous ne peut plus continuer dans une terre déserte, qu'il proclame : "Serviteurs de Dieu, aidez-moi !"" (hadîth hassan d'après Ibn Hajar, as-Sakhâwî et al-Albânî, soit marfû'an, soit mawqûfan sur Ibn Abbâs). "قال ابنه عبد الله في "المسائل" (217): "سمعت أبي يقول: "حججت خمس حجج منها ثنتين راكبا وثلاثة ماشيا، أو ثنتين ماشيا وثلاثة راكبا، فضللت الطريق في حجة وكنت ماشيا، فجعلت أقول: "يا عباد الله دلونا على الطريق!" فلم أزل أقول ذلك حتى وقعت على الطريق"؛ أو كما قال أبي. ورواه البيهقي في "الشعب" (2 / 455 / 2) وابن عساكر (3 / 72 / 1) من طريق عبد الله بسند صحيح" : Abdullâh ibn Ahmad relate que son père Ahmad ibn Hanbal a dit : "J'ai effectué 5 pèlerinages, 2 sur une monture et 3 à pied ; ou (il a dit :) 2 à pied et 3 sur une monture. Pendant le voyage d'un pèlerinage que j'effectuais à pied, je perdis mon chemin. Je me mis alors à dire : "Serviteurs de Dieu, indiquez-nous le chemin !" Je ne cessais de dire cela, jusqu'à ce que je tombe sur le chemin" (rapporté par Abdullâh dans les Massâ'ïl, ainsi que par al-Bayhaqî et par Ibn 'Assâkir, par une chaîne qualifiée par al-Albânî de sahîh : Silsilat ul-ahâdîth id-dha'îfa, 2/111-112). Ce hadîth (si cela remonte réellement jusqu'au Prophète) a indiqué que ces anges sont présents sur terre et qu'ils ont reçu de la part de Dieu la fonction d'indiquer le chemin. On peut donc adresser cette demande aux anges qui sont autour de soi quand on se trouve en pareil cas.

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B.3) Demander, à un être autre que Dieu ce que Dieu a conféré à d'autres créatures la faculté de faire, mais pas à cet être-ci (soit parce que cette faculté n'a été donnée par Dieu qu'à un type de créatures autres que celui auquel cet être appartient, soit parce que cet être précis n'est plus de ce monde) :

Il est interdit de demander à un défunt - et nous parlons bien là du cas où on est près de sa tombe - (ce défunt fût-il un prophète de Dieu ou un pieux personnage) de nous apporter son aide en nous fournissant par exemple de quoi manger ou boire, en nous donnant de l'argent, ou en nous assistant physiquement (choses qu'on pouvait lui demander lorsqu'il était vivant et près de nous) : le fait est que le défunt n'a plus la capacité de faire cela.

Ensuite il faut comprendre que 2 cas se présentent :
B.3.1) soit la personne croit que cet être dispose de cette capacité de façon autonome (istiqlâl), pouvant décider de faire cela sans avoir besoin d'une Permission Takwînî de Dieu qui soit autre que Générale ;
B.3.2) soit la personne croit que cet être ne peut réaliser cela que suite à une Décision Ponctuelle de Dieu (إرادة الله التكوينية الجزئية) et qu'il le fait alors par une intervention physique de proximité.

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–--- B.3.1) Si cet être autre que Dieu n'a pas (ou n'a plus, car décédé) la capacité de faire ce dont on lui adresse la demande, et qu'on croit que cet être dispose de ce pouvoir de façon autonome (bi-l-istiqlâl), pouvant décider de faire cela sans avoir besoin d'une Décision Takwînî de Dieu Ponctuelle (Juz'î), alors :

Lui demander cette chose constitue un acte d'associationnisme dans la providence (shirk fi-r-rubûbiyya) et donc a fortiori un acte d'associationnisme dans le caractère divin (shirk fi-l-ulûhiyya), lequel contredit le monothéisme en son principe même (et non plus seulement en sa perfection, comme c'était le cas en B.2.1, que nous avons vu plus haut).

Cheikh Ashraf 'Alî Thânwî écrit que si la personne croit que le personnage défunt dont elle est près de la tombe a la capacité de répondre à sa demande (capacité certes octroyée par Dieu, et pouvant être révoquée par Dieu s'Il le veut, mais autonome quant à la prise de décision, n'ayant pas besoin d'une Irâda Takwîniyya Juz'iyya), alors cela constitue du Shirk Akbar : "والتفصيل فى المسألة أن التوسل بالمخلوق له تفاسير ثلاثة. الأول: دعاءه واستغاثته كديوان المشركين؛ وهو حرام إجماعا. أما أنه شرك جلي أم لا، فمعياره: أنه إن اعتقد استقلاله بالتأثير، فهو شرك كفري اعتقادا (…)؛ وإلا، فلا. ومعنى [اعتقاد] استقلاله: [اعتقاد] أن الله قد فوّض إليه الأمور بحيث لا يحتاج في إمضائها إلى مشيئته الجزئية، وإن قَدَر على عزله عن هذا التفويض. والثاني: طلب الدعاء منه (...). والثالث: دعاء الله بهذا المخلوق المقبول" (Bawâdir un-nawâdir, pp. 706-708).

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–------ On voit là une expression de la différence entre la croyance qui est fausse concernant un être qui est dans le Ghayb Haqîqî par rapport à nous, et la croyance qui est fausse concernant un être qui est dans la Shahâda :

En effet, car, comme nous venons de le voir, la personne qui croit que l'homme défunt a la capacité de donner à celui qui lui en fait la demande, mais il fait cela de façon autonome par rapport à la Volonté Takwînî Ponctuelle de Dieu, cette personne-là a là une croyance de Shirk Akbar.

Alors que la personne qui croit que l'homme vivant a la capacité de donner quelque chose à celui qui lui en fait la demande, mais il fait cela, comme toute autre action personnelle, de façon autonome par rapport à la Volonté Takwînî Ponctuelle de Dieu, cette personne-là a là une croyance de Dhalâl, mais pas de Shirk Akbar. Lire notre article sur le sujet.

La différence entre les deux tient au fait que le premier homme est dans le Ghayb Haqîqî par rapport à celui qui lui adresse cette demande, alors que le second est dans la Shâhada par rapport à lui. Voilà qui rappelle la place prépondérante que le lien avec le Ghayb occupe dans la constitution de la 'Ibâda. C'est apparemment ce qui a conduit al-Mu'allimî à proposer la définition suivante de la 'ibâda : "خضوع اختياريّ يُطلَب به نفع غيبيّ" (Rissâlat ul-'ibâda) (أي: ما هو وراء الأسباب العادية) ; cela bien que la restriction de la constitution de 'ibâda au bénéfice d'ordre ghaybî, présent dans cette définition, ne soit pas vérifié.

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–------ Un parallèle entre le fait d'attribuer à un être la faculté de faire quelque chose de façon autonome (bi-l-istiqlâl), pouvant décider de faire cela sans avoir besoin d'une Permission Takwînî de Dieu Ponctuelle (juz'î), et ce alors même qu'il se trouve dans le Ghayb par rapport à nous, et le fait d'attribuer à un être la faculté de posséder la Connaissance complète (kullî) du Ghayb :

Prédire les choses de l'avenir, cela relève du 'Ilm ul-Ghayb. Le Prophète (sur lui soit la paix) a prédit de nombreux choses devant se passer après lui. Ces prédictions constituent aussi un miracle, comme les Muhaddithûn les ont classées dans les chapitres des miracles prophétiques.

Dira-t-on pour autant que le Prophète possédait le 'Ilm ul-Ghayb ? Non, car c'était seulement des choses individuelles (Juz'iyyât) que Dieu lui a fait connaître quand Il l'a voulu. Tant d'autres choses il ne connaissait pas : par exemple quand viendra la fin du monde ; de même, lorsque encore à La Mecque, il avait vu en rêve qu'il émigrait vers une terre où il y des dattiers, et il a dit avoir alors pensé qu'il s'agissait peut-être de al-Yamâma ou de Hajar, avant de comprendre par considération du Réel (Wâqi') que c'était Yathrib ; et bien d'autres choses encore. Sa connaissance des choses de l'avenir est donc Juz'î (et non pas Kullî).
Maintenant si, se fondant sur tous les éléments individuels que le Prophète (sur lui soit la paix) a prédits (et que l'on trouve dans les recueils de Hadîth), quelqu'un en déduit que le Prophète disposait du 'Ilm ul-Ghayb de façon Kullî wa Dhâtî (sans donc avoir besoin d'une Information provenant de Dieu), alors, même s'il rajoute que cela "est 'Âtâ'ï" (une faculté que Dieu lui a conférée), il lui aura conféré une Faculté qui n'appartient qu'à Dieu (A), et aura fait du Shirk Akbar.

C'est la même chose ici, quant à la capacité de faire des choses de façon Kullî (sans donc besoin d'une Permission Ponctuelle provenant de Dieu) : même si on rajoute que cette Capacité Autonome lui a été accordée par Dieu ('Atâ'ï), croire qu'il dispose de cela constitue du Shirk Akbar.

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–--- B.3.2) Si cet être autre que Dieu n'a pas (ou n'a plus, car décédé) la capacité de faire ce dont on lui adresse la demande, mais qu'on croit que cet être ne peut réaliser cela que suite à une Décision Ponctuelle accordée à lui part Dieu (إرادة الله التكوينية الجزئية) et qu'il ne peut le faire que par une intervention de proximité physique, alors :

Lui demander cette chose est strictement interdit, et se fonde sur quelque chose de faux attribué à Dieu (kadhib 'al-Allâh) : rien ne permet de dire que cet être possède cette capacité, même à ajouter qu'il en recevrait ponctuellement le pouvoir de la part de Dieu.

Lire à ce sujet mon article : Demander à un homme vivant de nous donner une certaine somme d'argent, cela n'est pas du Shirk Akbar. Et en demander à un pieux défunt, alors ? Et qu'en est-il de se rendre sur la tombe du pieux martyr (dont la vie est évoquée dans le hadîth de Suhayb) et de lui demander de nous guérir ?.

Cela est comparable au fait que, se fondant sur tous les éléments individuels que le Prophète (sur lui soit la paix) a prédits (et que l'on trouve dans les recueils de Hadîth), quelqu'un déduise que le Prophète disposait du 'Ilm ul-Ghayb de façon Kullî mais Ghayr-Dhâtî, c'est-à-dire qu'il croit que le Prophète savait toute chose se passant à un moment donné dans les cieux et la terre, mais dans la mesure où il avait besoin pour cela de recevoir de Dieu directement, ou par le biais d'anges, les informations concernant toute chose, et alors il en prenait connaissance : cela constitue une 'aqîda fausse et donc interdite, mais qui ne va pas jusqu'au Shirk Akbar.
Le fait est que cela est arrivé momentanément une fois au Prophète, mais suite au fait que Dieu le lui a accordé à ce moment-là : "عن ابن عباس، قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "أتاني الليلة ربي تبارك وتعالى في أحسن صورة، - قال أحسبه "في المنام" - فقال: "يا محمد هل تدري فيم يختصم الملأ الأعلى؟" قال: "قلت: "لا""، قال: "فوضع يده بين كتفي حتى وجدت بردها بين ثديي" أو قال: "في نحري، فعلمت ما في السماوات وما في الأرض. قال: "يا محمد، هل تدري فيم يختصم الملأ الأعلى؟" قلت: "نعم، في الكفارات" (at-Tirmidhî, 3233). "عن ابن عباس، أن النبي صلى الله عليه وسلم قال: "أتاني ربي في أحسن صورة، فقال: "يا محمد"، قلت: "لبيك ربي وسعديك". قال: "فيم يختصم الملأ الأعلى؟" قلت: "رب لا أدري". فوضع يده بين كتفي، فوجدت بردها بين ثديي، فعلمت ما بين المشرق والمغرب. فقال: "يا محمد"، فقلت: "لبيك وسعديك"، قال: "فيم يختصم الملأ الأعلى؟" قلت: "في الدرجات والكفارات" (at-Tirmidhî, 3234). "عن معاذ بن جبل قال: احتبس عنا رسول الله صلى الله عليه وسلم ذات غداة من صلاة الصبح حتى كدنا نتراءى عين الشمس، فخرج سريعا فثوب بالصلاة. فصلى رسول الله صلى الله عليه وسلم وتجوز في صلاته. فلما سلم دعا بصوته فقال لنا: "على مصافكم كما أنتم"، ثم انفتل إلينا فقال: "أما إني سأحدثكم ما حبسني عنكم الغداة: إني قمت من الليل فتوضأت فصليت ما قدر لي، فنعست في صلاتي فاستثقلت، فإذا أنا بربي تبارك وتعالى في أحسن صورة، فقال: "يا محمد" قلت: "لبيك رب"، قال: "فيم يختصم الملأ الأعلى؟" قلت: "لا أدري رب"؛ قالها ثلاثا. قال: "فرأيته وضع كفه بين كتفي حتى وجدت برد أنامله بين ثديي، فتجلى لي كل شيء وعرفت. فقال: يا محمد، قلت: لبيك رب، قال: فيم يختصم الملأ الأعلى؟ قلت: في الكفارات" (at-Tirmidhî, 3235).
At-Tîbî écrit : "يدل علي أن وصول ذلك الفيض صار سبباً لعلمه. ثم استشهد بالآية، والمعنى أنه تعالي كما أرى إبراهيم عليه الصلاة والسلام ملكوت السموات والأرض وكشف له ذلك، فتح عليّ أبواب الغيوب، حتى علمت ما فيها من الذوات والصفات، والظواهر والمغيبات" (Shar'h ut-Tibî li-l-Mishkât).

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–------ Bien distinguer la faculté accordée de façon permanente par Dieu, et la faculté n'ayant été accordée par Lui que de façon temporaire :

Les miracles, quand ils vont se produire, c'est Dieu qui le décide.

Le prophète Jacob a senti l'odeur de son fils Joseph (sur eux soit la paix) quand la caravane porteuse de la chemise de ce dernier a quitté l'Egypte. Qui se permettrait d'affirmer qu'on peut en déduire que lorsque Joseph était plus près de lui encore (dans le puits, où il avait été jeté), son père ressentait son odeur aussi ?

Si Omar ibn ul-Khattâb (que Dieu l'agrée) a dit à Sâriya : "Sâriya, la montagne !" alors que celui-ci se trouvait à des centaines de kilomètres de Médine, c'est parce que Dieu a fait voir à Omar la scène avec Sâriya : voyant qu'ils étaient en train d'être défaits, il l'a alors appelé et lui a dit de changer de stratégie et d'adosser le dos de l'armée musulmane à la montagne ; et  Sâriya a alors entendu ce qu'il a prononcé : "عن ابن عمر، أن عمر بعث جيشا وأمر عليهم رجلا يدعى سارية. فبينما عمر رضي الله عنه يخطب فجعل يصيح: "يا ساري، الجبل!" فقدم رسول من الجيش فقال: "يا أمير المؤمنين، لقينا عدونا فهزمونا، فإذا صائح يصيح: "يا ساري، الجبل!" فأسندنا ظهورنا إلى الجبل، فهزمهم الله. فقلنا لعمر: "كنت تصيح بذلك" (Al-Bayhaqî, Dalâ'ïl un-nubuwwa ; également cité dans Mishkât ul-massâbîh, 5954 ; authentifié par Ibn Kathîr dans Al-Bidâya wa-n-Nihâya, ainsi que par al-Albânî dans sa Silsila Sahîha, n° 1110). Ici, Dieu a fait voir à Omar la scène avec Sâriya. Et, ici aussi, Dieu a fait soit Raf' ul-hijâb, soit Taswîr.
Quant au fait que Sâriya a entendu ce que Omar lui a crié depuis Médine, c'est soit que des anges ont crié, de leur voix, chose semblable à ce que Omar avait crié : "وجنود الله هم من الملائكة ومن صالحي الجن. فجنود الله بلّغوا صوت عمر إلى سارية. وهو أنهم نادوه بمثل صوت عمر، وإلا نفس صوت عمر لا يصل نفسه في هذه المسافة البعيدة" (MF 13/88) ; soit qu'ils ont transporté la voix de Omar jusqu'à Sâriya ; il y a une troisième possibilité théorique (vers laquelle je ne penche pas) : il y aurait alors eu repliement de la distance existant entre eux (tayy ul-massâfa), de sorte que la voix prononcée ici fut entendue là-bas.

Mais il n'y a pas que Omar voyait tout le temps tout ce qui se passait à des kilomètres de là, ni que tout le temps il s'adressait à des gens fort distants de lui, et ces gens entendaient sa voix.

Dès lors, comment certains peuvent-ils décréter que "demander à Jésus de guérir telle personne bi idhnillâh, cela est autorisé, car Dieu dit dans le Coran lui avoir accordé ce miracle" ? Décréter pareille chose est tout au contraire très grave. Tant que nous n'avons la preuve (shar'î) qu'actuellement tel personnage dispose de la capacité de faire tel miracle, nous n'avons pas le droit de lui demander de réaliser ce miracle. Encore moins s'il n'est pas physiquement présent devant nous. Sinon ce serions nous qui décrétons au sujet de Dieu à qui Il a conféré quelle capacité de faire quelle action.

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–------ Bien distinguer le temps de la présence du prophète sur Terre (temps pendant lequel il pouvait réaliser telle et telle choses), et le temps suivant le départ de ce prophète de ce monde :

Le verset suivant, où est relatée la parole de Jésus : "وَكُنتُ عَلَيْهِمْ شَهِيدًا مَّا دُمْتُ فِيهِمْ. فَلَمَّا تَوَفَّيْتَنِي كُنتَ أَنتَ الرَّقِيبَ عَلَيْهِمْ" (Coran 5/117), montre bien cette différence entre le moment où Jésus était sur Terre et le moment où Dieu l'a élevé à Lui.
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Le hadîth suivant montre quant à lui que le Prophète (sur lui soit la paix) ne savait pas que certaines personnes qu'il avait vues de son vivant sur Terre avaient apostasié après son décès : "ألا وإنه يجاء برجال من أمتي فيؤخذ بهم ذات الشمال، فأقول: "يا رب أصيحابي". فيقال: "إنك لا تدري ما أحدثوا بعدك". فأقول كما قال العبد الصالح: "وكنت عليهم شهيدا ما دمت فيهم، فلما توفيتني كنت أنت الرقيب عليهم وأنت على كل شيء شهيد". فيقال: "إن هؤلاء لم يزالوا مرتدين على أعقابهم منذ فارقتهم" (al-Bukhârî, 4349, Muslim, 2860).

Par ailleurs, il y a cet autre hadîth, qui montre que le Prophète ne peut plus, après son décès, venir argumenter et défendre les musulmans : "غير الدجال أخوفني عليكم! إن يخرج وأنا فيكم، فأنا حجيجه دونكم. وإن يخرج ولست فيكم، فامرؤ حجيج نفسه، والله خليفتي على كل مسلم" (Muslim, 2937). Car si même après son départ de ce monde le Prophète se déplaçait dans ce monde, qu'est-ce qui l'empêcherait de venir défendre les musulmans et argumenter avec ad-Dajjâl ?

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C) Demander à quelqu'un d'adresser des invocations à Dieu pour soi ("Yâ fulân, ud'u-llâha lî") :

Cela est institué (mashrû') : si la personne est vivante.
Par contre, cela est une bid'a : si la personne est défunte.

--- Demander au Prophète, devant sa tombe : "Messager de Dieu, invoque Dieu en notre faveur" : institué ou pas ?.

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D) Demander soi-même quelque chose à Dieu, mais Lui demander d'exaucer sa demande "à cause de telle action" qu'on a faite, ou "à cause de telle personne" ("Allâhumma as'aluka bi 'amalî hâdhâ, aw bi dhâti fulân, aw bi jâhi fulân 'indaka") :

Ceci constitue ce qu'on appelle "du'â bi-l-wassîla".
Cela fait l'objet d'une divergence de niveau "
ijtihâdî" entre les ulémas.

--- L'invocation qu'on a adressée à Dieu, demander à Dieu : "O Dieu, exauce cette invocation au nom de la place que le Prophète a auprès de Toi" ? (الدعاء بالوسيلة).

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E) Demander soi-même quelque chose à Dieu, mais le Lui demander en s'étant rendu expressément près de la tombe d'un prophète ou d'un pieux, avec l'objectif de bénéficier de la baraka de celui-ci :

Cela constitue une bid'a.

--- Rechercher la proximité de la tombe d'un pieux (le Prophète ou autre) pour invoquer Dieu, pensant bénéficier ainsi d'une bénédiction (baraka dîniyya) : institué ou pas ?

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Note à propos de Ibn Taymiyya :

Abu-l-Hassan an-Nadwî a cité ces passages de ces écrits de Ibn Taymiyya dans le tome que, au sein de "Rijâl ul-fikr wad-da'wa fil-islâm" (titre de la version arabe de son ouvrage "Târîkh-é da'wat-o 'azîmat"), il a entièrement consacré à l'œuvre de ce grand savant du 8ème siècle de l'hégire (il s'agit du tome n° 2, et ces écrits relatifs à l'invocation sont cités pp. 181-185). An-Nadwî parle de lui comme étant un "réformateur global" ("muslih shâmil") (p. 9) et détaille les "quatre domaines de son action réformatrice et rénovatrice" ("arkân ul-islâh wa-t-tajdîd al-arba'â fî hayât Ibn Taymiyya" : p. 171).

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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