De la différence existant entre : - "Adresser une prosternation à un être" (ci-après : "A.1") ; - "Se prosterner en se dirigant vers ce qui constitue la Qibla de cet être" (ci-après : "A.2") ; - "Adresser une prosternation à un être tout en étant face à quelque chose d'autre" (ci-après : "B")...
Par rapport à ce qui se trouve face à soi, et à l'intention qu'on a à son égard en effectuant la prosternation, on peut distinguer en tout 5 aspects dans la prosternation :
Le fait est que :
– B) Soit ce n'est absolument pas cette chose qu'on vise (qasd) par sa prosternation.
Dans ce cas :
--- B.2) soit cette chose se trouvait déjà entre soi et ce qu'on vise par la prosternation, sans qu'on l'y ait placée ;
--- B.1) soit on l'a délibérément placée entre soi et ce qu'on vise (qasd) par la prosternation.
– A) Soit c'est cette chose qui est devant soi ou qu'on a placée devant soi qu'on vise (qasd) par sa prosternation.
Dans ce cas, tout dépend de ce à quoi on adresse cette prosternation (tawjîh us-sujûd) :
--- A.2) soit cette prosternation est adressée non pas à cette chose elle-même, mais à un être dont cette chose n'est que la qibla ;
--- A.1) soit cette prosternation est adressée à cette chose elle-même.
--- A.1) Si la prosternation est adressée (tawjîh us-sujûd) à cette chose, alors :
----- A.1.2) soit il s'agit d'une prosternation d'hommage ;
----- A.1.1) soit il s'agit d'une prosternation d'adoration.
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Voici donc 5 cas de prosternations induits par cette classification :
–--- A.1.1) la prosternation d'adoration, adressée à quelqu'un : elle ne doit être adressée qu'à Dieu, et, de tous temps, tous les prophètes de Dieu ont invité à la réserver à Dieu Seul ;
–--- A.1.2) la prosternation d'hommage, adressée à quelqu'un : elle était autorisée dans la Shar' de certains prophètes antérieurs. C'est cette prosternation que Jacob a faite devant son fils Joseph (sur eux soit la paix) ; c'est aussi ce type de prosternation qu'il a été demandé aux Anges de faire face à Adam. Bien qu'elle soit à l'unanimité des ulémas interdite dans la Shar' de Muhammad (sur lui soit la paix), la pratique d'une prosternation avec une telle intention constitue-t-elle pour un musulman un acte de kufr akbar, ou pas ? Nous en avons parlé dans notre autre article ;
– A.2) la prosternation faite face à une qibla : celle-ci n'est "visée" qu'afin d'adresser la prosternation à l'être dont elle constitue la qibla ;
– B.1) la prosternation faite face à ce qu'on ne vise même pas par cette prosternation, mais qu'on a délibérément placé devant soi ;
– B.2) la prosternation faite face à ce qu'on ne vise même pas par cette prosternation et qu'on n'a même pas placé entre soi et ce qu'on vise par sa prosternation.
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Certains ulémas ont pensé que la prosternation que les Anges ont été invités à faire devant Adam et que Iblîs a refusé de faire était du type A.2, le même type que celle que les musulmans font face à la Kaaba : Adam n'était que Qiblat-ullâh, et Dieu était l'objectif de cette prosternation.
Or cet avis est erroné (khata' ijtihâdî) : c'est bel et bien Adam qui était l'objectif de cette prosternation, cependant il s'agissait d'une prosternation d'hommage seulement (A.1.2).
--- Si l'objectif de cette prosternation demandée aux Anges était Dieu, et Adam était seulement la Qiblat-ullâh (comme c'est le cas de la prosternation faite devant la Kaaba : A.2), alors Iblîs n'aurait pas cherché à justifier son refus (d'effectuer cette prosternation) en avançant qu'il a été créé à partir de feu et Adam à partir de boue, puisque la Qibla peut naturellement être moindre que celui qui se prosterne devant elle (comme c'est le cas des humains se prosternant devant la Kaaba, un édifice fait de pierres : la pierre est de moindre valeur que l'être humain). Cf. MF 4/358-359.
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Cas A) "Adresser une prosternation à un être" ("A.1"), et, à cette fin, "prendre la direction de quelque chose qui est distinct de cet être mais rapporté à lui (منسوب إليه), de sorte que se diriger vers cette chose revient à se diriger vers cet être" ("A.2") :
– A.1) Rappelons que pour ce qui est de la prosternation adressée à un être (السجود لـشيء), elle est de 2 types :
--- A.1.1) la prosternation ayant valeur de culte et d'adoration : tous les prophètes de Dieu ont ordonné de réserver ce type de prosternation à Dieu ;
--- A.1.2) et la prosternation ayant valeur d'hommage seulement ; cela était autorisé dans les Shar' de certains prophètes de Dieu antérieurs à Muhammad (que la paix soit sur eux tous), mais a été interdite dans la Shar' de ce dernier.
"ثم يقال: السجود على ضربين: سجود عبادة محضة، وسجود تشريف" (MF 4/361).
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– A.2) Différent de cela (A.1) est le fait de viser quelque chose par sa prosternation, mais cette chose étant seulement : "l'objet vers lequel on se dirige, Qibla (A.2), pour adresser la prosternation à l'être auquel on adresse véritablement celle-ci", et ce parce que cet être ne se trouve pas, visible, devant nous (السجود إلى شيء مع قصد التوجه إليه، ولكن بقصد السجود لـشيء آخر غائب عنا) :
---- Pour les musulmans, c'est le cas de la Kaaba : se prosterner face à la Kaaba (A.2), c'est adresser sa prosternation (de type A.1.1) à Allah, puisque la Kaaba est la Qiblat-ullâh. Et, après l'hégire, avant la révélation du verset qui dit de se tourner impérativement vers la Kaaba pour les prières rituelles (Coran 2/144), pendant 17 mois ce fut également le cas de Bayt ul-Maqdis (nous y reviendrons plus bas).
En dirigeant sa prosternation vers la Kaaba, on a l'intention d'adresser sa prosternation à Dieu, et non pas d'adresser un culte (A.1.1) ni même un hommage (A.1.2) à l'ensemble de pierres qui constitue l'édifice de la Kaaba, ni même au lieu où se situe la Kaaba. Nous y reviendrons.
Quant au verset qui dit : "فَأَيْنَمَا تُوَلُّواْ فَثَمَّ وَجْهُ اللّهِ" : "Où que vous vous tourniez, là est la Face de Dieu" (Coran 2/115), il ne contredit nullement ce verset disant de se tourner impérativement vers la Kaaba pour les prières rituelles : "قَدْ نَرَى تَقَلُّبَ وَجْهِكَ فِي السَّمَاء فَلَنُوَلِّيَنَّكَ قِبْلَةً تَرْضَاهَا؛ فَوَلِّ وَجْهَكَ شَطْرَ الْمَسْجِدِ الْحَرَامِ؛ وَحَيْثُ مَا كُنتُمْ فَوَلُّواْ وُجُوِهَكُمْ شَطْرَهُ" (Coran 2/144), puisque aucun musulman n'a comme croyance que, après la révélation de ce verset 2/144, Dieu serait désormais "présent à l'intérieur de la Kaaba" ! Nous y reviendrons également.
---- La majorité des polythéistes qui effectuent une prosternation devant une statue de bois, pierre ou métal, ont, eux aussi, l'intention d'adresser leur prosternation non pas au matériau qui constitue cette statue, mais à l'esprit que cette statue représente. Cette statue est donc pour eux la Qibla de cet être : ils dirigent (A.2) cette prosternation vers cette statue, mais c'est à l'être que celle-ci représente qu'ils adressent cette prosternation de type A.1.1 (de culte). Quand ils présentent une offrande aux pieds de cette statue, leur intention est, pareillement, d'adresser en fait cette offrande à l'être que cette statue représente...
Ce n'est pas le seul fait de viser cette statue de bois, pierre ou métal par leur prosternation que le Coran leur a reproché, mais aussi (et avant tout) le fait de rendre le culte à un être autre que Dieu, symbolisé par cette statue. "فكانوا لأجل ذلك يرون من الضرورة التزلف إلى أولئك العباد المقربين حتى يكون هذا وسيلة لصلاحية القبول في حضرة الملك الحقيقي، وتنال شفاعتهم في حقهم عند الجزاء على الأعمال الحساب الخطوة والقبول لديه سبحانه. ونظراً لهذه الملاحظة والتصور الذي رسخ في نفوسهم حدثتهم أنفسهم بالسجود أمامهم والذبح لهم والحلف بأسمائهم والاستعانة بقدرتهم المطلقة، ونحت صورهم وتماثيلهم من الحجر والصفر والنحاس وغير ذلك، وجعلها قبلة للتوجه إلى أرواحهم" (Al-Fawz ul-kabîr, p. 37).
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--- Pourquoi une Qibla pour se prosterner devant Dieu ?
Que signifie "Qibla" ?
"والقبلة في الأصل اسم للحالة التي عليها المقابل، نحو الجلسة والقعدة؛ وفي التعارف صار اسما للمكان المقابل، المتوجه إليه للصلاة" (Muf'radât ur-Râghib al-Asfahânî).
--- i) Selon le sens littéral (Hâlat ul-mutawajjih, Naw' tawajjuh il-mutawajjih), Qibla signifie : "façon de se diriger" ("الحالة التي عليها المقابل", comme "Jilsa" signifie : "façon de s'asseoir").
--- ii) Quant au sens usuel :
----- ii.i) l'interprétation de al-Qaffâl est que la Qibla est la Jiha (laquelle constitue la même chose que Wij'ha), c'est-à-dire la direction qu'on a prise : "قال القفال: القبلة هي الجهة التي يستقبلها الإنسان، وهي من المقابلة، وإنما سميت القبلة لأن المصلي يقابلها وتقابله؛ وقال قطرب: يقولون في كلامهم ليس لفلان قبلة، أي ليس له جهة يأوي إليها، وهو أيضا مأخوذ من الاستقبال. وقال غيره: إذ تقابل الرجلان فكل واحد منهما قبلة للآخر" (Tafsîr ur-Râzî) ; l'interprétation de Mujâhid et ash-Shâfi'î (que nous allons voir plus bas) semble rejoindre cela ;
----- ii.ii) par contre, la définition suscitée de al-Asfahânî est que la Qibla est la chose vers laquelle on se tourne pour s'adresser à ce qui n'est pas visible. La Qibla est alors : "قبلة الشيء هي ما يُستقبَل لتوجيه العبادة إلى ذلك الشيء إذا لم يره العابد". Ou encore, en des termes voisins : "قبلة الشيء هي ما يُستقبَل ليقابَل الشيء غير المرئي". Quant à la Wij'ha ("وَلِكُلٍّ وِجْهَةٌ هُوَ مُوَلِّيهَا فَاسْتَبِقُواْ الْخَيْرَاتِ" : Coran 2/148), c'est la direction que l'on prend afin d'être tourné vers la Qibla. On retrouve la même distinction chez Ibn Taymiyya : "و"الوجهة" هي الجهة، كما في عدة وزنة: أصلها: وعدة ووزنة. فالقبلة هي التي تستقبل، والوجهة هي التي يوليها" (MF 22/207).
--- Dans le hadîth suivant, le terme Qibla a le sens ii.ii : il a été employé par le Prophète (sur lui soit la paix) au sujet de la Kaaba : "Voici la Qibla" : "عن ابن عباس قال: لما دخل النبي صلى الله عليه وسلم البيت، دعا في نواحيه كلها، ولم يصل حتى خرج منه، فلما خرج ركع ركعتين في قبل الكعبة، وقال: "هذه القبلة" (al-Bukhârî, 389, Muslim, 1330).
--- Quant au hadîth suivant, le terme Qibla peut y avoir le sens i, ou le sens ii.ii : "عن أبي هريرة، أن رسول الله صلى الله عليه وسلم قال: "هل ترون قبلتي ها هنا، فوالله ما يخفى علي خشوعكم ولا ركوعكم، إني لأراكم من وراء ظهري" : "Vous voyez mon orientation ici, eh bien..." (al-Bukhârî, 408, Muslim, 424) ("قوله "هل ترون قبلتي" هو استفهام إنكار لما يلزم منه؛ أي: أنتم تظنون أني لا أرى فعلكم لكون قبلتي في هذه الجهة" : FB).
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Dieu ne se trouve pas dans la Kaaba, et la Kaaba n'est pas non plus une représentation de Dieu.
Dieu est Etabli sur Son Trône, au-dessus des sept cieux.
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Mais les hommes, vivant sur Terre, ont besoin d'un lieu sur Terre vers lequel le fait de se tourner (pour prier) symbolise le fait de se tourner vers Dieu, et vers lequel le fait de voyager (s'y rendant en pèlerinage) symbolise le fait de voyager vers Dieu. Ce lieu est le lieu où est bâti l'édifice de la Kaaba, que Dieu a nommée : "Ma Maison" : "بَيْتِيَ" dans le Coran (Coran 2/152 ; 22/26).
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La Kaaba est seulement un petit édifice en pierre qui indique ce lieu précis, dédié par Abraham à Dieu ; quand le musulman est éloigné de la Kaaba, il se contente d'en prendre la direction, et n'emporte pas ni ne confectionne une petite réplique de la Kaaba qu'il placerait devant lui et vers laquelle il se tournerait pour prier, vu qu'elle n'est pas la – ou une – représentation de Dieu l'Unique. "والمعتبر في القبلة العرصة لا البناء" (Ad-Durr ul-mukhtâr, 2/114) ; "أي ليس المراد بالقبلة الكعبة التي هي البناء المرتفع على الأرض. ولذا لو نقل البناء إلى موضع آخر وصلى إليه، لم يجز، بل تجب الصلاة إلى أرضها. كما في الفتاوى الصوفية عن الجامع الصغير" (Radd ul-muhtâr, 2/114).
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Et chaque fois qu'il a fallu reconstruire l'édifice, et qu'il a été donc démoli, les musulmans ont continué à prier tournés vers ce lieu : "وفي المجتبى: وقد رفع البناء في عهد ابن الزبير على قواعد الخليل وفي عهد الحجاج ليعيدها على الحالة الأولى، والناس يصلون" (Radd ul-muhtâr, 2/114). Lorsque les murs de la Kaaba furent complètement démolis une première fois sous Abdullâh ibn uz-Zubayr en l'an 64-65 a.h., afin de rebâtir l'édifice en y incluant la partie voulue par Abraham mais laissée découverte par les Quraysh ; ensuite, bien plus tard, sous le calife ottoman Murâd Khân en l'an 1040 a.h. (1630 a.g.), afin de rebâtir l'édifice ayant été endommagé par une crue : les musulmans ont continué comme à l'accoutumée de se tourner vers ce lieu pour effectuer leurs prières rituelles. C'est dire combien c'est ce lieu qui est visé en tant que Qibla, et non pas les murs de l'édifice. Abdullâh ibn 'Amr ibn il-'Âs avait prédit ces reconstructions en ces termes : "Comment serez-vous lorsque vous démolirez cette Maison, ne laissant alors pas pierre sur pierre ? - Et nous serons alors sur l'islam ? - Nous serons alors sur l'islam ! - Ensuite que se passera-t-il ? - Ensuite elle sera bâtie meilleure encore. (...)" : "أبو بكر قال: حدثنا غندر، عن شعبة، عن يعلى بن عطاء قال: كنت آخذ بلجام دابة عبد الله بن عمر، فقال: "كيف أنتم إذا هدمتم هذا البيت، فلم تدعوا حجرا على حجر؟" قالوا: "ونحن على الإسلام؟" قال: "ونحن على الإسلام." قال: "ثم ماذا؟" قال: "ثم يبنى أحسن ما كان. فإذا رأيت مكة قد لعجت لطائم ورأيت البناء يعلو رءوس الجبال، فاعلم أن الأمر قد أظلك" (Mussannaf Ibn Abî Shayba, 14107) / "فإذا رأيت مكة قد بعجت كظائم ورأيت البناء يعلو رءوس الجبال، فاعلم أن الأمر قد أظلك" (Ibid., 37232).
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La Kaaba est la Qiblat ullâh (au sens où c'est le lieu vers lequel on doit se tourner pour se tourner vers Allah) et est la Qiblat ul-muslimîn (au sens cette fois où c'est le lieu vers lequel les musulmans se tournent pour adorer Allah).
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--- Il est systématiquement recommandé de prendre la direction de la Qibla lorsqu'on invoque Dieu : "وفيه استحباب استقبال القبلة في الدعاء، ورفع اليدين فيه" (an-Nawawî sur Muslim, 1763).
--- Il est prescrit d'orienter le corps du défunt dans la direction de la Qibla lorsqu'on l'inhume.
--- Enfin, il est obligatoire de prendre la direction de la Qibla lorsqu'on se prosterne devant Dieu (sauf cas de prière rituelle facultative accomplie sur une monture, et ce sous certaines conditions, comme nous allons le voir plus bas) (par ailleurs, certains ulémas disent que pour effectuer la prosternation de remerciement à Dieu, il n'y a, pareillement, pas l'obligation de se tourner vers la Qibla, comme il n'y a alors pas l'obligation d'être en état de petites ablutions ; Ibn Hazm et Ibn Taymiyya - entre autres - sont de cet avis).
Bayt ul-maqdis et la Kaaba ont ainsi été nommés par Dieu : Qiblat ullâh (le fait de se tourner vers Bayt ul-Maqdis est cependant désormais abrogé). Or ce n'est pas arbitrairement que Dieu a désigné ces lieux : Dieu a créé ces lieux en leur conférant des qualités particulières, que les autres lieux n'ont pas, afin ensuite de pouvoir être choisis par Lui. Ensuite Dieu a fait savoir à Abraham l'emplacement où il devait bâtir avec son fils Ismaël un édifice indiquant l'emplacement de ce lieu : "وَإِذْ بَوَّأْنَا لِإِبْرَاهِيمَ مَكَانَ الْبَيْتِ أَن لَّا تُشْرِكْ بِي شَيْئًا وَطَهِّرْ بَيْتِيَ لِلطَّائِفِينَ وَالْقَائِمِينَ وَالرُّكَّعِ السُّجُودِ وَأَذِّن فِي النَّاسِ بِالْحَجِّ يَأْتُوكَ رِجَالًا وَعَلَى كُلِّ ضَامِرٍ يَأْتِينَ مِن كُلِّ فَجٍّ عَمِيقٍ لِيَشْهَدُوا مَنَافِعَ لَهُمْ وَيَذْكُرُوا اسْمَ اللَّهِ فِي أَيَّامٍ مَّعْلُومَاتٍ عَلَى مَا رَزَقَهُم مِّن بَهِيمَةِ الْأَنْعَامِ فَكُلُوا مِنْهَا وَأَطْعِمُوا الْبَائِسَ الْفَقِيرَ ثُمَّ لْيَقْضُوا تَفَثَهُمْ وَلْيُوفُوا نُذُورَهُمْ وَلْيَطَّوَّفُوا بِالْبَيْتِ الْعَتِيقِ" : "Et lorsque Nous indiquâmes à Abraham l'emplacement de la Maison (…)" (Coran 22/26-29).
Dans un hadîth, le prophète Muhammad (que Dieu le bénisse et le salue) a dit que "Abraham a déclaré sacrée la Mecque" avant d'ajouter que lui-même déclarait Médine sacrée (al-Bukhârî 2022, Muslim 1360). Or, après la conquête de la Mecque, en l'an 8 de l'hégire, le Prophète a dit, d'après ce que Ibn Abbâs relate : "(...) Ceci [= La Mecque] est une cité que Dieu a rendue sacrée le jour où Il a créé les cieux et la Terre. (...)" (al-Bukhârî 1737 ; Muslim 1353). (Un autre hadîth, relaté par Abû Shurayh, dit la même chose que celui relaté par Ibn Abbâs : al-Bukhârî 104, Muslim 1354.) Alors : est-ce Dieu, ou est-ce Abraham, qui a déclarée la ville de la Mecque sacrée ? En fait, cela peut signifier que Dieu avait décidé, le jour où Il a créé les cieux et la Terre, que Abraham déclarerait plus tard la Mecque sacrée, suivant en cela la révélation de Dieu (Shar'h Muslim 9/134) ; ou encore que ce fut Abraham qui, le premier, fit connaître aux hommes que Dieu avait décidé depuis le jour où Il avait créé les cieux et la Terre, que la Mecque est sacrée.
(Par contre, le jour du Jugement, Dieu étant venu, tous les humains seront invités à se prosterner devant Lui : et ce jour-là ce sera une prosternation devant Lui, alors qu'on Le verra.)
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--- La prosternation que le musulman fait face à la Kaaba (A.2) n'a pas pour objectif d'exprimer l'hommage et le respect du musulman à l'édifice de la Kaaba ou au lieu où elle se trouve (A.1.2) :
Certes, ce lieu et cet édifice sont par ailleurs hautement respectables et sacrés, et le musulman témoigne de respect vis-à-vis d'eux, et ce respect se fait par le fait de se préserver de faire certains actes (par exemple faire ses besoins naturels en étant tourné vers la Qibla, ou cracher dans la direction de la Qibla : nous y reviendrons plus bas) et par le fait de faire certains autres actes.
Cependant, la prosternation face à elle n'a nullement l'objectif et le sens d'exprimer du respect à la Kaaba.
De même, toucher le Rukn Yamanî de la Kaaba pendant le Tawâf constitue un acte cultuel (ta'abbud) et n'a pas été institué par motivation de recherche de baraka (At-Tabarruk, p. 422) ni d'expression de respect. Venir au Multazam, s'y accoler et faire alors des invocations à Dieu constitue lui aussi un acte cultuel (ta'abbud) (motivé par l'expression de ishtiyâq ilallâh), et n'a pas été institué par motivation de recherche de baraka (At-Tabarruk, p. 422) ni d'expression de respect.
De même, rechercher la proximité du Maqâmu Ibrâhîm pour y pratiquer une prière rituelle, cela possède un sens cultuel (ta'abbud), lui-même motivé par l'acquisition de baraka dîniyya (Bayân ul-qur'ân, 1/69) (voir aussi At-Tabarruk, p. 352), vu qu'ici il s'agit de rechercher la proximité de quelque chose : "وَاتَّخِذُواْ مِن مَّقَامِ إِبْرَاهِيمَ مُصَلًّى" (Coran 2/125) ; cependant, de nouveau, cela n'a pas été institué par motivation d'expression de respect. (En passant : c'est la même chose quant au fait de se rendre dans la partie de la mosquée du Prophète à Médine qui est nommée "Riyâdh ul-janna" pour y accomplir une prière rituelle facultative : cela est motivé par l'acquisition d'une baraka dîniyya particulière, que ce lieu possède (At-Tabarruk, p. 116). L'analogie n'est cependant pas possible.)
Quant au fait de regarder la Kaaba, cela ne constitue pas un acte cultuel (les hadîths affirmant cela n'étant pas authentiques) ; par contre, la regarder en réfléchissant à ce qu'elle constitue est acte maslahî, et par là rapporte des récompenses.
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--- "فَأَيْنَمَا تُوَلُّواْ فَثَمَّ وَجْهُ اللّهِ" : "Où que vous vous tourniez, là est la Face de Dieu" (Coran 2/115) : cette affirmation est toujours vraie :
Depuis la révélation de "قَدْ نَرَى تَقَلُّبَ وَجْهِكَ فِي السَّمَاء فَلَنُوَلِّيَنَّكَ قِبْلَةً تَرْضَاهَا؛ فَوَلِّ وَجْهَكَ شَطْرَ الْمَسْجِدِ الْحَرَامِ؛ وَحَيْثُ مَا كُنتُمْ فَوَلُّواْ وُجُوِهَكُمْ شَطْرَهُ" (Coran 2/144), prendre la direction de la Kaaba pour "se prosterner devant Dieu" est désormais nécessaire (et d'ailleurs le fait de se tourner vers Bayt ul-Maqdis est lui aussi, depuis lors abrogé).
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Cependant, l'autre affirmation reste toujours vraie : "فَأَيْنَمَا تُوَلُّواْ فَثَمَّ وَجْهُ اللّهِ" : "Où que vous vous tourniez, là est la Face de Dieu" (Coran 2/115) (bien que Qatâda a employé ici le terme "naskh", ce terme est donc à comprendre ici en son sens littéral et pas en son sens particulier : il n'y a pas eu naskh istilâhî).
D'ailleurs, même en ce qui concerne la prière rituelle, lorsque chevauchant sa monture lors de voyages, le Prophète (sur lui soit la paix) accomplissait des prières rituelles facultatives (nâfila), il restait dans la direction dans laquelle sa monture se trouvait (et ne se tournait pas vers la Kaaba) : "عن جابر بن عبد الله رضي الله عنهما، قال: بعثني رسول الله صلى الله عليه وسلم في حاجة له، فانطلقت، ثم رجعت وقد قضيتها، فأتيت النبي صلى الله عليه وسلم، فسلمت عليه، فلم يرد علي، فوقع في قلبي ما الله أعلم به، فقلت في نفسي: لعل رسول الله صلى الله عليه وسلم وجد علي أني أبطأت عليه، ثم سلمت عليه فلم يرد علي، فوقع في قلبي أشد من المرة الأولى، ثم سلمت عليه فرد علي، فقال: "إنما منعني أن أرد عليك أني كنت أصلي". وكان على راحلته متوجها إلى غير القبلة" (al-Bukhârî, 1159, M 540) "عن جابر بن عبد الله، قال: كان رسول الله صلى الله عليه وسلم يصلي على راحلته حيث توجهت. فإذا أراد الفريضة نزل فاستقبل القبلة" (B 391), (voir aussi B 955, M 700), (B 1042, M 701).
Certes, pour la légalité de prier ainsi, il y a divergence quant à savoir s'il faut que la personne soit simplement hors de la ville ou bien dans un voyage reconnu comme tel ; et s'il faut que, lors du takbîr du début de la prière, la personne ait dirigé sa monture vers la Kaaba ou bien si même cela n'est pas nécessaire.
Cependant, on voit que le verset 2/115 est toujours applicable à ce cas de figure. C'est bien ce qu'exprime cette relation : "عن ابن عمر قال: كان رسول الله يصلي وهو مقبل من مكة إلى المدينة على راحلته حيث كان وجهه. قال: وفيه نزلت {فأينما تولوا فثم وجه الله}" (Muslim, 700).
D'ailleurs, dans ce verset "فَأَيْنَمَا تُوَلُّواْ فَثَمَّ وَجْهُ اللّهِ" précisément, Mujâhid et ash-Shâfi'î ont interprété les termes "وَجْهُ اللّهِ" s'y trouvant comme signifiant : "قِبْلَةُ الله", ce qui veut dire : "فَثَمَّ الجِهَةُ التي تُقابِلون فيها الله".
Mais, comme nous l'avons déjà dit plus haut, les hommes, vivant sur Terre, ont besoin d'un lieu sur Terre vers lequel le fait de se tourner (pour prier) symbolise le fait de se tourner vers Dieu, et vers lequel le fait de voyager (pour se rendre en pèlerinage) symbolise le fait de voyager vers Dieu.
Quant au hadîth qui dit que "lorsque le croyant effectue sa prière rituelle, alors il converse avec Dieu / Dieu est dans la direction de son visage / Dieu est entre lui et la Qibla", pareil hadîth est relaté par Abdullâh ibn Omar (Ahmad, 4908, 4928, 5408), Abû Sa'îd (Abû Dâoûd, 480, Ahmad, 11185), Anas (al-Bukhârî, 405 etc., Muslim, 551, Ahmad, 13066, ad-Dârimî, 1436).
En fait :
--- on trouve les propositions "يناجي ربه" ("alors il converse avec Dieu"), et "فإن الله قبل وجهه" ("alors Dieu est dans la direction de son visage"), qui ne soulèvent aucun point (la seconde ne pose aucun questionnement vu que "Où que vous vous tourniez, là est la Face de Dieu") ;
--- c'est seulement la proposition "إن ربه بينه وبين القبلة" ("Dieu est entre lui et la Qibla") qui pose question : Dieu se trouverait entre le prieur et la Kaaba ? Or, soulignent des spécialistes du hadîth, cette proposition ne figure pas dans aucune des relations de ce hadîth si ce n'est celle de Anas, et encore, seulement lorsque Humayd la relate de lui (et pas lorsque Qatâda la relate de lui : al-Bukhârî, 508), et, de surcroît, avec shakk (hésitation) : "إن العبد إذا صلى، فإنما يناجي ربه - أو: ربه بينه وبين القبلة" (al-Bukhârî, 397 : 'an Qutayba 'an Isma'ïl ibn Ja'far 'an Humayd) (de même, Ahmad 'an Muhammad ibn 'Abdillâh ibn il-Muthannâ 'an Humayd le relate ainsi : de façon séparée et avec shakk : Ahmad, 12959) (de même, ad-Dârimî 'an Yazîd 'an Humayd le relate lui aussi ainsi : de façon séparée et avec shakk) (certes, Ahmad 'an Yazîd 'an Humayd le relate sans shakk, mais avec une formule différente "فإنما يناجي ربه فيما بينه وبين القبلة" : Ahmad 13066). Ensuite il y a cet autre hadîth, relaté par Abû Dharr, qui ne pose pas non plus questionnement : "عن أبي ذر، يبلغ به النبي صلى الله عليه وسلم: "إذا قام أحدكم إلى الصلاة، فإن الرحمة تواجهه، فلا يمسح الحصى" (Abû Dâoûd, Ibn Mâja, Ahmad, 21330 : "إسناده محتمل للتحسين").
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--- Pourquoi y a-t-il eu deux Qibla dans l'histoire de l'islam : alors qu'au début cela était laissé à l'appréciation de chacun, puis cela fut fixé : d'abord Bayt ul-Maqdis, ensuite et définitivement : la Kaaba ?
Témoignage de ce changement de Qibla se trouve en Coran 2/142-152.
En fait les deux lieux - Bayt ul-maqdis et la Kaaba - sont des Qiblat ullâh (Hujjat ullâh il-bâligha, 1/550).
D'ailleurs, il est relaté de certains Mujtahidûn - an-Nakha'î et Ibn Sîrîn - et de certains Shafi'ites que comme il est interdit de se trouver dans la direction de la Kaaba quand on fait ses besoins naturels, cela est également interdit par rapport à Bayt ul-Maqdis : cet avis est fondé sur ce hadîth : "عن معقل بن أبي معقل الأسدي، قال: نهى رسول الله صلى الله عليه وسلم أن نستقبل القبلتين ببول أو غائط" (Abû Dâoûd, 10, Ibn Mâja, Ahmad) ; cependant, certains spécialistes sont d'avis que ce hadîth est dha'îf ; pour sa part, an-Nawawî en dit que sa chaîne est excellente. Ce que al-Khattâbî relate de consensus sur la non-interdiction de se trouver alors dans la direction de Bayt ul-Maqdis, cela est donc discutable, dit Ibn Hajar (FB 1/323-324). L'école shafi'ite est d'avis qu'être alors dans la direction de Bayt ul-Maqdis (sans qu'il y ait un mur immédiatement entre soi et elle), cela est mak'rûh tanzîhî. An-Nawawi écrit : "وأما حديث معقل بن أبي معقل الأسدي رضي الله عنه قال: "نهى رسول الله صلي عليه وسلم أن يستقبل القبلتين ببول أو غائط" رواه أحمد بن حنبل وأبو داود وابن ماجه وغيرهم، وإسناده جيد، ولم يضعفه أبو داود؛ فأجاب عنه أصحابنا بجوابين لمتقدمي أصحابنا: أحدهما أنه نهى عن استقبال بيت المقدس حيث كان قبلة، ثم نهى عن الكعبة حين صارت قبلة، فجمعهما الراوي (قال صاحب الحاوي: هذا تأويل أبي اسحق المروزي وأبي علي بن أبي هريرة)؛ والثاني المراد بالنهي: أهل المدينة، لأن من استقبل بيت المقدس وهو في المدينة استدبر الكعبة، وإن استدبره استقبلها؛ والمراد بالنهي عن استقبالهما: النهي عن استقبال الكعبة واستدبارها (قال صاحب الحاوي: هذا تأويل عن بعض المتقدمين). فهذان تأويلان مشهوران للأصحاب؛ ولكن في كل واحد منهما ضعف. والظاهر المختار أن النهي وقع في وقت واحد وأنه عام لكلتيهما في كل مكان، ولكنه في الكعبة: نهي تحريم (في بعض الأحوال، على ما سبق)، وفي بيت المقدس: نهي تنزيه؛ ولا يمتنع جمعهما في النهي وإن اختلف معناه؛ وسبب النهي عن بيت المقدس كونه كان قبلة، فبقيت له حرمة الكعبة؛ وقد اختار الخطابي هذا التأويل. فإن قيل: لم حملتموه في بيت المقدس على التنزيه؟ قلنا: للإجماع، فلا نعلم من يعتد به حَرَّمه. والله أعلم" (Al-Majmû', 3/17-18).
"وقال قتادة: كان الناس يتوجهون إلى أي جهة شاؤوا، بقوله: {ولله المشرق والمغرب}. ثم أمرهم باستقبال بيت المقدس" (Zâd ul-massîr). On peut traduire et développer ce propos de Qatâda ainsi :
--- Au début de l'islam, il n'y avait pas obligation de se tourner vers une Qibla : chacun prenait la direction qu'il voulait pour se prosterner devant Dieu (sauf qu'il ne fallait bien sûr pas se prosterner devant une statue ou chose semblable). [Bien sûr, quand ils se trouvaient devant la Kaaba, les musulmans se tournaient naturellement vers elle, mais cela n'était pas obligatoire. D'ailleurs, se trouvant ailleurs que devant la Kaaba, le Prophète - sur lui soit la paix - se tournait parfois vers Bayt ul-Maqdis : nous y reviendrons plus bas. Et, d'autres fois, il prenait la direction qu'il voulait pour accomplir la prière rituelle.]
--- Puis, [lorsque le Prophète (sur lui soit la paix) émigra à Yathrib (Médine)] : soit ordre lui fut donné de la part de Dieu (wah'y ghayr matlû) de prendre Bayt ul-Maqdis comme Qibla ; soit ijtihâd lui-même il fit, et il pensa qu'il y avait maintenant plus de Maslaha à se tourner vers Bayt ul-Maqdis ; il ordonna donc à tous ses Compagnons de suivre ce qu'il avait pensé suite à son ijtihâd (Shâh Waliyyullâh est d'avis que ce fut un ijtihâd de sa part : Hujjat ullâh il-bâligha, 1/356-357 ; 1/550-551).
--- Enfin, 17 mois plus tard, et alors que le Prophète lui-même le désirait, ordre lui fut donné par Dieu de prendre la Kaaba comme Qibla : "قَدْ نَرَى تَقَلُّبَ وَجْهِكَ فِي السَّمَاء فَلَنُوَلِّيَنَّكَ قِبْلَةً تَرْضَاهَا فَوَلِّ وَجْهَكَ شَطْرَ الْمَسْجِدِ الْحَرَامِ وَحَيْثُ مَا كُنتُمْ فَوَلُّواْ وُجُوِهَكُمْ شَطْرَهُ"(Coran 2/144). "وَمَا جَعَلْنَا الْقِبْلَةَ الَّتِي كُنتَ عَلَيْهَا إِلاَّ لِنَعْلَمَ مَن يَتَّبِعُ الرَّسُولَ مِمَّن يَنقَلِبُ عَلَى عَقِبَيْهِ وَإِن كَانَتْ لَكَبِيرَةً إِلاَّ عَلَى الَّذِينَ هَدَى اللّهُ وَمَا كَانَ اللّهُ لِيُضِيعَ إِيمَانَكُمْ إِنَّ اللّهَ بِالنَّاسِ لَرَؤُوفٌ رَّحِيمٌ" (Coran 2/143) : ici, "cela a été difficile sauf sur celui que Dieu a guidé" désigne soit le fait d'avoir dû prendre Bayt ul-Maqdis comme Qibla après l'émigration à Médine (dans le cas d'une révélation, wah'y ghayr matlû) ; soit le fait d'avoir dû changer de Qibla, passant de Bayt ul-Maqdis à la Kaaba (les deux interprétations sont relatées in Zâd ul-massîr ; At-Tabarî a retenu la seconde interprétation, et Jalâl ud-dîn a un commentaire qui la rejoint).
C'est dans les 3 années ayant précédé l'émigration du Prophète dans leur ville qu'il y eut des habitants de Yathrib (Médine) qui se convertirent à l'islam. Et il est rapporté que, pendant ces 3 années, alors même que le Prophète n'avait pas encore émigré dans leur ville, ces musulmans-là prenaient Bayt ul-Maqdis comme Qibla : "عن سعيد بن المسيب: أن الأنصار صلت القبلة الأولى قبل قدوم النبي صلى الله عليه وسلم بثلاث حجج، وأن النبي صلى الله عليه وسلم صلى القبلة الأولى بعد قدومه المدينة ستة عشر شهرا" (at-Tabarî, Tafsîr, 2157). "قال ابن جريج: صلى رسول الله صلى الله عليه وسلم أول ما صلى إلى الكعبة، ثم صرف إلى بيت المقدس. فصلت الأنصار نحو بيت المقدس قبل قدومه ثلاث حجج: وصلى بعد قدومه ستة عشر شهرا، ثم ولاه الله جل ثناؤه إلى الكعبة" (at-Tabarî, Tafsîr, 2161). "عن قتادة قوله: {سيقول السفهاء من الناس ما ولاهم عن قبلتهم التي كانوا عليها}: قال: صلت الأنصار نحو بيت المقدس حولين قبل قدوم النبي صلى الله عليه وسلم المدينة، وصلى نبي الله صلى الله عليه وسلم بعد قدومه المدينة مهاجرا نحو بيت المقدس ستة عشر شهرا. ثم وجهه الله بعد ذلك إلى الكعبة البيت الحرام. فقال في ذلك قائلون من الناس: "ما ولاهم عن قبلتهم التي كانوا عليها؟ لقد اشتاق الرجل إلى مولده!" فقال الله عز وجل: {قل لله المشرق والمغرب يهدي من يشاء إلى صراط مستقيم" (at-Tabarî, Tafsîr, 2163).
Et les 13 années qu'il passa en tant que prophète à La Mecque, quelle Qibla le Prophète y prenait-il ?
Je suis la relation qui dit qu'il prenait alors naturellement la Kaaba comme Qibla ; et, plus précisément encore, l'interprétation qui dit qu'il n'y avait pas que, se trouvant devant la Kaaba, il la visait comme Qibla ainsi que Bayt ul-Maqdis (A.2) ; non, il visait (A.2) la Kaaba sans viser aussi Bayt ul-Maqdis (interprétation citée mais non retenue in Fat'h ul-barî, 1/129, 1/131, par contre retenue in Dars-é Tirmidhî, 2/119).
Le fait est qu'il est relaté de lui qu'il a effectué la prière étant tourné vers la face de la Kaaba où se trouve la Porte de celle-ci (FB 1/131) ; or il s'agit de la face orientale de la Kaaba, orientée plus précisément "est-nord-est" ; ce qui fait que le Prophète se trouvait alors dans la direction ouest-sud-ouest, ce qui n'est absolument pas, pour quelqu'un qui se trouve à La Mecque, la direction de Bayt ul-Maqdis (pour être tourné vers la Kaaba en même temps que vers Bayt ul-Maqdis, il faut se tourner vers la face sud-sud-est de la Kaaba : la face située entre le Rukn Yamânî et le Rukn ul-Hajar).
Cela n'empêche pas que, pendant que le Prophète vivait encore à la Mecque, occasionnellement il prenait Bayt ul-Maqdis comme Qibla (A.2) : il ne faisait ainsi qu'occasionnellement, et encore, uniquement lorsqu'il se trouvait, à La Mecque ou dans le Haram, ailleurs que devant la Kaaba : comme nous l'avons vu plus haut, il n'y avait alors pas encore d'impératif sur le sujet. C'est ainsi que je comprends cette relation de Ibn Abbâs : "حدثنا يحيى بن حماد، حدثنا أبو عوانة، عن الأعمش، عن مجاهد، عن ابن عباس قال: "كان رسول الله صلى الله عليه وسلم يصلي وهو بمكة نحو بيت المقدس، والكعبة بين يديه؛ وبعد ما هاجر إلى المدينة ستة عشر شهرا. ثم صرف إلى الكعبة" (Ahmad, 2991) quand on la couple avec cette autre relation du même Ibn Abbâs : "عن ابن جريج، عن عطاء، عن ابن عباس، رضي الله عنهما قال: "أول ما نسخ من القرآن فيما ذكر لنا شأن القبلة، قال الله: {ولله المشرق والمغرب فأينما تولوا فثم وجه الله} فاستقبل رسول الله صلى الله عليه وسلم فصلى نحو بيت المقدس، وترك البيت العتيق، فقال الله تعالى: {سيقول السفهاء من الناس ما ولاهم عن قبلتهم التي كانوا عليها} يعنون بيت المقدس. فنسختها، وصرفه الله إلى البيت العتيق، فقال الله تعالى: {ومن حيث خرجت فول وجهك شطر المسجد الحرام وحيث ما كنتم فولوا وجوهكم شطره" (al-Hâkim, Al-Mustad'rak, 3060) :
--- cette dernière relation évoque le fait que, arrivé à Médine, le Prophète prit systématiquement Bayt ul-Maqdis comme Qibla (A.2), et c'est cela qui fit qu'il délaissa complètement le fait de se tourner vers la Kaaba ("وترك البيت العتيق") ;
--- dès lors, par parallélisme, la première relation évoque seulement le fait que, alors qu'il vivait à la Mecque, occasionnellement le Prophète prenait Bayt ul-Maqdis comme Qibla (A.2). Quant à : "والكعبة بين يديه", cela signifie seulement : "bien que se trouvant alors à La Mecque ou dans le Haram, dans les parages de la Kaaba" (et non pas qu'il visait - A.2 - les deux en même temps, puisque, comme nous l'avons vu plus haut, il est relaté qu'il a prié tourné vers la face orientale de la Kaaba) (oui, il a pu arriver qu'il prie tourné vers la face sud de la Kaaba, ce qui fait qu'il se trouvait aussi dans la direction de Bayt ul-Maqdis ; cependant, il était alors dans le cas A.2 vis-à-vis de la Kaaba, et dans le cas B.2 vis-à-vis de Bayt ul-Maqdis).
La Kaaba et Bayt ul-Maqdis sont toutes deux Qiblat ullâh, comme nous l'avons vu. Quand il y eut le choix, prendre celle des deux que l'on voulait comme Qibla était un bien. Quand il y eut l'impératif de prendre Bayt ul-maqdis comme Qibla, délaisser celle-ci et prendre volontairement la Kaaba comme Qibla fut une action mauvaise, non pas en soi, mais à cause de l'impératif. Enfin, quand ordre fut donné de prendre la Kaaba comme Qibla, délaisser celle-ci et prendre volontairement la direction de Bayt ul-maqdis devint une action mauvaise, non pas en soi mais à cause de cet ordre. Ibn Taymiyya écrit : "ما أمر به ونهي عنه صار متصفًا بحسن اكتسبه من الأمر، وقبح اكتسبه من النهي، كــ(...) الصلاة إلى الصخرة: التي كانت حسنة؛ فلما نهي عنها، صارت قبيحة. فإن ما أمر به يحبه ويرضاه، وما نهي عنه يبغضه ويسخطه. وهو إذا أحب عبدًا ووالاه، أعطاه من الصفات الحسنة ما يمتاز بها على من أبغضه وعاداه. وكذلك المكان والزمان الذي يحبه ويعظمه كالكعبة وشهر رمضان يخصه بصفات يميزه بها على ما سواه، بحيث يحصل في ذلك الزمان والمكان من رحمته وإحسانه ونعمته ما لا يحصل في غيره" (MF 17/201).
Ce cas relève de la catégorie numérotée "2.2" dans mon article exposant les cas de figure de ce que la révélation institue de normes.
Cependant, dans cette sous-catégorie 2.2, la révélation instaure (inshâ') le caractère "Hassan" ou "Qabîh" de l'acte, mais, en même temps, cela se fonde sur la présence d'une plus grande Maslaha ou Mafsada, ce qui fait que la révélation montre (kashf) également ce caractère.
Ainsi, pour reprendre l'exemple du changement de la Qibla, parallèlement au fait qu'il s'est agi de se conformer aux différents ordres de Dieu (soit l'aspect inshâ'), il y a également eu une Maslaha (soit l'aspect kashf) :
--- lorsque le Prophète venait de s'installer à Médine, il y a eu temporairement une plus grande Maslaha dans le fait de prendre Bayt ul-maqdis comme Qibla (la Mafsada de ne pas prendre la Kaaba comme Qibla étant alors dépassée par la Maslaha de prendre Bayt ul-maqdis comme telle) ;
--- ensuite, quelques 16 ou 17 mois plus tard, la Maslaha venant d'être mentionnée ayant cessé, il ne resta plus que la Maslaha originelle de prendre la Kaaba comme Qibla (cf. Tafsîr ul-Qurtubî, 2/102, Hujjat ullâh il-bâligha 1/550-551).
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L'ordre de changement de Qibla (en l'an 2 de l'hégire) descendit du Ciel alors que le Prophète (sur lui soit la paix) était en train d'accomplir la prière de zuhr dans la mosquée des Banû Salima ; il avait alors déjà accompli 2 cycles de cette prière de zuhr, et il changea de direction pendant la prière même (c'est ce qui valut à cette mosquée le surnom de "Masjib ul-Qib'latayn" : "la mosquée aux deux Qib'la").
Ce fut la prière suivante, celle de 'asr, qui fut la première prière qu'il ait accomplie entièrement tourné vers la Kaaba : cela eut lieu dans sa mosquée (al-Masjid un-Nabawî). Or, quelqu'un ayant accompli cette prière de 'asr sous sa direction passa près d'une autre mosquée, celle des Banû Hâritha, et, voyant ses gens accomplir cette prière de 'asr tournés vers Bayt ul-maqdis, leur donna l'information : "Je témoigne par Dieu avoir accompli la prière en compagnie du Messager de Dieu - que Dieu l'élève et le salue - vers La Mecque" : "عن البراء بن عازب أن النبي صلى الله عليه وسلم كان أول ما قدم المدينة نزل على أجداده، أو قال: أخواله من الأنصار، وأنه صلى قبل بيت المقدس ستة عشر شهرا أو سبعة عشر شهرا. وكان يعجبه أن تكون قبلته قبل البيت، وأنه صلى أول صلاة صلاها صلاة العصر، وصلى معه قوم فخرج رجل ممن صلى معه، فمر على أهل مسجد وهم راكعون، فقال: "أشهد بالله لقد صليت مع رسول الله صلى الله عليه وسلم قبل مكة"، فداروا كما هم قبل البيت. وكانت اليهود قد أعجبهم إذ كان يصلي قبل بيت المقدس، وأهل الكتاب؛ فلما ولى وجهه قبل البيت، أنكروا ذلك" (al-Bukhârî, 40, Muslim, 525 ; FB 1/655-656). De même, dans la nuit ayant suivi cette après-midi-là, la même information fut transmise aux gens de la mosquée de Qubâ' par un (autre) homme, pendant qu'ils étaient en train d'accomplir la prière de fajr : "Du Coran est descendu sur le Messager de Dieu, et il lui a été ordonné de se tourner vers la Kaaba. Prenez-en donc la direction !" : "عن عبد الله بن عمر، قال: بينا الناس بقباء في صلاة الصبح، إذ جاءهم آت، فقال: "إن رسول الله صلى الله عليه وسلم قد أنزل عليه الليلة قرآن، وقد أمر أن يستقبل الكعبة، فاستقبلوها"، وكانت وجوههم إلى الشأم، فاستداروا إلى الكعبة" (al-Bukhârî, 395, Muslim, 526).
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Cas B) Différent de tout ce que nous venons de voir ("viser quelque chose par sa prosternation" – "A.2" –, "afin que cela soit la direction d'un être non-visible" – "A.1" –), est le fait de "se prosterner face à quelque chose qu'on ne vise même pas par sa prosternation" – "B" – (السجود إلى شيء بغير قصد التوجه إليه، بل قصد السجود لـشيء آخر) :
Quand, pendant que l'homme accomplit la prière rituelle, il se trouve face à quelque chose qu'il ne vise pas (B) et qu'il n'a même pas délibérément placé dans la direction de sa prosternation (B.2) :
--- Si cette chose n'est pas visible et se trouve très loin devant lui, alors même si elle se trouve entre lui et la Qibla, cela ne gêne pas.
--- Par contre, si cette chose est visible du prieur, alors elle ne doit pas être une tombe ou autre chose à quoi des gens rendent le culte ; elle ne doit pas non plus être une statue ou une image.
C'est ce cas de figure qui est concerné par ce hadîth du Prophète (sur lui la paix) : "عن واثلة بن الأسقع، عن أبي مرثد الغنوي، قال: سمعت رسول الله صلى الله عليه وسلم يقول: "لا تصلوا إلى القبور، ولا تجلسوا عليها" : "N'accomplissez pas la prière rituelle en vous trouvant dans la direction des tombes (...)" (Muslim, 972).
Alî al-Qârî a écrit :
--- c'est le fait d'avoir bien l'intention d'adresser la prosternation à Dieu (A.1) et de prendre pour ce faire la direction de la Kaaba (A.2), mais de se trouver dans une situation telle qu'une tombe se trouve entre soi et la Qibla (B.2), c'est cela qui est visé par ce Hadîth : et cela est Mak'rûh Tahrîmî ;
--- car si quelqu'un a l'intention d'adresser la prosternation au défunt qui est enterré là (A.1), alors c'est un acte de Kufr Akbar : "ولو كان هذا التعظيم حقيقة للقبر أو لصاحبه لكفر المعظم. فالتشبه به مكروه؛ وينبغي أن تكون كراهة تحريم. وفي معناه بل أولى منه: الجنازة الموضوعة؛ وهو مما ابتلي به أهل مكة حيث يضعون الجنازة عند الكعبة ثم يستقبلون إليها" (Mirqât ul-mafâtîh, commentaire de 1698).
Quant à la mosquée de Médine, elle n'est pas bâtie sur la tombe du Prophète (que Dieu l'élève et le salue). La noble tombe se trouve dans l'appartement de Aïcha, lequel était distinct de la mosquée de son vivant et dans les temps ayant suivi son décès. Mais au fil du temps et du besoin d'agrandissement de la mosquée, celle-ci en vint à déborder et s'élargir dans les 3 directions autre que la Qibla. A l'époque du califat de al-Walîd ibn Abd il-Malik, celui-ci acheta les appartements des épouses du Prophète pour les incorporer à la Mosquée. Cependant, pour que celui qui prie dans la partie de la mosquée se trouvant derrière l'appartement du Prophète (et donc sa tombe) ne se trouve pas "priant dans la direction de la tombe bénie", les bâtisseurs prirent soin de construire un mur (de surcroît de forme triangulaire) marquant une séparation [autant visuelle qu'effective] entre le prieur et la Tombe (FB 3/256 ; 3/326). Voir Sahîh ul-Bukhârî, 1326, où est relaté un événement s'étant produit à ce moment-là.
Certes, avant la Conquête de La Mecque, il y avait autour de la Kaaba 360 idoles, que les Polythéistes de la tribu Quraysh avaient placées là : "عن عبد الله رضي الله عنه، قال: دخل النبي صلى الله عليه وسلم مكة يوم الفتح، وحول البيت ستون وثلاث مائة نصب فجعل يطعنها بعود في يده، ويقول: "جاء الحق وزهق الباطل، جاء الحق وما يبدئ الباطل وما يعيد" (al-Bukhârî 4036). "عن ابن مسعود، قال: دخل رسول الله صلى الله عليه وسلم مكة عام الفتح وحول الكعبة ثلاث مائة وستون نصبا، فجعل النبي صلى الله عليه وسلم يطعنها بمخصرة في يده - وربما قال بعود - ويقول: "{جاء الحق وزهق الباطل إن الباطل كان زهوقا جاء الحق وما يبدئ الباطل وما يعيد}" (at-Tirmidhî, 3138).
Cependant, nulle part il n'a été relaté que les Quraysh auraient placé ces idoles accolées à la Kaaba. Apparemment elles se trouvaient, tout au contraire, disposées en cercle autour de la Kaaba, mais placées à une certaine distance de celle-ci. De sorte que celui qui faisait tawâf marchait entre la Kaaba et le cercle que les idoles formaient un peu plus loin ; et celui qui se prosternait vers la Kaaba (A.2) n'était alors pas tourné (B.2) vers ces idoles. Lors de la Conquête de La Mecque en l'an 8 de l'hégire, le Prophète (sur lui soit la paix) brisa ces idoles une par une. Par contre je ne sais pas (لا أدري) si, alors, le Prophète a brisé ces idoles avant de débuter le tawâf, ou bien pendant qu'il faisait le tawâf.
Certes, à l'intérieur de la Kaaba les Polythéistes avaient également placé des images :
--- il y avait là une sculpture de Abraham et de Ismaël consultant des flèches divinatoires ("عن ابن عباس رضي الله عنهما، أن النبي صلى الله عليه وسلم لما رأى الصور في البيت، لم يدخل حتى أمر بها فمحيت؛ ورأى إبراهيم وإسماعيل عليهما السلام بأيديهما الأزلام، فقال "قاتلهم الله، والله إن استقسما بالأزلام قط" : al-Bukhârî, 1524) ;
--- il y avait aussi une représentation de Marie ("عن ابن عباس رضي الله عنهما، قال: دخل النبي صلى الله عليه وسلم البيت، فوجد فيه صورة إبراهيم، وصورة مريم، فقال: "أما لهم، فقد سمعوا أن الملائكة لا تدخل بيتا فيه صورة! هذا إبراهيم مصور، فما له يستقسم" : al-Bukhârî, 3173) tenant dans son giron Jésus (il s'agissait en fait d'une peinture, réalisée sur un des piliers intérieurs de la Kaaba : Fat'h ul-bârî 8/22) ;
--- il s'y trouvait aussi une sculpture de colombe en bois : le Prophète la brisa lui-même (Sîrat Ibn Hishâm, 4/50) ;
("وكانت تماثيل على صور شتى؛ فامتنع النبي صلى الله عليه وسلم من دخول البيت وهي فيه، لأنه لا يقر على باطل، ولأنه لا يحب فراق الملائكة وهي لا تدخل ما فيه صورة" : Fat'h ul-bârî 3) ("عن جابر أن النبي صلى الله عليه وسلم أمر عمر بن الخطاب رضي الله عنه زمن الفتح وهو بالبطحاء أن يأتي الكعبة فيمحو كل صورة فيها؛ فلم يدخلها النبي صلى الله عليه وسلم حتى محيت كل صورة فيها" : Abû Dâoûd, 4156).
Mais d'une part ce n'étaient pas des idoles, mais de simples représentations de ces personnages et de cet oiseau ; d'autre part elles n'étaient pas visibles depuis l'extérieur, le mur de la Kaaba faisant barrière entre le prieur et elles.
De même, si on s'est rendu dans un lieu de culte non-musulman par hâja, on fera comme Ibn Abbâs faisait : on n'accomplira pas la prière dans un lieu de culte non-musulman où se trouvent des portraits ou des statues (voir Sahîh ul-Bukhârî, bâb us-salât fi-l-bî'ah ; voir Fat'h ul-bârî, 1/688).
--- L'école hanafite dit que ce qui est le plus mak'rûh tahrîmî c'est de prier alors que cette image se trouve entre soi et la qibla. Cependant, est aussi mak'rûh tahrîmî d'accomplir la prière dans un lieu où se trouve le portrait d'un être animé, dès lors que ce portrait ne traîne pas mais est posé ou suspendu, même s'il se trouve dans la direction opposée à celle dans laquelle on prie. C'est seulement si le portrait est foulé ou traîne, accomplir la prière dans le lieu ne pose pas de problème, sauf s'il se trouve à l'endroit exact où l'on se prosterne (Al-Hidâya, Radd ul-muhtâr, etc.). "وفي البحر قالوا: وأشدها كراهة ما يكون على القبلة أمام المصلي، ثم ما يكون فوق رأسه، ثم ما يكون عن يمينه ويساره على الحائط، ثم ما يكون خلفه على الحائط أو الستر. اهـ" (Radd ul-muhtâr).
--- Un avis de certains hanbalites déclare autorisé d'effectuer la prière rituelle dans un tel lieu : "وسئل رحمه الله: هل الصلاة في البيع والكنائس جائزة مع وجود الصور أم لا؟ وهل يقال إنها بيوت الله أم لا؟ فأجاب: ليست بيوت الله وإنما بيوت الله المساجد: بل هي بيوت يكفر فيها بالله وإن كان قد يذكر فيها فالبيوت بمنزلة أهلها وأهلها كفار فهي بيوت عبادة الكفار. وأما ففيها ثلاثة أقوال لعلماء في مذهب أحمد وغيره: المنع مطلقا وهو قول مالك. والإذن مطلقا وهو قول بعض أصحاب أحمد. والثالث، وهو الصحيح المأثور عن عمر بن الخطاب وغيره وهو منصوص عن أحمد وغيره: أنه إن كان فيها صور لم يصل فيها لأن الملائكة لا تدخل بيتا فيه صورة ولأن النبي صلى الله عليه وسلم لم يدخل الكعبة حتى محي ما فيها من الصور وكذلك قال عمر: إنا كنا لا ندخل كنائسهم والصور فيها. وهي بمنزلة المسجد المبني على القبر ففي الصحيحين أنه ذكر للنبي صلى الله عليه وسلم كنيسة بأرض الحبشة وما فيها من الحسن والتصاوير فقال: "أولئك إذا مات فيهم الرجل الصالح بنوا على قبره مسجدا وصوروا فيه تلك التصاوير أولئك شرار الخلق عند الله يوم القيامة". وأما إذا لم يكن فيها صور فقد صلى الصحابة في الكنيسة والله أعلم" (MF 22/162-163, Ibn Taymiyya). Il suffirait alors que l'image ne soit pas entre soi et la Qibla ; et si c'est le cas, alors il serait nécessaire de placer une sut'ra entre soi et cette image.
Il y a ensuite le fait d'accomplir la prière rituelle dans une pièce (non-consacrée au culte non-musulman) dans laquelle se trouve une image.
--- L'avis suscité de l'école hanafite (déclarant cela mak'rûh tahrîmî) ainsi que l'avis (également suscité) de certains hanbalites (déclarant cela autorisé) sont présents ici aussi.
--- Mais, différemment du cas du lieu de culte, ici, l'école hanbalite déclare mak'rûh d'accomplir la prière dans ce lieu si l'image se trouve dans la direction de la Qibla ; et pas si elle ne se trouve pas dans la direction de la Qibla.
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Ensuite il y a le cas de ce que, pendant que l'homme accomplit la prière rituelle, il ne vise pas (B) par sa prosternation mais qu'il a placé délibérément dans la direction de sa prosternation (B.1) :
C'est le cas de la sut'ra.
"عن ابن عمر أن النبي صلى الله عليه وسلم كان يصلي إلى راحلته" (Muslim 502, al-Bukhârî 485).
"عن عون بن أبي جحيفة، عن أبيه، قال: رأيت رسول الله صلى الله عليه وسلم في قبة حمراء من أدم، ورأيت بلالا أخذ وضوء رسول الله صلى الله عليه وسلم، ورأيت الناس يبتدرون ذاك الوضوء، فمن أصاب منه شيئا تمسح به، ومن لم يصب منه شيئا أخذ من بلل يد صاحبه، ثم رأيت بلالا أخذ عنزة، فركزها وخرج النبي صلى الله عليه وسلم في حلة حمراء، مشمرا صلى إلى العنزة بالناس ركعتين، ورأيت الناس والدواب يمرون من بين يدي العنزة" (al-Bukhârî 369, Muslim 503).
La sut'ra sert à séparer le prieur d'une chose qui se trouve (ou qui passe) devant lui.
Pourtant, la sut'ra aussi se trouve devant le prieur, tout comme l'autre chose en question se trouve devant lui (ou passe devant lui).
Mais en fait, la sut'ra est (et doit être) quelque chose de "neutre", alors que l'autre chose en question est une chose qui est à même :
--- soit (parce que d'autres humains lui rendent un culte) de faire ressembler (tashabbuh) le prieur à ces humains qui adorent cet autre que Dieu (sadd udh-dharî'a) ;
--- soit de déconcentrer le prieur (quand il s'agit d'êtres vivants qui passent devant lui).
C'est pourquoi :
--- si une tombe, ou une image se trouve dans l'espace entre lui et la Qibla (B.2), le prieur a l'obligation de placer une sut'ra (B.1) entre lui et cette chose ;
--- si des gens ou des animaux passent (murûr) dans l'espace entre lui et la Qibla (B.2), il est recommandé au prieur de placer une sut'ra (B.1) devant lui ; et si ces gens n'ont pas un autre passage, il est obligatoire au prieur de placer une sut'ra devant lui (FB 1/757-758) ;
--- si seul un espace désert se trouve face à lui (B.2), alors le prieur n'est pas dans l'obligation ni même (d'après un avis) la recommandation de placer devant lui une sut'ra : "عن ابن عباس أن رسول الله صلى الله عليه وسلم صلى في فضاء ليس بين يديه شيء" (Ahmad, 1965).
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Quand, parce que l'homme accomplit la prière rituelle, il vise (A.2) la Kaaba :
--- s'il est si proche qu'il peut la voir de ses yeux, alors il doit se diriger exactement vers son édifice ;
--- par contre, s'il est trop éloigné pour pouvoir la voir, il doit prendre sa direction. Dans ce cas, même si un mur se trouve entre lui et elle, cela n'empêche pas qu'il soit bel et bien "dans sa direction", car l'intention est bien de la "viser".
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Ensuite il y a le fait que l'homme ne doit pas faire ses besoins naturels, ni cracher, dans la direction de la Qibla :
Faire ses besoins naturels en étant dans la direction de la Qibla :
--- d'après de nombreux mujtahidûn (Ibn Omar, les malikites, les shafi'ites, et l'avis le plus répandu chez les hanbalites) : si un mur se trouve entre l'homme et la Qibla, faire ses besoins en se trouvant dans cette direction ne gêne pas, vu que, ici, l'homme ne vise pas la Kaaba : il se trouve donc dans un cas similaire au cas B du prieur par rapport à la tombe : dès lors, il suffit qu'il y ait une sut'ra devant lui pour qu'il ne soit pas considéré comme "étant dans la direction de la Kaaba". An-Nawawî relate que s'il s'agit d'une pièce conçue pour être "lieu d'aisance", alors il n'y a pas d'obligation de distance maximale entre soi et le mur ; par contre, si on se trouve ailleurs qu'en pareille pièce, il ne faut pas que ce qui s'interpose entre soi et la Qibla soit distant de soi de plus de 3 coudées : il faut que cela soit immédiatement devant soi (Al-Maj'mû', 3/16) ;
--- d'après d'autres mujtahidûn (l'avis retenu chez les hanafites, Ibn Taymiyya) : c'est même lorsqu'un mur se trouve entre l'homme et la Qibla qu'il ne doit pas être dans cette direction quand il fait ses besoins naturels : le fait est que le mur ne peut pas servir ici de sut'ra, vu que la sut'ra sert à éviter à l'homme de se retrouver face à quelque chose d'immédiat et qui serait problématique pour ce qu'il fait (comme une tombe pendant qu'il prie) (alors que s'il était éloigné de cette tombe, il n'y aurait pas la nécessité d'une sut'ra) ; tandis qu'ici l'homme se trouve dans une direction qui est recherchée même quand il est éloigné de l'objectif (la Kaaba) ; dès lors, même si entre lui et elle se trouve un mur, l'homme est bel et bien dans la direction de la Qibla ;
--- d'après un avis présent chez les hanafites : c'est seulement quand il urine qu'il ne doit pas être dans la direction de la Qibla, et ce parce que l'impureté se trouve alors naturellement projetée dans la direction de la Kaaba (par contre, être tourné le dos à la Qibla n'est pas interdit quand on fait ses besoins) : "فصل: ويكره استقبال القبلة بالفرج في الخلاء لأنه - عليه الصلاة والسلام - نهى عن ذلك. والاستدبار يكره في رواية لما فيه من ترك التعظيم، ولا يكره في رواية لأن المستدبر فرجه غير مواز للقبلة، وما ينحط منه ينحط إلى الأرض؛ بخلاف المستقبل، لأن فرجه مواز لها، وما ينحط منه ينحط إليها" (Al-Hidâya, 1/122-124) ; "وإنما قيد بالخلاء - وإن كان في الصحراء كذلك - لما فيه خلاف الشافعي" (Al-'Inâya).
Ibn Hajar a synthétisé les 'illa qui sont à la base de ces positions en ces termes : "والظاهر من قوله "ببول" اختصاص النهي بخروج الخارج من العورة، ويكون مثاره إكرام القبلة عن المواجهة بالنجاسة؛ ويؤيده قوله في حديث جابر "إذا هرقنا الماء". وقيل: مثار النهي كشف العورة؛ وعلى هذا فيطرد في كل حالة تكشف فيها العورة، كالوطء مثلا، وقد نقله بن شاش المالكي قولا في مذهبهم؛ وكأن قائله تمسك برواية في الموطأ "لا تستقبلوا القبلة بفروجكم"؛ ولكنها محمولة على المعنى الأول أي حال قضاء الحاجة جمعا بين الروايتين. والله أعلم" (FB 1/324). La première 'illa qu'il a citée se marie avec le troisième avis sus-cité. Quant au second et au premier avis, ils se marieraient plutôt avec la 'illa suivante : "إكرام القبلة عن مواجهتها بالبدن وقت خروج النجاسة منه". An-Nawawî relate que chez les shafi'ites et les hanafites, c'est bien le moment où on fait ses besoins qui est concerné par cette règle, et pas le moment où, après ses besoins, on procède à sa purification (istinjâ'), ni le moment des relations intimes (Al-Majmû', 3/17).
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Cracher dans la direction de la Kaaba :
Cela est, d'après l'une des interprétations des hadîths sur le sujet (c'est l'interprétation à laquelle Ibn Hajar, as-San'ânî et al-Albânî adhèrent), systématiquement interdit (que l'on soit alors en train d'effectuer la prière rituelle ou pas, et que l'on soit à l'intérieur de la mosquée ou à l'extérieur) ; car cela constitue de l'irrespect vis-à-vis de la Kaaba.
Est-ce que ce hukm (l'interdiction) sera exportable à une autre action liée au même objet ("تعدية الحكم الشرعي (الحرمة) من الفعل المحكوم عليه إلى فعل آخر، متعلقٍ بنفس الموضوع"), par exemple au fait d'allonger ses pieds dans la direction de la Qibla ? Oui si cette autre action est considérée comme renfermant elle aussi cette 'illa (qui a motivé l'interdiction de cracher dans la direction de la Kaaba) (cette 'illa est : l'irrespect). Sinon, non.
--- Certains juristes (parmi lesquels les Hanafites) ont procédé à l'analogie et ont donc interdit d'allonger ses pieds vers la Qibla (Fat'h ul-qadîr, 1/434, Al-Binâya).
--- D'autres juristes (parmi lesquels les Hanbalites) n'ont pas procédé à cette analogie (du moins quand on ne se trouve pas face à la Kaaba : Ibn Muflih), et ont fait valoir cela d'autant plus que, d'après les hanafites, le malade ne pouvant pas se tenir assis peut prier les pieds allongés dans la direction de la Kaaba : si cela était de l'irrespect, la prière n'aurait pas été possible dans cette posture.
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C'est en les termes suivants que Ibn Taymiyya distingue le cas A.1 (lequel englobe les sous-cas A.1.1 et A.1.2), le cas A.2 et le cas B (lequel englobe les sous-cas B.1 et B.2) :
"ثم يقال: السجود على ضربين: سجود عبادة محضة، وسجود تشريف" (MF 4/361).
"والجواب أن السجود كان لآدم بأمر الله وفرضه بإجماع من يسمع قوله.
ويدل على ذلك وجوه:
أحدها: قوله: "لآدم" ولم يقل: "إلى آدم"، وكل حرف له معنى؛ ومن التمييز في اللسان أن يقال: سجدت له وسجدت إليه؛ كما قال تعالى: {لا تسجدوا للشمس ولا للقمر واسجدوا لله الذي خلقهن إن كنتم إياه تعبدون} وقال {ولله يسجد من في السماوات والأرض}. وأجمع المسلمون على أن السجود لغير الله محرم؛ وأما الكعبة فقد كان النبي صلى الله عليه وسلم يصلي إلى بيت المقدس ثم صلى إلى الكعبة. وكان يصلي إلى عنزة ولا يقال لعنزة، وإلى عمود شجرة ولا يقال لعمود ولا لشجرة.
والساجد للشيء يخضع له بقلبه ويخشع له بفؤاده.
وأما الساجد إليه فإنما يولي وجهه وبدنه إليه ظاهرا كما يولي وجهه إلى بعض النواحي إذا أمه كما قال: {فول وجهك شطر المسجد الحرام وحيثما كنتم فولوا وجوهكم شطره}.
والثاني: أن آدم لو كان قبلة لم يمتنع إبليس من السجود أو يزعم أنه خير منه. فإن القبلة قد تكون أحجارا وليس في ذلك تفضيل لها على المصلين إليها. وقد يصلي الرجل إلى عنزة وبعير وإلى رجل ولا يتوهم أنه مفضل بذلك فمن أي شيء فر الشيطان؟ هذا هو العجب العجيب.
والثالث: أنه لو جعل آدم قبلة في سجدة واحدة لكانت القبلة وبيت المقدس أفضل منه بآلاف كثيرة إذ جعلت قبلة دائمة في جميع أنواع الصلوات" (MF 4/358-359).
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).